Polymérisation de l’hémoglobine S et falciformation des globules rouges

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PHYSIOLOGIE

Structure protéique de l’hémoglobine

L’hémoglobine est une molécule de grande taille et de structure complexe. Sa fonction est de transporter l’oxygène (O2) des poumons jusqu’aux tissus et de véhiculer le dioxyde de carbone des organes vers les poumons. La molécule d’hémoglobine est un hétérodimère composé, de quatre chaines polypeptidiques identiques deux à deux. Chez l’adulte sain, on distingue une forme prédominante, l’HbA, qui se compose de deux sous unités α globine et deux sous unités β globine ; ainsi la molécule est notée α2β2. La structure interne des deux chaines est relativement proche, à la seule différence que la chaine β globine est plus longue. Les sous-unités α sont composées de 141 acides aminés et les sous-unités β de 146 (Figure 6). La molécule d’hémoglobine a un poids moléculaire de 68 kilos Dalton. Chacune des chaînes adopte une conformation spatiale lui donnant une forme globuleuse ; ce qui permet la création d’une « poche » superficielle dans laquelle se loge l’hème. Celui-ci se compose d’un cycle appelé porphyrine contenant un atome de fer à l’état ferreux. C’est cette structure qui confère à la molécule d’Hb la capacité de fixer le fer et l’oxygène. Ce sont les liaisons hydrophobes intercalées entre les acides aminés périphériques de chaque globine, qui permet à la molécule de conserver l’aspect globulaire de sa structure quaternaire. La fixation de l’oxygène sur la molécule d’Hb au niveau de l’hème provoque un changement conformationnel. La molécule ainsi formée est appelée oxyhémoglobine. Quand cette dernière se retrouve dans des environnements où la concentration en CO2 est élevée, par conséquent un pH faible, l’affinité de l’hème pour la molécule d’O2 diminue. Ce phénomène provoque la libération de l’oxygène et l’espace libéré sera rapidement occupé par une molécule de CO2.

Differents type d’hémoglobine chez l’adulte sain

L’hémoglobine est formée de l’association de la globine et d’un hème. La globine est une protéine hétéro-tétramérique formée de quatre chaînes polypeptidiques identiques deux à deux, ces sous-unités étant de type α, β, δ et γ, permettant de classer les différents types d’hémoglobine [32]. Chez un adulte sain, trois types d’hémoglobines sont présents en quantité plus ou moins importante (Tableau I). Les valeurs normales du taux d’hémoglobine se situent entre 12 et 16 g/dL chez la femme adulte et 14 et 18 g/dL chez l’homme adulte. Quant à la concentration corpusculaire moyenne en hémoglobine (CCMH), qui correspond à la quantité d’hémoglobine contenue dans 100mL d’hématies, sa valeur normale est comprise entre 32 et 36 g/100mL.

PHYSIOPATHOLOGIE

Les hémoglobinopathies

Les hémoglobinopathies sont des maladies génétiques provoquées par des mutations dans la séquence des gènes codant pour l’une des chaines de l’hémoglobine. Il en résulte la production d’une chaine polypeptidique anormale. Les hémoglobinopathies peuvent avoir pour conséquence, une diminution de la production de l’une des deux chaines (thalassémies) ou, un défaut qualitatif (hémoglobines anormales).
Dans le cas des β-thalassémies, c’est le taux d’expression du gène β-globine de l’HbA qui est affecté. Ces altérations du code génétique se traduisent par un défaut de production (réduction ou absence de la protéine). A ce jour, plus de 200 mutations dans la chaine de la β-globine ont été répertoriées [33] et la liste ne cesse de s’agrandir. Dans le cas d’une production anormale de la β-globine, on observe une accumulation de chaine α-globine libre. Cette accumulation a pour effet de provoquer un stress oxydatif marqué au niveau de la membrane érythrocytaire. Ces défauts ont pour conséquence, d’orienter la cellule vers une mort cellulaire programmée [34]. La lyse cellulaire qui en résulte, en plus de l’anémie sévère qu’elle provoque, a des conséquences physiopathologiques graves, parmi lesquelles on citera un dysfonctionnement vasculaire de par les interférences avec le métabolisme du monoxyde d’azote [35].

Syndromes drépanocytaires majeurs

L’appellation de syndrome drépanocytaire majeur est réservée aux hémoglobinopathies résultant de la présence de deux allèles βS ou associant la présence de l’allèle βS à une deuxième altération du gène β-globine, produisant ainsi une hémoglobine anormale [36]. Les principaux génotypes sont la forme homozygote SS (drépanocytose homozygote) et la forme double hétérozygote composite SC. Dans le cas de l’hémoglobine C, la mutation responsable de cette hémoglobine anormale est une transition d’une guanine en une adénine, entraînant au niveau du codon 6 le remplacement de l’acide glutamique par une Lysine. Un autre syndrome drépanocytaire majeur correspond à l’hétérozygotie SD Punjab, avec la mutation D Punjab liée au remplacement de l’acide glutamique par une glutamine à la position β121. On notera aussi parmi ces syndromes drépanocytaires majeurs tous les génotypes associant à l’HbS les variantes β-thalassémiques. La Sβo thal correspond à la forme la plus sévère caractérisée par l’absence de production d’HbA. D’autre part, il existe plusieurs variantes moins sévères, se distinguant par leur capacité à produire de l’HbA en quantité réduite, notées Sβ+ thal ; elles vont du type I au type III classée en fonction du pourcentage d’HbA, produit soit de 3 à 5 % ; de 8 à 14 % et 18 à 25 %, respectivement [24]. Enfin, on trouve l’HbO Arab lorsque ce même codon est remplacé par AAG donnant lieu à l’insertion d’une Lysine.

Polymérisation de l’hémoglobine S et falciformation des globules rouges

A l’origine, le globule rouge mature, présenté comme une cellule discoïde biconcave, est dépourvu de noyau et a une extrême souplesse. L’hématocrite, qui correspond au pourcentage de globules rouges dans lesquels se trouve l’hémoglobine a des valeurs normales se situant entre 37 et 47 % chez la femme adulte et entre 40 et 52 % chez l’homme adulte. La déformabilité des globules rouges dépend principalement de trois facteurs : l’élasticité membranaire, le volume globulaire moyen et la viscosité interne de la cellule dont le type et la concentration d’hémoglobine sont des facteurs majeurs. L’hémoglobine est formée de l’association de la globine et d’un hème. La globine est une protéine hétéro-tétramérique formée de quatre chaînes polypeptidiques identiques deux à deux, ces sous-unités étant de type α, β, δ et γ, permettant de classer les différents types d’hémoglobine [38].
L’hème est une proto-porphyrine IX solidement fixée par des liaisons covalentes au cœur de chacune des chaînes de globine, et liant un atome de fer par liaisons de coordination. Cet atome de fer, dans l’état Fe2+, possède la propriété de fixer l’oxygène de façon réversible : Hb + O2 ↔ HbO2, avec Hb= désoxy-hémoglobine, et HbO2 = oxyhémoglobine. La mutation génétique du gène βA normal en βS anormal entraîne un changement de charge et de polarité de la molécule d’hémoglobine. Alors que l’acide glutamique est hydrophile et chargé négativement, la valine est hydrophobe et non chargée. La valine β6 d’une molécule HbS, bien qu’hydrophobe mais entourée d’eau, établit des liaisons hydrophobes avec en particulier la phénylalanine β85 et la leucine β88 d’une molécule HbS adjacente [39]. Ce gène muté, à l’origine de la production d’HbS, modifie la configuration de la molécule expliquant ainsi les particularités physico-chimiques de l’HbS : hyposolubilité, polymérisation en milieu désoxygéné et faible affinité pour l’oxygène. Cette moindre solubilité de la désoxyhémoglobine S conduit à l’association d’HbS et à l’agrégation de polymères d’HbS ou filaments tactoïdes (Figure 7).

Circulation vasculaire et hémoglobine S

Le globule rouge drépanocytaire

Nous avons vu précédemment que la mutation génétique βS, suite à l’enchaînement des cycles de polymérisation/dépolymérisation induisait une altération du globule rouge et de ses propriétés. Ces globules rouges falciformes étant plus rigides, moins déformables et plus fragiles conduisent à des altérations hématologiques et hémorhéologiques chez les patients drépanocytaires. Cette déformation de l’érythrocyte entraîne la libération de vésicules et une déshydratation cellulaire, ainsi qu’une augmentation de la perméabilité de la membrane aux cations (Na+, K+, Ca2+ et Mg2+). De plus, un microenvironnement oxydant apparaît, avec formation de Fe3+, création d’un cycle d’auto-oxydation de l’HbS et retentissement sur les autres protéines du globule rouge [55]. Cela aboutit à un remaniement des phospholipides et à l’expression de molécules d’adhésion au niveau membranaire. Ainsi, les interactions des globules rouges avec leurs environnements plasmatiques et cellulaires sont modifiées, notamment vis-à-vis de la cellule endothéliale. De ce fait, l’observation du globule rouge drépanocytaire a permis d’expliquer les crises vaso-occlusives, où les érythrocytes moins déformables obstruent les vaisseaux sanguins de petits et moyens diamètres [56] (Figure 17).

L’adhésion vasculaire

Il a été montré qu’il y avait un processus d’adhérence anormale des hématies falciformes aux cellules de l’endothélium vasculaire [58, 59] suggérant des altérations rhéologiques chez les patients drépanocytaires. De plus, l’enchaînement des cycles de falciformation et défalciformation des globules rouges modifient leur potentiel adhésif en augmentant l’expression de certains récepteurs des molécules d’adhésion [60]. Par ailleurs, les sujets drépanocytaires ont un environnement vasculaire pro-inflammatoire propice à l’adhérence des hématies falciformes et des leucocytes [61]. Les leucocytes des patients atteints de la drépanocytose ont également un potentiel adhésif plus important que ceux des sujets sains [62]. L’adhésion à l’endothélium se fait via l’expression des protéines pro-adhésives spécifiques telles que VCAM-1 (Vascular Cell Adhesion Molecule-1), ICAM-1 (Intercellular Cell Adhesion Molecule-1), P-sélectine et E-sélectine [63]. Il y a donc un enchaînement d’évènements chez les drépanocytaires qui conduit aux crises vaso-occlusives:
1) les phénomènes d’adhésion vasculaire ralentissent le flux sanguin et permettent la falciformation des érythrocytes,
2) les hématies falciformes obstruent les micro-vaisseaux, et
3) ces obstructions vasculaires créent une hypoxémie locale, ce qui favorise la polymérisation de l’HbS.
Le facteur déclenchant une crise vaso-occlusive est donc souvent difficile à identifier. Cependant, lors des crises vaso-occlusives, on observe fréquemment chez les drépanocytaires une surexpression des molécules d’adhésion (VCAM1, ICAM-1, P-sélectine et E-sélectine) par les cellules endothéliales [64, 65]. Cette adhésion importante proviendrait donc de multiples activations cellulaires [57].

L’altération du tonus vasculaire

Il a été montré l’existence d’une altération du tonus vasculaire dans la drépanocytose, en conséquence d’une diminution de production de monoxyde d’azote (NO) et d’une augmentation de l’endothéline-1 (ET-1) [35, 48]. Le NO, gaz soluble, est un radical très réactif, qui induit la relaxation musculaire des vaisseaux en inhibant l’entrée du calcium dans les cellules musculaires lisses [66]. Il est formé à partir de l’arginine par des NO synthétases (NOS) et en particulier au niveau des cellules endothéliales. Dans la drépanocytose, le NO a plusieurs effets bénéfiques dont l’inhibition de l’adhésion des globules rouges contenant de l’HbS, avec l’endothélium vasculaire et l’inhibition de la déshydratation des globules rouges. Cependant, les sujets drépanocytaires présentent un déficit en NO explicable en trois points :
1) par défaut de production (déficit du précurseur physiologique de NO : L’arginine) [35, 67, 68]
2) par oxydation prématurée du NO induite par l’hémoglobine plasmatique qui provient d’une hémolyse importante [69] et ou
3) par l’anion superoxyde formé par la xanthine oxydase (XO) dont le taux plasmatique est élevé chez les patients drépanocytaires [70].
Ainsi la diminution de la production de NO et sa moindre biodisponibilité, réduisant son activité chez les patients atteints de la drépanocytose, participent très probablement à la physiopathologie des crises vaso-occlusives.
Par ailleurs, les perturbations hémorhéologiques telles que la déformabilité des globules rouges et l’adhérence élevée induisent la production de radicaux libres et de ce fait inactivent la production de NO [71]. Il est intéressant de noter que l’hydroxy urée, utilisée comme traitement thérapeutique de la drépanocytose en stimulant l’expression de l’HbF, est également un donneur de NO [72]. En revanche, l’ET-1 est le plus puissant vasoconstricteur connu, contribuant ainsi à l’augmentation du tonus vasculaire. Les drépanocytes peuvent induire la transcription du gène ET-1 in vitro [73], ce qui pourrait expliquer l’augmentation de son taux circulant dans la drépanocytose [74]. Il existe donc un déséquilibre du tonus vasculaire, avec une altération de la balance NO/ET-1 en faveur d’une moindre vasomotricité vasculaire, contribuant aux phénomènes vaso-occlusifs.

Hyperplasie vasculaire de l’intima : occlusion vasculaire

L’hyperplasie intimale seule ou associée à un événement thrombogène est reconnue comme un mécanisme déterminant dans les occlusions vasculaires fréquemment observées chez les sujets drépanocytaires. Cette hyperplasie vasculaire, caractérisée histologiquement par une prolifération de fibroblastes et de cellules musculaires lisses, pourrait être l’expression de la réponse vasculaire secondaire à l’agression chimique, mécanique ou cellulaire de la cellule endothéliale [75].
L’épaississement de l’intima conduit à des sténoses segmentaires qui sont à la fois sources d’occlusions vasculaires, pouvant être associées à un processus de thrombose et à la fois responsables du ralentissement du flux sanguin. Ce phénomène a été largement décrit au niveau des artères cérébrales [76] où il rappelle les processus observés dans la maladie de Moyamoya. L’origine et le déroulement de l’occlusion vasculaire artérielle sont complexes à déterminer car il existe de nombreux facteurs cellulaires et hormonaux impliqués. Cette hyperplasie intimale a également été mise en évidence dans d’autres territoires vasculaires tels qu’au niveau splénique et pulmonaire et également dans les artérioles de la rétine où l’occlusion vasculaire est considérée comme étant à l’origine de la rétinopathie drépanocytaire et d’une raréfaction des capillaires par nécrose [77].

PRESENTATION CLINIQUE

Sujet drépanocytaire homozygote SS

Chez le sujet drépanocytaire, deux types de manifestations cliniques majeures de la maladie sont observés : une anémie chronique hémolytique et des crises vaso-occlusives qui apparaissent dès les premiers mois de vie, quand l’hémoglobine drépanocytaire remplace progressivement l’hémoglobine fœtale. Tout d’abord, vu que les hématies falciformes sont fragilisées et se rompent facilement, elles sont séquestrées et détruites par le filtre splénique. Même stimulée par la nécrose des cellules, l’érythropoïèse ne peut suivre le rythme de l’hémolyse et ne peut donc pas compenser la perte d’érythrocytes. Ainsi, on observe chez les sujets drépanocytaires une anémie hémolytique qui limite l’apport en oxygène aux tissus. En d’autres termes, la polymérisation de l’HbS est responsable de cette anémie [78]. De plus, les crises vaso-occlusives sont les manifestations cliniques les plus fréquentes mais également les plus sévères chez l’adulte [79] car elles relèvent de l’obstruction des micro-vaisseaux par les hématies falciformes rigidifiées suite à la polymérisation de l’HbS. Ces dernières peuvent interrompre complètement l’apport sanguin à un organe et être à l’origine d’une nécrose tissulaire par anoxie. Selon le tissu en question, cela peut se manifester par des douleurs intenses et brutales, atteignant fréquemment les extrémités des membres (mains et pieds), « hand-foot » syndrome [24] mais également les hanches et l’abdomen [80]. Parallèlement à ce phénotype « vaso-occlusif », la drépanocytose s’accompagne, entres autres, de troubles hémorhéologiques, d’un stress oxydant sanguin, d’une moindre biodisponibilité du NO et à une forte augmentation de l’adhérence des globules rouges à l’endothélium. Tous ces désordres conduisent également à un phénotype « vasculopathe » du drépanocytaire. Ejindu et collaborateurs [24] se sont plus particulièrement intéressés aux manifestations ischémiques aiguës itératives sur le tissu osseux de sujets drépanocytaires. Ils ont remarqué que cette complication courante dans la maladie pouvait entraîner des effets à long terme sur la croissance et la qualité de l’os. Ainsi d’importants retards staturo pondéraux sont fréquemment observés chez les enfants, ainsi que des déformations du faciès et du crâne. L’observation de radiographies peut parfois également révéler une ostéopénie chez l’adulte [24]. Sur différentes localisations de l’os, des thrombi par accumulation d’érythrocytes ont également été décrits. Des infarctus sont ainsi observés dans les cavités médullaires et dans les épiphyses osseuses, donnant lieu à des crises douloureuses. Dans les cas les plus sévères, cela peut conduire à la destruction de l’os, la nécrose ischémique de l’épiphyse étant commune chez le sujet SS, surtout au niveau des têtes du fémur et de l’humérus. Des surinfections de l’os et des articulations (ostéomyélites, périostites, arthrites) sont également des complications sévères de la drépanocytose. Ainsi il existe un processus physiopathologique au niveau de l’os du drépanocytaire bien décrit et en rapport direct avec les épisodes d’ischémie aiguë. Il est raisonnablement envisageable qu’un phénomène analogue se produise au niveau du tissu musculaire et qu’il soit à l’origine de mécanismes de remodelages. Dès le plus jeune âge, les sujets SS sont exposés aux complications de la drépanocytose. Il a notamment été avancé que l’anémie chronique pourrait engendrer un risque supplémentaire d’accidents vasculaires cérébraux (AVC) chez les sujets SS. En effet, les accidents vasculaires cérébraux sont plus particulièrement observés chez les enfants, et concernent 10% des sujets drépanocytaires [79]. Il a ainsi été suggéré que l’augmentation du flux sanguin cérébral associée à l’anémie chronique pouvait conduire à des problèmes vasculaires cérébraux [81]. Cependant, l’étude directe des vaisseaux dans le cerveau des sujets SS est très difficile, et peu de données sont accessibles.
Par ailleurs, les infections sont également plus nombreuses chez les jeunes sujets drépanocytaires que chez les sujets sains du même âge. Elles sont responsables d’une part importante de la mortalité par comorbidité de la drépanocytose [78, 82], telles que des méningites et des septicémies qui mettent en jeu le pronostic vital de ces patients. Chez le jeune enfant, la séquestration des globules rouges falciformes dans la rate aboutit à une asplénie, favorisant les infections, qui sont la deuxième cause de mortalité précoce [83]. Par ailleurs, des infections associées à des embolies de graisse et des accès de vaso-occlusions de l’arbre vasculaire pulmonaire sont souvent la cause du syndrome thoracique aigu, fréquemment rencontré chez les drépanocytaires [84]. Enfin, les données issues de questionnaires d’activité physique, montrent que les sujets SS sont plus sédentaires que la population générale. Cette restriction d’activité contribue certainement au déconditionnement cardio-respiratoire et à l’intolérance à l’effort [84, 85]. Cela peut influencer négativement le contrôle de la masse musculaire chez ces sujets. Cette potentielle amyotrophie est suspectée au regard d’un retard staturo-pondéral fréquent [24,86], et de l’index de masse corporelle plus faible chez ces sujets. De ce fait, l’attitude à adopter visa vis de l’activité physique chez les sujets SS est discutée mais à ce jour ne repose sur aucun consensus.

ATTEINTES CARDIO-VASCULAIRES ET DREPANOCYTOSE

L’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP)

Chez les sujets SS, une hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) peut être associée à l’hémolyse chronique. Il est suggéré que l’HTAP soit un facteur de risque supplémentaire de mort soudaine [87]. L’hypertension artérielle pulmonaire du sujet SS est la complication chronique la mieux connue à l’heure actuelle [88]. On la retrouve dans 32 % des cas [89]. De plus, Pegelow et collaborateurs (1997) ont clairement montré que la survie après un accident vasculaire cérébrale était moins élevée chez les SS ayant de l’hypertension artérielle pulmonaire [90].
Le remodelage dans l’HTAP résulte d’une dysfonction endothéliale à l’origine des phénomènes de vasoconstriction locale et de libération de facteurs de croissance et de l’inflammation. Ces phénomènes sont responsables d’une prolifération anormale de l’ensemble des composantes cellulaires de la paroi vasculaire pulmonaire. L’occlusion vasculaire est provoquée par une hypertrophie de la média, une prolifération des cellules musculaires lisses et des cellules endothéliales ainsi par une fibrose intimale. S’associent à cette obstruction vasculaire pulmonaire des phénomènes de thrombose in situ qui contribuent à l’augmentation progressive des résistances vasculaires pulmonaires. Il a pu être observé, sur une étude anatomopathologique post-mortem de 20 patients drépanocytaires SS un remodelage vasculaire pulmonaire proche de celui décrit chez les patients ayant une HTAP idiopathique [91].
Des lésions plexiformes, caractéristiques de l’HTAP idiopathique ont été constatées dans 60% des cas. La drépanocytose apparaît dans la dernière classification des hypertensions pulmonaires (HTP) comme une entité séparée dans le sous-groupe des HTAP associées à des maladies identifiées [92,93].
Toutefois, les mécanismes impliqués dans le développement de l’HTAP chez les patients drépanocytaires sont encore mal élucidés. Ils sont complexes et multifactoriels ; l’hémolyse chronique intravasculaire est considérée par Gladwin et al. comme un élément clé dans le développement de l’HTAP chez les patients drépanocytaires [94]. L’hypoxémie chronique, la thrombose in situ sont tous susceptibles de provoquer une dysfonction endothéliale. A ces phénomènes peuvent s’ajouter plus rarement d’authentiques cas d’HTP chronique post embolique, ou d’authentiques hypertensions porto-pulmonaires consécutives d’une hépatopathie chronique drépanocytaire [95]
Sa prévalence élevée et son impact global sur la mortalité justifient un dépistage systématique par une échocardiographie-Doppler trans-thoracique, à distance d’une CVO, à la recherche d’une fuite tricuspide avec calcul de vitesse de régurgitation.

La dilatation des cavités cardiaques liée à l’anémie chronique

Du fait de l’anémie chronique, les patients drépanocytaires ont un débit cardiaque et un index cardiaque au repos augmentés de 30 à 50% comparativement aux sujets de même âge. Cette augmentation du débit cardiaque peut, à long terme, entrainer une dilatation des cavités gauches de façon variable.

La cardiomyopathie liée à la surcharge en fer post-transfusionnelle

L’hémochromatose post-transfusionnelle est la première cause de mortalité chez les patients atteints de thalassémie majeure et est une source non négligeable de la morbidité et de la mortalité chez les patients drépanocytaires justifiant de transfusions répétées [94]
Environ 15 à 20% des patients drépanocytaires homozygotes ont à l’âge adulte une hémochromatose post-transfusionnelle. Les signes cliniques d’insuffisance cardiaque congestive révélateurs sont non spécifiques, tout comme les éventuelles anomalies à l’électrocardiogramme (ECG).
Sur le plan écho cardiographique, l’hémochromatose donne, à un stade tardif, un aspect de cardiomyopathie restrictive avec dysfonction systolique du ventricule gauche (VG) de sévérité variable selon l’ancienneté et l’intensité de la surcharge en fer. L’étude en mode écho doppler tissulaire permet de détecter les signes d’atteinte plus précoce telle que la mobilité septale, mais l’IRM cardiaque en mode T2* est de loin l’examen le plus sensible pour le dépistage et la quantification de la surcharge en fer du myocarde [96].
L’atteinte cardiaque de l’hémochromatose est quasi constamment associée et/ou précédée par une atteinte hépatique pouvant évoluer vers la cirrhose. La mise en route précoce d’un traitement chélateur du fer chez les patients polytransfusés permet de retarder la survenue de l’hémochromatose.
VIII-BIOLOGIE
Le diagnostic précis de la drépanocytose est biologique et basé sur le test d’Emmel confirmé par l’électrophorèse de l’hémoglobine. L’hémogramme donne des signes d’orientations.

L’hémogramme

La drépanocytose homozygote est caractérisée par un taux d’hémoglobine situé entre 7 et 9 g/dl, un volume globulaire moyen normal, normo chrome (CCMH : 32-34), régénérative avec le taux de réticulocytes supérieur à 120000 la présence constante sur le frottis sanguin de drépanocytes, une hyperleucocytose
à polynucléaires neutrophiles pouvant atteindre 30 000 par mm3 sans infection et une tendance à la thrombocytose [97,98]

Test de falciformation ou test d’EMMEL

Ce test biologique consiste à mettre les hématies à étudier dans une atmosphère désoxygénée qui provoque la polymérisation suivie de la gélification de l’HbS intra- érythrocytaire entraînant la falciformation des hématies (Figure 14). Ce test, rapide et simple, permet de reconnaître en quelques instants au laboratoire la présence de l’HbS dans les hématies sans toutefois distinguer la forme homozygote de la forme hétérozygote [99,100]

Test de solubilité ou le test d’ITANO

Le test de solubilité permet de mettre en évidence in vitro la polymérisation de l’hémoglobine S et son caractère insoluble [101]. Il consiste à désoxygéner une solution diluée d’hémoglobine, dont l’activité est fortement accrue par l’utilisation d’un tampon phosphate de force ionique élevée. En présence d’HbS et à température ambiante, un trouble apparaît. La centrifugation montre qu’il s’agit d’un précipité d’hémoglobine. Le test de solubilité peut également servir de test de confirmation à une électrophorèse de l’hémoglobine à pH alcalin révélant une bande de migration suspecte. Si l’on est en présence d’hémoglobine S, il se produit immédiatement un trouble net dans le tube réactionnel. Le tube témoin doit rester limpide (Figure 15)

L’electrophorèse de l’hémoglobine

C’est la technique la plus utilisée pour le diagnostic de la drépanocytose et la détermination de ses formes homozygotes ou hétérozygotes.
Le principe de l’électrophorèse est basé sur la migration des différents types d’Hb dans un champ électrique sur un support approprié, en fonction de leur charge électrique et de leur solubilité. [100]
Elle peut être pratiquée [102] :
– Sur acétate de cellulose en milieu alcalin, pH 8,6 = technique la plus utilisée
– Sur agarose en milieu acide, pH 6,2
Le diagnostic de drépanocytose est confirmé par la présence majoritaire d’hémoglobine S (75-90%), l’absence d’hémoglobine A(0%), un taux variable d’hémoglobine F(5-20%) et un taux normal de l’hémoglobine A2.

Saisie des données et méthodes d’analyse statistique

L’ensemble des données collectées a été saisi sur Microsoft Excel version 2016 et l’analyse a été faite à l’aide du logiciel Epi info version 7.2.2.6 et du logiciel R version 3.5.1.
Les méthodes statistiques utilisées ont été : la description de l’échantillon dans sa globalité puis celle des deux groupes (cas et témoins).
L’analyse uni-variée a été faite par comparaison de fréquence ou de moyenne. Les tests statistiques utilisés ont été pour les fréquences le test du chi2 et pour les moyennes celui du student.
L’analyse bi-variée a utilisé une valeur de p inférieure à 0.05 comme seuil de significativité.

VARIABLES ETUDIES ET CRITERES DE SEUIL DE DEFINITION

Caractéristiques sociodémographiques :

Les données socio-démographiques étudiées étaient :
– L’âge avec des tranches d’âge de 10 ans
– Le genre
– Le niveau de scolarisation
– Le niveau socio- professionnel (bas, moyen ou élevé)

Les antécédents des patients

Il s’agissait de rechercher des antécédents :
– Familiaux : de consanguinité, de maladie génétique
– Personnels : de diabète, d’HTA, de tabagisme, d’asthme, de transfusion sanguine ; de cardiopathie connue ; de chirurgie

Données cliniques

Les signes fonctionnels

Nous avons recherché :
– La dyspnée classée selon les stades de la New York Heart Association (NHYA) en 4 stades :
Stade I : dyspnée pour des efforts importants inhabituels : aucune gêne n’est ressentie dans la vie courante.
Stade II : dyspnée pour des efforts importants habituels, tels que la marche rapide ou en côte ou la montée des escaliers.
Stade III : dyspnée pour des efforts peu intenses de la vie courante, tels que la marche en terrain plat ou la montée des escaliers (≤ 2 étages)
Stade IV : dyspnée permanente de repos ou pour des efforts minimes (enfiler un vêtement, par exemple)
– Les palpitations
– Douleur thoracique
– La syncope et les facteurs déclenchants.

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Table des matières

INTRODUCTION
REVUE DE LA LITTERATURE
I- HISTORIQUE
II-EPIDEMIOLOGIE ET REPARTITION GEOGRAPHIQUE DE
L’HEMOGLOBINE SS
III- GENETIQUE
IV- PHYSIOLOGIE
1- Structure protéique de l’hémoglobine
2-Differents type d’hémoglobine chez l’adulte sain
V-PHYSIOPATHOLOGIE
1- Les hémoglobinopathies
2- Syndromes drépanocytaires majeurs
3-Polymérisation de l’hémoglobine S et falciformation des globules rouges
4- Circulation vasculaire et hémoglobine S
4.1- Le globule rouge drépanocytaire
4.2- L’adhésion vasculaire
4.3- L’altération du tonus vasculaire
4.4- Hyperplasie vasculaire de l’intima : occlusion vasculaire
VI- PRESENTATION CLINIQUE
1. Sujet drépanocytaire homozygote SS
VII-ATTEINTES CARDIO-VASCULAIRES ET DREPANOCYTOSE
1- L’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP)
2- La dilatation des cavités cardiaques liée à l’anémie chronique
3-La cardiomyopathie liée à la surcharge en fer post-transfusionnelle
VIII-BIOLOGIE
1-L’hémogramme
2- Test de falciformation ou test d’EMMEL
3-Test de solubilité ou le test d’ITANO
IX- TRAITEMENT
1-BUT
2-MOYENS 
2.1- Mesures hygiéno-diététiques
2.2-Médicaments
2.3- Moyens non médicamenteux
2.4- Moyens Chirurgicaux
3-INDICATIONS
3.1-Crise vaso-occlusive
3.2- Anémie sévère avec taux d’Hb<7g/dl mal tolérée :
3.3- Syndrome thoracique aigu:
3.4- Insuffisance cardiaque
3.5- Atteinte ischémique
3.6- HTAP sévère
4-Traitement de fond
5- Traitement curatif
X- PREVENTION
XI- PERSPECTIVES
NOTRE ETUDE
I- CADRE D’ETUDE
II- PATIENTS ET METHODES
1-Type d’étude :
2- Population d’étude
3- Durée de l’étude
3- Critères d’inclusion :
4- Critères de non inclusion
6- Recueil de données
7- Saisie des données et méthodes d’analyse statistique
III-VARIABLES ETUDIES ET CRITERES DE SEUIL DE DEFINITION 
1- Caractéristiques sociodémographiques :
2- Les antécédents des patients
3- Données cliniques
3.1- Les signes fonctionnels
3.2- Les signes généraux
3.3- Les signes physiques
4- Les données paracliniques
4.1- Biologie
4.3- L’électrocardiogramme (ECG) :
4.4- Echographie-Doppler cardiaque
RESULTATS
I-DONNEES EPIDEMILOGIQUES
1- L’effectif des patients
2- Le genre
3- L’âge
5- Niveau de scolarisation
6- Niveau socio-économique
II-ANTECEDENTS
1- Antécédents familiaux
1.1- Consanguinité et mort subite
2- Antécédents personnels
2.1-Antécédents personnels chirurgicaux
2.2-Antécédents personnels médicaux
III-DONNEES CLINIQUES
1-Signes fonctionnels
2- Signes généraux
3- Répartition de l’effectif en fonction de la TA, de l’IMC et de la SaO2
4- Signes physiques
III- DONNEES BIOLOGIQUES
1-Numération formule sanguine
IV- LES DONNEES ELECTRO-CARDIOGRAPHIQUES
2-Les hypertrophies auriculaires
3-Les hypertrophies ventriculaires
4-Les troubles du rythme
5-Les troubles de la conduction
6-Les troubles de la repolarisation
VI-DONNEES ECHOCARDIOGRAPHIQUES
1-Données écho cardiographiques en mode TM
2-Données écho cardiographiques en mode bidimensionnel
3-Donnees écho cardiographiques en mode Doppler
3.1- Les atteintes valvulaires
3.2- La pression artérielle pulmonaire
DISCUSSION
I- LIMITE DE L’ETUDE
II- COMMENTAIRES
1- Les aspects sociodémographiques
2- Le niveau socio-économique et niveau de scolarisation
3- Aspects cliniques et biologiques
4- Les données électrocardiographiques
5- Les données écho cardiographiques
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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