Pourquoi une horloge optique ?

Les mesures spectroscopiques sont perturbées par un grand ennemi : le mouvement des atomes. Dans le domaine des horloges atomiques, où l’on cherche à déterminer une fréquence de transition libre de toute perturbation, l’effet Doppler a d’ailleurs longtemps été un obstacle. C’est pour cette raison que le développement de deux méthodes permettant de s’affranchir de cet effet ont particulièrement été développées durant les 50 dernières années. Il s’agit du piégeage d’atomes, afin de contrôler leur mouvement, et du développement de techniques d’interrogations insensibles au mouvement des atomes. La réalisation expérimentale de pièges pour particules chargées, piège de Paul [1] et pièges de Penning [2], a valu le prix Nobel à Wolfgang Paul et Hans Dehmelt en 1989. Ce prix a également été partagé avec Norman F. Ramsey pour le développement d’une méthode d’interrogation permettant de s’affranchir du mouvement des atomes [3]. Ces deux domaines sont tout à fait connexes puisque l’on sait depuis les années 50 que le confinement de particules sur une distance plus faible que la longueur d’onde d’interrogation, le régime de Lamb-Dicke [4], est également un moyen de s’affranchir du mouvement des atomes. Le développement du contrôle du mouvement des atomes fait appel à des méthodes de refroidissement, initialement développées pour les ions piégés, telles que le refroidissement par gaz tampon. Ces méthodes ont ensuite fait place au refroidissement par laser (refroidissement Doppler puis refroidissement par bandes latérales) fonctionnant tout aussi bien sur des atomes neutres. Ce travail sur le refroidissement et le piégeage de particules neutres par laser a d’ailleurs valu le Prix Nobel à Claude CohenTannoudji [5], Steven Chu [6], et Willian D. Phillips [7] en 1997. Les méthodes d’interrogations ont également progressé, notamment avec le développement de l’interrogation de Ramsey-Bordé [8], qui permet d’adapter à une longueur d’onde optique la technique des franges de Ramsey. La métrologie temps fréquence a directement profité de ces avancées. La définition de la seconde initialement définie par des données astronomiques (la durée d’un jour moyen, puis la période de rotation de la terre autour du soleil) fut changée en 1967 lors de la 13me Conférence Générale de Poids et Mesure [9] au profit des horloges atomiques à césium : la seconde est la durée de 9192631770 périodes de la radiation correspondant à la transition entre les deux niveaux hyperfins F = 3 et F = 4 de l’état fondamental 6S1/2 de l’atome de 133Cs .

LES HORLOGES OPTIQUES : ÉTAT DE L’ART. 

Un étalon de fréquence atomique est constitué de trois composants : un oscillateur local ayant une bonne stabilité à court terme, une référence atomique pour le long terme et un dispositif de traitement du signal qui permet d’asservir l’oscillateur local sur la référence atomique. Un schéma de principe est représenté sur la figure I.1 [p.6]. Depuis les années 1967, la seconde est définie par la transition entre deux niveaux hyperfins de l’état fondamental de l’atome de 133Cs à 9, 2 GHz. L’exactitude de ces horloges n’a cessé d’augmenter au cours de ces dernières années pour atteindre une incertitude relative de l’ordre de 10⁻¹⁶ [10]. Ce qui fait de la seconde l’unité la plus précisément déterminée actuellement. Les performances des horloges atomiques sont caractérisées en terme de stabilité, reproductibilité et exactitude. La stabilité, ou plus rigoureusement l’instabilité, mesure la fluctuation de fréquence de l’étalon sur des périodes de temps τ . Pour des temps d’interrogation courts, elle est donnée par la stabilité intrinsèque de l’oscillateur qui délivre la fréquence étalon. À moyen terme (temps de la rétroaction), elle est limitée par la largeur observée de la transition atomique et dépend de la qualité du signal d’interrogation.

La reproductibilité est l’écart relatif entre les valeurs de fréquence données par deux étalons identiques. L’exactitude représente l’ecart entre la fréquence intrinsèque de la transition atomique de la référence non perturbée et la fréquence effectivement délivrée par l’horloge (oscillateur local). Enfin la précision est la résolution de la mesure qui dépend de la largeur observée de la transition atomique, divisée par la fréquence de cette transition. La limite ultime est donnée par la largeur de raie naturelle de la transition sondée. La reproductibilité, l’exactitude et la stabilité d’une référence atomique peuvent être affectées par la sensibilité de la référence atomique aux perturbations environnementales (telles que le champ magnétique, électrique ….) et par la manière dont on contrôle ces perturbations.

Pourquoi une horloge optique ?

Actuellement, le niveau de performance des meilleures horloges micro-ondes (les fontaines atomiques) atteint des valeurs proches de 10⁻¹⁶ en terme d’exactitude et de quelques 10−14τ −1/2 en stabilité [10]. Ces valeurs peuvent encore être améliorées, mais on approche des limites fondamentales de ce type d’horloge. Les fontaines ont presque atteint la limite où le bruit de projection quantique est le bruit dominant. Pour améliorer la stabilité dans une telle configuration, il faudrait augmenter le nombre d’atomes ou améliorer la finesse des résonances observées, actuellement de l’ordre du Hz. Cependant, avec une interrogation de type Ramsey, cette largeur de raie est limitée par la transformée de Fourier du temps de vol entre deux interrogations, lui même limité par l’expansion transverse du nuage atomique. Les possibilités d’amélioration sont limitées à moins de passer en micro-gravité [26]. Il en va de même pour l’exactitude où les effets motionnels des atomes constituent la principale source d’incertitude. À ce niveau les perspectives de gain en termes d’exactitude et de stabilité de fréquence, ne résident plus dans l’amélioration des fontaines, mais plutôt dans le choix d’un nouveau type d’horloge.

L’idée la plus naturelle pour dépasser les horloges micro-ondes est de développer des horloges dans le domaine optique. En effet les effets systématiques sont pour la plupart indépendants de la fréquence de la transition utilisée et donc contrôlables en valeur relative à de bien meilleurs niveaux pour une transition optique (quelques centaines de THz) que pour une transition microonde (9, 2 GHz pour le 133Cs). Il en va de même pour la stabilité lorsqu’elle n’est plus limitée par le bruit de projection quantique. En revanche, ces considérations ne sont plus vraies en ce qui concerne les effets liés au mouvement de l’atome (effet Doppler et effet de recul) qui restent en valeur relative, du même ordre de grandeur. Afin de dépasser en terme d’exactitude la valeur de 10⁻¹⁶ pour les performances d’une horloge optique, il est impératif de travailler dans le régime de Lamb-Dicke [4]. En effet, comme nous le verrons plus en détail au cours du chapitre III, dans le régime de Lamb-Dicke, l’effet Doppler du premier ordre est éliminé.

Des mesures de fréquences optiques ont été entreprises en même temps que le développement d’horloges à Cs, mais il a fallu attendre des développements relativement récents pour franchir les obstacles concernant ces horloges : le refroidissement et le piégeage d’une part et la mesure de la fréquence d’autre part. Si la première condition est réalisable depuis de nombreuses années pour les particules chargées [1, 2], les techniques de piégeage d’atomes neutres n’existent que depuis les années 1980 [5, 6, 7]. D’autre part, les mesures simples de fréquences optiques de très haute précision n’ont fait leur apparition que depuis le développement des peignes de fréquence à la fin des années 1990 [23]. En raison de ces limites, le développement des horloges optiques s’est réalisé selon deux axes. Les horloges à atomes neutres piégés ayant un fonctionnement proche des horloges microondes, où la fréquence de transition est mesurée à l’aide d’une interrogation de type Ramsey dans le champ de gravité (fontaine atomique dans le domaine optique). Ce type d’horloge a été essentiellement développé sur deux alcalino-terreux (Ca et Mg) dont la structure électronique est propice au refroidissement et à l’interrogation laser. Ces horloges possèdent actuellement une exactitude limitée par l’effet Doppler du premier ordre à 10⁻¹⁵ [27]. Les horloges à ions piégés, qui ont connu un développement plus précoce, ont le mérite d’être insensibles à cet effet limitant l’exactitude des horloges à atomes neutres. En effet, amener un ion piégé dans le régime de Lamb-Dicke constitue une opération bien connue depuis longtemps [4]. Toutefois, pour y parvenir il est nécessaire de travailler avec un ion unique, ou un nombre limité d’ions (chaîne d’ions) ce qui a pour effet de limiter la stabilité ultime de ce type d’horloge. La limite quantique à la stabilité est donc forcement moins compétitive que pour une horloge utilisant un grand nombre d’atomes. Les espèces étudiées se repartissent en deux catégories, les ions ayant un électron périphérique (Ca+, Sr+, Yb+ et Hg+) et les ions ayant deux électrons périphériques (In+ et Al+). Chacune possède des transitions atomiques utilisables pour le refroidissement et l’interrogation, mais le fonctionnement des horloges ainsi que les effets systématiques qui entrent en jeu, sont assez différents.

Le développement récent des techniques de piégeage laser pour les atomes neutres [28] a permis de combiner les avantages des deux techniques présentées plus haut. Les horloges à réseaux optiques utilisent une méthode permettant de combiner les performances des horloges à ions en termes d’exactitude et des horloges à atomes neutres en terme de stabilité. Il s’agit de piéger plusieurs atomes neutres dans un réseau optique, chaque atome étant localisé sur un site du réseau, leur permettant ainsi d’atteindre le régime de Lamb-Dicke.

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Table des matières

I Introduction
II Les horloges optiques : état de l’art
II.1 Pourquoi une horloge optique ?
II.2 Les horloges à atomes neutres
II.3 Les horloges optiques à ions piégés
II.4 Les horloges à réseau optique
III Principe de fonctionnement
III.1 Le contrôle de la référence atomique
III.1.1 Piège radiofréquence
III.1.2 Régime de Lamb-Dicke
III.1.3 Refroidissement laser
III.1.4 Contrôle des effets systématiques
III.2 Contrôle de l’oscillateur local
III.2.1 Outil de mesure d’un système asservi
III.2.2 Asservissement du système laser d’horloge
IV Le montage expérimental
IV.1 Les sources lasers
IV.1.1 Le laser de refroidissement à 397 nm
IV.1.2 Le laser repompeur à 866 nm
IV.1.3 Le laser à 854 nm
IV.1.4 Le laser d’horloge à 729 nm
IV.2 Premier dispositif expérimental
IV.2.1 Le piège de Paul
IV.2.2 La création des ions
IV.2.3 Enceinte à vide
IV.2.4 Injection des faisceaux lasers dans le piège
IV.2.5 Détection du signal ionique
IV.2.6 Protocole expérimental
IV.2.7 Résultat et limites de ce dispositif
IV.3 Deuxième dispositif expérimental
IV.3.1 Le nouveau piège
IV.3.2 Enceinte à vide
IV.3.3 Le système de détection
IV.3.4 Création des ions et photoionisation
V Le laser d’horloge : description et performances
V.1 Etat de l’art
V.1.1 Asservissement sur une cavité ULE de très grande finesse
V.1.2 Montage mécanique et thermique
V.2 Le laser Titane Saphir
V.2.1 Caractéristiques du laser titane-saphir
V.2.2 Sélection de la longeur d’onde de travail
V.3 Premier étage de stabilisation
V.3.1 Montage mécanique
V.3.2 Description de l’asservissement
V.3.3 Performances du premier étage de stabilisation
V.3.4 Asservissement de la longueur de la cavité optique de référence sur une transition atomique
V.4 Deuxième étage de stabilisation : cavité ULE
V.4.1 La cavité ULE
V.4.2 Le montage optique du laser TiSa
V.5 Conclusion
VI Optique adaptative dans le cadre d’une expérience de métrologie
VI.1 Introduction
VI.2 Introduction sur l’optique adaptative
VI.2.1 Outils pour caractériser le front d’onde
VI.2.2 Optique adaptative classique
VI.3 Mesures expérimentales sur notre expérience d’ion unique de calcium
VI.3.1 Insertion de l’optique adaptative dans l’expérience
VI.3.2 Mesure des qualités optiques de notre faisceau avant l’optique adaptative
VI.3.3 Expérience et perspectives
VII Conclusion

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