Piégeage de poussières dans la gaine d’un plasma de décharge continue

L’état plasma de la matière est très répandu dans la nature : on le rencontre dans les étoiles, dans certaines atmosphères de planètes où l’ionisation est due à des particules très rapides dont certaines émanent du soleil (vent solaire), dans l’espace interplanétaire et interstellaire. Plus près de nous, on le rencontre dans les flammes, les explosions et les ondes de chocs, mais également dans les arcs électriques et en particulier les éclairs atmosphériques. Plusieurs applications technologiques ont stimulé le développement de la physique des plasmas : les radiocommunications qui utilisent la réflexion des ondes sur l’ionosphère, les traitements de surface par plasma en micro-électronique (gravure et dépôt de films minces), les lasers à gaz, le découpage des métaux par chalumeau à plasma, la rentrée des objets spatiaux dans l’atmosphère. L’application la plus importante est la réalisation de réacteurs à fusion thermonucléaire contrôlée, produisant des plasmas de Deutérium ou de mélange Deutérium-Tritium. Ces réacteurs doivent confiner pendant un temps suffisant le plasma, en utilisant soit des champs magnétiques (confinement magnétique) soit des implosions provoquées par le rayonnement d’un laser de puissance (confinement inertiel) pour isoler le plasma des parois froides extérieures. Dans ce type d’application le but visé se révèle très difficile à atteindre, du fait des nombreuses oscillations et instabilités qui tendent à se produire dans les plasmas confinés.

Une des nouvelles branches de la physique des plasmas est l’étude des plasmas contaminés par des poussières mésoscopiques (plasmas poussiéreux) c’est à dire des poussières de faible dimension à l’échelle macroscopique mais de dimension supérieure à celle des molécules. Cette contamination se retrouve dans de nombreuses situations aussi bien à l’état naturel que dans les plasmas industriels. C’est notamment dans ce dernier cadre que l’étude des plasmas poussiéreux s’est développée durant ces dernières années. En effet, la présence de poussières dans les réacteurs radiofréquences (RF) utilisés pour la microélectronique est responsable de multiples défauts sur les surfaces traitées [1,2] . De nombreux travaux ont débuté pour comprendre la formation et la croissance de ces poussières [3-5] , leur dynamique au sein du plasma ainsi que les modifications qu’elles entraînent sur celui-ci [6,7] . En astrophysique, la présence de poussières dans les queues des comètes, les atmosphères planétaires ou bien les nuages interstellaires est un phénomène connu depuis longtemps [8-10] et qui reste d’actualité [11,12] . Des travaux de physique fondamentale à la fois théoriques et expérimentaux ont, de ce fait, vu le jour. On peut citer par exemple les études concernant les processus de charge [13-17] , le lieu de piégeage des nuages de poussières [18,19] , les phénomènes de transport [20] , les interactions entre poussières [21-23] ainsi que la formation de structures cristallines par les poussières [24-28] .

L’essentiel des recherches expérimentales sur les plasmas poussiéreux est réalisé dans le domaine des plasmas de décharge RF. Quelques expériences ont été réalisées dans des décharges continues : à cathode froide, à pression atmosphérique [29] ou à cathode chaude, à basse pression[30] (≈10-2 mbar). Dans ces expériences, les poussières sont soit créées dans le plasma (d’argon ou de krypton le plus souvent) par addition de silane, soit injectées artificiellement. Elles acquièrent une charge négative fixée par l’équilibre des courants ioniques et électroniques à leur surface et leur comportement est régi par les différentes forces qui s’exercent sur elles. Leur lieu de piégeage dépend alors de leur taille. Pour des poussières submicrométiques la force de gravité est très faible. Le piégeage peut être localisé dans le corps même du plasma, dans des régions où le potentiel plasma positif est maximum [18] ou bien dans la région de gaine de l’électrode du haut [31] (en RF), zone dans laquelle les ions accélérés vers l’électrode négative exercent une force suffisante pour contrebalancer la gravité [32] . Pour des poussières micrométriques la force de gravité devient importante et leur piégeage a été observé dans les régions de gaine de l’électrode du bas où un fort champ électrique est susceptible d’équilibrer la gravité. Cette zone de quelques millimètres de largeur peut piéger plusieurs centaines de poussières sur plusieurs couches horizontales, les poussières les plus lourdes occupant les couches les plus basses. Le nombre de couches (et par conséquent de poussières) est alors d’autant plus grand que les poussières sont petites.

Enceinte et système de pompage

Les expériences sont réalisées dans une enceinte cylindrique (similaire à celle présentée en référence [33] ) en acier inoxydable amagnétique (304L) de 30 cm de diamètre sur 40 cm de longueur, fermée à chacune de ses extrémités par une porte amovible. Le schéma général de l’expérience est donné sur la Figure II.1. L’enceinte ainsi que les portes sont équipées de manchettes sur lesquelles sont montées des brides permettant l’installation de divers éléments : deux passages en translation pour les mesures de sondes (§ II.3.a), trois hublots pour l’observation des poussières (§ II.4), un soufflet pour l’injection des poussières dans le plasma (§ II.4) et des passages de courant. L’étanchéité du système est assurée principalement par des joints plats viton parfaitement adaptés dans le cas de démontages fréquents, l’usage de joints plats cuivre étant réservé aux zones susceptibles d’être soumises à des températures élevées (passage d’alimentation des filaments § II.2.a).

Une vanne papillon placée sous l’enceinte permet de relier celle-ci au système de pompage constitué d’une pompe à diffusion d’huile (pompe secondaire) couplée à une pompe primaire. Cette dernière est une pompe à palettes Edwards à deux étages, c’est à dire constituée de deux rotors montés en série et plongés dans un bain d’huile aux propriétés lubrifiantes. Cette pompe d’un débit de 40 m³/h permet d’atteindre un vide primaire de l’ordre de 10⁻³ mbar. Le vide secondaire est assuré par la pompe à diffusion utilisant une huile silicone Dow Corning D.C.705 dont la pression de vaporisation à température ambiante est de 10⁻⁹ mbar. Cette propriété nous protège d’une éventuelle contamination de l’enceinte et nous évite l’emploi d’un baffle à azote. Un piège moléculaire à adsorption (zéolithe) est placé entre la pompe primaire et la pompe à diffusion afin de prévenir à la fois les remontées d’huile de la pompe primaire vers la pompe à diffusion et le passage d’huile silicone peu lubrifiante dans la pompe primaire. Le couplage de ces deux pompes nous permet alors d’atteindre un vide de base de 10⁻⁷ mbar.

Les mesures de pression s’effectuent par l’intermédiaire d’une jauge Pirani pour les pressions comprises entre la pression atmosphérique et 10⁻³ mbar (régime de flux atteint avec la pompe primaire). Cette jauge mesure la résistivité d’un filament proportionnelle à la température de celui-ci et par conséquent à la conductivité thermique du gaz environnant qui est fonction de la pression. Une jauge à ionisation de type Bayard-Alpert (triode) est utilisée pour les pressions inférieures à 10⁻³ mbar (régime moléculaire atteint avec la pompe à diffusion). Elle est constituée d’un filament émettant des électrons accélérés par une grille polarisée positivement et qui ionisent le gaz environnant. Les ions ainsi créés sont récoltés par une électrode négative, le courant ionique mesuré est alors proportionnel à la pression du gaz.

Production du plasma et confinement

Création du plasma

Pour créer un plasma, il faut un apport permanent d’énergie de manière à assurer un taux d’ionisation compensant les pertes de charges qui résultent des recombinaisons en surface et en volume. L’apport d’énergie est le plus souvent réalisé dans les plasmas de laboratoire, par le couplage du milieu avec une source d’énergie électrique (couplage capacitif ou inductif) ou par injection d’électrons énergétiques, technique employée ici. Pour cela, nous utilisons deux filaments hélicoïdaux de tungstène (22 cm de long et 0.03 cm de diamètre) portés à incandescence par un courant de chauffage If et qui jouent le rôle de cathodes chaudes (phénomène d’émission thermoélectronique). Le tungstène est traditionnellement utilisé car il possède une température de fusion élevée (≈ 3700 °C) et un faible potentiel de sortie (barrière de potentiel que les électrons doivent franchir pour sortir du matériau). Les électrons émis (courant de décharge ID) que l’on appellera par la suite électrons primaires sont accélérés par une différence de potentiel (tension de décharge notée VD) appliquée entre les filaments et les parois de l’enceinte mises à la masse. Ils assurent ainsi l’ionisation du gaz neutre présent dans l’enceinte (l’argon dans notre cas, masse atomique 40) .

Confinement magnétique et électrostatique

Une méthode classique consiste à utiliser la propriété qu’ont les espèces chargées d’être piégées par les lignes de champ magnétique. Ce confinement [35,36] est assuré par un ensemble de 22 aimants permanents installés régulièrement autour de l’enceinte et développant un champ magnétique de 1000 Gauss à leur surface (Figure II.4[37] ). La disposition de ces aimants respecte une alternance de polarité afin que les lignes de champs soient refermées en festons (Figure II.5 a). De cette configuration magnétique vient le nom générique que l’on donne à ce type d’enceinte : enceinte multipolaire. Le champ magnétique s’annule à une distance d’environ 8 cm ce qui nous permet de travailler avec un plasma non magnétisé dans l’essentiel du volume.

Les nombreuses brides présentes sur l’enceinte ne permettent pas de placer des aimants de manière symétrique notamment au niveau des portes latérales ainsi qu’au niveau du passage destiné au pompage. Pour combler ce défaut de confinement des électrons primaires, un confinement électrostatique est réalisé en plaçant devant chaque porte une plaque en inox de 28 cm de diamètre (Figure II.5 b) ainsi qu’une plaque recouvrant tout le fond de l’enceinte au niveau du raccordement avec le système de pompage. Cette dernière est toutefois légèrement surélevée afin de permettre le pompage de l’enceinte, les qualités du pompage (c’est à dire le vide de base) ne sont alors pas affectées, seule la conductance est diminuée (c’est à dire la vitesse de pompage). Ces plaques sont isolées des parois par des alumines. Lorsque le plasma est créé, elles acquièrent à un potentiel négatif imposé par le plasma (potentiel flottant dont nous reparlerons dans le paragraphe II.3.a) et repoussent alors les électrons.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela rapport-gratuit.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

I. Introduction
II. Dispositif Expérimental – Caractérisation du plasma
II.1. Enceinte et système de pompage
II.2. Production du plasma et confinement
II.2.a. Création du plasma
II.2.b. Confinement magnétique et électrostatique
II.3. Caractérisation du plasma et diagnostics
II.3.a. Caractéristique courant-tension d’une sonde de Langmuir
II.3.b. Courants de sonde dus aux électrons thermiques et aux ions
II.3.c. Courant d’électrons primaires
II.3.d. Paramètres du plasma
II.3.e. Sondes différentielles
II.3.f. Fluorescence Induite par Laser (FIL)
II.4. Les poussières
II.4.a. Introduction dans le plasma et observation
II.4.b. Comportement des poussières en fonction des conditions de la décharge
III. Poussière isolée : Détermination théorique et expérimentale de la charge
III.1. Charge théorique d’une poussière
III.1.a. Courant d’électrons
III.1.b. Emission secondaire
III.1.c. Courant ionique
III.1.d. Charge d’une poussière
III.2. Bilan des forces s’exerçant sur une poussière isolée
III.2.a. Force de gravité
III.2.b. Force électrique
III.2.c. Forces d’entraînement ioniques
III.3. Profil de potentiel de la gaine
III.3.a. Mesures avec les sondes différentielles
III.3.b. Evolution des forces dans le profil de gaine
III.4. Mesures expérimentales de la charge d’une poussière
III.4.a. 1ère méthode : Etude de la hauteur de lévitation
III.4.b. 2ème méthode : Etude de l’oscillation d’une poussière
III.4.c. Discussion
III.5. Influence des poussières sur la gaine
III.5.a. Résultats préliminaires obtenus avec la FIL
III.5.b. Influence des poussières sur la dynamique des ions
IV. Collision de deux poussières
IV.1. Exemple de collisions de poussières
IV.2. Conservation de la quantité de mouvement et de l’énergie
IV.3. Potentiel d’interaction – Mesure de la longueur d’écrantage
V. Nuage de poussières en phase organisée
V.1. Obtention de la phase organisée
V.2. Méthodes géométriques
V.2.a. Diagramme de Voronoï et triangulation de Delaunay
V.2.b. Fonctions de corrélation
V.3. Modèle variationnel
V.4. Systèmes fortement couplés
V.4.a. Modèles
V.4.b. Fonctions de distribution des vitesses
V.4.c. Distance inter-poussières et longueur d’écrantage
VI. Conclusions et perspectives
Publications
Annexe 1 : Calcul du courant des électrons primaires
Annexe 2 : Traitement informatique – Principe de la détection des poussières
Annexe 3 : Rappels sur la théorie classique des collisions élastiques
Bibliographie

Lire le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *