Plantations, friches et biodiversité

Plantations, friches et biodiversité

La perception générale du public est que l’aménagement de la forêt influence négativement la biodiversité (Wagner et al., 1998) et qu’une augmentation de la production de fibres entraîne nécessairement une baisse de la biodiversité (Hartley, 2002). Comparées aux forêts régénérées naturellement, les plantations sont souvent perçues de manière défavorable par le public et les écologistes (Camus et al., 2003 ; Hartley, 2002). Pour appuyer cette idée, la faune aviaire des plantations a été fréquemment reportée comme étant moins diversifiée que celle de forêts naturelles ou semi-naturelles (Baguette, Deceuninck et Muller, 1994 ; Gjerde et Saetersdal, 1997 ; Twedt et al., 1999). En fait, la plupart des recherches comparant des forêts non aménagées avec des plantations ont démontré une faune aviaire ou une flore appauvrie dans ces dernières (Moore et Allen, 1999 ; Palik et Engstrom, 1999). La présence d’espèces rares ou menacées est également rarement mentionnée dans les plantations (Camus et al., 2003). Puisque la désignation d’aires de sylviculture intensives peut soulever une controverse et afin de minimiser les impacts négatifs, 1 ‘utilisation de sites dégradés devrait être le plus souvent envisagée (Hunter, 1990 ; Seymour et Hunter, 1999).

Au Québec, beaucoup de propriétaires de lots agricoles sont encouragés par le gouvernement à planter des essences commerciales dans les champs abandonnés (Hamel, Falardeau et Savard, 1999). La conversion de friches agricoles en sites voués à la ligniculture intensive est attrayante, tout d’abord parce que ces milieux possèdent généralement les qualités requises pour l’établissement de plantations, mais aussi parce qu’elle permet d’accroître la production de matière ligneuse à proximité des usines de transformation et qu’elle remet des sites abandonnés en production. Toutefois, bien que cette option offre de nombreux avantages économiques, les friches agricoles peuvent jouer un rôle important en offrant des conditions d’habitats qui peuvent être absentes du paysage agroforestier. Les sites en début de régénération, tels que les friches, représentent également un habitat propice pour des espèces tel que le lièvre d’Amérique (Le pus americanus) une espèce clé de la forêt boréale (Boulin et al., 2003 ; Keith, 1990 ; Krebs, 1996), la gélinotte huppée (Bonasa umbellus) (Dessecker et McAuley, 2001 ; Rusch et al., 2000) ainsi que pour plusieurs autres animaux à fourrure importants pour la trappe (Fuller et DeStefano, 2003 ; Litvaitis, 2001 ; Litvaitis, Tash et Stevens, 2006). Au regard de nos connaissances actuelles, on peut donc s’attendre à ce que la transformation des friches, un milieu hétérogène caractérisé par une strate arbustive dense, en un milieu homogène et moins diversifié dans sa structure verticale va entraîner la disparition d’espèces spécialisées par des espèces plus généralistes. D’un point de vue de conservation et de maintien des populations animales, cet appauvrissement sera perçu de manière négative. Au Québec, une étude réalisée au Lac Saint-Jean a déjà montré que la conversion des friches agricoles en plantation de pin gris (Pinus baksiana) avait un effet négatif sur les communautés d’oiseaux, plus particulièrement si les sites étaient dégagés mécaniquement (Hamel, Falardeau et Savard, 1999).

Impacts sociaux économiques

En Abitibi-Témiscamingue, la chasse au petit gibier est une activité importante pour les résidents des collectivités rurales (F APAQ, 2002). La région se classait deuxième quant aux nombre des permis de chasse au petit gibier vendus en 2000 (15 880 permis), soit tout juste derrière la Montérégie (MRNF, 2003) et la majorité des chasseurs (95%) pratiquent plus de 75% de leurs activités dans la région (MRNF, 2003). Contrairement aux autres types de chasse, la majorité des jours de chasse (62%) lors la chasse au petit gibier sont réalisés en expédition plutôt qu’en voyage (MRNF, 2003). Les retombés économiques de la chasse au petit gibier se font donc sentir localement et elles peuvent représenter un apport économique substantiel puisque les dépenses moyennes des chasseurs ont été évaluées à 430$/an (MRNF, 2003). Si la transformation mass1ve de friches en plantations proche des zones habitées entraîne une baisse de population des espèces gibiers, cette conversion pourrait avoir des impacts sociaux et économiques négatifs pour les activités de chasse au petit gibier en région.

Objectif de l’étude

L’objectif général de la présente étude est donc d’évaluer et de comparer le potentiel faunique de plantations résineuses et de friches agricoles de différents stades de croissance afin de déterminer leurs contributions respectives au maintien de la faune gibier régionale. Bien que des plantations de peupliers hybrides soient installées dans la région et que cette option soit sérieusement envisagée dans le plan de développement régional, l’impact de celles-ci ne sera pas étudié en raison de la faible superficie (<S 3 ha) et de la faible variété de l’âge des dispositifs expérimentaux présents dans l’aire d’étude (<S 5 ans) au début du projet. Ce projet de recherche s’inscrit dans le cadre du projet pilote visant à évaluer la faisabilité du concept de la Triade dans la région de l’ Abitibi-Témiscamingue démarré par la Chaire industrielle CRSNG-UQAM-UQA T en aménagement forestier durable. Cette étude tente de répondre en partie à l’objectif 2 : Évaluation des effets de la conversion de sites sur la diversité biologique. La question sera posée à savoir si les plantations résineuses représentent un apport ou une perte au niveau de 1 ‘habitat de deux espèces gibier, soit le lièvre d’Amérique et la gélinotte huppée. Le mémoire s’articule en deux articles indépendants qui concernent respectivement chacune des deux espèces.

Le premier article concerne le lièvre et son principal objectif est d’évaluer l’utilisation de l’habitat par cette espèce dans des plantations et des friches de différents stades de développement. Un objectif secondaire était de comparer pour le lièvre les mesures d’utilisations obtenues à l’aide de deux techniques d’inventaires distinctes, soit le pistage hivernal le long de transects et les dénombrements de crottins dans des parcelles circulaires. Puisque 1 ‘interprétation des inventaires de crottins peuvent être biaisés par des taux de dégradation différents en fonction des milieux (Murray, Ellsworth et Zack, 2005 ; Prugh et Krebs, 2004), nous avons également mené une expérience visant à déterminer les taux de dégradation de crottins afin de contrôler ce facteur. Le deuxième article porte sur l’impact de la transformation des friches agricoles en plantations résineuses sur la gélinotte huppée. Des inventaires auditifs de mâles tambourineurs ont été réalisés au printemps 2005 et 2006 afin d’estimer l’utilisation des deux types de milieux par la gélinotte huppée, en tenant compte de facteurs pouvant affecter la détection de ceux-ci.

CONCLUSION GÉNÉRALE

La conversion des friches en plantations résineuses va affecter négativement les populations locales de lièvre d’Amérique et de gélinotte huppée dans la matrice agroforestière de l’Abitibi-Témiscamingue. Dans le cas du lièvre les impacts négatifs ne seront pas ressentis immédiatement puisqu’il est capable d’utiliser les jeunes plantations de 3 à 7 rn de haut et que ces milieux présentent même des caractéristiques d’habitat qui peuvent être intéressantes. Toutefois, les plantations plus vieilles (:07rn) qui sont élaguées offrent un couvert latéral insuffisant et seront désertées. Dans le cas de la gélinotte, une espèce associée aux forêts feuillues ou mixtes à dominance feuillue et qui évite les peuplements résineux, les effets seront immédiats. Cette espèce pourrait être plus particulièrement affectée, car les friches représentent un habitat de tambourinage de premier choix et qu’elles sont probablement les meilleurs milieux d’élevage pour les couvées dans la matrice agroforestière. Les friches peuvent être vues comme des milieux <<anthropiques >> et leur maintien dans le paysage pourrait être critiqué. Il est toutefois important de souligner que les friches sont situées dans un milieu qui a été fortement perturbé par les activitées anthropiques. Une grande partie de la forêt dans le paysage agroforestier Abitibien est constituée de peupleraies matures qui offrent peu de diversité en termes d’habitats fauniques.

En conséquence, les friches agricoles risquent de représenter un élément de variabilité important dans le paysage et vont offrir des habitats fauniques aux espèces qui sont associées aux milieux en régénération. Les nouvelles orientations du MRNF semblent accorder beaucoup d’importance aux zones de sylviculture intensives (MRNF 2008) sans toutefois définir les activités qui auront lieu dans ces zones ni où seront situées ces zones. Il est toutefois clair que la conversion de friches agricoles en plantations pourrait et devrait être utilisée pour atteindre les objectifs que le gouvernement s’est fixé. Toutefois, à la lumière de nos résultats, il sera important d’adopter une stratégie qui permettra de minimiser les impacts négatifs qu’entraîne cette conversion. Les facteurs les plus importants à considérer pour déterminer l’impact de ces plantations seront leur taille, leur localisation et à quel degré la région ou le paysage sera affecté. Des plantations de taille modeste telles que celles utilisées actuellement (>15 ha) établies sur des friches herbacées et bien réparties dans le paysage auront un impact moins important que la transformation massive de grande superficie. La gestion des lots boisés environnants jouera également un rôle important dans la mitigation des effets négatifs des plantations.

L’utilisation de plantations mixtes ou des plantations de type agroforestières qui permettraient de garder une composante feuillue ou une végétation de sous couvert développée pourraient également être envisagée. Notre étude a également mis en évidence 1 ‘importance de prendre en compte les facteurs qui influencent la probabilité de détection des espèces ou des indices de présence inventoriés. Dans le cas du lièvre, il s’agit probablement d’une des premières études à utiliser cette approche statistique en relation avec le pistage hivernal. Cette approche offre de nombreux avantages. Auparavant, sans incorporer de facteurs pouvant affecter la détection, les inventaires de pistages hivernaux devaient tous être réalisés en même temps pour ne pas être biaisés. Une approche incorporant la probabilité de détection, qui permet notamment de contrôler les effets du délai depuis la chute de neige, offre plus de flexibilité pour espacer les visites sur le terrain et ainsi réaliser les inventaires de tous les sites sur plus d’une journée.

Cette approche permet également de contrôler les effets de la température sur la probabilité d’observer des indices, un avantage qui peut être important puisque la température est reconnue comme un facteur qui influence l’activité des mammifères durant l’hiver (Banfield 1987). Dans le cas de la gélinotte huppée, la période d’inventaire pour les mâles tambourineurs est difficile à déterminer et commencer trop tôt ou trop tard peu biaiser les résultats d’inventaires. L’utilisation d’une approche avec probabilité de détection peut permettre de tenir compte de ce phénomène. Nos résultats ont également souligné les problèmes relatifs à la réalisation d’inventaires de tambourinage dans des milieux qui ont des propriétés acoustiques différentes. Cette problématique pourrait être une source de biais importante puisque les inventaires de tambourinage sont généralement conduits avec un rayon d’audibilité fixe indépendamment de 1 ‘habitat. Nos résultats soulignent également 1 ‘importance de prendre en compte la dégradation du crottin de lièvre lorsque l’on utilise les inventaires de crottins. Bien que d’autres auteurs aient également démontré des différences dans la dégradation en fonction des habitats (Murray, Ellsworth et Zack, 2005 ; Prugh et Krebs, 2004), nous sommes les premiers à souligner un lien avec la diète des lièvres.

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Table des matières

AVANT-PROPOS
TABLES DES MATIÈRES
LISTES DES TABLEAUX
LISTES DES FIGURES
RÉSUMÉ
INTRODUCTION GÉNÉRALE
La Triade
Plantations, friches et biodiversité
Impacts sociaux économiques
Objectif de l’étude
ARTICLE I Snowshoe Hare Habitat use in Abandoned Farm Fields and Plantations
Abstract
Résumé
Introduction
Study are a
Site selection
Methods
Fecal pellet and vegetation inventory
Fecal pellet degradation
Snow trac king
Statistical analyses
Results
Fecal pellet inventories
Fecal pellet degradation
Snow trac king
Browse
Vegetation cover
Discussion
Snowshoe Hare habitat use
Fecal pellet degradation
Snow tracking and probability of detection
Management implications
Acknowledgments
Litera ture cited
ARTICLE II lm pact of transforming abandoned far rn fields into plantations on the
ruffed grouse in Abitibi
Abstract
Résumé
Introduction
Ma teri ais and methods
Study area and sampling design
Vegetation inventories
Ruffed grouse surveys
Statistical analysis
Ruffed grouse surveys
Ruffed grouse localization
Vegetation cover
Results
2005 Ruffed grouse surveys
Ruffed grouse localization
2006 Ruffed grouse surveys
Vegetation Cover
Discussion
Audibility range
Ruffed grouse habitat use
Weather variables and probability of detection
Conclusions
Acknowledgements
References
CONCLUSION GÉNÉRALE
Perspective de recherche
RÉFÉRENCES POUR L’INTRODUCTION ET LA CONCLUSION GÉNÉRALES

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