Pétrologie et géochimie des laves du Mont Etinde

Chimie des éléments majeurs et traces

Classification chimique

Les échantillons définissent plusieurs groupes lithologiques du fait de leur minéralogie variée. Cette variété reflète des différences dans les conditions (température, pression, fugacité en oxygène…) qui contrôlent la vitesse de cristallisation et la nature des phases qui fractionnent. Les compositions chimiques et les sources magmatiques peuvent cependant être identiques. Au contraire, deux roches ayant des compositions différentes peuvent avoir cristallisé dans les mêmes conditions. Afin de s’affranchir de la minéralogie et de baser notre classification uniquement sur la composition chimique des échantillons, des normes CIPW ont été calculées à partir des compositions des roches totales en pourcentages massiques .
Le calcul de la norme CIPW permet de mettre en évidence trois grands groupes lithologiques : basaltes, téphrites et néphélinites. Les basaltes et téphrites se distinguent des néphélinites au sens large par l’absence de leucite et des quantités plus faibles en néphéline et supérieures en olivine, plagioclase et orthoclase.
Les basaltes contiennent plus d’olivine et de plagioclase que les téphrites, 12 % et 33-34 % contre 9 % et 22 %, et moins d’orthoclase et de néphéline, 6 % et 3-4 % contre 10 % et 15 %. Les néphélinites s.l. contiennent entre 14 et 28 % de néphéline et pour la plupart plus de 10 % de leucite. Deux échantillons, bien que différents l’un de l’autre, font exception avec des proportions en orthoclases très élevées, supérieures à 30 %, par rapport au néphélinites s.l. (au plus 10 %). Ces deux échantillons sont la néphélinite à mélilite (ET20) et la néphélinite à noséane et leucite (ET15), qui seuls contenaient des grenats mélanites.

Eléments majeurs

Les diagrammes binaires en MgO, Al2O3 et FeO en fonction de la silice et en CaO en fonction de MgO montrent trois séries formées par les néphélinites s.l., les téphrites et les basaltes. la série formée par les néphélinites s.l. est assez nette malgré un regroupement marqué des néphélinites à haüyne. Celles-ci présentent des teneurs en Al2O3 plus forte et en FeO plus faible par rapport à la tendance générale qui se termine par les deux échantillons intermédiaires, ET15 (néphélinite à noséane et leucite) et ET20 (néphélinite à mélilite). Dans les diagrammes Al2O3 et en FeO en fonction de SiO2, les basaltes sont alignés avec les téphrites. Ce n’est pas le cas dans le diagramme MgO vs. SiO2 car les concentrations en magnésium sont supérieures dans les basaltes.
De plus, la non-cogénéticité de ces laves à plagioclases est également suggérée par les plus faibles teneurs en éléments alcalins des basaltes pour des teneurs en SiO2 supérieures. Les diagrammes en Na2O et K2O montrent également des gammes de variation plus importantes en ce qui concerneles néphélinites s.l.

Les Monts Etinde et Cameroun et la ligne volcanique du Cameroun

Les données isotopiques de cette étude et de la littérature permettent d’observer un alignement de la ligne du Cameroun. Ces diagrammes confirment le caractère très radiogénique en Pb des laves du Mont Etinde ainsi que du Mont Cameroun, situés dans le prolongement de la CVL. Le Mt Etinde présente les compositions les plus extrêmes, jusqu’à 206Pb/204Pb = 20,58 (ET19). Cette tendance ne tend ni vers le pôle HIMU, ni vers les laves de Ste-Hélène qui présentent des rapports en 208Pb/204Pb et en 207Pb/204Pb plus faible et plus fort respectivement . La CVL s’étend globalement entre le pôle FOZO (ou C) et un pôle enrichi inconnu différent de HIMU, en accord avec les résultats de Déruelle et al. (2007). A plus fine échelle, les laves des Monts Cameroun et Etinde semblent résulter de la fusion d’une source propre à chaque édifice. Bien que dans la continuité de la tendance générale formée par la ligne du Cameroun, ces deux volcans de la limite continent/océan se détachent de la CVL avec, pour un même rapport 206Pb/204Pb, des rapports 208Pb/204Pb et 87Sr/86Sr plus forts et 207Pb/204Pb et 144Nd/143Nd plus faibles . D’après ces observations, la source des magmas semble plus enrichie au niveau de la LCO que pour le reste de la CVL et plus enrichie pour le Mt Etinde que pour le Mt Cameroun, confirmant les résultats obtenus par Halliday et al. (1990).

Les laves du Mt Etinde

Rôle de la contamination crustale

La croûte continentale a des teneurs faibles en Nb et fortes en Pb (Taylor et McLennan, 1985). La contamination par assimilation de matériel crustal a pour effet la diminution des teneurs en Nb des magmas et l’apparition d’une anomalie positive en Pb dans les spectres étendus. La constance des rapports La/Nb au cours de la différenciation pour les basaltes, téphrites et néphélinites à haüyne de cette étude indique l’absence de contamination, tout comme l’anomalie négative en Pb . La constance des rapports isotopiques des néphélinites s.l. avec l’augmentation de la différenciation (Th, MgO) confirme l’absence de contamination crustale pour ces liquides.
L’ascension des magmas a été rapide avec une interaction limitée avec la croûte continentale. Les fortes concentrations en Ni et Cr (Ni > 200 ppm et Cr > 500 ppm) et le Mg# (> 46) élevé des basaltes témoignent du caractère primitif de ces magmas . De plus, des xénolites mantelliques (péridotite et clinopyroxénite) ont été observés en enclaves dans les coulées des différentes néphélinites (Nkoumbou, 1990 ; Nkoumbou et al., 1995). Ceci est l’assurance d’un stockage magmatique de courte durée ; un séjour prolongé dans la chambre magmatique aurait entraîné la sédimentation de ces enclaves.

Nature de la source des magmas

Minéralogie de la source :Etant donnée le caractère limité de la contamination crustale, les fortes teneurs en éléments incompatibles et notamment en LREE sont interprétées soit comme l’effet d’un faible taux de fusion partielle, soit comme un enrichissement du manteau source par des circulations de fluides riches en éléments incompatibles. La métasomatose du manteau peut s’exprimer par la cristallisation de minéraux riches en fluides tels que des amphiboles ou des micas. La forte anomalie négative en K de l’ensemble des laves suggère la présence de minéraux hydratés résiduels dans la source tels que des amphiboles pargasites ou des micas phlogopites (Francis et Ludden, 1995).

Rôles du manteau lithosphérique et du panache mantellique de Sainte-Hélène

La limite lithosphère-asthénosphère se situe entre 80 et 120 km de profondeur sous la ligne du Cameroun (Poudjom Djomani et al., 1997). L’implication de spinelle et de grenat dans la formation des magmas (autour de la transition à 1,5 GPa) indique une fusion du manteau lithosphérique subcontinental plutôt que du manteau asthénosphérique. De plus, l’étude de xénolites récoltés le long de la CVL fait état de lithologies à l’équilibre avec des températures régnant de 25-30 km (lherzolites à spinelle) à 70 km (lherzolites à grenat) de profondeur (thermomètres basés sur la distribution du Fe-Mg entre les pyroxènes et entre les grenats et clinopyroxènes et de Ca, Al, Cr et Na entre pyroxènes et spinelles ; Lee et al., 1996 et Matsukage et Oya, 2010). La diversité de composition chimique et minéralogique de ces xénolites (lherzolites à spinelle avec ou sans pargasite, harzburgites, webstérites, wehrlites, webstérites et clinopyroxénites ; Wandji et al., 2009) indique l’hétérogénéité pétrologique du manteau lithosphérique sous la CVL. Ceci concorde avec les données de cette étude qui reflètent la variété géochimique sous les Monts Etinde et Cameroun.
Les résultats présentés permettent de déduire qu’un manteau asthénosphérique de type HIMU, comme pour les laves de Ste-Hélène, n’est pas la source des magmas. Ce matériel peut cependant être impliqué par le manteau lithosphérique selon trois schémas :
Des magmas issus de la fusion du point chaud de Ste-Hélène cristallisent dans le manteau lithosphérique local lors du passage du panache pour former des veines métasomatiques aux compositions isotopiques riches en Pb radiogénique. La signature HIMU de cette contamination est cependant diluée par le mélange panache/lithosphère. Les compositions isotopiques des laves de cette étude peuvent être expliquées par un mélange ternaire. Un mélange comprenant du matériel du point chaud de Ste-Hélène tendrait vers le pôle HIMU.
Le point chaud de Ste-Hélène contribue, une nouvelle fois par la cristallisation de magmas dans le manteau lithosphérique, mais ce panache mantellique est hétérogène, comme c’est le cas à Hawaii (Blichert-Toft et al., 2003) et à La Réunion (Bosch et al., 2008). Les magmas sont issus de la fusion d’une zone du panache qui n’est plus échantillonnée aujourd’hui par les magmas de Ste-Hélène puisqu’elle n’y a pas été observée. Cette hypothèse peut également expliquer le décalage des volcans de la LCO (Mt Etinde, Mt Cameroun) avec l’ensemble de la CVL en invoquant une hétérogénéité du panache n’ayant fondu que dans ce secteur, d’autant que des zones hétérogènes, même de petite taille (Mougel et al., in press), peuvent exister dans le manteau terrestre. L’absence de preuve évidente de l’existence d’hétérogénéités dans ce panache rend cette hypothèse peu probable.
Les magmas du panache de Ste-Hélène n’ont pas contaminé le manteau lithosphérique. Lorsque celui-ci fond pour former les magmas à l’origine de la CVL, la signature HIMU ne s’y retrouve donc pas. Cela signifie que le manteau lithosphérique ancien est source du magmatisme. Celui-ci est âgé du précambrien pour le plus vieux (craton du Congo) à 600 Ma pour le plus récent (orogenèse panafricaine) . Les fortes teneurs des laves en éléments traces les plus incompatibles sont le reflet d’une refertilisation du manteau par la percolation de fluides métasomatiques, liés aux différentes orogenèses qui ont formé ces terrains anciens. Les magmas formés à plus grande profondeur reflètent la fusion d’une source contenant du Pb plus radiogénique et de plus fortes proportions en minéraux hydratés tels que la pargasite, comme indiqué par les rapport K/Rb et Ce/K .

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Table des matières

Chapitre 1 : Introduction
Chapitre 2 : Contexte géologique, géodynamique et géochimique
2.1. Histoire géodynamique 
2.1.1. Précambrien : des cratons archéens à l’orogenèse panafricaine
2.1.2. Crétacé : démantèlement du Gondwana et isolement de la plaque Afrique
2.1.2.1. 130-105 Ma : phase de rifting et ouverture de l’Atlantique sud
2.1.2.2. 80 Ma : rotation du continent africain et découplage lithosphère/asthénosphère
2.1.2.3. 70 Ma à l’actuel : développement de la ligne du Cameroun
2.2. Le magmatisme d’Afrique de l’Ouest et Centrale 
2.2.1. Classification des séries alcalines
2.2.2. La province magmatique du Niger-Nigéria
2.2.3. Le fossé de Bénoué
2.2.4. La ligne du Cameroun
2.2.4.1. Les complexes plutoniques
2.2.4.2. Les édifices volcaniques
2.2.4.3. Evolution spatio-temporelle
2.2.4.4. Hypothèses sur la nature des sources mantelliques le long de la CVL
2.3. Le Mt Etinde : au centre de la limite continent/océan 
Chapitre 3 : Méthodes analytiques
3.1. Analyses in situ des minéraux
3.2. Préparations et mesures des échantillons en éléments majeurs et traces
3.2.1. Les éléments majeurs
3.2.1.1. Préparation chimique (d’après Cotten et al., 1995)
3.2.1.2. Mesure des concentrations en éléments majeurs
3.2.2. Les éléments traces
3.2.2.1. Préparation chimique (d’après Li et Lee, 2006)
3.2.2.2. Mesure des concentrations en éléments traces
3.3. Les isotopes radiogéniques
3.3.1. Préparation chimique et purification de l’Hf, du Pb, du Nd et du Sr
3.3.2. Mesure des rapports isotopiques
Chapitre 4 : Résultats
4.1. Caractérisation pétrographique des différentes lithologies
4.1.1. Les néphélinites sensu stricto
4.1.2. Les néphélinites à leucite
4.1.3. Les néphélinites à mélilite (ET20)
4.1.4. Les néphélinites à haüyne (ET08, ET09, ET11, ET12, ET13, ET22, ET23 et ET24)
4.1.5. Les néphélinites à noséane et leucite (ET15)
4.1.6. Les téphrites (ET01, ET02, ET03, ET04 et ET16)
4.1.7. Les basaltes (ET07 et ET17)
4.2. Minéralogie 
4.2.1. Olivine
4.2.2. Pyroxènes
4.2.3. Feldspath plagioclase
4.2.4. Feldspathoïdes
4.2.4.1. Néphéline
4.2.4.2. Leucite
4.2.4.3. Groupe de la sodalite : haüynes et noséanes
4.2.5. Oxydes
4.2.5.1. Magnétite titanifère
4.2.5.2. Chromite
4.2.6. Pérovskite
4.2.7. Grenat mélanite
4.2.8. Titanite / Sphène
4.2.9. Apatite
4.3. Chimie des éléments majeurs et traces
4.3.1. Classification chimique
4.3.2. Eléments majeurs
4.3.3. Eléments traces
4.4. Géochimie isotopique 
4.5. Synthèse des résultats
Chapitre 5 : Discussion
5.1. Résumé des données isotopiques existantes de la CVL
5.1.1. Rappels de géochimie isotopique
5.1.1.1. Définition du réservoir mantellique de type Sainte-Hélène / HIMU
5.1.1.2. Définition des réservoir primitifs FOZO, PHEM, C
5.1.2. Caractéristiques isotopiques de la ligne du Cameroun
5.2. Les Monts Etinde et Cameroun et la ligne volcanique du Cameroun 
5.3. Les laves du Mt Etinde
5.3.1. Rôle de la contamination crustale
5.3.2. Nature de la source des magmas
5.3.2.1. Minéralogie de la source
5.3.2.2. Hétérogénéité de la source
5.3.3. Modèles de fusion partielle
5.3.4. Rôles du manteau lithosphérique et du panache mantellique de Sainte-Hélène
Chapitre 6 : Conclusion et perspectives
Bibliographie 

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