Physiologie et Pathologie de la protéine Tau

La physiologie de la protéine Tau

L’histoire de la découverte de la protéine Tau est associée à l’étude du cytosquelette. Le cytosquelette est constitué d’un réseau complexe de filaments et de tubules protéiques impliqué dans une pléiade de fonctions essentielles à la vie cellulaire. Parmi ces éléments, le réseau microtubulaire est constitué de cylindres creux dont l’unité structurale est l’hétérodimère de tubuline. En 1975, à partir de cerveaux de porcs, Weingarten et ses collaborateurs isolent un facteur « essentiel » à la polymérisation des microtubules (Weingarten et al., 1975). Ils nomment ce nouveau venu dans la famille des MAP (« Microtubules Associated Protein ») : Tau. Au cours de ce premier chapitre, nous nous intéresserons au gène de Tau, à la structure, la physiologie et les fonctions connues de cette protéine. En effet, il apparaît que le rôle de Tau ne se limite pas à son interaction avec la tubuline.

Du gène à la protéine

La protéine Tau est codée par un gène unique, MAPT, « Microtubules Associated Protein Tau ». D’une longueur de 134kb, il est localisé chez l’homme sur le bras long du chromosome 17 en position 17q21 (Neve et al., 1986). La séquence codante prédite est hautement conservée à travers les espèces mammifères. En effet, la séquence protéique de la Tau humaine et murine est identique à 88% (Poorkaj et al., 2001). Chez les primates, la protéine Tau montre une homologie de 98 à 100% avec la Tau humaine (Holzer et al., 2004).

La protéine Tau est principalement exprimée dans les neurones (Avila et al., 2004). Néanmoins, Tau est également détectée, en quantité moindre, dans les cellules gliales (Gorath et al., 2001; Klein et al., 2002; LoPresti et al., 1995; Müller et al., 1997) notamment en condition pathologique (Chin and Goldman, 1996; Ikeda et al., 1995). Concernant les tissus périphériques, la plupart des études ont été menées chez le rat et celles-ci montrent la présence de Tau dans le muscle squelettique, le cœur, le rein, le pancréas et le testicule (Ashman et al., 1992; Gu et al., 1996; Nagao et al., 1999; Vanier et al., 1998). S’agissant de l’Homme, en dépit d’une littérature moins riche, Tau a été décrite en condition physiologique dans le muscle squelettique et le testicule (Sigala et al., 2014; Wei and Andreadis, 1998). Par ailleurs, la protéine Tau est exprimée dans certains cancers tel que le cancer du sein, de la prostate, de l’ovaire, ou encore de l’estomac (Fekete et al., 2012; Matrone et al., 2010; Souter and Lee, 2009).

Les différentes isoformes de la protéine Tau 

Le transcrit primaire de Tau comporte 16 exons (Andreadis et al., 1992). L’exon 0, associé aux régions promotrices du gène, n’est pas traduit. L’exon 14 fait partie de la région 3’ non traduite du transcrit. Il est intéressant de noter que le large exon 4A n’est exprimé que dans les neurones du système nerveux périphérique et code une isoforme de 110kDa : la Big Tau (Boyne et al., 1995). L’inclusion de l’exon 6 peut conduire à l’expression d’une isoforme tronquée à l’extrémité carboxy-terminale (Luo et al., 2004). Dans le cerveau humain, les exons 4A et 8 sont exclus. Les exons 1, 4, 5, 7, 9, 11, 12 et 13 sont constitutifs et les exons 2, 3, 6 et 10 sont alternatifs. Cependant, l’exon 6 est très faiblement exprimé (Wei and Andreadis, 1998). L’exon 3 étant systématiquement transcrit avec l’exon 2, le cerveau humain exprime principalement six isoformes différentes de Tau : 2-3-10-, 2+3-10-, 2+3+10-, 2-3-10+, 2+3-10+, 2+3+10+ (Andreadis et al., 1995). Concernant la nomenclature : on parle d’isoforme 0N en l’absence de l’exon 2 et 3, 1N lorsque l’exon 2 est inclus et 2N quand l’exon 2 et 3 sont inclus. Dans la mesure où l’exon 10 code pour un des 4 domaines pseudo-répété de liaison aux microtubules, on parle de Tau4R lorsque l’exon 10 est inclus et de Tau3R lorsqu’il est exclu (pour revue Caillet-Boudin et al., 2015) (Fig.1). L’expression de ces différentes isoformes est hautement régulée et assujettie à un contrôle temporel. Ainsi, seule l’isoforme la plus courte dite fœtale, 2 3-10-, est présente au cours de l’embryogénèse du cerveau humain (Goedert and Jakes, 1990; Goedert et al., 1989). Le cerveau adulte exprime les 6 isoformes (Avila et al., 2004). Bien que le ratio Tau 4R/Tau3R soit égal à 1, les isoformes 0N, 1N, 2N représentent respectivement 37%, 54%, 9% des protéines Tau totales (Hong et al., 1998). A l’instar de l’Homme, la souris et le rat n’expriment également que l’isoforme fœtale au stade embryonnaire (Couchie and Nunez, 1985; Kosik et al., 1989). Cependant, à l’âge adulte, les rongeurs n’expriment que les isoformes Tau 4R (Brion et al., 1993). Une exception doit être faite concernant notamment la zone sous granulaire du gyrus denté, siège de la neurogénèse adulte, où les progéniteurs neuronaux expriment de la Tau3R (Bullmann et al., 2007, 2010).

Structure de la protéine Tau

Dans le système nerveux central humain, la longueur des isoformes de la protéine Tau varie entre 352 et 441 acides aminés (Fig. 1C). Traditionnellement, on distingue deux différents domaines d’après le critère d’interaction avec les microtubules : la partie N-terminale dite « domaine de projection » et la partie C-terminale dite « domaine de liaison aux microtubules » (Fig. 2A).

Le domaine de liaison aux microtubules
Le domaine de liaison aux microtubules est constitué de trois ou quatre séquences pseudo-répétées en fonction de l’inclusion ou non de l’exon 10. Codées respectivement par l’exon 9, 10 ,11, 12, chacune de ces séquences est constituée de 18 acides aminés conservés et pseudo-répétés séparées entre elles par des séquences de 12 à 13 acides aminés. De nature basique et chargés positivement, ces domaines interagissent avec la surface des microtubules chargée négativement (Kolarova et al., 2012) (Fig. 2B,C).

Le domaine de projection
Dans ce manuscrit, nous appellerons « domaine de projection » la partie N-terminale de la protéine Tau. En son sein, on considère alors deux régions : l’extrémité N terminale et le domaine riche en proline. La longueur de l’extrémité N-terminale dépend de l’inclusion de deux séquences de 29 acides aminés codés par l’exon 2 et 3. La composition en acides aminés de cette région lui confère des propriétés biochimiques acides et une charge négative (Fig. 2B,C). En conséquence, lorsque Tau est liée aux microtubules chargés également négativement, l’extrémité N terminale est repoussée par répulsion électrostatique (Amos et al., 2004). Pour cette raison, on parle de « domaine de projection ». Ce domaine régule ainsi l’espacement entre les microtubules et le diamètre des axones (Chen et al., 1992). Jouxtant cette région acide, le domaine riche en proline, d’une centaine d’acides aminés se trouve être globalement basique et chargé positivement. Il est caractérisé par la présence de 7 domaines PXXP qui constituent des sites de liaison aux protéines disposant de domaines « Src Homology 3 » (SH3). En outre, ce domaine de projection permet l’interaction avec la membrane plasmique (Brandt et al., 1995).

Aspects conformationnels 

En 1977, les travaux de Cleveland et al., mirent en évidence la capacité surprenante de Tau à induire la formation des microtubules dans des conditions dénaturantes (Cleveland et al., 1977a) suggérant une certaine pauvreté de Tau en matière de structures secondaires. A l’image d’autres protéines nativement non conformées (Fig. 3B), Tau contient peu d’acides aminés hydrophobes et est constituée majoritairement d’acides aminés basiques, hydrophiles (Fig. 2). Par voie de conséquence, Tau dispose d’une charge nette positive à pH physiologique et est très soluble dans l’eau. Des méthodes d’études structurales conventionnelles telles que le dichroïsme circulaire ou encore la diffusion de rayons X aux petits angles ont confirmé le caractère flexible, en pelote statistique et l’absence de conformation particulière de Tau (von Bergen et al., 2000; Mukrasch et al., 2009; Schweers et al., 1994) (Fig. 3B). Or, des modèles bio-informatiques prédictifs ont permis de reconsidérer l’existence de quelques potentielles structures secondaires (Gamblin, 2005). La Résonnance Magnétique Nucléaire a pu mettre en lumière un comportement conformationnel dynamique de la protéine Tau en solution. Ainsi, en dépit d’une structure majoritairement non conformée, quelques courtes structures secondaires localisées et transitoires telles que des hélices alpha, des feuillets beta et des hélices polyproline de type II ont pu être mises en évidence (Mukrasch et al., 2009) (Fig. 3A). En parallèle, la découverte d’anticorps conformationnels de Tau dont l’épitope est constitué d’acides aminés situés en N-terminal et C-terminal a suggéré une réalité conformationnelle (Jicha et al., 1997). Par « fluorescence resonance energy transfer » (FRET), il a été confirmé que Tau adopte un repliement en trombone dans lequel les extrémités C-terminales et N-terminales sont contiguës (Jeganathan et al., 2006).

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Table des matières

Introduction
Chapitre 1 : Physiologie et Pathologie de la protéine Tau
A. La physiologie de la protéine Tau
I. Du gène à la protéine
1 Les différentes isoformes de la protéine Tau
2 Structure de la protéine Tau
a Le domaine de liaison aux microtubules
b Le domaine de projection
3 Aspects conformationnels
II. Localisation et fonctions
1 Tau est une protéine cytosolique
a Tau et le cytosquelette
b Tau et transport axonal
c Tau, neurogénèse et croissance neuritique
d Tau, signalisation cellulaire et plasticité synaptique
2 Tau est une protéine nucléaire
a Localisation de Tau dans le noyau des cellules
b Interaction de Tau avec les acides nucléiques
c Fonction de la protéine Tau nucléaire
i. Un rôle nucléolaire ?
ii. Tau régulateur transcriptionnel ?
iii. Tau protecteur des acides nucléiques.
3 Une fonction extra-cellulaire de Tau ?
4 Tau, une protéine impliquée dans le métabolisme des ARN ?
III. Régulation de la fonction de Tau par des modifications post-traductionnelles
1 La phosphorylation de Tau
a Les kinases
b Les phosphatases
c La phosphorylation : Régulation des fonctions de Tau
2 Autres modifications post-traductionnelles
B. La physiopathologie de la protéine Tau
I. Les tauopathies
1 Classification
a Point de vue clinique
b Considérations neuropathologiques
2 Maladie d’Alzheimer
a Quelques données épidémiologiques
b Définition clinique
c Neuropathologie
i. Les plaques amyloïdes
ii. Les dégénérescences neurofibrillaires
d Une maladie multifactorielle
e L’hypothèse de la cascade amyloïde : la pathologie Tau est-elle un épiphénomène?
3 DLFT liée au chromosome 17
4 Le stress oxydant, phénomène commun aux Tauopathies
II. Hyperphosphorylation et agrégation de Tau : mécanismes pathologiques communs aux tauopathies
1 Des mutations du gène MAPT promotrices de la pathologie Tau
2 L’agrégation de la protéine Tau
3 L’hyperphosphorylation de la protéine Tau
4 Hyperphosphorylation et agrégation de la protéine Tau, un lien de causalité ?
5 Rôle du stress oxydant dans les mécanismes d’oligomérisation de la protéine Tau
III. Retentissement physiopathologique de l’agrégation de Tau
1 Un gain de fonction toxique
a Agrégat ou oligomères ? quelle est la forme toxique ?
b Propagation de la pathologie Tau
c Un exemple de gain de fonction toxique : la dysfonction du transport axonal
d Une perturbation du métabolisme des ARN ?
2 Une perte de fonction
a La pathologie Tau et les microtubules
b La pathologie Tau et la synapse
c La pathologie Tau et les acides nucléiques
Chapitre 2 : Structure & Rôle de l’hélicase DDX6
A. Généralités autour de DDX6, une hélicase à boite DEAD
I. Introduction aux protéines à boite DEAD
II. Structure des hélicases à boite DEAD
1 Les motifs impliqués dans la liaison et l’hydrolyse de l’ATP
2 Des motifs impliqués dans la liaison à l’ARN
3 Aspects conformationnels
4 D’autres domaines remarquables
III. Des hélicases non conventionnelles
IV. Localisation de DDX6
B. Fonctions de DDX6
I. Rôle de DDX6 dans la régulation de la traduction
1 Quelques mots sur le modèle canonique d’initiation de la traduction chez les eucaryotes
a Formation du complexe de pré-initiation 43S et liaison à l’ARN
b Balayage de la région 5’ non traduite
c Assemblage du ribosome 80S
2 Régulation de la traduction par des éléments IRES
3 Régulation de l’initiation de la traduction par des protéines interagissant avec la région 3’UTR
4 Interaction de DDX6 avec des complexes répresseurs de la traduction
a La répression de la traduction par le complexe CPEB
b D’autres complexes répresseurs de la traduction
II. Rôle de DDX6 dans la stabilité des ARN
1 La déadénylation : voie majeure de la dégradation des ARNm eucaryotes
a La déadénylation
b Le décoiffage
2 Implication de DDX6 dans la déadénylation
3 Implication de DDX6 dans le decapping
4 Rôle de DDX6 dans la régulation de la stabilité d’ARNm spécifiques par les « adenylate-uridylate-rich elements »
III. Rôle de DDX6 dans la voie des microARN
1 Biogénèse des microARN
2 Mécanismes d’extinction de l’expression d’un gène par les microARN : rôle de DDX6
a Dégradation d’ARNm cible de miARN
b Répression de la traduction d’ARNm cible de miARN
IV. Rôle de DDX6 dans les processing bodies et les granules de stress
1 Les processing bodies
a Composition des processing bodies
b Formation des processing bodies
c Fonctions des processing bodies
2 Les granules de stress
Objectifs
Résultats
Etude 1 : Impact de la pathologie Tau sur la fonction protectrice de Tau vis-à-vis des acides nucléiques in vivo
A. Introduction
B. Résultats
C. Discussion
Etude 2 : Rôle du complexe Tau-DDX6 dans le métabolisme des ARN
A. Introduction
B. Matériel et méthodes
C. Résultats
D. Discussion & Perspectives
Conclusion

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