Potentiel de Bagassa guianensis et Cordia alliodora pour la plantation en zone tropicale

Ressources forestières locales

      En Guyane, la forêt est indissociable du territoire et représente l’essence même de cette région : elle est l’emblème identitaire forte qui unit les différents groupes ethniques qui la composent et constitue une ressource naturelle exceptionnelle tant par sa richesse que sa diversité, assurant à la fois une fonction écologique, économique, sociale mais aussi culturelle au sein de la société guyanaise. Le couvert forestier en Guyane représente 8,4 millions d’hectares, soit 95% de la surface du territoire. Suite à l’émergence d’un code forestier spécifique à la Guyane en 2005, 5,3 millions parmi les 7,5 millions d’hectares du domaine privé de l’Etat sont confiés à l’Office National des Forêts, alors gestionnaire de la forêt et chargé de dynamiser une gestion durable, fonctionnelle et exemplaire de la forêt. Cette immensité verte est en Guyane le symbole qui rallie, exemple international en matière de conservation et image stimulante d’un immense potentiel. Alors que les forêts tropicales voient leur superficie comme leur richesse diminuer inéluctablement tout autour de la planète, la forêt guyanaise est, elle, très bien conservée (Brunaux&Demenois, 2003). Cette situation lui confère une très haute valeur patrimoniale, d’autant plus qu’elle occupe la position originale de « région ultrapériphérique de l’Europe » en tant que seule forêt tropicale européenne (Fournier et al., 2003). C’est dans ce contexte que la Guyane est chargée d’une mission dont le niveau de responsabilité est sans précédent: elle doit ouvrir la voie en matière de gestion durable des ressources tropicales et doit être un modèle qui fonctionne, et donc un nouvel exemple à suivre, d’une exploitation raisonnée de la forêt amazonienne en accord avec l’économie locale. Les décisions qui sont prises aujourd’hui au sujet de la gestion de la forêt guyanaise, auront demain des répercussions lourdes de sens dans l’espoir de l’émergence d’une meilleure cohabitation entre l’homme et la nature en milieu tropical. Le patrimoine exceptionnel de cette région offre une grande diversité d’essences forestières. On estime aujourd’hui le nombre d’espèces ligneuses identifiées à 1600 contre 130 environ en France métropolitaine (Gourlet-Fleury, 2000). Derrière l’apparente uniformité du couvert forestier, se cache une structure complexe. Même s’il est reconnu que la présence humaine au cours des derniers siècles a laissé quelques traces même en forêt profonde, la forêt guyanaise reste très peu modifiée par l’homme qui ne l’a jusqu’ici industriellement exploitée que dans ses parties les plus accessibles. Au-delà du nombre d’espèces recensées, la diversité par unité de surface est elle aussi impressionnante avec 200 à 300 espèces ligneuses à l’hectare. Plusieurs inventaires forestiers ont été menés par l’ONF et le CTFT (puis le CIRAD) au cours des 50 dernières années et ont permis d’avoir une vision plus générale de la structure dendrométrique ainsi que de la composition floristique des peuplements forestiers guyanais. Au regard des nombreux  inventaires disponibles, les essences commerciales représentent en moyenne un peu plus de 50 % des tiges de gros diamètre (Guitet et al., 2014). La forte diversité spécifique induit cependant un faible nombre de tiges mobilisables par essence commerciale. La biodiversité a certes l’avantage d’une large palette de propriétés du bois, de couleurs, de formes, etc… mais elle présente l’inconvénient d’une grande dispersion des espèces (Calmont, 2012) et donc d’une grande hétérogénéité de la ressource. Cette caractéristique complexifie l’exploitation en forêt naturelle.

Enjeux et avenir de la filière bois

     Entre 2006 et 2011, la population de Guyane est passée de 205 954 à 237 550 habitants, soit une augmentation annuelle de 3 % (INSEE). La Guyane conserve le taux de croissance annuel moyen le plus élevé de France, comparable à celui des pays émergents et très supérieur à celui de la France métropolitaine (Figure 3). Cette croissance est davantage imputable au solde naturel qu’au solde migratoire. En effet, le taux de natalité y est très fort et contrairement à la majorité des régions européennes qui voient leur population vieillir, la proportion des jeunes en Guyane est très élevée, avec 2 personnes sur 5 âgées de moins de vingt ans et seulement 4% de la population dont l’âge est supérieur à 65 ans. Malgré tout, la progression du nombre d’emplois (+ 1,2 points en 2012) et du PIB (+ 3,8 Mds €) générés par cette croissance ne suffisent pas à faire diminuer les chiffres du chômage. Le nombre d’inactifs à la recherche d’un emploi a augmenté de 30,4 % entre 2012 et 2013. Enfin, le marché du travail ne profite pas aux jeunes en raison d’une insertion professionnelle difficile : 44,8 % des jeunes actifs de moins de 25 ans sont au chômage dont 34,4 % sans aucun diplôme. La démographie guyanaise continue de croître et devrait atteindre les 427 000 habitants d’ici 2030 selon les prédictions de l’INSE. Cette forte hausse va générer une large augmentation du taux de chômage si le nombre d’emplois n’augmente pas en parallèle. La forêt et la formation des jeunes aux métiers de la filière pourraient alors contribuer davantage à l’économie guyanaise et à l’emploi des jeunes. Pour s’en donner les moyens, la filière doit avant tout augmenter sa production qui est aujourd’hui un facteur limitant à la valorisation des produits forestiers locaux. S’ajoutent à cela les pressions qui pèsent actuellement sur le marché, soumis à rude épreuve en matière de concurrence par les pays voisins dont le coût du travail et du transport maritime sont plus bas et les exigences réglementaires moins contraignantes (le Brésil notamment) mais aussi par l’Europe, dans un contexte mondialisé dominé par les industries des pays du nord qui baissent régulièrement leurs couts grâce à une production de masse. Réussir à s’accommoder d’une ressource hétérogène ne peux permettre d’être compétitif sur le marché et le système actuel nécessite de rapides mutations pour éviter un recours aux importations en masses, système qui accroitrait la dépendance économique de la Guyane. En se concentrant sur le marché local dans un premier temps, il faudra dans un futur proche être capable de répondre à la question suivante: comment la filière peut-elle être en mesure de répondre à la demande en matériaux pour la construction et l’habitat dans les années avenir ? A cette question, plusieurs éléments de réponse peuvent déjà être avancés :
– Le volume de bois produit doit être augmenté, ce qui suppose une augmentation des surfaces aménagées et aussi l’utilisation d’autres espèces ;
– Les durées de révolution des cycles de production doivent être maitrisées pour permettre un aménagement à long terme ;
– La production doit être diversifiée, en exploitant d’autres d’espèces que l’angélique, le gonfolo rose et le grignon franc et en valorisant les essences dites « secondaires » ;
– Les techniques de production doivent permettre de diminuer, pour un même service rendu, les besoins en surfaces aménagées pour la production de bois, en optimisant les coûts d’exploitation et d’infrastructure ;
– Les produits connexes doivent trouver un usage et être valorisés par le biais d’autres secteurs que le matériau, comme la valorisation de molécules pour la cosmétique, les fongicides, les teintures et in fine la production d’énergie ;
– Les entreprises doivent se positionner et se fédérer autour de cet objectif. On peut citer la création de l’association interprofessionnelle « Interpro bois » en mai 2009 comme premier pas en ce sens ;
– Enfin la multifonctionnalité des forêts doit être prise en compte en respectant les intérêts de tous les acteurs. En Guyane plus qu’ailleurs, la valeur de la forêt ne sera reconnue que si c’est dans le respect des différents peuples, des multiples fonctions des écosystèmes et autour d’une diversité d’activités créatrices de haute valeur ajoutée.
Si ces conditions sont remplies, la ressource forestière peut être mise au centre d’un développement durable et local. L’exploitation de la forêt naturelle ne permet néanmoins pas à ce jour de répondre à l’ensemble de ces critères. Le recours aux plantations est une alternative qui apparait aujourd’hui comme bien adaptée à la situation actuelle et permettrait d’obtenir un taux de production élevé mais surtout durable, sur une zone d’exploitation contrôlée en évitant une exploitation massive et trop perturbante de la forêt naturelle. La plantation permettrait en ce sens de garantir une gestion durable du patrimoine tout en satisfaisant les besoins des populations. Les plantations demandent néanmoins un fort investissement en matière de sélection, de mise en place de pépinières, de travaux de préparation du sol et d’entretien. Ces efforts doivent être payés en retour par la quantité, mais aussi la qualité des produits forestiers récoltés (Thibaut et al., 1997). La substitution de l’exploitation de la forêt naturelle par celle de tiges plantées est possible technologiquement moyennant la connaissance des propriétés des essences sélectionnées, qui doivent aussi permettre d’orienter les pratiques forestières pour le présent et l’avenir. La caractérisation des bois potentiellement utilisables en plantation s’articulent autour de trois principaux axes de recherche :
1 – les variations globales de propriétés observables sur les mêmes essences selon les conditions de croissance, et notamment les différences observées entre plantation et forêt naturelle ;
2 – les variations des propriétés au sein d’un même arbre ;
3 – l’amélioration des propriétés par les pratiques forestières et la sélection génétique.
L’absence de plantations à grande échelle en Guyane ne permet pas aujourd’hui de qualifier aussi précisément la ressource locale. Les différents essais menés en Guyane au cours des dernières années peuvent néanmoins servir de base à cette réflexion et ces premiers résultats constituent une trame préliminaire essentielle à la constitution d’un cahier des charges pour la sélection des espèces à planter.

Diversité des stratégies de croissance en forêt tropicale

      L’étude du mode de développement des arbres est un axe de recherche apparu dans les années 1970 à l’initiative de scientifiques tels que Francis Hallé ou Roelof Oldeman. Ces travaux ont apporté un éclairage intéressant sur la structure des arbres et leur développement au cours du temps. Ils ont permis l’émergence de la notion de stratégie de croissance : ensemble des adaptations spécifiques permettant le maintien d’une espèce dans une communauté (Westoby, 1998). Chaque espèce est caractérisée par une allocation préférentielle des ressources dans la croissance en hauteur ou en diamètre, à l’extension latérale ou verticale du houppier, qui évolue au cours de l’ontogénie (Dalling&Hubbell, 2002) mais aussi en fonction des conditions environnementales (Bloor&Grubb, 2004). Le comportement dynamique des forêts tropicales apparait comme scindé en deux selon le niveau d’observation. Observée dans sa globalité et sans perturbations extérieures, la forêt reste en équilibre et semble persister dans sa structure, sa physionomie et sa composition. A l’inverse en ajoutant une échelle temporelle, ce sont des écosystèmes en perpétuelle évolution. La dynamique temporelle de la forêt tropicale et sa régénération sont constituées d’une succession de phases dynamiques, où la structuration de l’ensemble forestier est faible, et de phases homéostatiques, où la forêt est au contraire bien structurée (Tabarant, 2006). La diversité de ces stratégies joue un rôle décisif dans la compétition pour l’occupation de l’espace et l’accès aux ressources. Elle détermine ainsi la coexistence des espèces en forêt. La survie, le développement et enfin le maintien d’un individu au sein d’un peuplement dépend du succès de sa stratégie de croissance. La composition et la structure finale d’un espace forestier sont le résultat du développement de chacun des arbres qui le compose, et il est par conséquent difficile de connaitre l’histoire de la construction au cours du temps d’une espèce en observant un seul individu. Cette multitude de trajectoires est à l’origine de l’apparente hétérogénéité de la forêt en zone tropicale humide dont la stratification, selon Oldeman (1974), ne peut être réduite à une superposition régulière de simples couches horizontales. Néanmoins, il est possible de distinguer deux principales catégories de stratégies de croissance, dont les critères discriminants sont le type d’acquisition des ressources, la vitesse de développement et à la durée de vie de l’espèce. En forêt tropicale, les espèces sont ainsi communément catégorisées selon les deux groupes écologiques extrêmes aux comportements opposés (Poorter, 2001 , Puig, 2001 , Tabarant, 2006):
– les espèces pionnières ou héliophiles, espèces colonisatrices de pleine lumière dont l’acquisition et l’utilisation rapide des ressources est mise au service d’une croissance rapide pour atteindre la canopée. Ces espèces sont caractérisées par une durée de vie relativement courte ;
– Les espèces tolérantes ou sciaphiles, espèces d’ombre, dont l’acquisition des ressources est moins rapide et leur utilisation plus parcimonieuse. Le développement est lent et régulier mais permet un établissement durable au sein de la forêt, avec une durée de vie supérieure aux héliophiles.

Aubier – duramen

     La duraminisation ou formation du bois de cœur est la dernière étape de la formation du bois associée à la mort programmées des parenchymes, acteurs de cette dernières évolution (Hillis, 1972). Au cours de ce processus, le matériel de réserve disparait et contribue à la biosynthèse des métabolites secondaires qui confèrent au bois, dit parfait, des propriétés technologiques dont la plus recherchée est la résistance aux agents de dégradation biologiques (Filippis & Magel, 1998) Le duramen, quand il est très différencié, représente 90% de la valeur commerciale de la grume autant pour son utilisation en tant que bois d’œuvre que pour les composés chimiques qu’il contient. La mort des parenchymes et la biosynthèse des extractibles au cours de ce processus ont des conséquences sur les propriétés physiques, mécaniques et acoustiques du bois tels que le retrait au séchage (Adamopoulos, 2002 , Hernández&Almeida, 2007 , Lehnebach, 2013) et l’amortissement (Brémaud et al., 2011, Ono&Norimoto, 1983 ).

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Table des matières

CHAPITRE 1 INTRODUCTION GENERALE
1. Contexte forestier en Guyane
1.1 Ressources forestières locales
1.2 Evolution de l’exploitation forestière en Guyane
1.3 Production actuelle et état des lieux
1.4 Enjeux et avenir de la filière bois
2. Recherche d’espèces pour la plantation en Guyane
2.1 Description, résultats et limites des dispositifs expérimentaux
2.2 Bilan et mise en place d’un nouveau cahier des charges
3. Le développement de l’arbre
3.1 Diversité des stratégies de croissance en forêt tropicale
3.2 Décrire le développement de l’arbre
3.3 Les compromis entre rapidité et qualité
4. Propriétés du bois
4.1 Notion de qualité du bois
4.2 Structure multi-échelle du bois
4.3 Sources de variabilité dans l’arbre
5. Espèces étudiées
5.1 Identification de deux espèces singulières
5.2 La Bagasse, Bagassa guianensis Aubl
5.3 Le Cèdre Sam, Cordia alliodora (Ruiz & Pavon) Oken
CHAPITRE 2 DESCRIPTION D’UNE STRATEGIE DE CROISSANCE SINGULIERE AU SERVICE D’UN DEVELOPPEMENT RAPIDE ET DURABLE CHEZ B. GUIANENSIS ET C. ALLIODORA.
1. Introduction
2. Description du développement et des stratégies spécifiques de croissance des deux espèces
2.1 – Méthodologie
2.2 – Résultats
2.3 – Discussion
3. Une production de matière ligneuse adaptée au stade de croissance grâce au gradient d’infradensité
3.1 – Méthodologie de la mesure d’infradensité (ID)
3.2 – Résultats d’infradensité
3.3 – Discussion
4. Avantage adaptatif du contrefil chez B. guianensis
4.1 – Méthodologie
4.2 – Résultats
4.3 – Discussion
CHAPITRE 3 PROPIETES DU BOIS DES DEUX ESPECES
1. Introduction
2. Retrait
2.1 – Méthodologie
2.2 – Résultats
2.3 – Discussion
3. Propriétés visco-élastiques
3.1 – Méthodologie
3.2 – Résultats
3.3 – Discussion
4. Durabilité
4.1 – Methodologie
4.2 – Résultats
4.3 – Discussion
CONCLUSION GENERALE ET PERSPECTIVES
PROJETS DE PUBLICATION
ANNEXES
BIBLIOGRAPHIE

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