Peut-on ne plus vouloir vivre, sans vouloir mourir ?

Je suis infirmière depuis cinq ans, et travaille actuellement en équipe mobile de soins palliatifs à l’hôpital Saint-Louis. Avant cela, j’ai exercé un peu plus de deux ans dans une unité de soins palliatifs. Notre équipe est composée de deux médecins, trois infirmiers, une psychologue et une secrétaire. Nous travaillons le plus souvent en binôme (paramédical/médical si possible) et intervenons dans les services de l’hôpital qui nous sollicitent pour :
➤ Une aide à la prise en charge globale du patient et de son entourage
➤ Une prise en charge des symptômes réfractaires
➤ L’accompagnement psychologique et psychosocial
➤ Le rapprochement, le retour et le maintien à domicile
➤ La sensibilisation aux soins palliatifs et à la réflexion éthique

Le maintien au domicile peut s’avérer parfois complexe voire mettre en situation de vulnérabilité majeure un patient, en l’absence d’hospitalisation à domicile, de médecin traitant ou de réseau de soins palliatifs. Vous allez découvrir dans le présent récit, un cas concret durant lequel je me suis sentie fragilisée et en difficulté dans la prise en charge d’une patiente, rencontrée aux urgences au mois de juillet 2020.

NARRATION DE LA SITUATION

Mi-juillet, notre équipe est appelée par le service des urgences de l’hôpital. La patiente, Mme M, âgée de 79 ans, a fait une tentative de suicide aux benzodiazépines dans un contexte de cancer du sein en rechute métastatique avec un refus de la patiente des traitements spécifiques. Lors de son diagnostic initial, en 1999, elle avait par ailleurs accepté de recevoir tous les traitements nécessaires à sa rémission. La situation suivante s’inscrit donc dans un contexte de rechute métastatique, environ 20 ans après l’annonce de son diagnostic initial. Elle est médecin gynécologue retraitée, veuve, mère de deux enfants, un fils et une fille. Cette dernière est la personne de confiance et l’aidante principale de Mme M.

Lors de la première rencontre, je suis en binôme avec un de mes collègues médecin. D’emblée, la patiente exprime une envie suicidaire, liée à une perte d’autonomie trop importante. Elle fait rapidement le lien avec sa personnalité et se décrit comme une personne très active et évoque son passé de militantisme. Elle s’est notamment beaucoup battue pour le droit des femmes. Aujourd’hui, elle revendique le droit de décider de sa mort. Pendant l’entretien, Mme M argumente de manière éclairée son intention de mettre fin à ses jours. Cliniquement, la patiente est asymptomatique. Elle nous explique avoir pris 70 comprimés de Stillnox dans l’intention de se donner la mort. Au cours de la nuit, elle a été prise de vomissements et a chuté dans sa salle de bain. Son visage a heurté le cabinet de toilettes et elle présente une plaie importante au niveau de l’arcade sourcilière.

Au cours de la discussion, Mme M nous demande comment faire pour arriver à mettre fin à ses jours et si les soins palliatifs peuvent l’aider à cela. Ses propos sont clairs et directs. Pour elle, si on « ne peut pas abréger sa vie, alors on ne peut pas l’aider ». Nous lui rappelons, en premier lieu, que l’euthanasie n’est pas autorisée en France. Puis, nous abordons avec elle la sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès ; prenant soin de préciser que son état clinique actuel ne correspond pas aux critères permettant d’accéder à cette sédation. Nous demandons également un avis psychiatrique afin d’évaluer une éventuelle composante dépressive. Au vu de la situation globale, nous lui proposons l’inclusion à un réseau de soins palliatifs et de se revoir en consultation pour une réévaluation globale, ce qu’elle accepte.

Nous rencontrons sa fille qui nous exprime le dilemme dans lequel elle se trouve. Elle ne souhaite pas un décès prématuré de sa mère mais se sent comme un « devoir » de l’accompagner dans cette démarche et cette demande qui est la sienne. Mme M rentrera à son domicile le jour même de son admission. Peu de temps après le retour à domicile, je reçois un appel du médecin du réseau de soins palliatifs qui se trouve en difficulté. La prise en charge au domicile de Mme M est compliquée : elle refuse fermement toutes les aides proposées, n’a pas de médecin traitant et sa fille prévoit de partir en vacances. Mme M est, par ailleurs, seule à la maison et présente des éléments de confusion probablement liés à des lésions cérébrales (hématome et contusion). Au vu de la gravité de sa maladie oncologique et du fait de ses volontés exprimées, il ne semble pas raisonnable de traiter ces lésions. Je me mets alors en lien avec la fille de Mme M. Lors d’un entretien téléphonique, je reprends avec elle les risques important de chute au domicile et d’aggravation de son état général ; pointant ainsi la vulnérabilité de sa mère ; surtout dans ce contexte où aucune aide ou intervention tierce n’est acceptée. Le médecin du réseau suggère un transfert en unité de soins palliatifs pour un répit, le temps des vacances de la fille. Après discussion avec sa mère, la fille nous rappelle pour confirmer son accord. Trois jours plus tard, Mme M. change d’avis : elle refuse finalement cette option. Quatre jours après le départ en vacances de sa fille, Mme M la sollicite : elle veut finalement être hospitalisée. Elle est donc transférée pour un répit en unité de soins palliatifs. Elle y restera seulement quinze minutes avant de repartir…. A la fin du mois d’août, la fille de Mme M m’envoie un mail pour me faire part de la difficulté à s’occuper de sa mère, qui ne cesse d’osciller entre acceptation et refus des propositions d’aide et l’appelle très souvent la nuit. Elle me dit clairement qu’ «à ce rythmelà, [elle] ne va pas tenir». C’est donc après deux mois de suivi téléphonique sur la situation au domicile que nous revoyons Mme M en consultation avec sa fille. Elle est dénutrie, fatiguée et commence à avoir des douleurs lombaires (suffisamment soulagées par paracétamol). Elle se lève de moins en moins et a besoin de l’aide de sa fille pour se déplacer. Elle accepte une transfusion prescrite par son oncologue référent. Mme M nous exprime le fait que « [sa] vie n’a pas de sens, et qu’il est temps que ça finisse, [elle est] une charge pour sa fille et les soins palliatifs ne peuvent pas répondre à ce qu’elle demande ».

Elle refuse toujours les propositions de prise en charge au domicile ainsi qu’une hospitalisation en USP. En entretien individuel, la fille de Mme M évoque la charge mentale, physique et émotionnelle qu’elle porte : sa mère ne veut que sa présence continue et personne d’autre. Cinq jours plus tard, la fille me contacte : la fréquence et l’intensité des douleurs de sa mère s’intensifient, elle ne se lève plus et demande à être hospitalisée en USP. Une nouvelle demande d’admission en USP est faite. Mme M est finalement hospitalisée et fait la demande d’une sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès, après avoir réitéré des demandes à mourir. La demande est acceptée par l’équipe. Au moment où l’infirmier arrive dans sa chambre pour procéder à la sédation, Mme M. finit la refuse. Finalement, elle décèdera « de sa propre mort » dans cette unité de soins palliatifs environ deux semaines après son arrivée.

ANALYSE DE LA SITUATION

Les problèmes posés par la situation

1. Cancer du sein métastatique
2. Refus des traitements spécifiques de son cancer
3. Refus d’une prise en charge au domicile avec la mise en place d’aides
4. Demande de mort réitérée
5. Epuisement physique et psychologique de la fille qui est l’aidante principale
6. Ambivalence de la patiente entre mourir et vivre tout en maitrisant sa propre finitude
7. Ambivalence de la fille entre répondre au désir de mort de sa mère et l’accompagner dans des décisions parfois peu adaptées à la situation.
8. Difficulté de prise en charge par une équipe mobile de soins palliatifs d’une patiente qui vit au domicile.
9. Tentative de suicide de la patiente.
10. Souffrance psychologique de la patiente qui « ne trouve plus de sens à sa vie » et qui exprime « être un poids pour sa famille »
11. Appels récurrents de la fille sans marge de manœuvre possible du fait des refus de la patiente.

Les problèmes que me pose la situation

1. L’ambivalence de la patiente entre mourir et vivre tout en maitrisant sa propre fin
2. La fille qui d’une certaine manière nous a fait vivre son impuissance face à la gestion difficile de sa mère.
3. Elle exprime une demande à mourir et ce de manière récurrente, elle ne « voulait plus vivre » mais avait-elle pour autant un désir (réel ou symbolique) de mort ?
4. Sentiment d’échec/frustration dans ma position de soignante, avec un sentiment de ne pas avoir pu accompagner Mme M.
5. Les revirements entre les demandes et les refus de la patiente.

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Table des matières

INTRODUCTION
1. NARRATION DE LA SITUATION
2. ANALYSE DE LA SITUATION
2.1.Les problèmes posés par la situation
2.2.Les problèmes que me pose la situation
2.3.Problématique choisie
3. RECHERCHE DOCUMENTAIRE
3.1.Phase palliative et enjeux
Enjeux de temporalité en phase palliative
L’ambivalence en phase palliative
3.2.Demande de mort / Désir de vie
3.3.Le refus de soin
Comme réaction à la perte de contrôle ?
Comme affirmation de l’autonomie du patient en fin de vie
4. SYNTHESE ET CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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