Pratiquer une lecture littéraire en passant par la littérature jeunesse

Pratiquer une lecture littéraire en passant par la littérature jeunesse

Depuis quelques années, on ne pratique plus la lecture méthodique mais la lecture analytique. D’après les Programmes de Français du collège, cette lecture « permet de s’appuyer sur une approche intuitive, sur les réactions spontanées de la classe, pour aller vers une interprétation raisonnée ». Il s’agirait, en somme, d’une lecture subjective objectivée, capable d’inclure la pluralité des interprétations et leur caractère relatif en partant d’impressions personnelles pour aboutir à une argumentation solide, reposant sur la justification des hypothèses de lecture via le repérage d’indices textuels. En effet, d’après les instructions officielles, c’est une « lecture attentive et réfléchie, cherchant à éclairer le sens des textes et à construire chez l’élève des compétences d’analyse et d’interprétation », le but de cette démarche étant de rendre les élèves des lecteurs autonomes. Cependant, l’expression « lecture analytique » n’est pas la seule à être utilisée pour désigner l’une des activités principales du cours de français : on parle également de « lecture littéraire », concept qu’interroge la chercheuse en littérature et didactique Annie Rouxel dans son article « Qu’entend-on par lecture littéraire ? », en affirmant qu’il correspond à « un ensemble de pratiques dont les enjeux engagent, au-delà d’une conception de la lecture, une vision du sujet-lecteur, et, pour ce qui nous concerne ici, de l’élève. » .

Prendre en compte le sujet lecteur

Il s’agit de s’appuyer sur les goûts des élèves en matière de lecture pour les mener vers une prise de recul sur les textes qu’ils apprécient en pratiquant une lecture littéraire de ces derniers.

Une lecture littéraire d’un texte non canonique
Le premier paradoxe à dépasser est celui de proposer une lecture littéraire des textes à l’aide d’une œuvre n’appartenant pas à littérature patrimoniale mais à la littérature jeunesse. Pourquoi prendre le parti d’étudier un texte non classique avec les élèves ?

a) Le choix de la littérature jeunesse…
Depuis plusieurs décennies, l’école s’étant profondément démocratisée, les méthodes d’apprentissage ont innové afin de pallier les difficultés rencontrées dans le cadre du cours du français. En effet, l’hétérogénéité sociale des élèves implique un « choc » culturel : l’élève n’est pas toujours prêt à admirer des canons esthétiques issus d’anthologies et présentés comme des modèles à imiter. Il s’agit alors de passer par un travail préparatoire en se rapprochant de l’univers culturel des élèves pour leur faire apprécier les livres de manière générale dans un premier temps, les chefs d’oeuvre in fine. L’approche de la lecture par le biais de la littérature jeunesse vise à faire petit à petit acquérir aux élèves ce que Jacques Goody a appelé literacy, autrement dit une culture de l’écrit, des genres, des codes de l’écrit, qui permettent d’accéder à un mode de penser nouveau.

b) … et en particulier, de la saga Harry Potter
Les romans de J.K. Rowling racontant les aventures du jeune sorcier Harry Potter ont remporté un immense succès auprès des enfants et des adolescents. Certes, on peut expliquer ce succès par les stratégies commerciales auxquelles ont recouru les éditeurs pour lancer la saga de manière « explosive ». Dans la presse, avant la sortie du septième tome, il était déjà fait mention des « 300 millions d’exemplaires du sixième tome vendus à travers le monde, ce qui en ferait un des livres les plus lus de tous les temps » . Les témoignages d’enfants, friands lecteurs du best-seller, recueillis par Bruno Virole, viennent corroborer l’idée que Harry Potter a fasciné les jeunes et les a incités à lire. Virole parle de « phénomène éditorial » quand il rapporte les propos de Simon (11 ans) : « C’est mon premier livre. Avant, j’aimais pas lire », ou ceux de Juliette (10 ans) : « C’était le jour de mon anniversaire de 9 ans. J’ai une copine qui m’a offert le coffret avec les trois premiers. Au début, je me suis dit : « bon, c’est un livre ordinaire » et puis après, j’ai un ami qui a commencé à le lire et il a commencé à m’en parler, et puis, j’ai vu que ce qu’il disait ça avait l’air intéressant, alors j’ai commencé à lire le premier. Au début du premier, je me suis dit « c’est pas bien mais il faut que je continue à le lire ». Après, je comptais les jours en attendant le quatrième. » .

Cela serait cependant probablement une erreur de penser que seules les manœuvres commerciales auraient engendré la réussite de J.K. Rowling dans son entreprise d’écrire pour la jeunesse. B. Virole tente de trouver les raisons nous permettant de comprendre ce qui plaît aux enfants dans l’écriture de la saga.

Entre identification et distanciation
Dans La Lecture comme jeu, Michel Picard, s’inspirant des théories psychanalytiques de Winnicott, utilise le terme de « playing » pour désigner le processus d’identification à une figure imaginaire propre au jeu de rôles ou d’imagination et qui se manifesterait au moment de la lecture. Au « playing », il oppose le « game », qui renvoie aux jeux de stratégies, plus intellectuels, et qu’il associe au processus de distanciation nécessaire pour interpréter un texte.

a) Identification des jeunes lecteurs au héros éponyme de la saga
Au fil des tomes, Harry Potter grandit, de même que les lecteurs, avides d’en savoir plus sur cet être en devenir. Qui plus est, il évolue dans un système scolaire qui emprunte à bien des égards un fonctionnement analogue à celui que connaissent les enfants au quotidien. On comprend alors aisément l’intérêt de ces derniers pour ce personnage si « proche ». Précisément, B. Virole prend en note le témoignage d’une enfant se projetant dans l’univers imaginaire de Harry Potter. Pauline (8 ans et demi) affirmerait : « Quand je lis le livre, je me plonge dans son monde ; j’ai l’impression d’être un fantôme qui le suit partout. » Insistant sur le processus d’identification à l’oeuvre dans l’esprit du jeune lectorat de Harry Potter, le critique établit un parallèle entre les propos cités ci-dessus et ce qu’un avatar de Voldemort révèle au personnage principal à la fin du premier tome : « – Tu vois ce que je suis devenu ? dit le visage. Ombre et vapeur… Je ne prends forme qu’en partageant le corps de quelqu’un d’autre. Heureusement, il en reste toujours qui sont prêts à m’accueillir dans leur cœur et leur tête. » D’un point de vue métatextuel, cette citation dit, en filigrane, la liberté du lecteur, qui développe son imagination en se projetant dans l’univers fictionnel : le lecteur se représente, sous la forme d’une image mentale, un personnage « informe », dont les traits ne sont pas totalement fixés par le texte et qu’il lui appartient de faire vivre virtuellement.

b) Prendre du recul pour interpréter un texte
Cependant, les lecteurs sont contraints de prendre de la distance avec l’univers fictionnel de Harry Potter en raison même du genre du texte. En effet, en particulier depuis la parution du cycle anglais Le Seigneur des anneaux de Tolkien (1937-1955), l’heroic fantasy implique la création d’un monde parallèle au nôtre : au niveau macrostructuel, celui des sorciers dans l’oeuvre de Rowling –  qui s’inscrit dans une profonde dichotomie avec celui des Moldus – ; et au niveau microstructurel, celui de Poudlard, où évoluent les jeunes sorciers. Comme dans l’oeuvre de Tolkien, il s’agit, en quelque sorte, d’ « un ailleurs spatio-temporel impossible à situer », d’ « un jour quelque part dans l’univers ». Les protagonistes eux-mêmes ne savent pas exactement où les mène le Poudlard Express, comme en témoigne le discours d’Hermione qui explique, à propos de l’école de sorcellerie : « Poudlard est caché […] Le château est ensorcelé. […] Grâce à certains sortilèges, un édifice peut devenir impossible à indiquer sur une carte » Ainsi, tout lecteur de la saga perçoit l’écart entre son environnement de tous les jours et le cadre spatio-temporel de la diégèse, plus ou moins éloigné du réel.

c) Oscillation participation-distanciation
Le lecteur est finalement soumis à une tension entre une tendance spontanée à s’identifier au héros et une prise de distance critique. M.Picard montre que l’instance lecteur est triple, partagée entre :
•le liseur, être physique qui garde le contact avec le monde extérieur ;
•le lu, autrement dit la part émotionnelle du lecteur, emporté dans l’univers fictionnel ;
•le lectant, qui réfléchit au texte en le mettant à distance.

L’un des paradoxes de la lecture de Harry Potter consiste précisément en ce que le processus d’identification se produit alors même que la distanciation est également à l’oeuvre. En effet, l’enfant se projette avec plaisir dans l’univers diégétique parce qu’il s’agit d’un monde autre, magique, où tout semble possible, mais également parce qu’il lui est fondamentalement familier dans la mesure où il correspond à une transposition de son propre univers scolaire. B.Virole défend cette thèse et en donne des exemples : « Que ce soit par l’âge, le sexe (si on tient compte de l’existence d’Hermione), les événements à l’école, ou les rivalités et les luttes de prestance, la vie quotidienne de chaque enfant se trouve transposée dans le monde des sorciers et reste toujours décelable sous le travestissement des figures imaginaires. » .

Or, dans une perspective didactique, il nous faudra activer ce va-et-vient entre identification et distanciation, propre à la lecture littéraire, en amenant les élèves à se projeter dans la figure du héros, Harry ou chevalier, pour se demander quelles valeurs il incarne, et au-delà du personnel fictionnel, s’interroger sur le sens des textes.

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Table des matières

Introduction
Première partie : pratiquer une lecture littéraire en passant par la littérature jeunesse
1. Prendre en compte le sujet lecteur
A. Une lecture littéraire d’un texte non canonique
a. Le choix de la littérature jeunesse
b. …et en particulier de la saga Harry Potter
B. Entre identification et distanciation
a. Identification des jeunes lecteurs au héros éponyme de la saga
b. Prendre du recul pour interpréter un texte
c. Oscillation participation-distanciation
2. Mise en place d’un dispositif expérimental
A. Présentation du projet
a. Les séquences concernées
b. Mise en œuvre
B. Travail préparatoire
Deuxième partie : favoriser l’acquisition de certaines compétences culturelles
1. Compétence encyclopédique
A. Le projet d’augmenter les connaissances des élèves sur le Moyen-Age
B. Analyse de pratique
a. Les attributs du héros
b. Les tournois
c. Les codes chevaleresques
2. Compétence idéologique
A. Le projet de s’interroger sur les valeurs véhiculées par les textes
B. Analyse de pratique
a. S’interroger sur la notion d’héroïsme
b. Héros et communauté
3. Compétence rhétorique
A. La question des genres et sous-genres littéraires
a. La chanson de geste
b. L’heroic fantasy
B. Les registres littéraires
a. Registre épique
b. Registre merveilleux
4. Compétence linguistique
a. La phrase complexe
b. Morphologie et emplois du passé simple
c. Le vocabulaire de la chevalerie
Troisième partie : Lire pour mieux s’exprimer à l’écrit et à l’oral
1. Compétences d’écriture
a. Des « textes-modèles » à imiter : procédés d’écriture, vocabulaire, syntaxe
b. Créativité : de nouveaux héros, d’autres combats
c. Analyse de copies
2. Compétences orales
a. Lecture expressive
b. Préparer un exposé sur un héros issu de Harry Potter
Conclusion
Bibliographie
Sommaire des annexes
Annexes

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