Présentation de la méthode ALE

Le procédé de laminage est depuis longtemps étudié, à l’aide de modèles analytiques, mais également de modèles éléments finis (EF). Les premières modélisations EF du laminage sont apparues au début des années 70 (premières méthodes stationnaires complètes début des années 80) et elles sont en constante amélioration. Aujourd’hui, on souhaite aller vers un traitement global et précis de la cage de laminage {tôle + cylindres} avec pour but l’étude des défauts géométriques, fondamentale pour le développement des produits laminés et pour répondre aux attentes industrielles. Après une présentation brève du procédé de laminage et des techniques utilisées pour le modéliser (paragraphe I.1), on discute de la possibilité d’utiliser des logiciels EF existants (Lam3, Forge3®) pour analyser une cage complète de laminage et prédire l’état du produit à la sortie de l’emprise (paragraphe I.2). La principale limite de ces logiciels est liée à la formulation utilisée. Le maillage peut être eulérien, i.e. fixe dans l’espace, ou lagrangien, i.e. se déplaçant avec la matière. Il apparaît utile de développer une formulation Arbitrairement Lagrangienne Eulérienne (ALE) qui combine les avantages de ces deux formulations (paragraphe I.3). Enfin sont exposés les objectifs de la thèse.

Le laminage de produits plats

Présentation du procédé

Le laminage de produits plats sert à produire des tôles destinées principalement au boîtage alimentaire, au bâtiment et au transport. Ce procédé consiste à réduire l’épaisseur de la tôle par passages successifs entre des cylindres en rotation [Montmitonnet02]. Les premières séries de réductions commencent à chaud afin d’atteindre facilement de fortes déformations du matériau et d’ajuster les propriétés métallurgiques du produit. Le passage à froid est ensuite nécessaire pour obtenir les caractéristiques géométriques et mécaniques adéquates, ainsi qu’un bon état de surface.

Sous les efforts de contact avec la tôle, les cylindres du laminoir se déforment élastiquement. Plusieurs mécanismes peuvent entrer en jeu :
• le cédage, i.e. l’écartement d’ensemble des cylindres à l’entrée de la tôle dans l’emprise ;
• la flexion des cylindres ;
• un aplatissement des sections droites du cylindre de travail au niveau des zones de contact ;
• la chute en rives, i.e. la diminution de l’espace entre les cylindres de travail en rives de la pièce.

A ces déformations purement mécaniques se superpose une déformation d’origine thermique, la dilatation thermique, qui conduit à une augmentation hétérogène du diamètre du cylindre le long de son axe. Elle est appelée bombé thermique. En dehors de bonnes propriétés mécaniques, la principale caractéristique demandée à la tôle laminée est une géométrie correcte. Le profil d’épaisseur transverse de la tôle en sortie d’emprise dépend de l’ensemble des déformations de la cage. L’entrefer n’est pas homogène sur toute la largeur de la table, il en est de même pour la réduction d’épaisseur. Différents défauts géométriques peuvent alors apparaître : des défauts de profil et de planéité (respectivement variations d’épaisseur dans le sens transverse et écart à la planéité de la surface moyenne de la tôle). Pour minimiser ces déformations ou corriger ces défauts, on peut recourir à des actionneurs de profil, en pratique des vérins d’équilibrage du cylindre de travail ou de cambrage des cylindres d’appui. Le pilotage de ces actionneurs n’est toutefois pas aisé. D’autres techniques de correction peuvent être utilisées : la translation des cylindres de travail (roll shifting) [Berger87], le refroidissement ou la lubrification différentielle, ou encore le désaxement des cylindres haut / bas (pair-cross)…

Modélisation du laminage des produits plats

La méthode éléments finis (EF) est depuis longtemps utilisée pour analyser le procédé de laminage de produits plats [Li82, Mori82]. Les techniques développées ont été conditionnées par plusieurs aspects caractéristiques du laminage. Les opérations de laminage sont très largement de régime permanent. Les champs thermiques et mécaniques restent constants pendant une grande partie de l’opération. Les autres défis soulevés par le laminage sont :
• une variation des échelles spatiales considérable : la zone de déformation est localisée sur quelques millimètres tandis que le système à considérer, la tôle, est long et large de plusieurs mètres. En outre, la tôle présente une faible épaisseur relativement à sa longueur et sa largeur. Ces importants rapports dimensionnels peuvent être difficiles à concilier avec le maillage [Montmitonnet06, Kainz07].
• la prise en compte de la déformation des cylindres : un modèle de laminage couplé, i.e. prenant en compte à la fois la déformation des outils et celle de la tôle, est indispensable afin de rationaliser le pilotage complexe de la cage et ainsi minimiser les défauts d’épaisseur.

Le fort caractère stationnaire du laminage et les échelles d’étude spatiales importantes posent la question de la description du mouvement de maillage. Il existe trois descriptions dans la littérature : eulérien, lagrangien et arbitrairement lagrangien eulérien (ALE). Afin de traiter le régime permanent, la formulation eulérienne paraît la plus appropriée [Lee89, Dvorkin93, Dixit96, Hacquin96, Kim00, Kainz02]. Dans cette formulation, le domaine de calcul est fixe. Cela permet de conserver précisément les raffinements locaux, par exemple dans la zone localisée de déformation [Abo Elkhier97]. La principale difficulté est alors de suivre la déformation des surfaces libres inconnues. Plusieurs techniques de calcul de surfaces libres existent [Montmitonnet06]. La plus couramment utilisée est la méthode des lignes de courant [Lee89, Yamada89, Hacquin96, Kim00, Kainz02] (voir paragraphe I.2.1). Elle est constituée d’un algorithme de correction des surfaces libres afin d’ajuster précisément la position des nœuds dans la zone de contact, en évitant particulièrement la pénétration de la tôle dans le cylindre. La définition des lignes de courant nécessite un maillage structuré [Hacquin96, Kim00]. Les éléments utilisés sont hexaédriques en 3D. Le maillage est généralement construit par propagation d’une section bidimensionnelle dans la direction de laminage. La résolution d’un problème défini dans un cadre eulérien repose le plus souvent sur une méthode itérative stationnaire [Yamada89, Hacquin96]. Dans cette méthode, toute discrétisation temporelle est éliminée, ce qui convient bien à la modélisation d’une opération de laminage. Si on néglige les extrémités, le régime de l’opération est permanent : un seul calcul est alors nécessaire à un instant quelconque, représentatif de toute l’opération (s’il n’y a pas de variables d’histoire). De plus, la méthode stationnaire conduit à de faibles temps de calcul. Une méthode incrémentale, i.e. comportant une discrétisation temporelle, est parfois adoptée avec un maillage eulérien [Dvorkin93, Abo-Elkhier97]. Dans une formulation lagrangienne, le maillage suit la matière : le suivi de l’évolution des surfaces libres est donc précis. Du fait du caractère instationnaire de cette formulation, une méthode de résolution de type incrémental est considérée comme la plus adéquate. La formulation lagrangienne est utilisée pour analyser les phénomènes élastiques [Liu85a, Liu85b, Gratacos91], et la prise en compte de l’élasticité requiert une résolution incrémentale. Les phénomènes modélisés sont, par exemple, le retour élastique en sortie d’emprise qui peut conduire à une augmentation de l’épaisseur ou les contraintes résiduelles. Toutefois, il est également possible d’utiliser une formulation eulérienne pour évaluer, par exemple, les contraintes résiduelles [Dixit97]. Le choix d’une formulation lagrangienne peut être également justifié pour l’étude des phases transitoires, en début et fin de laminage [Mori82, Liu85a]. Une telle formulation permet de réaliser le calcul complet, du début de l’engagement à la fin du dégagement. Ce type de calcul est particulièrement intéressant pour étudier la formation de défauts géométriques tels que la queue de poisson [Gratacos94, Fabik08], le bateau [Nilsson98], etc., en vue du réglage de la cage de laminage. Une autre application de la formulation lagrangienne est la caractérisation de l’élargissement des brames lors du laminage [Liu87, Sheppard02]. ]. Ces deux formulations ont certaines limites : la détérioration du maillage en lagrangien et le suivi difficile des surfaces libres en eulérien (voir paragraphe II.1.1). Une formulation arbitrairement lagrangienne eulérienne (ALE) a été développée afin de combiner les points forts de ces deux formulations, tout en minimisant leurs désavantages. Dans cette formulation, le mouvement du maillage est découplé de celui de la matière. Les travaux utilisant l’ALE en laminage restent toutefois très proches de ceux utilisant une formulation eulérienne. Tous les nœuds du maillage sont considérés comme eulériens, excepté ceux de la surface. Le déplacement de ces derniers est nul (eulérien) dans la direction principale de l’écoulement, i.e. la direction de laminage. Il coïncide avec celui de la matière (lagrangien) dans les autres directions [Hu93, Synka03]. Pour cela, un maillage structuré est indispensable. Le domaine est découpé selon les directions longitudinale ou de laminage, transverse et verticale, et généralement selon les axes Ox, Oy et Oz. Une autre technique pour déplacer le maillage est de fixer la coordonnée du nœud dans la direction de laminage. Il existe plusieurs façons de déterminer les coordonnées restantes. On peut projeter le nœud sur la surface libre selon une direction donnée (la normale à la surface déterminée au début du calcul ou la direction de déplacement du point matériel correspondant au nœud) [Huisman85]. Les coordonnées restantes peuvent être aussi calculées par interpolation puis redistribuées le long de lignes dites « maîtres » qui sont similaires à des lignes de courant [Wisselink04].

L’analyse de la déformation des cylindres a été récemment intégrée aux modèles EF du procédé de laminage. Les approches les plus courantes sont composés de plusieurs codes [Yamada92, Yanagimoto92, Hacquin96, Kopp04, Kainz07] : un code EF de déformation de la tôle et un second code de déformation élastique des cylindres. Les deux codes sont couplés selon un algorithme itératif. Le profil transverse de la tôle, le rayon déformé du cylindre et la distribution de forces de laminage sont transférés d’un calcul à un autre à chaque itération. Le code EF de la tôle est le plus souvent basé sur une formulation stationnaire quasieulérienne, i.e. actualisant la géométrie des surfaces libres à l’aide de la méthode des lignes de courant [Yamada92, Yanagimoto92, Hacquin96]. Le second code peut faire appel à un calcul entièrement analytique de la déformation des cylindres. Celui-ci repose sur une loi de comportement discrétisée d’un cylindre qui est issue de modèles tirés de la théorie de l’élasticité : modèles de flexion, d’écrasement dans l’emprise et d’écrasement entre cylindres. Les équations d’équilibre sont ensuite résolues selon une méthode matricielle. Pour des informations détaillées sur cette méthode, on peut se référer à [Hacquin96]. Cette méthode peut être couplée à un modèle EF afin de déterminer plus précisément la modification de la géométrie du cylindre, en particulier dans les zones de contact [Yanagimoto92, Zhang06]. Plus récemment, une approche purement EF et tridimensionnelle a été développée afin de déterminer la déformation des cylindres [Hwang02, Kopp04]. Elle garantit une analyse plus précise du profil transversal de la tôle, puisqu’elle s’affranchit des simplifications et des hypothèses inhérentes aux modèles analytiques. Cela a toutefois un coût : les temps de calcul sont beaucoup plus importants que les méthodes précédentes. Cette approche consiste à traiter séparément chaque corps par un modèle EF. La méthode développée par Hwang et al. [Hwang02] traite le contact entre les corps déformables A et B selon un schéma itératif. La résolution du problème mécanique est tout d’abord effectuée dans le corps A, en supposant que le corps B est rigide. Puis, la distribution des contraintes de contact résultant de la première étape est une donnée d’entrée pour l’analyse mécanique du corps B.

L’analyse du laminage de produits plats peut aujourd’hui être réalisée à l’aide de divers logiciels commerciaux de simulation : Abaqus [Mukhopadhyay04, Kainz07], Deform3D [Kainz07], Marc [Liu07], Larstran/Shape [Kopp04], Forge3® . Dans la plupart des cas, la formulation utilisée est lagrangienne.

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Table des matières

Chapitre I. Introduction
I.1. Le laminage de produits plats
I.1.1. Présentation du procédé
I.1.2. Modélisation du laminage des produits plats
I.2. Logiciels de simulation EF utilisés
I.2.1. Lam3 : un logiciel spécifique au laminage
I.2.1.1. Description de Lam3
I.2.1.2. Atouts de Lam3
I.2.1.3. Limites de Lam3
I.2.2. Forge3®
I.2.2.1. Description de Forge3®
I.2.2.2. Forge3® et le laminage
I.3. Contexte de l’étude
I.3.1. Vers Forge3®
I.3.2. Vers une formulation Arbitrairement Lagrangienne Eulérienne (ALE)
I.4. Objectifs de la thèse
I.5. Plan de la thèse
Chapitre II Présentation bibliographique : la méthode ALE
II.1. Présentation de la méthode ALE
II.1.1. Description de l’ALE
II.1.1.1. Formulations lagrangienne et eulérienne
II.1.1.2. Formulation ALE
II.1.2. Formulation mathématique de l’ALE
II.1.3. Résolution d’un problème ALE
II.1.3.1. Approche directe
II.1.3.2. Approche découplée
II.1.4. Le schéma de mouvement du maillage
II.2. Gestion du maillage dans une approche découplée
II.2.1. Gestion du maillage surfacique
II.2.1.1. Sur-discrétisation de la frontière E.F
II.2.1.2. Interpolation de la surface E.F. à l’aide de splines
II.2.1.3. Barycentrage surfacique & Calcul des normales nodales
II.2.1.3.1. Barycentrage
II.2.1.3.2. Calcul des normales nodales
II.2.2. Gestion du maillage volumique
II.2.2.1. Méthode d’interpolation transfinie
II.2.2.2. Méthodes de type Laplacien
II.2.2.2.1. Approche explicite : régularisation par barycentrage
II.2.2.2.2. Approche implicite : problème de minimisation sous contrainte
II.2.2.3. Méthodes basées sur un modèle physique : analogie aux ressorts
II.3. Transport
II.3.1. Transport des variables nodales
II.3.1.1. Approche convective : le transport amont
II.3.1.2. Approche par interpolation inverse
II.3.2. Transport des variables stockées aux points d’intégration
II.3.2.1. Techniques de recouvrement par patch élémentaire (PR)
II.3.2.2. Techniques de recouvrement nodal : SPR (Superconvergent Patch Recovery)
II.4. Conclusion intermédiaire
Chapitre III. Présentation de la méthode ALE existante dans Forge3®
III.1. Description de la gestion du maillage
III.1.1. Adaptation de maillage : estimation d’erreur
III.1.2. Gestion du maillage volumique
III.1.3. Gestion du maillage surfacique
III.2. Transport
III.3. Particularités de la mise en données en ALE
III.4. Applications de cette formulation
III.5. Conclusion intermédiaire
Chapitre IV. Conclusion

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