Perception du risque de contagion chez des soignants exposés à des agents infectieux à haut potentiel épidémique

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Sites et population de l’étude

L’étude se déroule au CHU de Marseille, Établissement de Santé de Référence (ESR) pour toute la zone sud (de Toulouse à Nice).
Ont été inclus dans l’étude une cohorte de personnels infirmiers (IDE), aides-soignants (AS) et agents des services hospitaliers (ASH) du service de maladies infectieuses, service qui reçoit ces patients REB dans des conditions de confinement de niveau de biosécurité 3 ; ces soignants sont constamment exposés au risque de contagion et spécifiquement formés aux mesures préventives. Un groupe contrôle d’IDE, AS et ASH du service de médecine interne a également été inclus, ces soignants sont moins exposés à des problématiques de contagion dans leur pratique quotidienne et ne reçoivent jamais de patient REB.

Mesures explicites : questionnaire Connaissances, Attitudes, Pratiques

Chaque participant a rempli un auto-questionnaire « connaissances, attitudes, pratiques » (Annexe 1), qui recueille des données démographiques générales, vaccinales et de connaissances objectives concernant les modes de transmission des maladies infectieuses et les mesures préventives, ainsi que leurs intentions comportementales de protection.
Les croyances et perceptions des risques des participants sont également mesurées avec l’optimisme comparatif, l’illusion de contrôle, les croyances en l’efficacité des mesures de protection, l’applicabilité et l’importance de la prévention et le niveau de contrainte perçu des mesures de protection, ainsi que le sentiment de connaissance subjective vis-à-vis de celles-ci. Les participants indiquent leur réponse sur des échelles de type Likert (15). Un score moyen est calculé pour chaque variable après avoir vérifié que le coefficient Alpha de Cronbach est supérieur à 0,7.

Mesure implicite : Test des Associations Implicites

Le test des associations implicites (TAI) est une tâche informatisée, développée dans le domaine de la psychologie cognitive et sociale (16). Ce test, qui dure de 5 à 10 minutes, est une tâche de classification de mots (ou d’images) dans des catégories, qui permet d’évaluer la force des associations ancrées en mémoire sémantique (corpus de nos connaissances en mémoire à long terme) entre ces mots (ou images) et catégories.
Il apparait au milieu de l’écran de l’ordinateur un mot ou une image, relatif à une catégorie spécifique. Des noms de catégories sont situées en haut à gauche et à droite de l’écran ; le sujet doit indiquer à l’aide de ses index à quelle catégorie appartient le mot ou l’image du centre, et appuyer sur la touche ‘E’ lorsque ce mot appartient à une catégorie sur la gauche, et sur la touche ‘I’ lorsque ce mot appartient à une catégorie située à droite (Annexe 2). La tâche se déroule selon un ordre précis de séquences, certaines étant d’« entraînement » et d’autres de « test ». Le participant doit indiquer le plus vite possible la bonne réponse ; en cas d’erreur une croix rouge apparaît au milieu de l’écran et il doit rectifier son erreur en appuyant sur l’autre touche. Pour cela nous utilisons le logiciel Inquisit Lab 5 (17) (Millisecond Software, Sean Draine), dont plusieurs licences ont été achetées par l’IHU.
Les participants ont passé 4 TAI : le TAI Risque, développé et validé dans la littérature, qui évalue les attitudes implicites vis-à-vis de la prise de risque (7) ; les TAI Hygiène et Contact, développés et validés par notre équipe de recherche et qui évaluent l’association du soi avec l’hygiène des mains et la perception risquée ou non du contact avec les mains ; le TAI Contagion, développé pour cette étude, qui évalue la perception implicite positive ou négative de la contagion et de la prévention. Ce dernier utilise 4 catégories : ‘Positif, ‘Négatif’, ‘Contagion’ et ‘Prévention’. Les catégories ‘Positif’ et ‘Négatif’ utilisent respectivement les mots « agréable », « bon », « plaisant », « plaisir », « joie » et « contraignant », « pénible », « agaçant », « désagréable » « oppressant ». Le tableau 1 représente la séquence des blocs du TAI Contagion.
Le score final du test est calculé à partir d’un algorithme complexe (16) et correspond à la soustraction des temps de réponses entre 2 blocs opposés, c’est-à-dire entre bloc incompatible et bloc compatible, rapportée à l’écart- type de ces temps de réponses.
Le score final, appelé ‘d de Cohen’ (14) caractérise la magnitude d’un effet associé dans une population donnée par rapport à une hypothèse nulle, celle-ci étant basée sur les pensées générales des populations. Ce score s’interprète selon sa valeur : si d est compris entre 0 et 0,15, il y a ‘peu à pas d’association automatique’ entre l’attribut et la catégorie testée ; si d est entre 0,15 et 0,35, il y a une ‘association automatique légère’ ; entre 0,35 et 0,65 une ‘association automatique modérée’ et à plus de 0,65 une ‘association automatique forte’. Le score peut être positif ou négatif, l’association sera alors respectivement « positive » ou « négative ». Le tableau 2 détaille les interprétations des scores des 4 TAI.
Les analyses statistiques ont été faites avec SPSS (Statistics V.23) et comprenaient des analyses descriptives, de corrélations et de régression linéaire multiple dans le but d’identifier des modèles de prédiction des intentions comportementales déclarées et les relations entre les différents prédicteurs. Des analyses de cluster ont également été réalisées afin d’identifier des groupes de soignants susceptibles ou non d’appliquer les mesures de prévention. Les résultats étaient considérés significatifs pour une p value inférieure à 0,05.
L’étude a été approuvée par le Comité d’Éthique de l’IHU (n° 2019-005) et déclarée au RGPD de l’Assistance Publique (2019_80).

Résultats

Caractéristiques des participants

Les participants ont été inclus dans l’étude sur la période de Avril à Septembre 2019 au CHU de la Timone à Marseille. Trente-neuf soignants ont été inclus dans chaque service, soit un total de soixante-dix-huit participants. Ces soignants comprenaient des IDE, AS et ASH. D’une moyenne d’âge de 35 ans, ils étaient composés d’une majorité de femmes et avaient en moyenne 8 ans d’expérience dans leur domaine professionnel.
Cinquante-et-une personne (dont trente-et-une de maladies infectieuses) déclaraient avoir participé à une ou plusieurs formations au cours de leur carrière, concernant par exemple la maladie à virus Ebola ou l’hygiène des mains.
Dans le cadre de la prise en charge de patients gravement infectés et à haut risque de contagiosité, quarante-huit personnes déclaraient être volontaires, dont vingt-six soignants de maladies infectieuses et vingt-deux de médecine interne.

Mesures explicites

Le score de connaissance objective évaluait la connaissance sur les modes de transmission des maladies épidémiques graves et/ou à forte contagiosité comme la grippe ou la colite à Clostridium difficile. Il n’était pas différent entre les 2 groupes, contrairement à la connaissance subjective dont le score était significativement supérieur dans le groupe des soignants de maladies infectieuses, t (76) = -3,04 ; p=0,003.
Une illusion de contrôle élevée corrélait avec un sentiment de connaissance subjective élevé (r (76) = 0,5,82, p<0,001). Le score du comportement de prévention était élevé dans les 2 groupes et corrélait avec la connaissance subjective (r (76) = 0,514, p<0,001), le contrôle personnel perçu (r (76) = 0,484, p<0,001) et l’importance, applicabilité et efficacité perçues de la prévention (r (76) = 0,529, p<0,001). Autrement dit, plus les soignants avaient un sentiment de connaissance subjective élevé, du contrôle sur leur comportement et trouvaient la prévention importante, efficace et facilement applicable, plus ils déclaraient appliquer les mesures de prévention. Il n’y avait pas de différence entre les services du niveau de contrainte perçu des équipements de protection. Le tableau 3 représente les scores moyens des variables.

Mesures implicites

TAI Risque

Le D-score (appelé drisk) moyen était de -0,66 [-1,22 ; 0,12] ET 0,3 et correspondait à l’interprétation « forte association automatique à la sécurité ». La plupart des soignants de l’étude ont une forte tendance à la sécurité. Ce résultat concorde avec le fait que notre échantillon est composé de personnes travaillant dans le domaine de la santé, personnes en général prudentes. Drisk ne corrélait pas avec les variables explicites et n’était pas différent entre les 2 groupes.

TAI Contagion

Le D-score (appelé dcontagion) moyen était de -0,66 [-1,22 ; 0,12] ET 0,3 et correspondait à l’interprétation « attitude automatique fortement négative pour la contagion ». La plupart des participants avaient une forte association négative envers la contagion. Dcontagion n’était pas significativement différent en fonction des groupes.

TAI Hygiène

Le D-score (appelé dhygiène) moyen était de -0,08 [-1,03 ; 0,45] ET 0,3 ; ce score moyen correspond à l’interprétation « peu à pas d’association automatique à l’hygiène » ; il était significativement différent de zéro (t (76) =-2,1 ; p=0,038).
Les résultats nous permettaient de distinguer 3 types d’individus : ceux qui se sentaient concernés par l’hygiène, ceux étant neutres et ceux ne sentant pas concernés par l’hygiène.
L’analyse de corrélation globale n’indiquait aucune corrélation. Cependant chez les soignants de maladies infectieuses, il y avait une corrélation négative entre le Dcontagion et le Dhygiène (r (37) =0,371 ; p=0,02), c’est-à-dire qu’une association positive avec la prévention corrélait avec le fait de se sentir concerné par l’hygiène.

TAI Contact

Le D-score (appelé dcontact) moyen était de -0,06 [-0,61 ; 0,64] ET 0,3 et correspondait à l’interprétation « peu à pas d’association automatique du contact des mains avec le risque » ; il n’était pas significativement différent de zéro (t (76) =-1,8 ; p=0,075). Nous distinguions trois groupes : ceux qui avaient une association du contact des mains avec la sécurité, autrement dit ceux qui sous estimaient le danger lié au contact, ceux qui étaient neutres et ceux qui associaient le contact des mains au risque. Dcontact corrélait avec la profession : les infirmières avaient une tendance implicite à sous-estimer le danger lié au contact des mains (r (75) =-0,251 ; p=0,028). Chez les soignants de maladies infectieuses, l’association du contact des mains au risque était corrélée un sentiment de connaissance subjective élevée r (37) =-0,345 ; p=0,031), mais pas dans le groupe de médecine interne, chez qui cependant une propension implicite à la prise de risque était associée à une sous-estimation du risque lié au contact des mains (r (35) =0,459 ; p=0,004).

Régressions linéaires multiples

Nous avons testé un modèle pour prédire le comportement de prévention déclaré des soignants. Ce modèle comportait comme prédicteurs les connaissances objective et subjective, le contrôle personnel perçu, ainsi que les TAI Risque et Contagion (Tableau 4). Le comportement de prévention était significativement prédit par drisk (b=-0,23 ; p<0,01), dcontagion (b=0,11 ; p<0,05), le contrôle personnel perçu (b=-0,19 ; p<0,05) et la connaissance subjective (b=-0,28 ; p<0,001). Plus précisément, une tendance implicite à la sécurité était prédictive d’un comportement de prévention positif. De même, un sentiment de connaissance subjective élevé était associé à un comportement de prévention positif, alors que la connaissance objective n’était pas un prédicteur significatif. Ce modèle de prédiction était identique entre les 2 groupes.
Par ailleurs, nous remarquons dans ce modèle de prédiction que le TAI Risque est corrélé négativement avec le TAI Contagion. Et que dans ce modèle de prédiction du comportement de protection, ce sont les individus ayant un TAI Risque faible (une tendance implicite à la sécurité) et un TAI Contagion élevé (une association automatique ‘positive’ avec la contagion) qui déclareraient se protéger. Et dans plusieurs analyses que nous avons faites, non seulement le TAI Contagion est toujours un prédicteur significatif du comportement, mais toujours dans le sens ‘contraire’ à celui que nous avions défini a priori. Pour rappel, ce TAI utilise les catégories ‘contagion’, ‘prévention’, ‘positif’ et ‘négatif’, et nous supposions initialement que les soignants appliquant les mesures de prévention auraient plus tendance à associer la prévention à quelque chose de positif. Mais en regardant les items utilisés dans le TAI pour la catégorie ‘négative’, nous admettons que certains d’entre eux (i.e. contraignant, agaçant, désagréable) peuvent aussi, d’une certaine manière, être associés à la prévention. En effet, se laver les mains plusieurs fois par jour, et ce depuis des années, peut être ressenti comme une activité contraignante, agaçante, et désagréable. Il est donc possible que les personnes qui se protègent et appliquent quotidiennement et avec rigueur les mesures de prévention, aient fini par construire en mémoire sémantique des attitudes automatiques négatives envers la prévention, et ce contrairement aux personnes qui n’appliquent pas les mesures de prévention. On suppose que ceux ayant eu un TAI Contagion positif, ont été plus rapides pour associer ‘Prévention-Négatif’ que ‘Prévention-Positif’ alors que les blocs ‘Contagion’ étaient égaux. Si cette hypothèse était confirmée, ce TAI évaluerait alors les attitudes implicites vis-à-vis de la prévention seulement.
Une analyse de régression linéaire hiérarchique a montré que les TAI Risque et Contagion apportent une réponse significative au modèle de prédiction. Autrement dit, les TAI Risque et Contagion permettent d’expliquer une part statistiquement significative du comportement de prévention chez nos soignants hospitaliers.
Il existait une interaction triple entre Dcontagion, Drisk et la connaissance subjective – subknow, (b=4,2 ; p<0,001). Nous avons décomposé l’interaction entre ces variables à l’aide de l’outil Process (18) pour comprendre la relation avec le comportement de prévention déclaré (Figure 1). L’analyse indique que chez les soignants ayant un faible sentiment de connaissance subjective et une tendance implicite à la prise de risque, plus ils ont une association implicite négative avec la prévention et plus ils déclarent adopter des mesures de prévention (b=4,2 ; p<0,001). Autrement dit, ce sont les soignants qui ont une tendance implicite à la prise de risque, qui ne sont pas sûrs de leurs connaissances et qui trouvent la prévention contraignante, qui déclarent appliquer les mesures prévention.

Analyse de cluster des nuées dynamiques

Une analyse de cluster des nuées dynamiques (non hiérarchique) nous a permis d’identifier deux groupes de soignants, de quarante et trente-sept personnes respectivement, représentés sur la figure 2. Le cluster 1 était composé des soignants qui déclaraient ne pas adopter les mesures de prévention. Ils déclaraient trouver les EPI peu contraignants, et avaient une association implicite positive envers la prévention. Le cluster 2 au contraire était composé de soignants qui déclaraient appliquer les mesures de prévention, trouvaient les EPI contraignants et avaient une association implicite négative avec la prévention. Le TAI Contact n’était pas significatif. Ces résultats semblent en accord avec nos remarques précédentes sur le fait que les soignants appliquant les mesures de prévention ont construit en mémoire sémantique une association négative avec la prévention, qu’ils exprimaient également au niveau explicite en qualifiant les différentes mesures de prévention comme étant contraignantes. Chacun des clusters comprenait autant de soignants de maladies infectieuses que de médecine interne.

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Table des matières

1 INTRODUCTION
2 MATERIEL ET METHODES
2.1 SITES ET POPULATION DE L’ETUDE
2.2 MESURE EXPLICITE : QUESTIONNAIRE CONNAISSANCES, ATTITUDES, PRATIQUE
2.3 MESURE IMPLICITE : TEST DES ASSOCIATIONS IMPLICITES (TAI)
3 RESULTATS
3.1 CARACTERISTIQUES DES PARTICIPANTS
3.2 MESURES EXPLICITES
3.3 MESURES IMPLICITES
3.3.1 TAI Risque
3.3.2 TAI Contagion
3.3.3 TAI Hygiène
3.3.4 TAI Contact
3.4 REGRESSIONS LINEAIRES MULTIPLES
3.5 ANALYSE DE CLUSTER DES NUEES DYNAMIQUES
4 DISCUSSION
5 CONCLUSION
6 BIBLIOGRAPHIE

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