Pour une perspective sociale de l’écologie industrielle et territoriale (EIT)

Depuis plusieurs décennies, d’importants enjeux se dessinent autour de la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), de la production des déchets, de l’exploitation effrénée des ressources naturelles ou encore de la perte de la biodiversité. En effet, jusqu’à la fin du vingtième siècle, les sociétés industrielles ne se sont guère attelées à modifier leurs trajectoires de développement qui s’illustraient par des modes de production et de consommation préjudiciables aux écosystèmes naturels. Ces modes de production et de consommation ont ainsi accentué les pressions sur l’environnement et les territoires. À cet effet, le développement de l’humanité, construit autour d’un modèle d’économie linéaire (extraire-fabriquer-jeter), fait l’objet de critiques croissantes, depuis les années 70.

La remise en cause des trajectoires de développement ayant prévalues des siècles durant, a progressivement conduit vers des réflexions pour la reconsidération du modèle de production et de consommation, afin de réduire l’impact environnemental des activités humaines. Ainsi, des chercheurs, des ingénieurs, des entrepreneurs et des acteurs publics, suggèrent depuis quatre décennies au moins, un paradigme économique et industriel intégrant de manière « tangible » des réponses durables aux enjeux contemporains de gestion intégrée des ressources naturelles, de préservation de l’environnement et d’adaptation aux changements climatiques.

Dans ce contexte, l’écologie industrielle fait son apparition dans les années 1980, en se déclinant comme une perspective porteuse de transformations profondes des pratiques industrielles à l’égard de l’environnement (Beaurain & Varlet, 2014). Propulsée par les travaux de Frosh & Gallopogoulos (1989), elle trouve ses fondements dans une analogie avec le fonctionnement de l’écosystème naturel (Allenby, 1992), en mettant en symbiose sur un territoire, différents acteurs notamment industriels pour limiter l’impact écologique de leurs activités productives (Cooper & Gutowski, 2017; Allenby, 2006 ; Ehrenfeld, 2004 ; Erkman, 1997).

Elle propose ainsi une rupture avec la conception linéaire du fonctionnement de la société industrielle, par un modèle moins gourmand en consommation de matières premières et d’énergies, moins producteur de déchets (Brullot et al., 2014 ; Erkman, 2004), et capable d’accompagner un développement territorial (Santos & Magrini, 2018 ; Beaurain & Brullot, 2011 ; Deutz& Gibbs, 2008). Longtemps réduite à quelques sphères d’activités et à certains pays occidentaux, l’écologie industrielle a cependant connu, durant les deux dernières décennies, une émergence à l’échelle planétaire avec des démarches multiples construites par une pluralité d’acteurs comme des leviers de transition (Boons et al., 2015; Deutz et al., 2015; Graedel & Lifset, 2016).

Ces démarches s’appuient sur une mise en synergie des acteurs industriels pour la construction de réseaux éco-industriels dans une zone géographique donnée (Chertow, 2004; Côté & Hall, 1995; Gibbs & Deutz, 2007), ou plus largement sur la considération d’un ensemble des flux territoriaux autour d’un important réseau d’acteurs économiques ( Cerceau et al., 2018 ; Barles, 2014; Korhonen & Snakin, 2001; Mirata & Emtairah, 2005), sans pour autant entraver les logiques de marché en termes de compétitivité économique et de gain environnemental (Hoffman et al., 2014; Jensen, Basson, & Leach, 2011 ; ElMasseh, 2018; Vallés, 2016).

L’industrie – prise dans le sens dans la production des biens d’équipements et la transformation de matières premières – reste objectivement le principal secteur d’application de l’écologie industrielle même s’il existe des démarches dans des secteurs d’activités tels que les services, l’agriculture et la sylviculture. Mais quoi qu’il en soit, l’écologie industrielle s’appuie sur la connaissance des flux disponibles et/ou circulant sur le territoire à travers un métabolisme industriel et/ou territorial (Wassenaar, 2015; Bahers et al., 2019). Il s’agit de « l’analyse des flux de matières et d’énergies sous-jacents aux activités économiques » (Barles, 2014) et la capacité des acteurs territoriaux à mettre en avant l’importance des interactions (Fischer Kowalski & Steinberger, 2011; Parcerisas & Dupras, 2018), pour un fonctionnement circulaire de l’économie (Erkman, 2004; Blomsma & Brennan, 2017; Durand et al., 2017) .

En France, par exemple, de nombreuses démarches d’écologie industrielle et territoriale sont propulsées au niveau des collectivités territoriales, à l’échelle des zones d’activités, notamment depuis l’adoption de la loi sur la Transition énergétique pour la croissance verte (TEPCV), et la mise en place de programmes d’appui financiers par l’État. Il faut également souligner des expérimentations d’écologie industrielle réalisées dans différents secteurs d’activités et/ou zones industrielles depuis les années 1990, et au milieu des années 2000 avec les agendas 21 locaux. Ces projets d’écologie industrielle mobilisent des acteurs territoriaux en fonction de raisons spécifiques, de diverses contraintes pour accéder à de nouvelles ressources,: réaliser des économies de coûts, développer un apprentissage inter organisationnel, etc. (Varlet, 2012; Fan et al., 2017).

De la même manière, l’intérêt pour l’écologie industrielle et territoriale se fait grandissant au Québec. Aux démarches plus anciennes du début des années 2000, dans la région industrielle de Sorel-Tracy et du Parc industrialo-portuaire de Bécancour (PIPB), s’ajoutent de nouvelles expérimentations plus ou moins récentes. En effet, sous l’impulsion du Centre de transfert technologique en écologie industrielle (CTTÉI), puis avec l’implication progressive d’organismes et programmes gouvernementaux, mais également de regroupements de chercheurs, d’agences de développement, de collectivités territoriales et d’entreprises, des démarches d’écologie industrielle se mettent progressivement en place dans différentes régions du Québec.

Et tant au Québec qu’en France, indépendamment de leur échelle spatiale, ces démarches s’appuient sur un réseau d’acteurs souhaitant répondre à des objectifs environnementaux voire sociaux, et de compétitivité économique des entreprises participantes. Il apparait alors important de lever les possibles obstacles d’efficacité sociotechnique qui entraveraient la mise en œuvre et la pérennité de ces différents projets.

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Table des matières

Introduction
CHAPITRE 1 : ÉCOLOGIE INDUSTRIELLE ET TERRITORIALE : PERSPECTIVE HISTORIQUE ET THÉORIQUE
1.1. De l’émergence de l’écologie industrielle : perspective historique et enjeux d’institutionnalisation
1.1.1. L’écologie industrielle : une pratique relativement ancienne
1.1.2. L’écologie industrielle : naissance d’un concept novateur
1.1.2.1. Une première analogie aux écosystèmes naturels
1.1.2.2. L’écologie industrielle « économique »
1.1.3. Entre économie et écologie : l’importance d’un modèle intégré
1.1.4. Des premières interventions publiques
1.2. De l’écologie industrielle : perspective théorique et enjeu conceptuel
1.2.1. Écologie industrielle : les fondamentaux théoriques
1.2.1.1. Des définitions plurielles de l’écologie industrielles
1.2.1.2. Une restriction au bouclage de flux de matières
1.2.2. Approche libérale ou mainstream de l’écologie industrielle : limites d’une analogie stricte aux écosystèmes naturels
1.2.2.1. De la vision libérale de l’écologie industrielle
1.2.2.2. Dépasser la vision économique de l’écologie industrielle
1.2.3. Approche radicale de l’écologie industrielle : prémices d’un écosystème mature
1.2.4. De l’écologie industrielle comme construit social : l’autre levier du radicalisme
1.2.4.1. D’un encastrement social à un projet de territoire
1.2.4.2. De l’encastrement social à un projet politique
1.3. L’écologie industrielle comme systèmes d’innovations
1.3.1. Écologie industrielle : entre simples échanges de flux et enjeux techniques
1.3.2. Écologie industrielle : enjeu institutionnel et organisationnel
1.3.2.1. Des changements internes aux parties prenantes
1.3.2.2. Des modalités de gouvernance et de régulation
1.4. Du rapport firme-territoire dans le déploiement de l’écologie industrielle
1.4.1. Le territoire en écologie industrielle : espace physique, espace construit
1.4.2. Le bouclage de flux de matières : le territoire comme ressources
1.4.2.1. Du métabolisme industriel dans le bouclage des flux
1.4.2.2. Du métabolisme industriel pour une écologie intégrale
1.5. Écologie industrielle : source de valeur partagée entre parties prenantes
1.5.1. De la quête des gains économiques pour les entreprises
1.5.2. Au-delà des gains économiques : perspective socio-environnementale
CHAPITRE 2 : L’ÉCOLOGIE INDUSTRIELLE COMME ESPACE D’ACTION COLLECTIVE : LA THÉORIE DES PROXIMITÉS COMME CADRE D’ANALYSE
2.1. L’école française de la proximité : genèse d’un champ théorique et analytique
2.1.1. La proximité géographique : levier consensuel d’analyse
2.1.1.1. Entre proximité géographique subie ou recherchée
2.1.1.2. Des limites de la proximité géographique
2.1.2. La proximité organisée : logique interactionniste de l’action collective
2.1.2.1. Entre logique d’appartenance et de similitude
2.1.2.2. Facteurs d’émergence de la proximité organisée
2.1.2.3. Au-delà du réseau : des questions en suspens
2.1.3. L’approche institutionnaliste de la proximité
2.1.3.1. L’institutionnalisme à la genèse de l’école française de la proximité
2.1.3.2. Des déterminants de la proximité institutionnelle
2.2. L’école néerlandaise ou anglo-saxonne de la proximité : enrichissement, affirmation et distinction
2.2.1. Une proximité géographique moins restrictive et évolutive
2.2.1.1. Une nouvelle considération de l’espace géographique
2.2.1.2. Une proximité géographique à valeur économique
2.2.2. La proximité organisationnelle et institutionnelle : de nouveaux éléments de repérage
2.2.2.1. Entre néo-institutionnalisme et régulation sociale
2.2.2.2. Des leviers de régulation et de coordination entre acteurs
2.2.3. La proximité cognitive dans l’analyse des réseaux
Conclusion

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