Prévalence de l’instabilité chronique de cheville chez des militaires parachutistes

L’entorse de la cheville est la pathologie musculosquelettique la plus fréquente dans la population physiquement active (jusqu’à 50% des blessures chez les sportifs) et se révèle courante dans la population générale avec environ une entorse de cheville pour 10.000 personne-jours dans les études (1–9). Il s’agit d’une pathologie encore plus fréquente dans la population militaire avec une prévalence cinq à huit fois plus élevée que dans la population civile (10,11) et une incidence de 45,14 à 58,4 entorses pour 1.000 personne-années (11–13). Une étude chez des militaires ayant une hyperlaxité constitutionnelle a montré que les entorses étaient favorisées par l’entraînement militaire et sportif (14).

Sa prise en charge précoce et un traitement adapté permettent en général une bonne récupération avec un retour aux activités souhaitées en moins d’un mois (15– 17). Mais l’entorse de la cheville est souvent considérée comme une pathologie bénigne, notamment par les sportifs (7,8) qui la négligent. La moitié des personnes (55% pour les athlètes) ayant eu une entorse de cheville ne consultent pas de médecin et ne reçoivent pas le traitement adapté (18–20), s’exposant donc à des complications.

La principale complication possible après une entorse de cheville est l’instabilité chronique de cheville. Elle se définit par un antécédent d’au moins une entorse significative de la cheville avec, plus d’un an après, des entorses récidivantes, la répétition d’épisodes de « dérobement » de la cheville, des difficultés et une appréhension lors de la marche sur les surfaces inégales avec une diminution des capacités fonctionnelles de la cheville rapportée par le patient (2,5,21–25). En dehors des épisodes de dérobement et de la marche sur des surfaces inégales, la plupart des patients ne sont pas gênés au quotidien (2). La littérature permet de classifier l’instabilité chronique de la cheville en trois catégories (5,23,24,26–30) : mécanique (avec des anomalies anatomiques de la cheville le plus souvent relatives à une laxité ligamentaire), fonctionnelle (principalement liée à des anomalies de proprioception) et mixte [Annexe 2 : Paradigme des insuffisances mécaniques et fonctionnelles contribuant à l’instabilité chronique de la cheville, d’après Hertel (2002) (23)].

Les déficiences les plus communes dans l’instabilité chronique de cheville (et que l’on retrouve également après une entorse récente (21,31,32)) ont été divisées en quatre catégories : limitation des amplitudes articulaires, diminution de la force, altération du contrôle postural et modifications des stratégies de mouvement lors de l’exécution de tâches fonctionnelles (22) [Annexe 3 : Résumé et chronologie des déficiences en relation avec la blessure initiale et le processus naturel de guérison dans l’entorse aiguë de cheville et l’instabilité chronique de cheville. Partage des mêmes déficiences dans les deux pathologies (21)]. Elle est responsable d’une diminution de l’activité physique et de la qualité de vie avec une altération des capacités athlétiques (6,7,33,34). La réception après un saut est particulièrement perturbée (27,35). A long terme, via une augmentation du stress et un déséquilibre de la charge sur l’interligne articulaire médial, l’instabilité chronique de cheville peut être responsable d’une arthrose post traumatique de la cheville qui survient alors à un âge relativement jeune (7,34,36–39). En termes de santé publique, l’instabilité chronique de cheville représente une charge importante avec des coûts directs, qu’il faut combiner avec le coût de la gestion de la perte d’activité physique (par exemple les arrêts de travail) et des traitements des complications comme l’arthrose post traumatique .

20 à 74% des entorses se compliquent d’instabilité fonctionnelle ou mécanique se traduisant par une instabilité chronique de cheville dans la population générale (2,6,8,11,23,26,42–49). Dans la population militaire anglaise, la prévalence d’instabilité chronique de cheville est de 39% dans une étude ancienne de 1965 (26). A ce jour, il n’existe pas d’étude ayant estimé la prévalence de l’instabilité chronique de cheville dans la population militaire française. C’est pourquoi l’objectif principal de cette étude était d’estimer la prévalence de l’instabilité chronique de cheville dans une unité militaire particulièrement exposée. L’objectif secondaire de cette étude était de décrire la population ayant une instabilité chronique de cheville, afin d’avoir un aperçu des facteurs de risque et d’évoquer les moyens de prévention.

CRITERES D’EVALUATION 

Identification of Functional Ankle Instability 

Suite aux recommandations du Consortium International de la Cheville (46) nous avons utilisé un questionnaire validé portant spécifiquement sur l’instabilité de cheville avec un score seuil associé. Des trois questionnaires recommandés, nous avons choisi d’utiliser l’IdFAI (Identification of Functional Ankle Instability). Ce questionnaire est constitué de 10 items : le premier n’est pas coté et détermine le nombre d’entorses pour une même cheville (droite ou gauche), les autres items sont cotés de 0 à 5 et estiment par exemple la fréquence des sensations d’instabilité de la cheville dans les activités de la vie quotidienne ou le sport, ou la fréquence des dérobements de la cheville. Un score supérieur ou égal à 11 indique que le sujet est susceptible d’avoir une instabilité chronique de la cheville avec une précision de 89,6% (50). Le questionnaire IdFAI n’a pas encore été validé en français. Il a été traduit en français en 2017 pour notre étude par une traductrice du Conseil de l’Europe (Claude LEYMONIE) [Annexe 5 : Identification of Functional Ankle Instability].

French version of the Foot and Ankle Activity Measure 

Suite aux recommandations du Consortium International de la Cheville (46) nous avons utilisé un questionnaire général d’auto-évaluation de la fonctionnalité du pied et de la cheville en vue de décrire le niveau d’incapacité de la cohorte. Des deux questionnaires recommandés, nous avons choisi d’utiliser le FAAM (Foot and Ankle Activity Measure), qui est un questionnaire d’auto-évaluation rempli par le sujet permettant d’évaluer la fonction de sa cheville en donnant un pourcentage estimant sa capacité à accomplir les activités de la vie quotidienne et les activités sportives. Il est constitué de 21 items pour les activités de la vie quotidienne, et de 8 items pour les activités sportives. Les items pour la vie quotidienne permettent d’évaluer la capacité d’un sujet à effectuer des tâches quotidiennes comme se tenir debout ou monter des escaliers, tandis que les items sportifs évaluent des tâches plus difficiles qui sont essentielles dans le sport comme la course, le saut ou la réception. Les réponses sont cotées sur une échelle de cinq points (4 à 0) allant de « pas de difficulté » (coté 4 points) à « incapable de le faire » (coté 0). Le sujet peut également répondre « non applicable » si l’activité concernée est limitée par autre chose que la jambe, la cheville ou le pied. La somme de chaque item donne un score total de 0 à 84 pour les activités de la vie quotidienne et de 0 à 32 pour les activités sportives, qui est alors converti en pourcentage. Un score de 100% signifie qu’il n’y a pas de dysfonctionnement. (51) Le FAAM été validé en français en 2011 (52) et c’est donc cette échelle FAAM-F (French version of the FAAM) que nous avons utilisée dans notre étude [Annexe 4 : French version of the Foot and Ankle Activity Measure]. Le Consortium International de la Cheville (46) a défini comme valeurs seuils dans les critères d’inclusion pour de futures études < 90% de fonctionnalité pour les activités de la vie quotidienne et < 80% de fonctionnalité pour les activités sportives.

Autres informations
Afin d’avoir un complément d’information, les éléments suivants ont également été recueillis auprès des sujets :
– Le nombre de séances de kinésithérapie après la première entorse de cheville,
– Le nombre de jours avant la reprise du sport après la première entorse de cheville,
– Le type de sport pratiqué depuis la première entorse de cheville.

DEROULEMENT PRATIQUE DE L’ETUDE 

Mise en place 

Lors de leur visite médicale périodique (VMP) tous les militaires ayant un antécédent d’entorse de cheville recevaient une « pochette sujet » contenant une notice d’information et deux questionnaires. Ils avaient la possibilité de poser des questions au personnel médical et paramédical s’ils avaient besoin d’aide pour la compréhension des questions. Ils déposaient ensuite leur pochette dans un casier dédié après avoir rempli une « étiquette sujet » (correspondant à un numéro d’identification anonyme) et en gardant la notice d’information. Chaque sujet a été informé par oral et par écrit [Annexe 7 : notice d’information] de l’intérêt de la réalisation de cette étude et leur consentement a été recueilli [Annexe 8 : Consentement des sujets inclus].

Puis lors de la VMP, un interrogatoire était réalisé par l’un des médecins investigateurs qui avaient une « pochette investigateur » contenant une notice d’information et des questionnaires contenant les critères diagnostiques recommandés par le Consortium International de la Cheville ainsi que les « autres informations » mentionnées dans les critères d’évaluation. Une fois ces questionnaires complétés par les investigateurs grâce à l’interrogatoire, ils étaient déposés dans un deuxième casier avec la même « étiquette sujet » que les questionnaires remplis par les sujets.

En cas de diagnostic d’instabilité chronique de cheville, le médecin investigateur pouvait proposer la prise en charge adaptée au sujet selon les protocoles de l’Antenne Médicale.

Suivi et traitement des données

Tous les mois, les deux casiers (celui contenant les questionnaires FAAM et IdFAI remplis par les sujets ainsi que celui contenant les critères d’inclusion et d’exclusion et les « autres informations ») étaient vidés et assemblés grâce à « l’étiquette sujet » pour la saisie des données et l’interprétation des résultats. Les sujets considérés comme ayant une instabilité chronique de cheville étaient ceux ayant un score supérieur ou égal à 11 à l’IdFAI et ayant un antécédent d’au moins 1 entorse significative de la cheville avec, sur la cheville lésée, des antécédents de « dérobement » et/ou d’entorses à répétition (2 ou plus) et/ou de « sensations d’instabilité ».

ANALYSE STATISTIQUE 

Le faible effectif de l’étude ne permettait pas de garder les variables multinomiales en l’état pour les analyses multivariées. Elles ont été recodées en variables binaires. Les analyses ont été faites avec le logiciel R (53) (version 3.5.1). Le test exact de Fisher a été utilisé pour comparer les variables qualitatives et le Mann-Whitney pour les quantitatives. Les analyses multivariées ont été, dans un premier temps, effectuées par régression logistique afin d’expliquer les variables dépendantes. Cependant les modèles obtenus, en ascendant ou descendant, basés sur la p-value ou l’AIC (critère d’information d’Akaike), étaient insatisfaisants au niveau de la précision, de la sensibilité et de la spécificité.

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Table des matières

I Introduction
II Matériel et méthodes
II.1. Schéma d’étude
II.2. Population
II.3. Critères diagnostiques
II.4. Critères d’évaluation
II.4.a. Identification of Functional Ankle Instability
II.4.b. French version of the Foot and Ankle Activity Measure
II.4.c. Autres informations
II.5. Déroulement pratique de l’étude
II.5.a. Mise en place
II.5.b. Suivi et traitement des données
II.6. Analyse statistique
II.7. Aspects éthiques et réglementaires
III Résultats
III.1. Population
III.2. Estimation de la prévalence d’instabilité chronique de cheville dans une unité militaire particulièrement exposée
III.3. Déscription de la population ayant une instabilité chronique de cheville
IV Discussion
IV.1. Analyse des résultats
IV.2. Intéret de la rééducation
IV.3. Choix des questionnaires
IV.4. Limites et biais de l’étude
IV.5. Recherche future
V Conclusion
VI Bibliographie
VII Annexes

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