INTESTINALITÉ ET SPHINCTÉRISATION (LA CHUTE)

Par : JUAN-CLAUDIO VERA

NARCISSISME : SATIÉTÉ ET ÉTERNITÉ D’ABORD, UN OEIL SUR NARCISSE

D’ABORD, UN OEIL SUR NARCISSE

Ce n’est pas tâche aisée que d’aborder le narcissisme puisque depuis toujours la beauté du jeune homme, qui lui donne son nom, et son rejet de Vautre ont fasciné écrivains, philosophes et psys de tout acabit. Permettons-nous toutefois de faire quelques rappels afin de glisser piano piano dans l’univers nothombien. Le ravissant Narcisse, dans la fleur de l’âge, dit le mythe, demeurait d’une indifférence hautaine voire cruelle face à l’amour que lui portaient garçons et filles. Un jour, alors qu’il était à la chasse, « il frappa les regards de la nymphe »7 Écho qui, dès qu’elle le vit, « [brûla] de désir »8 pour lui. Or, Narcisse n’en voulut rien savoir : « [Plutôt] mourir que de m’abandonner à toi ! »9. Refusée, rejetée par Narcisse, Écho meurt ; son sang s’évapore et son corps se transforme en pierre. Il ne restera plus d’elle que sa voix.

Par vengeance, les autres Nymphes demandèrent alors à Rhamnusie que Narcisse aime comme les autres l’ont aimé et qu’il ne puisse pas, lui non plus, « posséder l’objet de son amour »10, dirait Kristeva”. Un jour, alors qu’il est épuisé par la chaleur, le jeune homme est « séduit par la beauté [.. .]et la fraîcheur » d’une source’2 limpide dont les eaux brillaient comme de l’argent ; jamais les [bergers] ni les chèvres qu’ils faisaient paître sur la montagne, ni aucun autre bétail ne l’avaient effleurée, jamais un oiseau, une bête sauvage ou un rameau tombé d’un arbre n’en avait troublé la pureté. Tout alentour s’étendait un gazon dont ses eaux entretenaient la vie par leur voisinage, et une forêt qui empêchait le soleil d’attiédir l’atmosphère du lieu13. Et tandis qu’il s’allonge contre le sol pour y boire, il se voit et, séduit par sa beauté, tombe amoureux de sa propre image : Couché par terre, il contemple deux astres, ses propres yeux, et ses cheveux […], ses joues d’enfant, sa nuque d’ivoire, sa bouche parfaite et son teint rosé mêlé à une blancheur de neige14.

Voilà l’image dont Narcisse est tombé amoureux. Mais que voit-il vraiment ? Un visage sans corps, une image qu’il prend pour un corps. « Spem sine corpore amat, corpus putat esse quod umbra est »15, écrit Ovide. Pour Narcisse, ce qui compte, c’est la beauté de son visage, comme si, en deçà du cou, le corps n’existait pas. Le corps, lieu du plaisir, qui rappelle le sujet vers l’altérité, Narcisse ne le voit pas. Cette tête est une tête sine corpore et donc sans sexe16. Dans Narcissisme de vie, narcissisme de mort, André Green17 soutient que le corps, pour le narcissique, est l’altérité qui l’interpelle, que « le corps, c’est l’Autre qui resurgit, malgré la tentative d’effacement de sa trace »18. Qu’a refusé Narcisse à Écho ? Sa beauté ? Sans doute pas. Ce que Narcisse refuse dans Écho, c’est d’abord la Nymphe, divinité grecque à qui les Anciens attribuaient un pouvoir fertilisant et nourricier. [Les Nymphes] protègent les fiancés qui se plongent dans l’onde de certaines sources ou fontaines pour y obtenir la purification indispensable à une heureuse fécondité19.

Ce qu’il rejette, c’est la féminité sexuée20, de sorte que l’image (de lui-même) qu’il voit dans la source est une image pleine, souveraine, sans autre possible. Or, lorsqu’il comprendra, dans ce crescendo amoureux, l’impossible de sa gageure — un Moi dans toute sa splendeur qui exclut l’autre -, la douleur lui sera fatale. Quand il touche l’eau de ses lèvres ou de son doigt, l’image se brouille, l’image se morcelle en myriade de reflets. Ce qui fait mal, c’est la chute du réfèrent. Là où je m’attendais à trouver le Moi idéal, il n ‘y a finalement que fragmentation d’un Moi superbe. L’image d’un mondemoi s’effrite et finalement je ne deviens que le reste d’un monde illusoire déchu. L’image est assez éloquente : le paraître, la beauté, la négation de la sexuation mènent Narcisse au fiasco. La mort de Narcisse est la mort d’un esthète21. En quelque sorte, Amélie fait le même choix que Narcisse, celui de croire en l’image de la fontaine, croire que cette image est la réalité grandiose. On remarque généralement assez rapidement que la splende ur22, P« héroïsme » (SA, p.21), l’érudition. font partie de l’univers nothombien. Tous les regards sont (dé)tournés vers le sujet- « Le monde entier aboutissait à moi » (SA, p.30), dit-elle – par une sorte d’emprise, comme forcés afin d’éviter au Moi de tomber face à face avec l’autre, pour retenir ce sens où «je » se voit séduisant, tout-puissant.

Et quand le face-à-face s’impose malgré tout, quand l’objet réussit à s’expulser hors du Moi, devant ce non-sens du réfèrent devenu fou, le contrôle, la séquestration du monde est l’un des scénarios envisageables. Éviter de choir dans la douleur du réel, demeurer circonscrit dans l’unicité originaire confortable où tout n’existe que pour soi, voilà le but de cette séquestration illusoire. Leurre et douleur se côtoient, là, à ce moment où l’on croit narcissiquement pouvoir empêcher, retenir l’expansion du monde et Paltérité de l’existence. Le Moi nothombien cherche, lui, à masquer sa douleur ; il enjoué, il l’exhibe, la ridiculise même ; il se pavane avec superbe comme revêtu d’un linceul éclatant.

JARDIN ET DÉFLAGRATION

Notre déesse de l’apathie chronique est désormais le reste de Dieu. Et cela est inacceptable. Or, faire retour à ce statisme d’ores et déjà perdu est une utopie. Illusion et prestige seront alors les seules options qu’auront Amélie et ses alter ego pour retrouver cette imagerie fantasmatique grandiose. Ainsi, il s’agit pour Nothomb de faire triompher Amélie malgré le dévoilement de la douloureuse altérité, perpétuer le leurre en dépit de l’intrusion du réel dans le sublime, javelliser le monde et multiplier les édens : Quand Dieu a besoin d’un lieu pour symboliser le bonheur terrestre, il n’opte ni pour l’île déserte, ni pour la plage de sable fin, ni pour le champ de blé mûr, ni pour l’alpage verdoyant ; il élit le jardin48 (MT,p.7O). Refusant la chute dans le réel, Amélie se réfugie dans le fantasme d’un jardin édénique. À l’abri de cette laïcité intrusive, cet inévitable autre qui l’a expulsée de son absoluité, elle se cache du monde avec superbe pour régner dans ce décor floral49. Lieu clos, « enceinte » (MT, p.69) et refuge peuvent ainsi lui permettre de révéler parcimonieusement sa présumée toute-puissance. L

a question de l’autre se pose alors de manière infiniment amoindrie : Fieffée du jardin, j’avais pour sujets des plantes qui, sur mon ordre, s’épanouissaient à vue d’oeil. […] Un soir, j’avais dit, à une tige surmontée d’un bouton : « Fleuris. » Le lendemain, c’était devenu une pivoine blanche en pleine déflagration. Pas de doute, j’avais des pouvoirs. […] La nature s’associait à mon avènement. Chaque jour, le jardin était plus luxuriant que la veille. Une fleur ne se fanait que pour renaître un peu plus loin (MT, p.70-71). (C’est moi qui souligne.) Dans Métaphysique des tubes, Amélie-plante – devenue déesse de la végétation et des fleurs —et la pieuse pivoine s’entrelacent dans cette botanique sacrée où lenteur hyperbolique et éclatante blancheur se font écho. Ce « fleuris » – qui rappelle Dieu dans la Genèse – lancé à la pivoine crée de l’existence, crée du blank. Et cette blanche déflagration de rien montre à quel point Amélie est re-Dieu. Désormais, être Dieu n’est plus seulement une question d’immobilité quand il s’agit de recréer le monde. Alors, la Plante, Amélie, devient la doyenne du jardin et s’amuse à faire déflagrer des pivoines pour que le blanc jaillisse et inonde tout de sa divine absence chromatique.

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Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE 1 -NARCISSISME : SATIÉTÉ ET ÉTERNITÉ D’ABORD, UN OEIL SUR NARCISSE
AMOUR PROPRE
AMÉLIE-DIEU
NAÎTRE RIEN
CRIS ET HURLEMENTS
CHOCOLAT BLANK: L’APPENDICE CHROMATIQUE
JARDIN ET DÉFLAGRATION
HÔPITAL ET SOUPE DÉSHYDRATÉE
LE ROUGE ET LE BLANC
CONFETTIS ET SEXE GÉANT
CHAPITRE 2 – AMBIVALENCE : COÏT SANS SEXE ET MONSTRE PHALLUS
LÉGÈRE NEIGE ET CHASTETÉ
ASEXUATION
ELENA, L’ANGE
ON PARLE DE FESSES
PETIT PHALLUS DEVIENDRA GRAND
CHAPITRE 3 – ABJECTION : MÈRE-ÉVIER, PÈRE-CLOAQUE ET INFECT EN FLEUR DE L’ABJECTION
MONSTRE ET PRODIGE
LE CORPS DU KYSTE
ARME SECRÈTE, BÉTON CHINOIS
LE PETIT POT DE YAOURT
CROTTES DE BOUFFE ET BOUCHES FLOTTANTES
DELABOUCHEETDUGID/IFEJ
DE L’IMPROPRE ET DE LA BOUFFE
ASPIRATEUR, ÉGOUT ET PHOTOCOPIEUSE
INTESTINALITÉ ET SPHINCTÉRISATION : LA CHUTE
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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