Pourquoi se préoccuper des oiseaux ? Menaces et intérêts

Pourquoi se préoccuper des oiseaux ? Menaces et intérêts

La biodiversité face aux changements globaux

Au cours des dernières décennies, la croissance des populations humaines s’est accompagnée de besoins grandissant en ressources, en énergies, mais également en accès et utilisation des technologies. Toutes ces aspirations, menant à de fortes modifications des écosystèmes (MEA, 2005), terrestres comme marins, sont aujourd’hui reconnues pour avoir fortement impacté l’ensemble de la biodiversité (McGill et al., 2015), si bien que l’érosion globale actuelle de la biodiversité est jugée sans précédent (Ceballos et al., 2017; Régnier et al., 2015). L’empreinte de l’activité humaine sur la biodiversité est donc bien réelle (Steffen et al., 2007) ; que ce soit à travers son action sur les changements climatiques (Bellard et al., 2012; Parmesan and Yohe, 2003), sur les changements d’usage des sols – à des fins agricoles, industrielles ou d’urbanisation (Antrop, 2004; Foley, 2005; Newbold et al., 2015) – ou encore par les différents types de pollution – atmosphériques, chimiques, lumineuses (Agnan et al., 2013; Bouwman et al., 2005; Gaston et al., 2013; Smith and Schindler, 2009).

Tous ces changements étant susceptibles d’agir en synergie, leurs impacts sur les écosystèmes sont accrus (Brook et al., 2008; Elmhagen et al., 2015; Walther et al., 2009). Découvrir comment ces bouleversements affectent la biosphère de façon négative ou positive (Pereira et al., 2012) est donc nécessaire, tant pour prévenir des menaces en perspectives, par exemple avec le développement des pays émergents (Tilman et al., 2017), que pour prédire l’avenir global de la biodiversité et ses conséquences pour l’humanité (Cardinale et al., 2012). En effet, le bon fonctionnement des écosystèmes favorise le bien être humain, aussi bien de façon directe qu’indirecte, on dit d’ailleurs que ceux-ci fournissent des services écosystémiques (Sukhdev et al., 2010). Ainsi, l’érosion ou les changements de biodiversité ont des conséquences sur les écosystèmes, et donc sur les services qu’ils rendent, avec de fortes répercutions sur le bienêtre de l’humanité. Un équilibre évident se dessine donc entre répondre aux besoins humains toujours plus grands et maintenir la biodiversité (Foley et al., 2011; Henle et al., 2008). L’équilibre est cependant difficile à trouver (McShane et al., 2011; Newbold et al., 2016).

L’intensification agricole : un changement anthropique majeur

Parmi l’ensemble de ces changements globaux, l’utilisation des terres à des fins agricoles s’illustre comme l’une des plus grandes modifications d’origine anthropique. Ce phénomène s’explique par une logique simple : il faut produire plus. C’est la réponse directe aux besoins croissants d’alimentation pour une population humaine grandissante (Crist et al., 2017; Wilting et al., 2017). On estime ainsi que le rendement mondial des cultures par unité de surface a plus que doublé depuis les années 50 (Green et al., 2005), accompagné par une augmentation des surfaces concernées. En Europe, il est d’ailleurs considéré que près de la moitié du territoire présente aujourd’hui des surfaces allouées aux cultures ou à l’élevage, faisant ainsi des zones agricoles l’habitat majoritaire (Stoate et al., 2009, 2001). L’accroissement des productions agricoles a été rendu possible grâce à l’intensification agricole ; ce terme désignant le processus responsable de l’intensité accrue de production ou  d’utilisation des terres au cours du dernier siècle. Plus précisément, cette intensification est rendue possible par l’amélioration des techniques de culture (mécanisations, intrants, modifications génétiques) et par le bouleversement profond des paysages agricoles (fragmentation, homogénéisation des habitats) (Robinson and Sutherland, 2002; Stoate et al., 2009). La mise en place d’une Politique Agricole Commune (PAC) au sein de l’Union Européenne (UE) (Van Zanten et al., 2014), entrée en vigueur en 1962, a fortement favorisé cette intensification, grâce à de nombreuses subventions (Stoate et al., 2009). On notera ainsi que les trois pays fondateurs de l’Union Européenne, l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni ont vu leur rendement de blé par unité de surface augmenter entre 1970 et 2010 de 96%, 88% et 83% respectivement, tandis que celui pour toutes les céréales confondues s’est accru de 111%, 99% et 95% respectivement (FAOSTAT, 2014).

L’agriculture moderne étant basée sur une maximisation des rendements, à travers l’homogénéisation des cultures et des habitats (Benton et al., 2003), l’intensification agricole a donc conduit au remaniement des structures des communautés animales et végétales ainsi qu’au déclin de nombreux taxons. Par exemple, la perte de connectivité et de diversité des habitats (Bergman et al., 2004; Brückmann et al., 2010; Flick et al., 2012) est associée à une homogénéisation biotique des communautés de lépidoptères (Ekroos et al., 2010) ainsi qu’à une perte de la diversité végétale (Brückmann et al., 2010; Uchida and Ushimaru, 2015). Les populations d’amphibiens sont aussi impactées (Jeliazkov et al., 2014) : le réseau de mares et étangs ayant été réduit par l’homogénéisation agricole, certaines espèces qui dispersent peu peuvent même avoir disparu localement (Arntzen et al., 2017; Jeliazkov et al., 2014). Chez les carabidés, ce sont les traits fonctionnels qui ont été modifiés en relation avec l’intensification agricole, par exemple avec des changements de taille et de régime alimentaire (Rusch et al., 2013). Les effets de cette intensification agricole ont aussi été largement démontrés chez les oiseaux (Devictor et al., 2008c; Devictor and Jiguet, 2007; Donald et al., 2001b). La Figure 1 en est le saisissant exemple : plus le rendement de blé est élevé, plus les oiseaux spécialistes des milieux agricoles sont en déclin. Assurément une telle corrélation cache les effets sous-jacents impliqués, mais elle a le mérite d’être persuasive et percutante. En effet, le degré d’intensification des milieux agricoles ne se mesure pas uniquement à travers les rendements : c’est un phénomène complexe tel un puzzle dont les différentes pièces, assemblées, permettent d’expliquer le résultat final.

Il est possible d’utiliser des indices intégrateurs pour tenter d’avoir une idée globale et condensée de l’intensification agricole. Par exemple, Félix Teillard (Teillard et al., 2012) a proposé le Coût d’Intrants par hectare (en anglais « Input Cost per hectare » (IC/ha), exprimé en euros par hectare) qui intègre à la fois l’élevage et les cultures. La Figure 2 (Teillard et al., 2015) en illustre l’effet sur les communautés d’oiseaux agricoles. D’une part, l’intensité de production agricole affecte la richesse spécifique, comme l’illustre la Figure 2-A où l’effet semble être négatif. D’autre part, l’intensité de production agricole joue sur la structure des communautés : elle favorise les communautés d’oiseaux spécialistes des grandes cultures (Figure 2-B) tout en affectant négativement le niveau trophique de la communauté et les communautés spécialistes des prairies (Figure 2-C et Figure 2-D). On note également que l’effet de l’intensité agricole n’est pas forcément linéaire (Dross et al., 2017), mais peut présenter des seuils au-delà desquels l’impact est plus ou moins fort.

Ainsi, l’agriculture moderne est un exemple palpable du difficile compromis entre biodiversité et production (Henle et al., 2008) évoqué précédemment, et soulève donc la question de la durabilité des pratiques. Au-delà de la production alimentaire, la biodiversité associée aux agroécosystèmes est reconnue pour fournir des services écosystémiques : contrôle biologique des ravageurs de culture (Barbaro et al., 2017; Naranjo et al., 2015; Rusch et al., 2016), structure et fertilité du sol, cycles hydrologiques, pollinisation et fixation du carbone (Deguines et al., 2014; Tscharntke et al., 2005). Par conséquent, il est impératif de comprendre les tenants et aboutissants de l’intensification agricole, et pour cela des indicateurs sont nécessaires afin d’aider à la mise en place de politiques agricoles durables.

Les oiseaux : un groupe taxonomique d’intérêt

Étudier l’ensemble des phénomènes dans leur globalité est extrêmement difficile, voire impossible, en raison de la grande complexité des systèmes biologiques et du nombre d’espèces concernées. L’utilisation d’espèces ou de groupes témoins s’avère donc nécessaire pour appréhender au mieux les conséquences des changements passés, actuels et à venir, et ainsi extrapoler à l’ensemble du système (Butchart et al., 2010). Ces modèles d’études, permettant l’établissement d’indicateurs de biodiversité, sont régulièrement considérés lors de la création de politiques de décisions agricoles puisque les gouvernements peuvent alors se baser dessus pour mettre en place des stratégies efficaces puis les évaluer (Butchart et al., 2010; Butchart, 2008). Le choix de tels modèles d’études est complexe comme leurs réponses face à différents changements doivent être à la fois représentatives d’un ensemble plus grand, faciles à comprendre, quantifiables, rapides face aux changements, faciles à collecter-analyser-reproduire, et intéressantes pour les prises de décisions (Gregory et al., 2005).

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Table des matières

INTRODUCTION GÉNÉRALE
A. POURQUOI SE PRÉOCCUPER DES OISEAUX ? MENACES ET INTÉRÊTS
1. La biodiversité face aux changements globaux
2. L’intensification agricole : un changement anthropique majeur
3. Les oiseaux : un groupe taxonomique d’intérêt
4. Les oiseaux face aux changements agricoles : l’hiver une saison clé
5. Les jardins particuliers, une source de nourriture alternative ?
6. Comprendre l’ensemble des variations présentées par les oiseaux au sein des jardins pour pouvoir faire des comparaisons entre saisons
7. Pression supplémentaire : le braconnage
B. LES SCIENCES PARTICIPATIVES : VIGIE PLUME
1. Les observatoires de biodiversité : des outils d’exception
2. Suivre la biodiversité ordinaire en France avec les observatoires de Vigie Nature ; de l’intérêt du programme Oiseaux des Jardins
C. OBJECTIFS DE LA THÈSE
D. MÉTHODOLOGIE GÉNÉRALE
1. Oiseaux des jardins – sélection et exploitation des données
2. Indicateurs oiseaux – hors données Oiseaux des Jardins
3. Indicateurs d’intensité de production (PI)
CHAPITRE 1 PHÉNOLOGIE DE VISITE DES JARDINS EN RELATION AVEC LE PAYSAGE AGRICOLE
AVANT-PROPOS ET RÉSUMÉ DU CHAPITRE 1
ARTICLE 1: THE VIRTUE OF GARDEN BIRD FEEDERS: MORE BIRDS IN CITIZEN BACKYARDS CLOSE TO INTENSIVE
AGRICULTURAL LANDSCAPES
RÉFLEXIONS COMPLÉMENTAIRES DU CHAPITRE 1
A. L’EFFET DE L’ALIMENTATION : DES HYPOTHÈSES FORTES
B. DÉPENDANCE ET PRÉSENCE RÉELLE DES OISEAUX EN HIVER EN LIEN AVEC LE PAYSAGE AGRICOLE
C. LIMITES DE L’ESTIMATION DES VISITES DES JARDINS LIÉES AUX VARIATIONS HIVERNALES
CHAPITRE 2 VARIATIONS INTERANNUELLES DE L’ABONDANCE DES OISEAUX DES JARDINS
AVANT-PROPOS ET RÉSUMÉ DU CHAPITRE 2
ARTICLE 2: GUESS WHO COMES TO DINNER: FACTORS DRIVING BIRD VISITS AT GARDEN FEEDERS IN WINTER
RÉFLEXIONS COMPLÉMENTAIRES DU CHAPITRE 2
A. JUSTIFICATION ET LIMITE DE L’INDICE D’INTENSITÉ DE PRODUCTION AGRICOLE
B. LIMITES DE MODÉLISATION ET RESTRICTION GÉOGRAPHIQUE
C. VALORISATION DES COMPTAGES ANNUELS DE FIN JANVIER : CRÉATION D’INDICATEUR
CHAPITRE 3 EXPLORATION DES PATTERNS SPATIAUX DE VARIATION D’ABONDANCE : UNE RELATION AVEC LE BRACONNAGE ?
AVANT-PROPOS ET RÉSUMÉ DU CHAPITRE 3
ARTICLE 3: MODELLING COLDSPOTS AND HOTSPOTS OF WINTER ABUNDANCE FOR SEEDEATER PASSERINES AT
GARDEN FEEDERS
RÉFLEXIONS COMPLÉMENTAIRES DU CHAPITRE 3
DISCUSSION GÉNÉRALE
A. SYNTHÈSE DES PRINCIPAUX RÉSULTATS
B. PERSPECTIVES
1. Oiseaux des Jardins, un observatoire qui fait ses preuves
2. Nourrir les oiseaux en hiver dans les jardins : une mesure de conservation ?
CONCLUSION

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