Physiologie des transports ioniques et moléculaires chez les coraux

Les récifs coralliens et l’Homme

   Dans toutes les régions tropicales où ils sont présents, les récifs coralliens occupent une place centrale dans la vie de l’Homme. La richesse de poissons et crustacés au sein des récifs offre une ressource alimentaire abondante pour les communautés humaines locales. La pêche nourrit ainsi plus de 30 millions de personnes (Wilkinson, 2008) et génère 5,7 milliards US$ chaque année (Cesar et al., 2003). D’autre part, plus de 70 millions de personnes voyagent chaque année dans le but de plonger sur les récifs coralliens et admirer ces extraordinaires paysages sous-marins (Spalding et al., 2017). Cet attrait touristique génère de nombreux emplois et contribue ainsi au développement économique de régions tropicales, souvent pauvres à l’origine. Le bénéfice net produit par le tourisme lié aux récifs coralliens est estimé à 9,6 milliards US$ chaque année à l’échelle planétaire (Cesar et al., 2003). Par ailleurs, les récifs coralliens constituent une véritable barrière physique contre le déferlement des vagues. Les littoraux abrités derrière les récifs sont alors épargnés lors de tempêtes et ralentissent significativement l’érosion des côtes. En fin de compte, les récifs coralliens font vivre 500 millions de personnes (Wilkinson, 2008), et génèrent chaque année un bénéfice net à l’économie mondiale de 30 milliards US$ (Cesar et al., 2003). Les récifs coralliens sont aussi convoités pour la découverte de nouvelles molécules qui pourraient être utilisées dans la cosmétique ou la pharmacologie. L’étude des coraux récifaux peut également permettre une meilleure compréhension de certains processus biologiques et physiologiques et être appliquée à la santé humaine. A titre d’exemple, l’association Coral Guardian a soulevé il y a quelques années une piste intéressante sur une possible implication d’une molécule TGFβ (Transforming Growth Factor β) dans le phénomène de blanchissement des coraux. Selon cette étude, la compréhension du rôle du TGFβ dans la rupture de la symbiose chez le corail en conditions de stress pourrait apporter des perspectives intéressantes quant à l’étude de maladies humaines telles que les cancers où elle est également impliquée. D’autres molécules de la famille TGFβ, les BMPs (Bone morphogenetic proteins), pourraient aussi ouvrir de nouvelles voies dans la médecine et la chirurgie réparatrice. En effet, une BMP, la bmp2/4 a été identifiée dans les cellules calcifiantes des coraux et pourrait jouer un rôle dans la formation de leur squelette (Zoccola et al., 2009). Etant donné que les BMPs sont connues chez les vertébrés pour induire la formation de nouveau cartilage et d’os lors d’une greffe, cette découverte chez les coraux pourrait avoir d’importantes implications pour l’utilisation d’implants à partir de squelette de corail.

Des écosystèmes menacés

   Depuis plusieurs décennies, les récifs coralliens sont victimes de leur succès. Pendant longtemps, ils ont été principalement menacés par les diverses pressions locales liées aux activités de l’Homme (Ateweberhan et al., 2013). La surpêche et certaines techniques de pêche destructrices telles que la pêche à la dynamite ravagent les récifs dans certaines régions depuis des décennies. Le tourisme représente également un problème lorsque les plongées sont trop nombreuses. Cette sur-fréquentation provoque des dommages physiques aux colonies et entraine une augmentation de la sédimentation qui asphyxie les coraux et gêne la photosynthèse de leurs symbiotes. De plus, la démographie croissante sur les littoraux induit une hausse des rejets d’eaux usées et des pollutions telluriques, notamment agricole et industrielle. Enfin, des blooms d’espèces invasives telles que les étoiles de mer Acanthaster planci dans certaines zones de l’Océan Pacifique détruisent des zones entières du récif. Bien que ces pressions locales soient toujours d’actualité, les changements climatiques et l’acidification des océans engendrés par les activités anthropiques constituent à présent les menaces majeures pour les récifs coralliens à l’échelle mondiale. A la suite des Révolutions Industrielles il y a environ 200 ans, les activités anthropiques ont conduit à l’émission de quantités croissantes de gaz à effet de serre (GES) dans l’atmosphère. Depuis les années 1950, ce phénomène s’est encore amplifié avec l’émergence des pays en voie de développement. Ces émissions ajoutent chaque année 8000 millions de tonnes de carbone dans l’atmosphère (Houghton, 2009). Parmi les différents GES, le dioxyde de carbone (CO2) est le principal produit par les activités humaines qui s’accumule dans l’atmosphère (72%) (Houghton, 2009). La concentration de CO2 dans l’atmosphère qui était à l’équilibre à 280 ppm au début du 18ème siècle, a grimpé aujourd’hui à 400 ppm et continue d’augmenter d’année en année (Intergovernmental Panel on Climate Change, 2014). Plusieurs GES sont déjà naturellement présents dans l’atmosphère tels que le CO2, ainsi que la vapeur d’eau, le méthane (CH4), le protoxyde d’azote (N2O) et l’ozone (O3). Ceux-ci permettent de maintenir la chaleur issue du rayonnement solaire qui traverse l’atmosphère à la surface de la Terre. Cependant, l’augmentation de la concentration des GES accroît cet effet de serre naturel et engendre un réchauffement global de la surface de la Terre et des océans (Figure 1). Entre 1950 et 2009, la température moyenne des eaux de surface des Océans Indien, Atlantique et Pacifique a déjà augmenté respectivement de 0,65°C, 0,41°C et 0,31°C (Hoegh-Guldberg et al., 2014). De plus, l’Océan a déjà absorbé 30% des émissions de CO2 d’origine anthropique entre 1750 et 2011, dont la moitié lors des 40 dernières années (Intergovernmental Panel on Climate Change, 2014). Le CO2 dans l’océan réagit alors avec les molécules d’eau (H2O) et entraîne la formation de protons (H+) dont la conséquence est une diminution du pH de l’eau de mer et une diminution des carbonates (Figure 2).

Taxonomie

   Les coraux, cousins des méduses et des anémones de mer, font partie de l’embranchement des Cnidaires dont le nom provient du grec ancien et signifie « ortie ». Ce nom vient de la particularité des membres de ce groupe qui possèdent des cellules urticantes, les cnidocytes. Les Cnidaires sont des organismes diploblastiques et présentent une symétrie radiale. Deux morphotypes sont retrouvés dans cet embranchement : une forme polype sessile et une forme méduse pélagique. Au sein des Cnidaires, sont regroupées la super-classe des Médusozoaires, qui inclue plusieurs classes dont chacune comprend une phase méduse au cours du développement des individus, et la classe des Anthozoaires. Les Anthozoaires, dont le nom signifie « animaux-fleurs », ne possèdent qu’une phase polype au cours du développement et regroupent tous les différents types de coraux, ainsi que les anémones de mer. La classe des Anthozoaires comprend deux sous-classes : les Octocoralliaires et les Hexacoralliaires. Les Octocoralliaires possèdent une symétrie d’ordre 8 et comprend notamment le corail rouge de Méditerranée Corallium rubrum. Les Hexacoralliaires quant à eux présentent une symétrie d’ordre 6 et comprennent sept ordres dont les Scléractiniaires. Les Scléractiniaires, dont le nom vient du grec « sklêros » qui signifie « dur », rassemblent toutes les espèces de « coraux durs ». C’est à ce groupe de coraux qu’appartiennent les coraux constructeurs de récif dont mon modèle d’étude le corail Stylophora pistillata

Cycle de vie et anatomie des coraux Scléractiniaires, exemple de Stylophora pistillata

   Divers modes de reproduction sexués et asexués existent chez les coraux. Chez les coraux scléractiniaires tels que S. pistillata la reproduction sexuée consiste en l’émission de gamètes mâles et femelles en pleine eau. Ces pontes en masse ont lieu une à deux fois par an toujours à la même période, généralement quelques jours après la première pleine lune de l’été, et sont parfaitement synchronisées entre toutes les colonies d’une même espèce. Les gamètes fécondés en pleine eau donnent naissance à une larve pélagique appelée planula. Celle-ci se laisse porter par les courants pendant plusieurs jours jusqu’à atteindre un endroit favorable pour se fixer et se métamorphoser en un polype. La reproduction asexuée, quant à elle, consiste en la formation d’une nouvelle colonie, dont les individus sont des clones de ceux de la colonie mère. En milieu naturel, elle se produit à la suite de la fragmentation d’une branche qui se sépare de la colonie initiale due à l’action mécanique de prédateurs, d’événements climatiques, tels que des cyclones, ou de l’Homme. Au laboratoire elle peut être réalisée par bouturage en coupant des fragments de branches. Une colonie peut aussi provoquer ce type de reproduction via le bourgeonnement d’une excroissance qui finit par se détacher sous l’effet de son poids. Si les conditions sont propices, le fragment ou le bourgeon ainsi dissocié de la colonie mère peut alors se fixer sur un substrat et poursuivre sa croissance pour former une nouvelle colonie. D’un point de vue anatomique, l’organisation du corps du polype se fait autour d’une cavité gastrique comprenant un pore unique faisant office de bouche et d’anus, autour duquel s’articule une couronne de tentacules. La majorité des coraux sont des espèces coloniales, à l’exception des Fungiidae. Tous les polypes de la colonie sont reliés les uns aux autres par une couche de tissu appelée cœnosarque (Figure 4). Ils partagent également un même squelette externe, fruit d’un travail collectif de l’ensemble des polypes menant à la précipitation de cristaux de carbonate de calcium (selon un processus de calcification qui sera détaillé dans le sous chapitre suivant (2.). S. pistillata est un corail branchu et appartient au clade des coraux dits « robustes ». En comparaison avec le clade des coraux dits « complexes » tels que les Acroporidae, les coraux robustes présentent un squelette plus solide.

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Table des matières

CHAPITRE 1 – Les coraux récifaux dans un monde qui change, quel avenir ?
1. Du récif corallien au corail récifal
1.1. Les récifs coralliens, des écosystèmes primordiaux
1.1.1. Importance écologique des récifs
1.1.2. Les récifs coralliens et l’Homme
1.1.3. Des écosystèmes menacés
1.2. Le corail constructeur de récif
1.2.1. Taxonomie
1.2.2. Cycle de vie et anatomie des coraux Scléractiniaires, exemple de Stylophora pistillata
1.2.3. Une symbiose mutualiste avec des microalgues
1.3. Stylophora pistillata, une espèce d’intérêt
1.3.1. Origine de Stylophora pistillata
1.3.2. Stylophora pistillata, une espèce résistante
1.3.3. Différentes méthodes de culture et de croissance
2. La calcification, un enjeu de taille pour les coraux récifaux
2.1. Formation d’un exosquelette, structure de la colonie
2.1.1. Des ions/molécules essentiels à la calcification
2.1.2. Le rôle de la matrice organique
2.2. Influence des paramètres environnementaux sur la calcification
3. Problématique de l’étude
CHAPITRE 2 – Effet de la température sur la calcification : lien entre physiologie et expression des gènes codant pour des transporteurs ioniques
1. État des connaissances actuelles
1.1. Impact de la température sur la croissance des coraux
1.2. Réponse transcriptomique des coraux à un choc thermique et à la lumière
2. Résultats personnels : Réponse de Stylophora pistillata à un changement de température, de l’animal au gène
2.1. Contexte de l’étude
2.2. Impact de la température sur la calcification : réponse physiologique à l’échelle de l’animal
2.2.1. Caractérisation des courbes de performance thermique de S. pistillata
2.2.2. Interactions entre les différents paramètres physiologiques en réponse à un stress thermique
2.3. Impact de la température sur la calcification : réponse des transporteurs ioniques à l’échelle des expressions géniques
2.3.1. Similitudes entre physiologie et expression des gènes de transports ioniques
2.3.2. Impact des températures extrêmes sur le transport et la conversion du carbone inorganique dissous
2.4. Perspectives
2.5. Publication
Points-clé du chapitre 2
CHAPITRE 3 – Effet de la température sur la régulation du pH et des ions au site de calcification
1. La régulation du pH au site de calcification
1.1. Le pH : quelques généralités
1.1.1. Définition du pH
1.1.2. Différentes méthodes de mesures du pH dans le milieu extracellulaire calcifiant
1.2. Les coraux augmentent le pH dans le milieu extracellulaire calcifiant par rapport à l’eau de mer
2. Résultats personnels : Mesures du pH et expression des gènes de transports ioniques sur des microcolonies à plat
2.1. Contexte de l’étude
2.2. Matériel et méthodes
2.2.1. Matériel biologique et design expérimental
2.2.2. Mesures du pH dans le MEC et dans les cellules calicoblastiques
2.2.3. Expression des gènes de transport ioniques par PCR en temps réel
2.2.4. Analyses statistiques
2.3. Résultats
2.3.1. Mesure du pHe dans le milieu calcifiant et dans les cellules calicoblastiques
2.3.2. Expression des gènes impliqués dans le transport des ions
2.4. Discussion
2.4.1. Utilisation de microcolonies à plat de Stylophora pistillata
2.4.2. Impact de la température et de la lumière sur la régulation du pH
2.4.3. Implication des gènes de transport ioniques dans la réponse de S. pistillata et sa régulation du pH face à un stress thermique
2.5. Perspectives
Points-clé du chapitre 3
CHAPITRE 4 – Effet de la température sur la perméabilité des tissus et la diffusion paracellulaire des ions vers le milieu extracellulaire calcifiant
1. Généralités sur les jonctions intercellulaires et la perméabilité des épithéliums
1.1. Les jonctions intercellulaires chez les Métazoaires
1.1.1. Les jonctions communicantes
1.1.2. Les jonctions d’ancrage
1.1.3. Les jonctions d’occlusion
1.2. Les jonctions septées : régulation de la perméabilité des tissus chez les invertébrés, dont les coraux
1.2.1. Structure des jonctions septées
1.2.2. La perméabilité des tissus chez les coraux
2. Résultats personnels : Mesure de la perméabilité des tissus et expression des gènes de jonctions sur des microcolonies à plat
2.1. Contexte de l’étude
2.2. Matériel et méthodes
2.2.1. Matériel biologique et design expérimental
2.2.2. Mesure de la perméabilité des tissus
2.2.3. Expression des gènes des jonctions septées
2.2.4. Analyses statistiques
2.3. Résultats
2.3.1. Calcul du demi-temps de renouvellement (t½) du milieu extracellulaire calcifiant
2.3.2. Expression des gènes des jonctions septées
2.4. Discussion
2.4.1. Influence des paramètres environnementaux sur la perméabilité des tissus : implications dans le processus de calcification
2.4.2. Déclin de la perméabilité à l’obscurité et lors de stress thermiques : implications de la régulation des gènes de jonctions septées
2.5. Perspectives
Points-clé du chapitre 4
CONCLUSIONS GENERALES ET PERSPECTIVES – Physiologie des transports ioniques et moléculaires chez les coraux, implications environnementales

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