Portrait des soins offerts aux personnes présentant des troubles mentaux graves

Introduction

  Soulevant des défis au Québec comme ailleurs dans le monde, les enjeux de santé mentale constituent à l’heure actuelle une priorité (Ministère de la Santé et des Services sociaux, 2015). Au Québec, les statistiques permettent d’estimer que près de 20 % de la population est aux prises avec un trouble mental que ce soit un trouble courant ou grave (Ministère de la Santé et des Services sociaux, 2015). Ce phénomène est plus fréquent dans certaines populations, comme chez les personnes en situation d’itinérance, dont 30 % à 50 % présentent un problème de santé mentale; de ce nombre, 10 % présentent un trouble mental grave (Ministère de la Santé et des Services sociaux, 2015). Le Plan d’action ministériel 2015-2020 en santé mentale du Québec a été développé pourencourager une utilisation adéquate des services de santé chez les personnes présentant des troubles mentaux graves afin de favoriser leur fonctionnement en société (Ministère de la Santé et des Services sociaux, 2015). Cependant, de faibles évidences scientifiques sont rapportées en lien avec le degré de motivation et la capacité à accéder, à comprendre et à utiliser l’information relative à la santé chez cette clientèle, ce qui correspond au concept de littératie en santé (LS). Il est important d’avoir en tête le concept de LS lorsqu’une éducation à la santé est réalisée chez tout type de personnes (Conseil canadien sur l’apprentissage, 2008), incluant les personnes ayant des troubles mentaux graves, car les conséquences multiples d’une faible LS sont démontrées dans les écrits. Par exemple, un faible niveau de LS chez les individus de la population générale peut entraîner un manque de participation aux soins de santé, une mauvaise compréhension de l’information relative à la santé ainsi qu’une augmentation des hospitalisations et des coûts en matière de santé (Jayasinghe et al., 2016).

Effets secondaires possibles de la médication

  Le traitement des troubles mentaux graves inclut, dans plusieurs cas, la prise d’antipsychotiques. Les antipsychotiques sont une classe de médicament de choix pour traiter les personnes ayant des troubles mentaux graves comme la schizophrénie en raison de leur efficacité clinique (Cheng, Huang, Liu, Wang, & Ching, 2016). Cependant, les études démontrent que les personnes prenant ce traitement peuvent prendre du poids de façon significative (Musil, Obermier, & Hamerle, 2015). Également, la résistance à l’insuline, la dyslipidémie et le diabète de type 2 sont d’autres syndromes qui peuvent découler de la prise d’antipsychotiques (Bartoli, Lax, Crocamo, Clerici, & Carra, 2015). Notamment, en raison des effets secondaires de cette médication, comme la prise de poids, et des habitudes de vie souvent sous optimales des personnes avec un diagnostic de schizophrénie, il a été démontré que celles qui reçoivent un traitement antipsychotique en milieu communautaire sont deux fois plus susceptibles d’être atteintes de diabète que le reste de la population (Sokal et al., 2004). Selon Cole et Padmanabhan (2012), la prise d’antipsychotiques a une grande influence sur la libération d’hormones. Par exemple, cette médication peut causer une augmentation excessive de prolactine dans le sang, associée à un risque plus grand du cancer du sein. De plus, les antipsychotiques peuvent amplifier les effets secondaires de la chimiothérapie, dont les nausées et les vomissements. Ils peuvent aussi interférer au niveau sanguin, par exemple, en augmentant les risques d’infection en provoquant une neutropénie ou une leucopénie (Cole & Padmanabhan, 2012). Les conséquences de la prise d’antipsychotiques sont grandes, mais ce traitement constitue un des seuls pour stabiliser l’état et améliorer la qualité de vie des personnes ayant un trouble mental grave (Awad & Voruganti, 2013). En raison des problèmes de mémoire et compréhension chezcette population, la gestion des effets de secondaires possibles de la médication peut être difficile. C’est pourquoi il est de la responsabilité des personnes et des professionnels de la santé de bien comprendre, entre autres, les enjeux liés à la prise de ces médicaments

Adhérence au traitement

  Plusieurs personnes ayant des troubles mentaux graves présentent une réticencedevant l’adhérence aux traitements, même si ces derniers visent la santé physique (Forbes, 2010). Par exemple, une grande problématique observée pour le traitement du 20 cancer chez cette population vulnérable provient de l’incompréhension de leur maladie physique et mentale, dont en découlent des problèmes liés à la prise de médication et ausuivi régulier de leur rendez-vous (Cole & Padmanabhan, 2012). Ces personnes vont même jusqu’à refuser les interventions médicales, incluant celles médicamenteuses, et sociales, reconnaissant peu ou pas la nécessité des traitements (Forbes, 2010). De plus,de nombreuses personnes présentant des troubles mentaux graves démontrent desdifficultés dans la planification et la gestion d’un horaire structuré de rendez-vous (Adams, 2008), compromettant d’autant plus la qualité des suivis effectués par les professionnels de la santé. Ces difficultés peuvent être reliées aux systèmes de rendez vous trop difficiles d’accès, à l’anxiété de consulter un professionnel de la santé ou encore à la peur d’un jugement de la part de ceux-ci ou des autres personnes dans la salle d’attente (Adams, 2008).Plusieurs facteurs influencent l’adhérence au traitement chez les personnes ayant un trouble de santé mentale grave. Certains facteurs peuvent être modifiables : l’isolement, le soutien social et les connaissances en santé en sont des exemples (Gunzler et al., 2017). Les auteurs d’une étude quantitative, réalisée en 2015, ont examiné les facteurs qui influencent l’adhérence aux visites médicales, auprès de 200 personnes diabétiques présentant des troubles mentaux graves. La conclusion de l’étude indique que cette population a besoin d’interventions éducatives adaptées à leurs capacités cognitives. Les auteurs affirment que les professionnels de la santé devraient bénéficier de formations spécifiques sur les facteurs ayant des impacts sur l’adhérence aux traitements, comme un faible niveau de connaissances sur le diabète, et sur l’importance de l’autogestion (Gunzler et al., 2017).

Habitudes de vie

  Les personnes présentant des troubles de santé mentale présentent des problèmes de santé physique plus nombreux que la population générale (McCabe & Leas, 2008). Plusieurs causes sont possibles; par exemple, le tabagisme et l’obésité, souvent présents au sein de cette population, peuvent par la suite augmenter le risque de décèsprématurés (Cole & Padmanabhan, 2012). Les personnes vivant avec un trouble mental grave sont moins enclines à faire de l’activité physique dû à leurs symptômes négatifs de la maladie, dans une proportion de 75 %. Elles sont cinq fois plus susceptibles de présenter un statut de tabagisme actif, et seulement 5 % de cette population consomment les portions de fruits et légumes recommandées comparativement aux personnes sans diagnostic lié à la santé mentale (Happell, Stanton, Hoey, & Scott, 2014; Scott & Happell, 2011). Les habitudes de vie défavorables, telles qu’une alimentation sous-optimale souvent causée par leur revenu insuffisant, un faible niveau d’activité physique, le tabagisme et la consommation d’alcool et de drogues, sont directement liées au développement de maladies chroniques physiques chez les personnes présentant des troubles mentaux graves (Scott & Happell, 2011). Les personnes présentant des troubles mentaux graves sont également plus à risque de consommer de l’alcool et des drogues (Ministère de la Santé et des Services sociaux, 2015). La concomitance des troubles mentaux et des dépendances est élevée; c’est pourquoi il est important de discuter conjointement de ces préoccupations. Par exemple,les personnes ayant un diagnostic de schizophrénie sont trois fois plus à risque de présenter une consommation d’alcool problématique et six fois plus à risque de consommer de la drogue que les personnes n’ayant aucun diagnostic de troubles mentaux (Centre canadien de lutte contre l’alcoolisme et les toxicomanies (CCLAT), 2009). Un trouble lié à la consommation d’alcool peut être constaté lorsque le nombre de consommations est supérieur à 15 ou plus par semaine chez l’homme et de 10 consommations ou plus par semaine chez la femme. Un trouble lié à la consommation de drogues peut être constaté lorsque la consommation s’établit sur une base régulière, c’est-à-dire au moins une fois par semaine (Butt, Beirness, Gliksman, Paradis, & Stockwell, 2010).

Organisation des services de santé mentale au Québec

   Le Plan d’action en santé mentale 2015-2020 du Québec vise la promotion de la santé mentale et la prévention des troubles mentaux et du suicide. Les personnes présentant un trouble mental courant ou qui présentent un risque peuvent bénéficier de soins et de services afin de pouvoir maintenir leurs rôles sociaux. Ces services proviennent soit des établissements de la santé ou d’organismes du milieu communautaire (Ministère de la Santé et des Services sociaux, 2015).Concernant plus particulièrement les personnes présentant des troubles mentaux graves, elles ont souvent besoin de services de soutien et d’un suivi dans la communautésur une longue période de temps et même parfois pour une bonne partie de leur vie. Selon le Ministère de la Santé et des Services sociaux (2015), ces services ont pour principale fonction de favoriser l’acquisition d’un degré de fonctionnement autonomeoptimal en société. Ces services visent principalement les personnes ayant un trouble mental grave, dont la situation est instable et qui, sans la présence de services dans la communauté, seraient les plus susceptibles d’être hospitalisées ou d’utiliser fréquemment les urgences (Ministère de la Santé et des Services sociaux, 2015).

Disparité et inégalités sociales en santé mentale

  Présentement, des personnes ayant des problématiques de santé mentale utilisatrices de services ont de la difficulté à recevoir de façon continue des services qui répondent à l’ensemble de leurs besoins (Ministère de la Santé et des Services sociaux, 2015). Au Canada, 67 % des personnes présentant des troubles mentaux tels qu’un trouble de l’humeur mentionnaient avoir reçu de l’aide au cours des 12 derniers mois enraison de leurs émotions, de leur santé mentale ou de leur consommation d’alcool ou de drogues. Malgré ce pourcentage élevé, 32 % des personnes présentant des troubles mentaux graves avaient la perception d’avoir un besoin peu ou non satisfait en matière de soins en santé mentale (Khan, 2017). L’accès aux services en santé mentale n’est pas un privilège, mais un droit (Association canadienne pour la santé mentale, 2018). Deplus, pour assurer la qualité des soins, les infirmières se doivent de défendre les droits de ces personnes en améliorant l’accessibilité aux services de santé mentale et à l’éducation à la santé (McInnis-Perry et al., 2014). Des recherches chez les personnes présentant des troubles mentaux graves contribueraient à réduire la disparité en santé mentale : pourtant, les fonds de recherche disponibles sont principalement consacrés à d’autres causes (Association canadienne pour la santé mentale, 2018). Selon l’Association canadienne pour la santé mentale(2018), il y a des lacunes importantes concernant la recherche dans le domaine de lasanté mentale. Bien qu’il existe déjà des données probantes concernant l’efficacité decertains services comme le suivi intensif dans la communauté chez les personnes présentant des troubles mentaux graves, des recherches sont nécessaires pour évaluer les disparités et les obstacles réduisant l’accès à des traitements psychologiques efficaces.Les recherches sur la LS chez les personnes présentant des troubles mentaux graves permettent de réduire certaines inégalités en matière de santé en améliorant l’accès aux soins et l’éducation à la santé (Government of Canada, 2018).

Littératie en santé des personnes présentant des troubles mentaux graves

  Jusqu’à maintenant, une étude a démontré une grande prévalence d’une faible LS chez les personnes dépressives (A. Lincoln et al., 2006). Les résultats de cette étude ontégalement montré que la LS est un facteur influençant l’évolution de la dépression. Cette étude, réalisée à Boston, a confirmé que la LS est extrêmement importante à considérer chez les personnes ayant un trouble de santé mentale et que peu d’études l’ont fait jusqu’à maintenant. Une autre étude, menée en Australie en 2011 à l’aide de l’instrument de mesure TOFHLA et réalisée auprès de 30 personnes atteintes de schizophrénie et 30 personnes atteintes de dépression majeure, a démontré des résultats différents (Galletly, Neaves, Burton, Liu, & Denson, 2012). Ceux-ci ont révélé que la LS chez les personnes présentant ces troubles mentaux est comparable à celle de la population australienne en général. Les auteurs de cette étude ont soulevé que la LS des participants était plus élevée que celle de personnes âgées ou de la population ayant des problèmes médicaux aux États-Unis (Galletly et al., 2012).Une autre étude réalisée en 2013 a porté sur la LS de personnes vivant avec un trouble mental grave (Clausen et al., 2016). L’objectif était d’examiner différents aspects de la LS et d’identifier les facteurs associés à une faible alphabétisation chez les adultes présentant des troubles mentaux graves à l’aide de différents instruments de mesure, soit le REALM-SF, le SILS et le NVS. Les questionnaires ont été remplis par 71 participants présentant un diagnostic de trouble mental grave, soit une schizophrénie, un trouble schizo-affectif, un trouble bipolaire de type 1 ou 2 ou un trouble dépressif majeur. Les résultats ont montré qu’entre 42 % et 66 % des participants présentaient une LS inadéquate, selon l’instrument utilisé, et qu’une faible LS a été retrouvée plus fréquemment chez les personnes présentant un fonctionnement global compromis ou ayant une schizophrénie. Selon les auteurs de cette étude, ces données montrent que les personnes présentant un trouble mental grave ont un niveau limité d’alphabétisation et peuvent avoir plus de difficulté à comprendre l’information sur la santé (Clausen et al., 2016).En 2014, des auteurs des États-Unis ont tenté d’examiner le lien entre la LS, l’adhésion aux traitements des maladies cardiaques et la santé cardiovasculaire chez les personnes présentant des troubles mentaux graves. Les résultats ont révélé que près de 40 % de leur échantillon avait une LS inadéquate selon l’instrument TOFHLA (Rose et al. (2014). Toutefois, cette échelle d’évaluation s’intéresse au degré de compréhensionde la grammaire plutôt qu’à la compréhension des problèmes de santé ou la capacité de la personne à utiliser ses connaissances pour prendre en charge sa santé (Rose et al., 2014). C’est pourquoi une étude menée à l’aide d’une échelle de mesure plus spécifique et multidimensionnelle, comme le QLS, s’avère nécessaire pour évaluer le niveau de LS chez cette population.

Conséquences d’une faible littératie en santé

  La LS soulève de plus en plus d’intérêt dans le domaine de la recherche, car son rôle clé dans le pouvoir d’agir chez tous types de personnes a été démontré (Zhang, Tao, Wu, Tao, & Fang, 2016). Ainsi, les personnes présentant des troubles mentaux etpossédant de faibles compétences en LS sont moins portées à faire des examens préventifs pour leur santé, par exemple, les examens pour le dépistage du cancer, causant des retards et donc l’établissement du diagnostic de cancer à un stade plus avancé (Galletly et al., 2012). Une LS peu élevée est également liée chez cette clientèle à une mauvaise adhérence aux traitements et une collaboration médicale insatisfaisante.Une faible LS peut aussi entraîner un manque d’engagement avec les professionnels de la santé, une mauvaise santé générale et un plus grand taux d’hospitalisation (Jayasinghe et al., 2016). Pourtant, malgré ces données probantes sur la LS, les médecins et les infirmières ont encore une grande méconnaissance de ce concept (Galletly et al., 2012)

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Table des matières

Liste des tableaux
Liste des abréviations et des acronymes
Remerciements
Introduction
Chapitre 1 Problématique
But de l’étude
Chapitre 2 Recension des écrits
Facteurs de vulnérabilité des personnes présentant des troubles mentaux graves
Connaissances relatives à la santé
Effets secondaires possibles de la médication
Adhérence au traitement
Habitudes de vie
Multimorbidité
Portrait des soins offerts aux personnes présentant des troubles mentaux graves
Description des soins de santé physique
Portrait de l’utilisation des services de santé
Organisation des services de santé mentale au Québec
Disparité et inégalités sociales en santé mentale
Stigmatisation
Littératie en santé (LS)
Définition
Littératie en santé des personnes présentant des troubles mentaux graves
Conséquences d’une faible littératie en santé
Concept de la littératie en santé mentale (LESM)
Instruments de mesure de la littératie en santé
Cadre de référence
Question de recherche
Chapitre 3 Méthodologie
Devis
Milieu
Population, échantillon et échantillonnage
Variables et instruments de mesure
Types de troubles mentaux graves
Littératie en santé
Maladies chroniques
Profil sociodémographique
Déroulement de la collecte des données
Plan d’analyse des données
Considérations éthiques
Chapitre 4 Résultats
Introduction
Recension des écrits
Méthodologie
Devis
Milieu de l’étude
Population et échantillon
Déroulement de la collecte de données
Questionnaires
Analyse des données
Considérations éthiques
Résultats
Description de l’échantillon
Résultats des neuf dimensions du QLS
Comparaison de la LS entre différents sous-groupes de participants
Discussion
Forces et limites de l’étude
Implications scientifiques et cliniques
Conclusion
Déclaration de conflits d’intérêts
Références
Chapitre 5 Discussion
Discussion des résultats
Forces et limites possibles de l’étude
Implication pour la clinique, la formation et la recherche
Conclusion
Références
Appendices
Appendice A Instruments de mesure
Appendice B Lettre d’approbation éthique
Appendice C Formulaire d’information et de consentement
Appendice D Tableau complémentaire

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