Perception spatiale et compétences motrice:approche développement et neuropsychologique

Le modèle des compétences dynamiques

Les discontinuités comme marqueurs de l’émergence comportementale et des niveaux de développement. L’ensemble des données sur le développement des fonctions cognitives, mais également celui du cerveau montrent que, la croissance ne suit généralement pas une fonction linéaire, mais est plutôt marquée par des discontinuités (paliers, chutes, et à-coups brutaux).
L’observation de discontinuités, dans le rythme de développement, s’avère donc être un outil très pertinent, pour établir les étapes majeures du profil développemental des fonctions cognitives, les périodes critiques, ainsi que pour relier ces changements comportementaux à des modifications cérébrales (Thatcher, 1994). En effet les caractéristiques du cerveau, comme la myélinisation, la densité synaptique, l’arborisation dendritique, l’élagage des neurones et des synapses et donc d’une manière générale la masse du cerveau, mais également l’activité électrophysiologique, changent de manière systématique avec l’âge au cours de l’enfance. Simultanément, les capacités cognitives (langage, mémoire, attention, contrôle moteur…) évoluent également grandement, à la fois de manière quantitative, mais aussi qualitative. La corrélation dans le temps de ces changements et la nature non linéaire de ces évolutions rend possible la détection et l’étude de périodes critiques lorsque d’importants changements ont lieu. Ces véritables cycles observables dans le développement permettent de relier les changements comportementaux avec ceux de l’activité cérébrale en termes de modifications structurales et fonctionnelles (Fischer & Bidell, 1998).

Le concept de schéma corporel

Le concept de schéma corporel est apparu pour rendre compte de ces représentations, largement inconscientes, du corps du sujet durant l’organisation de l’action (Paillard, 1982 ; Berlucchi & Aglioti, 1997). Il se différencie d’autres représentations corporelles, comme l’image du corps, concept utilisé notamment en psychopathologie par exemple et recouvrant d’autres dimensions, notamment émotionnelles et sociales. Le terme a été défini pour la première fois par le Neurologue Henry Head, comme un modèle postural du corps qui « modifie les impressions produites par les afférences sensorielles de sorte que la sensation finale de la disposition du corps ou sa localisation soit perçue consciemment en relation avec ce qui s’est passé avant » (Head & Homes, 1911 ; Head, 1920). Le schéma corporel serait une représentation gardant la trace de la position des membres dans l’espace et les uns par rapport aux autres qui jouerait un rôle important dans l’organisation et le contrôle de l’action (Paillard, 1982 ; Berlucchi & Aglioti, 1997).
Ce concept d’une représentation inconsciente du corps et de l’organisation hiérarchique des différents segments corporels a trouvé un écho particulier au travers des modèles les plus récents du contrôle moteur comme la théorie des modèles internes, développée par Daniel Wolpert (Miall et Wolpert 1996 ; Wolpert & Gharhamani, 2003). Ces modèles neuro-computationnels postulent en effet l’existence de représentation du corps et du corps en action comme base du contrôle moteur et de l’organisation de la motricité. Le schéma corporel garde une trace de l’organisation spatiale du corps et de ses segments, il devient donc une base, pour l’organisation de la motricité. Il rend possible l’estimation des conséquences sensorielles d’une action, mais aussi celle des états finaux et/ou intermédiaires du corps et des membres durant sa réalisation. Pour Schaffhauser & Breuer (2005), de même que pour Wolpert & Haggard (2005), le schéma corporel doit ainsi présenter un certain nombre de propriétés pour répondre aux rôles fonctionnels qui lui sont attribués.

Les travaux de Previc

Parmi les modèles actuels de la perception spatiale, celui présentant la plus grande valeur heuristique est celui de Fred Previc, exhaustivement présenté dans « the neurospychology of 3D space » (Previc, 1998) il présente une synthèse de ses propres travaux et intègre l’état actuel des connaissances dans le domaine de la perception spatiale, mais également les données générales sur l’organisation cérébrale des voies visuelles. Il présente les arguments comportementaux, neuro-anatomiques et neurochimiques sous-tendant une représentation parcellaire des représentations spatiales organisées chez l’Homme en 4 grands domaines comportementaux chacun associé avec, des réseaux corticaux spécifiques, des modalités sensorielles particulières, et un système moteur privilégié. Il distingue les domaines extrapersonnel focal, d’action et ambiant et un système péripersonnel .
Une distinction importante est faite dans les représentations spatiales entre d’une part les régions, qualifiées d’extrapersonnelles, concernant des régions de l’espace situées hors de capacités d’actions directes de l’individu et un système péripersonnel concernant les actions directes sur l’environnement dans des régions ne nécessitant pas de déplacement préalable du corps. Au sein du domaine extrapersonnel, l’espace extrapersonnel focal est impliqué dans la recherche visuelle et la reconnaissance des objets. Il est lié à l’activité oculaire saccadique permettant la fovéation, i.e. le positionnement des objets et événements de l’environnement en vision centrale. De ce fait, la région de l’espace recouverte par ce domaine est en fait très variable et mobile. Ce domaine recouvre des zones proximales et distales, pouvant s’étendre de région allant d’une vingtaine de centimètres du corps jusqu’aussi loin que peut porter le regard. Il traite les informations visuelles locales (forme, couleur etc…) disponibles en vision centrale et organise ses représentations spatiales de manière rétinocentrique. Il est sous-tendu par des réseaux neuronaux correspondant majoritairement à la voie parvocellulaire ventrale et implique à la fois les aires corticales inféro-temporale, frontale (en lien avec les mouvements oculaires) et intra-pariétale latérale mais également les structures sous-corticales du noyau caudé, du pulvinar latéral et de manière logique des collicules supérieurs.

La perception de l’espace péripersonnel

Aspects comportementaux

Dans le modèle de Previc, les représentations parcellaires et spécifiques de l’espace sont mises en lien avec un répertoire comportemental également spécifique. Dans ce cadre, l’étude neuropsychologique de patients cérébrolésés, et présentant diverses pathologies affectant la perception spatiale, a apporté des arguments empiriques en faveur de cette distinction entre espaces péripersonnel et extrapersonnel, et a confirmé certaines des propriétés attribuées à ces représentations spatiales. Berti & Frassinetti (2000), rapportent par exemple le cas d’un patient qui à la suite d’un accident vasculaire cérébral souffrait de négligence spatiale unilatérale (NSU). Ce patient présentait une négligence spatiale restreinte uniquement à l’espace péripersonnel. Lorsque l’on mesure les déficits de ce patient à l’aide d’une tâche classique de bissection de lignes dans l’espace péripersonnel, on observe une forte négligence avec une déviation du milieu perçu des stimuli présentés du côté controlésionnel. Lorsque l’on demande à ce même patient de réaliser cette tâche dans l’espace loin, à l’aide d’un pointeur laser, on observe une réduction significative des symptômes de négligence. Cependant, lorsque l’on étend expérimentalement ses capacités d’action pour réaliser cette tâche dans l’espace loin (préalablement inaccessible directement) à l’aide d’un outil (un simple bâton), on observe une extension de la pathologie à cette région préalablement épargnée. La manipulation active d’un outil rend ainsi visible l’extension des représentations de l’espace péripersonnel par l’extension des manifestation de la pathologie.

Aspects neurophysiologiques

Le phénomène d’intégration multisensorielle implique l’existence de populations de neurones spécifiques, recevant les différents signaux à intégrer. Dans le cadre des représentations de l’espace péripersonnel, ces populations doivent également présenter des propriétés spécifiques. En effet, ces neurones doivent présenter un champ récepteur s’étendant sur plusieurs modalités (notamment visuelle et proprioceptive), mais également présenter une spécificité spatiale dans les limites de ces champs récepteurs. En effet, si les limites d’un champ récepteur tactile en référence à l’espace péripersonnel ne posent pas de problèmes fondamentaux, dans le cas de la modalité visuelle, il faut que les limites de sensibilité de ces neurones puissent rendre compte d’une telle distinction entre espaces péripersonnel et extrapersonnel. Les données comportementales telles que présentées précédemment apportent des arguments en faveur de l’existence de telles populations de neurones chez l’Homme (Gray & tan, 2001 ; Ro, Wallace, Hagedorn, Farnè & Pienkos, 2004 ; Farne, Pavani, Meneghello, & Ladavas, 2000 ; Berti & Frassinetti, 2000).
Les contraintes éthiques et méthodologiques rendent la détection de ce type de population de neurones difficiles chez l’Homme. Toutefois, l’existence de neurones homologues répondant aux propriétés listées ci-dessus a été mise en évidence chez différentes espèces de primates non humains, notamment à l’aide de techniques d’implantation d’électrodes profondes et d’enregistrements unitaires. Chez le macaque par exemple, Iriki, Tanaka & Iwamura (1996) ont rapporté l’existence de neurones répondant spécifiquement à des stimulations présentées dans l’espace péripersonnel.

Le développement de l’intégration sensorielle

Les recherches les plus anciennes sur les mécanismes sensoriels et perceptifs ont tout d’abord considéré que les inputs sensoriels des différentes modalités étaient traités dans des aires cérébrales spécifiques au sein de réseaux neuronaux dédiés et majoritairement indépendants (Fodor, 1983). Ces observations ont amené de nombreux chercheurs à postuler que le fonctionnement perceptif des différentes modalités devait également suivre ce principe d’exclusion, chacun d’eux soutenus par des processus, des réseaux et des ressources spécifiques et indépendantes (Wundt, 1874 ; Wickens, 1984). Cependant, cette conception relativement rigide du fonctionnement perceptif et de son inscription cérébrale a rapidement été remise en cause, notamment par les progrès techniques de l’imagerie cérébrale fonctionnelle, ainsi que par les nombreuses observations comportementales montrant l’influence d’une modalité sensorielle sur une autre. Il a ainsi été montré que les aires sensorielles primaires pouvaient être activées par des inputs provenant de différentes modalités. Cette convergence de différents signaux électriques, provenant de différents contextes, de différentes sources, et leur coordination un signal unique, est appelée intégration sensorielle. Au travers de ce processus, le cerveau peut ainsi relier les informations en provenance de différentes sources (intra ou inter modalitaire) en un percept unique et cohérent (Ayres, 1972 ; Macaluso & Driver 2005). Ce phénomène permet, par exemple, l’intégration de l’information en provenance de différents types de récepteurs, sensibles à des dimensions différentes d’une même stimulation, au sein d’une même représentation. Notre cerveau est ainsi capable d’intégrer des informations visuelles de forme, de couleur, de taille, de texture, etc., et de regrouper les différentes propriétés d’un même objet ou évènement de l’environnement afin de le reconnaître, le nommer ou organiser une action vers celui-ci. Le processus d’intégration d’informations en provenance de plusieurs modalités sensorielles implique donc nécessairement l’existence de neurones sensibles aux informations de ces différentes modalités : des neurones multimodaux, dont les champs récepteurs s’étendent sur différentes modalités.

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Table des matières

Partie 1 : Introduction théorique
Préambule
I. Cadre théorique général : L’apport des neurosciences développementales 
I. 1. Principes et définition
I. 2. Mécanismes développementaux
I. 3. Le modèle des compétences dynamiques
II. Ontogenèse de la perception spatiale 
II. 1. Formulation classique du problème : la question de Molyneux
II. 2. Espace perçu, espace incarné, espace représenté
II. 2. 1. Schéma corporel
II. 2. 2. Différents modèles de ségrégation de l’espace
II. 2. 3. Les travaux de Previc
II. 3. La perception de l’espace péripersonnel
II. 3. 1. Aspects comportementaux
II. 3.2. Aspects neurophysiologiques
II. 3.3. Aspects développementaux
III. Discontinuités et synchronies développementales du système visuomoteur
III. 1. Aspects visuomoteurs
III. 1.1. Le développement du système visuel
III. 1.2. Le développement du système moteur
III. 1.3. Développement de l’intégration sensorielle
III. 1.4. La représentation de l’action
III. 2. La compatibilité stimulus-réponse
III. 3. Définition de la période d’intérêt
Partie 2 : Partie expérimentale 
IV. Études expérimentales 
IV. 1. Présentation
IV. 1.1. Plan de recherche et objectifs des expériences
IV. 1.2. Précisions méthodologiques
IV. 2. Étude 1 : Représentations de l’espace péripersonnel chez les enfants de 7 à 14 ans
IV. 3. Etude 2 : Relation entre perception des limites de l’espace d’action et imagerie motrice chez
l’enfant
IV. 4. Étude 3 et 4: Exploration des liens perception-action au travers des liens de compatibilité
stimulus-réponse, l’effet d’une localisation spatiale non pertinente
IV. 4. 1. Étude 3 : Effet de Compatibilité Stimulus Réponse de la distance sur la sélection et
l’exécution des réponses
IV. 4. 2. Étude 4 : Effets de compatibilités manuelle et d’amplitude dans une tâche de décision
perceptive
IV. 5. Étude 5: Compatiblité Stimulus Réponse, effet de la distance perçue: étude développementale
IV. 6. Perspective de recherche: Protocole de recherche clinique Compétence motrice et développement ontogénétique (COMODO)
IV. 5. 1. Objectifs du projet
IV. 5. 2. Descriptif du projet
Partie 3 : Conclusion 
V. Discussion 
V. 1. Résumé des principaux résultats obtenus
V. 2. Le jugement d’atteignabilité
V. 2.1. Mise en évidence d’une trajectoire développementale
V. 2.2. Évolution de la perception de l’espace péripersonnel
V. 3. Les représentations motrices
V. 3.1. Le codage spatial des objets et des actions
V. 3.2. L’imagerie motrice
V. 4. Intégration des résultats avec le modèle des compétences dynamiques
Partie 4 : Références bibliographiques 
Partie 5 : Annexe 
Annexe A: dossier du comité éthique interne au laboratoire URECA pour le protocole COMODO

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