Polymorphisme du silicate tricalcique

Silicate tricalcique et ciments 

Il existe une très grande variété de ciments pour lesquels il faut distinguer les ciments anhydres des ciments hydratés : les plus couramment discutés et utilisés sont les ciments Portland. Les problèmes et les composés en présence sont multiples. Les notations utilisées ci-après sont celles de la chimie des oxydes :
C = CaO,
S = SiO2,
A = Al2O3,
F = Fe2O3,
H = H2O.

Dans cette thèse, nous nous intéressons au cas du ciment Portland anhydre constitué principalement d’une roche artificielle, le clinker, à laquelle on ajoute 5 % de gypse et divers additifs destinés à régulariser la prise. Le clinker est obtenu à haute température à partir d’un mélange de calcaire et de phase argileuse : celle-ci, contenant l’oxyde de fer et l’alumine, va jouer le rôle de fondant. Le clinker est formé essentiellement de deux phases de silicates et de deux phases d’aluminates de calcium. Les silicates se composent d’alite (silicate tricalcique impur, environ 60 %), et de bélite (silicate bicalcique impur, environ 15 %). Les silicates tricalcique et dicalcique sont respectivement désignés C3S et C2S (C3S = Ca3SiO5 et C2S = Ca2SiO4). Les aluminates sont composés d’aluminate tricalcique (C3A) et d’aluminoferrites (C4AF), avec C3A = Ca3Al2O6 et C4AF = Ca4Al2Fe2O10. Le clinker se présente sous la forme de granules d’un gris foncé.

L’examen d’une section polie d’un nodule de clinker au microscope optique, sous un grossissement compris entre 50 et 100, montre des cristaux de quelques micromètres d’alite et de bélite, enrobés dans une matrice d’aluminate tricalcique C3A et d’aluminoferrite tétracalcique C4AF distinguables après une attaque chimique sélective. La microscopie optique nous renseigne sur l’histoire de la fabrication du clinker, en donnant des informations sur la qualité du cru, sur les processus de cuisson et de refroidissement.

Phases du clinker et polymorphisme : variabilité du clinker 

Le clinker est produit à partir d’un mélange (le cru) à base de calcaire (80 % environ) et de phase argileuse (20 % environ) progressivement porté dans un four à une température de 1450 °C. La composition des matières premières, les conditions de traitement thermique du four, et le refroidissement sont autant de paramètres qui influent sur la nature des phases du clinker. Notre étude s’inscrit dans la problématique générale du contrôle de cette variabilité qui va se répercuter dans le mécanisme d’hydratation.

En présence d’eau, les composés du clinker donnent progressivement les produits d’hydratation suivants : des produits mal cristallisés, nommés C-S-H, à l’origine de la cohésion du ciment, des hydrates cristallins (la portlandite Ca(OH)2 et des sulfo et ferroaluminates hydratés).

L’alite et la bélite sont des solutions solides de silicate tri- et dicalciques (C3S et C2S). Ces derniers cristallisent respectivement sous différentes formes, fonction de la température et des impuretés qu’ils contiennent. Il existe sept polymorphes pour le C3S. Dans le clinker, les impuretés présentes et le processus de trempe permettent de stabiliser certaines de ces phases, de symétrie monoclinique ou plus rarement triclinique. Un meilleur contrôle de la variabilité du clinker nécessite essentiellement une amélioration de la description du polymorphisme du C3S encore mal connu ; les autres phases ont des structures plus stables d’un clinker à l’autre et bien décrites. Le C2S présente cinq polymorphes mais se trouve quasiment toujours sous la même forme dans le clinker. Le C3A ne possède pas de polymorphisme lorsqu’il est pur. Des substitutions d’alcalins tels que Na et K sur les sites de calcium produisent des changements du symétrie du réseau cristallin de C3A pur. On distingue des phases de symétrie cubique ou orthorhombique dans les clinkers. La phase alumino-ferrite est une solution solide de formule Ca2(AlxFe1-x)O5 où x varie entre 0 et 0.7. Toutes les solutions solides sont orthorhombiques.

Bilan 

➤ Le clinker Portland est composé essentiellement d’alite (C3S impur, 60 %), de bélite (C2S impur, 15 %), et d’une phase interstitielle englobant des aluminates de calcium (C3A et C4AF, 20 %).
➤ D’une usine à une autre, on constate une certaine variabilité du clinker qui se manifeste au niveau minéralogique par le polymorphisme de certaines phases qui cristallisent sous différentes formes en fonction des impuretés présentes.
➤ Le contrôle de cette variabilité exige une bonne connaissance cristallographique de ces phases, ce qui est le cas pour la bélite et les aluminates. Dans un clinker, le C2S se présente essentiellement sous forme β, le C3A sous formes cubique et orthorhombique, le C4AF exclusivement sous formes orthorhombiques. Pour toutes ces formes, on dispose de modèles structuraux déterminés grâce à des études sur monocristaux et directement utilisables dans des ajustements de diagrammes de poudres. Les modèles et les diffractogrammes de ces structures sont discutés à l’annexe 5.
➤ Notre étude vise à améliorer la description de l’alite, phase majoritaire du clinker pour laquelle le polymorphisme est le plus complexe et encore très mal connu.

Cristallographie du silicate tricalcique C3S 

Le terme de C3S est réservé au silicate tricalcique pur, celui d’alite au silicate tricalcique impur. Cependant, cette distinction n’est pas toujours respectée dans la littérature : beaucoup d’auteurs utilisent la notation abrégée C3S, même pour l’alite. Après avoir décrit les différentes phases observées pour le silicate tricalcique, nous décrirons d’abord les éléments dont on dispose pour identifier puis ceux dont on dispose pour quantifier ces phases par diffraction des rayons X.

Les diverses phases

La mise en évidence des différents polymorphes a été difficile car les différentes phases ne se distinguent que par de très légères variations structurales et montrent des diagrammes de diffraction des rayons X (DRX) très semblables ; de même, les enthalpies de transformations sont très faibles (moins de 1 cal.g-1) voire nulles. Les phases ont été mises en évidence en conjuguant analyse thermique différentielle (ATD), DRX en fonction de la température, et observations en microscopie optique (maclage, propriétés optiques comme l’orientation optique et la biréfringence) sur C3S et alites .

Alite dans un clinker

Dans un clinker, le silicate tricalcique se trouve sous forme impure : lors de la fabrication, des ions étrangers comme par exemple Mg2+, Al3+, Fe3+ s’introduisent dans le réseau cristallin. Ces impuretés se placent soit en substitution soit en insertion dans le réseau cristallin du silicate tricalcique [Regourd 1982]. Dans un clinker, la forme présente à température ambiante n’est pas T1, mais M1 ou M3 ou un mélange des deux (plus rarement T2). La variété observée dépend de la composition de l’alite et de la cinétique de refroidissement. Dans les clinkers industriels, les alites sont pratiquement toutes monocliniques (on n’observe que rarement les formes rhomboédrique ou triclinique). Maki a étudié, sur de nombreux clinkers, l’influence de la teneur en MgO et SO3 dans le clinker sur la forme de l’alite [Maki et Goto 1982b] .

Maki a caractérisé en microscopie optique, par des mesures de biréfringence, plusieurs clinkers de composition chimique différente favorisant ainsi des alites différentes, M1, M1+M3, M3 [Maki et Kato 1982a]. Il a aussi étudié ces mêmes échantillons en diffraction des rayons X, ce qui lui a permis de dégager des allures caractéristiques des pics d’alite M1, M1+M3, M3 à partir d’un diffractogramme de clinker . On voit que seul un diffractomètre de haute résolution permet de faire la différence entre une alite M1 et M3 lorsqu’on dispose seulement du diffractogramme du clinker. Une simple « estimation » visuelle sur des données de résolution insuffisante peut conduire à des erreurs d’interprétation.

Bilan 

➤ Le silicate tricalcique C3S possède sept phases polymorphiques entre la température ambiante et 1100° C : trois tricliniques (T1, T2, T3), trois monocliniques (M1, M2, M3), et une rhomboédrique (R).
➤ Les différentes transformations sont displacives : les diffractogrammes des différentes formes sont assez voisins. L’identification du polymorphe repose sur l’examen de deux fenêtres angulaires du diffractogramme.
➤ L’identification de la forme de l’alite dans un clinker est difficile car les raies de l’alite sont superposées aux raies de la bélite sur la quasi-totalité du diffractogramme. Les discussions à partir des formes de raies dans ces deux domaines angulaires sont beaucoup plus hasardeuses. Au contraire, on peut utiliser le doublet à 3 Å et 1.75 Å.

Modèles structuraux 

La description du polymorphisme du silicate tricalcique est très incomplète. Certaines études sur monocristaux ont permis de résoudre la structure cristalline des polymorphes R, T1, M3 mais aucun modèle structural n’a été proposé pour T2, T3, M1, M2. La première étude fondamentale est celle de Jeffery qui a montré que les formes R, T1, M3 avaient une structure voisine et a alors défini une pseudo-structure commune aux trois [Jeffery 1952]. Par la suite, les structures R, T1, M3 ont été résolues plus précisément, en partie grâce à l’essor des diffractomètres à 4 cercles, conduisant à des modèles complexes avec des grandes mailles traduisant des surstructures liées à des orientations multiples de tétraèdres.

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Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE I POLYMORPHISME DU SILICATE TRICALCIQUE
SYNTHÈSE BIBLIOGRAPHIQUE
1 Problématique de la thèse
1-1 Silicate tricalcique et ciments
1-2 Phases du clinker et polymorphisme : variabilité du clinker
1-3 Bilan
2 Cristallographie du silicate tricalcique C3S
2-1 Les diverses phases
2-2 Caractérisation par diffraction des rayons X sur poudres
2-2-1 C3S pur
2-2-2 Alite dans un clinker
2-3 Bilan
2-4 Modèles structuraux
2-4-1 Pseudo-structure de Jeffery
2-4-2 Structure R : description du désordre orientationnel
2-4-3 Structure M3
2-4-4 Structure T1 de Golovastikov
2-4-5 Matrices de transformation entre les diverses mailles
2-4-6 Bilan
3 Conclusion
4 Bibliographie
CHAPITRE II MÉTRIQUE DES MAILLES DU C3S
1 Variabilité de l’alite dans les clinkers
1-1 Diffraction des rayons X sur des clinkers
1-2 Diffraction des rayons X sur des alites de synthèse M1 et M3
1-2-1 Synthèses des alites M1 et M3
1-2-2 Caractérisation par D.R.X.
2 Métrique des mailles monocliniques M1 et M3
2-1 Relations de surstructures dans l’espace direct
2-1-1 Relation entre <M> et M3
2-1-2 Relation entre <M> et M1
2-2 Surstructures et diffractogrammes
2-2-1 Calcul de la structure M’3
2-2-2 Indexation des raies de surstructure : mailles M’3 et <M>
2-2-3 Utilisation du Full Pattern Matching : détermination d’une maille multiple minimale
2-2-4 Indexation des raies de surstructure : vecteur de propagation
2-2-5 Indexation des raies de surstructure : mailles M’1 et <M>
2-3 Conclusion
3 Métrique de la maille triclinique T1
3-1 Notations
3-2 Introduction de nouvelles mailles
3-2-1 Introduction d’une nouvelle maille triclinique T’1
3-2-2 Introduction d’une maille triple quasi-monoclinique T’3
3-2-3 Introduction d’une maille quasi-monoclinique T’’3
3-3 Description de la maille quasi-monoclinique T’’3 en terme de surstructure : maille moyenne <T>
3-4 Nouvelle notation des mailles
4 Une palette de modèles
4-1 Que faire de ces diverses mailles ?
4-1-1 Variation des paramètres de maille
4-1-2 Positions et extinctions des raies de diffraction
4-1-3 <M> et <T> : deux briques de base possibles
5 Bilan
6 Bibliographie
CHAPITRE III ATOMES DES MAILLES DU C3S
1 Position des atomes dans l’alite M3
1-1 Modèles proposés dans la littérature pour M3
1-1-1 Calcul de la maille moyenne <M>N
1-1-2 Comparaison des deux mailles moyennes
1-2 Compréhension du désordre : structure moyenne et surstructures
1-3 Environnements des silicates : pseudo-symétrie et anisotropie de la coordinence
1-3-1 Environnement des trois silicates
1-3-2 Éléments de symétrie locaux : pseudosymétrie rhomboédrique et symétrie monoclinique
1-3-3 Coordinence dans le plan monoclinique
1-4 Organisation en chaînes de silicates et chaînes de calcium
1-5 Dissymétrie entre les chaînes : hypothèses sur la cohésion du C3S et sa réactivité lors de l’hydratation
1-6 Introduction d’impuretés : tentative d’interprétation
1-7 Conséquences structurales de la structure en chaînes
2 Position des atomes dans T1
3 Modélisation de l’alite M1
3-1 Démarche
3-1-1 Deux démarches possibles
3-1-2 Choix de la démarche
3-2 Recherche d’une maille moyenne <M> monoclinique
3-3 Recherche d’une surstructure 3<M> monoclinique
3-4 Analyse des résultats
3-4-1 Relations de groupes et sous-groupes entre les polymorphes
3-4-2 Test des autres groupes d’espace monoclinique
3-5 Conclusion
4 Modélisation de la structure
4-1 Analyse dans le plan monoclinique
4-1-1 Déformation des triplets
4-1-2 Désordre orientationnel et triplets
4-2 Analyse tridimensionnelle
4-2-1 Distances SiO4-SiO4
4-2-2 Symétrie ternaire et analyse bidimensionnelle : une vision rhomboédrique de la structure
4-2-3 Une vision monoclinique de la structure : zigzags et « spaghettis »
4-2-4 Retour aux distances : espacement entre chaînes de silicates parallèles
4-2-5 Enchevêtrement des zigzags : retour à une vision hexagonale de la structure
4-3 Désordre orientationnel
4-3-1 Description du désordre orientationnel en relation avec les triplets
4-3-2 Corrélations orientationnelles
4-3-3 Deux types de désordre : désordre corrélé et désordre frustré
4-4 Cohésion et désordre orientationnel
4-5 Conclusion
5 Motif structural et choix des mailles
6 Conclusion
7 Bibliographie
CONCLUSION

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