Préférences alimentaires des araignées

Les pommiers sont les arbres fruitiers les plus représentés en France (30% de la surface des vergers) (Agreste, 2013) mais les surfaces récoltées ont beaucoup diminuées (-35% entre 2000 et 2014). En effet les producteurs doivent concilier les exigences des autres acteurs de la filière et un contexte économique difficile (FranceAgriMer, 2012). Ils s’efforcent de maintenir la rentabilité de leur exploitation tout en s’adaptant d’une part aux nouvelles réglementations du gouvernement, qui souhaite une réduction de l’utilisation de produits phytosanitaires de synthèse, et d’autre part aux attentes de la grande distribution, qui cherche à mettre en rayon des produits sans défaut. Les consommateurs quant à eux, s’interrogent sur l’impact des pesticides sur leur santé (franceTVinfo, 2016). La pomme est sous le feu des projecteurs car il s’agit en France du fruit le plus traité. L’indice de fréquence de traitement (IFT) moyen est très élevé : 35 contre 19,2 au maximum pour les pêches, prunes, abricots et cerises (Agreste, 2012).

Le long laps de temps séparant la floraison de la récolte favorise un IFT élevé (Agreste, 2012). En effet il est nécessaire de maintenir un verger sain pendant une grande période de l’année, d’où la répétition des traitements. En France, les produits phytosanitaires utilisés sont essentiellement destinés à lutter contre les maladies fongiques (IFT = 22,5) comme la tavelure, mais aussi contre les insectes ravageurs (IFT = 9) (Agreste, 2012).

Le puceron cendré Dysaphis plantaginea (Passerini) (Homoptera : Aphididae) est l’un des principaux ravageurs du pommier (Figure 1). Les colonies provoquent un fort enroulement des feuilles nuisant à la croissance de l’arbre et les piqûres des fondatrices pendant la floraison peuvent entraîner des déformations sur les fruits. Il cause donc des dégâts importants pouvant même impacter la floraison suivante (INRA, 2015). Un autre insecte, le carpocapse (Cydia pomonella (L.) (Lepidoptera : Tortricidae)   est responsable de dégâts sur les fruits. La larve de carpocapse pénètre dans la pomme en la perforant : les fruits piqués peuvent chuter et ne sont pas commercialisables (Benoît et al., 2009).

Les méthodes de contrôle alternatives aux produits phytosanitaires sont limitées pour ces ravageurs. En ce qui concerne le carpocapse, deux solutions sont possibles en agriculture biologique : la confusion sexuelle et la carpovirusine. Mais des résistances sont apparues contre la carpovirusine dès 2005 (INRA, 2014). Contre le puceron cendré, des produits existent (huiles et insecticides naturels) mais leurs substances actives sont des molécules généralistes pouvant impacter les populations d’auxiliaires*. Il existe donc un besoin de méthodes de contrôle durables de ces bioagresseurs.

Les vergers de pommiers sont des cultures pérennes stratifiées, favorables à des méthodes de contrôle comme la lutte biologique par conservation*. Celle-ci privilégie la régulation des ravageurs par l’action de leurs ennemis naturels, dont font partie les araignées. En effet les araignées exercent une prédation* sur les pucerons et le carpocapse (Boreau de Roincé et al., 2013 ; Isaia et al., 2010 Marc, 1993a). Les araignées de la frondaison sont des prédateurs généralistes présents dès le début du printemps dans les vergers (Marc et al., 1999). Elles ont des modes de chasses variés ce qui leur permet d’exercer une prédation sur différents stade de développement de nombreux ravageurs (Marc et Canard, 1997).

Pourtant, le fait même que les araignées soient des prédateurs généralistes peut remettre en cause leur utilité. En effet il est possible qu’elles s’attaquent à des auxiliaires qui consomment aussi des ravageurs, comme les coccinelles (Sloggett, 2010) et les syrphes. Ce phénomène, appelé prédation intraguilde*, doit être mieux évalué afin d’estimer le potentiel des araignées en lutte biologique*.

Au cours de ce stage, les préférences alimentaires de quatre genres d’araignées ont été étudiées : Anyphaena (Araneae : Anyphaenidae), Cheirachantium (Araneae : Eutichuridae), Icius (Araneae : Salticidae) et Philodromus (Araneae : Philodromidae) (Figure 3 à Figure 6). Ces araignées sont présentes en verger de pommiers et en climat méditerranéen (Isaia et al., 2010 ; Mansour, 1987). De plus, il est avéré qu’elles exercent une prédation sur certains ravageurs des vergers de pommiers, notamment le puceron cendré D. plantaginea (Boreau de Roincé et al., 2013). Les Philodromus, en particulier, sont déjà actives lorsque les œufs de pucerons éclosent (Ricard et al., 2012). Cependant ces araignées sont aussi soupçonnées de consommer des auxiliaires.

Le Centre Technique Interprofessionnel des Fruits et Légumes (CTIFL) a pour objectif d’aider au développement de la filière fruits et légumes. Son organisation comprend une direction scientifique et technique qui se penche sur des problématiques de production, de qualité, d’environnement et de certification. D’autres départements s’occupent de la formation, des aspects économiques de la filière, des systèmes d’informations et de la gestion des bases de données. Le Centre travaille en coordination avec d’autres organismes de recherche et d’expérimentation, comme l’Institut National de Recherche Agronomique (INRA).

Le projet RéPARe (Régulation Par les Araignées des Ravageurs en verger de pommiers) s’intéresse à l’écologie des araignées afin d’apporter des recommandations pour la gestion sanitaire et l’aménagement des parcelles. L’évaluation du rôle de prédation des araignées se centre sur deux ravageurs majeurs en verger de pommiers : le puceron cendré (D. plantaginea) et le carpocapse du pommier (C. pomonella). Ce projet est porté par l’INRA d’Avignon (Pierre FRANCK) et le CTIFL de Balandran (Jean-Michel Ricard). Le projet RéPARe implique aussi d’autres collaborateurs comme le Centre Expérimental Horticole de Marsillargues (CEHM) et la station expérimentale La Morinière.

La lutte biologique a pour but de contrôler un ravageur à l’aide d’un organisme antagonisme (parasite, prédateur ou agent pathogène) (INRA, 1996). En particulier, la lutte biologique par conservation de la biodiversité consiste à modifier l’environnement, les pratiques existantes afin de protéger et favoriser les auxiliaires (Gurr et al., 2004 ; Landis et al., 2000). Les vergers de pommiers sont des cultures pérennes stratifiées particulièrement favorables à ce mode de lutte biologique.

Les araignées ont des particularités intéressantes pour la lutte biologique par conservation. Tout d’abord ce sont des prédateurs généralistes, ce qui leur permet de se maintenir lorsque le ravageur n’est plus présent et d’exercer une prédation avant l’apparition des dégâts (Boreau de Roincé et al., 2010 ; Pekár et al., 2015). De plus les araignées pourraient être intéressantes en lutte biologique car elles exercent une prédation sur de nombreux ravageurs : les pucerons (Boreau de Roincé et al., 2013), le carpocapse (Isaia et al., 2010), mais aussi des ravageurs moins connus qui pourraient prendre de l’importance si l’utilisation d’insecticides diminue, par exemple les tordeuses (Mansour et al., 1981 ; Marc, 1993b ; Pérez-Guerrero et al., 2013). D’autres part, les araignées peuvent être très résistantes au froid (Korenko et al., 2010 ; Marc et al., 1999). Certaines sont actives dès le début du printemps (Marc et al., 1999) : elles peuvent donc exercer une prédation sur les ravageurs dès leur apparition. C’est notamment à cette période que sont présentes dans les vergers les fondatrices des colonies de pucerons cendrés (D. plantaginea). En se multipliant par parthénogénèse, une fondatrice forme une colonie qui peut atteindre des centaines de pucerons. D’où l’importance de la prédation à ce stade ; une prédation même faible peut avoir un grand impact sur le développement des colonies de pucerons.

Les araignées ont d’autres caractéristiques intéressantes pour la lutte biologique par conservation qui tiennent à la manière dont leur comportement de prédation et leur abondance évoluent. Holling a décrit en 1959 comment la densité de proie peut influencer d’une part la façon dont les proies sont consommées par un prédateur et d’autre part l’abondance de ce prédateur. Il s’agit de la réponse fonctionnelle* et de la réponse numérique* de ce prédateur à la densité de proie. Les trois types de réponses fonctionnelles décrites par Holling (Figure 9) montrent la capacité du prédateur à augmenter sa consommation de proies lorsque la densité de celle-ci augmente. La réponse numérique elle, implique une augmentation du nombre d’individus lorsque la densité de proie augmente. Ces deux informations permettent d’évaluer le potentiel de régulation d’un prédateur sur un ravageur.

La réponse numérique peut être causée par un phénomène d’agrégation (le prédateur se déplace dans les zones aux densités de proies élevées) ou une augmentation de la reproduction. Cette dernière serait liée à une meilleure alimentation, à une dépense d’énergie moindre pour se nourrir (Riechert et Lockley, 1984) et à une augmentation des chances de reproduction des mâles (Hebets et al., 2008). Les araignées expriment ces deux aspects de la réponse numérique. Elles sont capables de se déplacer dans les zones ou leurs proies sont abondantes et se reproduisent plus lorsque la densité de proie augmente (Riechert et Lockley, 1984). Cependant, elles ont un cycle annuel plus long que celui de la plupart de leurs proies, ce qui limite l’impact de l’augmentation de la reproduction (Riechert et Lockley, 1984).

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Table des matières

Introduction
1. Contexte
2. Cadre de l’étude
Organisme d’accueil
Le projet RéPARe
Synthèse bibliographique
1. Araignées et lutte biologique par conservation
Des prédateurs généralistes précoces
Particularité des réponses fonctionnelle et numérique des araignées
Comment utiliser ce potentiel ?
Une limite majeure : la prédation intraguilde
2. Et la lutte biologique par inondation ?
Est-il envisageable d’élever des araignées ?
Essais de lâchers d’araignées
Limites
Matériel et méthode
1. Araignées
Mode de chasse
Capture des araignées
Taille des araignées
Effectifs
Alimentation et conditions avant le début de l’expérience
Conditions pendant l’expérience
2. Proies
Elevage de carpocapse
Elevage de coccinelles
Elevage de syrphes
3. Protocole
Préparation des œufs
Proies testées et observations
Alimentation des araignées
Organisation dans le temps
4. Méthodes d’analyse
Analyse des données
1. Sélection des individus
Différence de comportement entre les différents genres de Salticidae
Différence de comportement lorsque les araignées sont sur le point de mourir
Lésions des œufs de syrphe et de coccinelle après 24 heures
2. Résultats
Effets des variables principales
Comparaison de l’appétence des proies pour les araignées étudiées
Comparaison de l’appétence des proies pour chaque genre
Comparaison de la voracité des araignées
Comparaison de la prédation des quatre genres d’araignées sur chacune des proies
Discussion
1. Principal résultat discuté
2. Discussion du protocole expérimental
3. Utilisation des araignées en lutte biologique par conservation
Conclusion générale 

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