Physiopathologie et facteurs influençant la thrombose dans la drépanocytose

DREPANOCYTOSE ET THROMBOSE

La drépanocytose s’accompagne de crises vaso-occlusives (crise douloureuses drépanocytaires) au cours desquelles, les drépanocytes se bloquent dans le réseau capillaire et provoquent une ischémie. En dehors de ces crises vasoocclusives, d’authentiques accidents thrombotiques peuvent survenir et sont responsables de plus de 10% des décès survenant après l’âge de 10 ans (29). En effet, des études ont montré que 8% des décès survenant après l’âge de 10 ans chez les drépanocytaires sont dus à une thrombose artérielle pulmonaire (66), alors que des études autopsiques montrent dans 25% des cas de décès des lésions thrombotiques des artères pulmonaires (36). De plus, des thromboses au niveau des sinus placentaires compliquent dans un cas sur deux la grossesse des femmes drépanocytaires. La thrombose joue probablement un rôle important dans la survenue des accidents vasculaires cérébraux qui sont très augmentés en fréquence et également responsables d’une grande partie de la morbidité de la drépanocytose (51). A l’inverse des accidents thrombotiques vrais, les accidents vaso-occlusifs sont liés à des modifications rhéologiques et le rôle de la coagulation plasmatique, s’il existe, n’y est pas clairement défini. De nombreuses anomalies de l’hémostase induisent un état d’hypercoagulabilité biologique chez les sujets drépanocytaires (29):
– thrombocytose liée à l’asplénie fonctionnelle/auto splénectomie,
– coagulopathie avec génération de thrombine, formation de fibrine, activation plaquettaire,
– diminution des protéines inhibitrices (PC, PS) de la coagulation,
– augmentation du facteur vonWillebrand (VIII/vWF),
– activation de la prothrombine (in vitro) par les GR SS denses falciformés en raison de l’exposition de phospholipides membranaires procoagulants (phosphatidylsérine) à la surface des drépanocytes.

Physiopathologie et facteurs influençant la thrombose dans la drépanocytose

Les modifications rhéologiques

L’écoulement sanguin est fonction des propriétés de l’érythrocyte (déformabilité, élasticité), de la viscosité plasmatique et des propriétés de la paroi vasculaire. Dans la drépanocytose, ces trois facteurs peuvent être modifiés et contribuer à l’augmentation de la viscosité sanguine (66). Les érythrocytes falciformés ont tendance à se plaquer contre les parois vasculaires. Leur adhésion à l’endothélium vasculaire est nettement accrue. Ceci pourrait être dû à diverses modifications membranaires telles qu’une oxydation des lipides et des protéines membranaires, une diminution des résidus sialiques à la surface de l’érythrocyte et/ou la réorganisation des phospholipides membranaires. Les interactions de l’érythrocyte avec les protéines adhésives comme le fibrinogène, la fibronectine, les multimètres de haut poids moléculaires du facteur Willebrand et la thrombospondine, pourraient encore favoriser l’adhésion à l’endothélium. Parmi les sous populations érythrocytaires du sujet drépanocytaire, les populations les plus adhérentes sont constituées par les populations les moins denses. Celle-ci, en adhérant à l’endothélium, vont ralentir la microcirculation et entrainer l’adhésion des cellules denses peu déformables, engendrant ainsi une occlusion totale. La viscosité plasmatique peut être modifiée par la qualité des protéines présentes dans le plasma et leur concentration. Dans la drépanocytose, l’augmentation des protéines de l’inflammation lors des crises ou des infections favorise l’hyperviscosité sanguine. L’hyperplasie intimale décrite dans la drépanocytose provoque des lésions sténosantes des vaisseaux, principalement au niveau des bifurcations de la vascularisation cérébrale mais également au niveau des vaisseaux spléniques, de l’artère pulmonaire, de l’artère rénale et des artérioles de la rétine et des tissus entourant les ulcères de jambe (21). Cette hyperplasie intimale peut être due à des lésions endothéliales répétées, du fait de l’adhésion des érythrocytes et/ou de l’action de deux mitogènes d’origine plaquettaire notamment le PDGF (Platelet Derived Growth Factor) et le TGFβ (Transforming Growth Factor β) libérés par les plaquettes lorsqu’elles adhérent à l’endothélium lésé (21). Il n’y a pas de précision sur le mécanisme exact de l’hyperplasie intimale. Mais, on sait que les transfusions sanguines au long cours améliorent l’état anatomique des vaisseaux, suggérant que les anomalies endothéliales sont liées à la perfusion permanente des vaisseaux par les globules rouges drépanocytaires. En définitif, au cours de la drépanocytose, les modifications de l’érythrocyte, du vaisseau et du milieu plasmatique sont à l’origine d’une stase circulatoire qui favorise la survenue des accidents vaso-occlusifs et vraisemblablement, celle des thromboses aussi.

Les anomalies des plaquettes et de la coagulation

Les plaquettes

L’asplénie fonctionnelle, par infarctus spléniques répétés, est responsable d’une thrombocytose modérée et de la circulation de mégathrombocytes chez les enfants et les adultes en état stable. Selon certains auteurs, le défaut de séquestration splénique provoque une augmentation de la durée de vie des plaquettes tandis que d’autres décrivent une diminution de la durée de vie plaquettaire attribuée à leur activation et leur dépôt dans la vascularisation. Les auteurs s’accordent par contre à dire qu’au cours de la crise drépanocytaire, il y a diminution du nombre des plaquettes par consommation puis thrombocytose réactionnelle maximale vers le 15éme jour.

Les tests d’agrégation plaquettaire donnent des résultats différents selon que les études portent sur des enfants ou des adultes et selon que les plaquettes sont testées dans leur propre plasma ou après lavage. Chez les enfants à l’état stable, on note une agrégation normale ou diminuée à l’ADP, l’épinéphrine et le collagène. Chez les adultes, on note une agrégation plaquettaire normale à l’ADP, l’épinéphrine, le collagène et la thrombine ou une augmentation de la sensibilité aux faibles doses d’ADP. En fait, les plaquettes lavées ont un comportement identique à celles des témoins. En revanche, une hypoagrégabilité est mise en évidence lorsque les plaquettes sont testées dans leur propre plasma, suggérant ainsi un rôle inhibiteur du plasma. Les différences entre les adultes et les enfants pourraient s’expliquer par les différences de fonctions spléniques et la présence, chez les adultes, de mégathrombocytes qui sont métaboliquement plus actifs. L’hypothèse la plus vraisemblable est que les plaquettes soient soumises à une activation permanente in vivo qui pourrait expliquer qu’elles paraissent épuisées in vitro. Cette activation permanente est suggérée par l’observation d’une augmentation de la production de thromboxane A2 chez les adultes drépanocytaires, mise en évidence par l’augmentation de leurs métabolites urinaires. Un effet bénéfique de l’aspirine et du dipyridamole a été montré sur la prévention des crises douloureuses.

Les marqueurs d’activation de la coagulation

On note chez les drépanocytaires à l’état stable, une augmentation des D Dimères, du fibrinopeptide A, des complexes thrombine-antithrombine et une augmentation, pas toujours significative, du fragment 1+2 de la prothrombine qui se normalise lors de la prise d’acénocoumarol à faibles doses (INR 1,6).

Les facteurs de la coagulation

Il existe une augmentation du facteur VIII et du facteur Willebrand à l’état stable et leur concentration n’est pas modifiée durant la crise. Le fibrinogène a souvent été décrit comme augmenté chez les drépanocytaires. Cependant, une étude récente utilisant des sujets témoins de même race montre que les taux de fibrinogène sont significativement plus élevés dans la race Noire que dans la race caucasienne et que ainsi, le fibrinogène est normal chez les sujets drépanocytaires. Toutefois, vers le quatrième jour de la crise drépanocytaire, survient une élévation du fibrinogène (40). La protéine C et la protéine S libre sont diminuées en dehors des crises (39). La diminution de la protéine S libre pourrait être due à sa liaison calciumdépendante aux phospholipides anioniques anormalement exposés à la surface érythrocytaire, comme l’a montré une étude de liaison de la protéine S radiomarquée aux drépanocytes irréversibles. Il est à noter que les taux de protéine S chez les sujets S/C et les sujets A/S sont intermédiaires entre ceux des sujets S/S et ceux des témoins. Le taux d’antithrombine III est normal à l’état stable. En revanche, il diminue au cours de la crise, semble-t-il, par augmentation de génération de thrombine et donc de la formation de complexes thrombine-antithrombine (40).

Les anticorps anti-phospholipides

Les anticorps anti-phospholipides qui sont retrouvés chez les malades atteints de lupus érythémateux disséminé, d’autres maladies auto-immunes, d’infections virales ou encore, en dehors de toute maladie sous-jacente, sont associés à un risque accru de thrombose veineuse et parfois artérielle. Leur présence semble être une conséquence plutôt qu’une cause d’altération des cellules vasculaires ou sanguines qui acquièrent un phénotype thrombogène. Ces auto-anticorps semblent être, le plus souvent, le résultat d’une réponse immunologique normale à des néo-épitopes formés lors de l’interaction des protéines plasmatiques avec des phospholipides anioniques. Les protéines, le plus souvent rencontrées comme cible, sont la β₂ glycoprotéine I, la prothrombine, les protéines C et S et les kininogénes. La fréquence des anticorps anti-phospholipides dans la drépanocytose est de 68% en dehors de tout contexte de maladie auto-immune et 50% dans une étude de Rouquette A.M. (communication personnelle). Ces anticorps pourraient être dus à l’augmentation de phospholipides en phase hexagonale à la surface des érythrocytes des sujets drépanocytaires comparés aux érythrocytes des sujets témoins, cette formation en phase hexagonale étant connue pour faciliter l’apparition des anticorps anti-phospholipides. Tous ces résultats mettent en évidence une activation permanente de la coagulation chez les sujets drépanocytaires même à l’état stable, sans augmentation particulière de celle-ci lors des crises drépanocytaires vasoocclusives. Ces conditions constituent des conditions favorables à l’apparition de véritables accidents thrombotiques. Ces variations de concentrations des protéines de la coagulation sont susceptibles de compromettre l’équilibre entre les mécanismes procoagulant et anticoagulant et d’être ainsi, un facteur de risque thromboembolique.

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : REVUE BIBLIOGRAPHIQUE
I. LA MALADIE DREPANOCYTAIRE
I.1. Définition
I.2. Historique
I.3. Génétique
I.4. Epidémiologie
I.5. Physiopathologie
I.5.1. Polymérisation de l’hémoglobine S
I.5.2. Le globule rouge drépanocytaire
I.6. Signes
I.6.1. Les syndromes drépanocytaires majeurs
I.6.1.1. La drépanocytose homozygote
I.6.1.2. Les hétérozygotes composites
I.6.2. La drépanocytose hétérozygote
I.6.2.1. Clinique
I.6.2.2. Biologie
I.7. Mortalité de la drépanocytose
I.8. Traitement
I.8.1. Traitement symptomatique
I.8.2. Transfusion sanguine
I.8.2.1. Transfusion sanguine simple
I.8.2.2. Échange transfusionnel
I.8.2.3. Programmes de transfusion sanguine au long cours
I.8.3. Hydroxyurée
I.8.4. Transplantation médullaire
II. DREPANOCYTOSE ET THROMBOSE
II.1. Physiopathologie et facteurs influençant la thrombose dans la drépanocytose
II.1.1. Les modifications rhéologiques
II.1.2. Les anomalies des plaquettes et de la coagulation
II.1.2.1. Les plaquettes
II.1.2.2. Les marqueurs d’activation de la coagulation
II.1.2.3. Les facteurs de la coagulation
II.1.2.4. Les anticorps anti-phospholipides
II.1.3. Rôle des vaisseaux dans la survenue de thrombose chez les drépanocytaires
II.1.3.1. Adhérence cellulaire dans la drépanocytose
II.1.3.2. Anomalies du tonus vasculaire dans la drépanocytose
DEUXIEME PARTIE
I. OBJECTIF GENERAL
I.1. OBJECTIFS SPECIFIQUES
II. PATIENTS ET METHODE
II.1. TYPE D’ETUDE
II.2. CADRE D’ETUDE
II.3. PATIENTS
II.3.1. CRITERES D’INCLUSION
II.3.2. CRITERES DE NON INCLUSION
II.4. METHODE
II.4.1. PROCEDURE DE COLLECTE DES DONNEES
II.4.2. VARIABLES ETUDIEES
II.4.2.1. Paramètres socio démographiques
II.4.2.2. Paramètres cliniques
II.4.2.3. Paramètres biologiques
II.4.3. ANALYSE DES DONNEES
II.4.4. Détermination des variables biologiques
II.4.4.1. Etape pré-analytique
II.4.4.2. Etape analytique
III. RESULTATS
III.1. Age
III.2. Sexe
III.3. Paramètres cliniques
III.4. Diagnostic clinique
III.5. Variables biologiques
a. Hémogramme
b. Groupage Sanguin dans les systèmes ABO et Rhésus
c. Taux de prothrombine
d. Temps de céphaline avec activateur
e. Taux de fibrinogène
III.6. Les inhibiteurs de la coagulation
III.7. Les anticorps anti-phospholipides
a. Lupus anticoagulant
b. Les anticorps anticardiolipines (aCL)
c. Les anticorps anti-β2GP1
III.8. Corrélation entre les FDR et les manifestations thrombotiques
DISCUSSION
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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