Paysages littoraux africains

LES NOUVEAUX PAYSAGES DES CÔTES AFRICAINES

APPREHENDER DES PLAGES EN MUTATION : PORTRAITS DE NOUVEAUX USAGERS

Pour concrétiser l’approche de ces pratiques qui ne sont d’ailleurs “nouvelles” que par leur tardive diffusion sous ces latitudes, mieux vaut décrire des “journées types” d’observation ou quelques portraits d’usagers. Plus ou moins engagés, ils peuvent être des consommateurs passifs ou des créateurs actifs de paysages.

A Djibouti, une journée représentative de ce tourisme se place plutôt sous le signe de la collectivité et de la famille. Tôt matin levé pour échapper aussi longtemps que possible aux premiers rayons de soleil, chacun se met en route selon ses moyens. Les véhicules toutterrain migrent ainsi vers les pistes les plus carrossables qui conduisent à des plages massivement convoitées, alors que les familles d’Européens expatriés (militaires ou civils) peuvent aussi gagner un embarcadère. Points de ralliement, les pontons sont d’incontournables lieux de passage pour de courtes navigations. Tout au plus, l’échappée inclue une nuit de camping mais ne va guère au-delà pour des raisons de logistique. Toujours est-il que les barques en polyester quittent promptement le rivage pour se disperser dans le Golfe de Tadjoura. Après deux heures au maximum, la plage convoitée est généralement atteinte et chacun organise son territoire en espérant ne pas voir débarquer d’autres personnes. Mais, pour qui s’éloigne un minimum des îles Moucha et Maskali ou des principaux campements, le risque est moindre d’être dérangé sous la toile anti chaleur. Farniente, plongée, collecte de coquillages et baignade sont généralement les points forts d’un programme qui n’a d’autre ambition que de casser le rythme quotidien de la vie dans la capitale.

Ces touristes du vendredi (semaine musulmane oblige) croisent parfois la route des vieilles familles européennes basées à Djibouti depuis des générations. Toutefois, le mélange ne s’opère pas plus sur les plages que dans les cercles fréquentés en ville. Aujourd’hui rejoints par la classe supérieure locale, ces descendants de “pionniers” préfèrent s’isoler dans leur petit bungalow patiemment aménagé qui permet des séjours plus longs et plus confortables. C’est aussi une forme de snobisme et de différenciation sociale, tout comme l’est l’acquisition du plus gros bateau ou du dernier moteur hors-bord. Avec les dernières lueurs du jour, les rotations nautiques reprennent et les plages se vident, ne laissant sur place que les campeurs. Les pêcheurs yéménites retrouvent aussi un peu de quiétude jusqu’au week-end suivant. Car, en attendant, seules les plages situées à proximité de la capitale seront légèrement animées.

Les pratiques sont radicalement différentes au Sénégal car le rythme est plus annuel qu’hebdomadaire. Avec la vive croissance urbaine, les plages dakaroises sont certes de plus en plus fréquentées, mais c’est surtout au-delà que les grands changements s’opèrent. Lorsque la chaleur est insupportable, des masses de Dakarois n’hésitent plus à se déplacer pour bénéficier d’un environnement plus sain. C’est autant le fruit de l’explosion urbaine que de la diffusion de l’automobile dans les catégories moyennes. Sans ce vecteur, les transports en commun trop aléatoires n’auraient pas les mêmes impacts.

Il faut dire que les étrangers installés dans la capitale montrent depuis longtemps l’exemple et, après avoir été enviés, sont aujourd’hui imités dès que possible. Lorsque arrive la fin de semaine, et parfois dès le vendredi soir pour éviter les embouteillages, les coopérants, les commerçants libanais ou autres résidents au pouvoir d’achat supérieur, migrent vers la Petite ou la Grande Côte pour y séjourner. La tradition de ces cabanons s’égrenant au fil des plages est telle qu’elle est devenue un marché locatif conséquent. Mais là encore, pour les plus anciennes familles, il est plus question de propriété que de location. Chacun passe donc le plus clair de ses loisirs dans son écrin de verdure, ne quittant le havre que pour se risquer à une courte baignade sur la plage en contrebas ou derrière la dune. Si les pratiques de villégiature sont les mêmes en de nombreux lieux, le contact social est pour le moins inexistant…

Tel était l’état des pratiques jusqu’au tournant des années 1990. Autrement dit une fréquentation élitiste émanant de la haute société dakaroise. La vulgarisation de l’automobile n’est pas l’unique facteur de bouleversement. Il faut ajouter une ouverture sur les modes de vie occidentaux que la télévision ne cesse de propager. Ainsi, les baigneurs ne viennent plus seulement des villages littoraux, mais comptent dans leurs rangs des habitants de l’intérieur, à commencer par les Thièsois. Les plages sont donc devenues des lieux où se côtoient aussi bien les aguerris que les novices avec un surprenant assortiment de familles bricolant des abris contre le soleil, de pirogues enchevêtrées et en arrière plan de cabanons généralement cossus. L’agitation prend globalement fin lorsque les voitures et les bus affrétés pour l’occasion reprennent la route, gonflant les embouteillages dakarois…

En Tunisie, il faut réellement attendre que le soleil s’installe pour que la population goûte au sable des plages. Inversement, l’arrivée du mois de septembre signifie la désertion alors que les conditions sont pourtant plus clémentes que lors des canicules estivales. Dans une ambiance qui n’est pas sans rappeler celle des Congés payés, les bourgades comme les quartiers centraux de Tunis sont vidés par un flot nourri de véhicules qui migrent tous vers le bord de mer. Les plus modestes visent au plus près afin que la sortie ne soit pas trop onéreuse en carburant, quitte à surcharger une camionnette. Quant aux plus nantis, ils filent vers le golfe d’Hammamet aux équipements plus conformes à leurs aspirations.

La matinée est généralement bien entamée quand les plages se remplissent. L’idéal étant de pouvoir progresser jusque sur la plage en voiture, quitte à rester ensablé en fin de journée. La fierté mécanique a ses raisons que la logique a du mal à expliquer, surtout lorsqu’il s’agit d’un véhicule onéreux. Portières ouvertes et autoradios poussés au maximum, des petits groupes s’organisent selon les affinités et les habitudes. Au fil des arrivées, une ligne continue se constitue à quelques mètres de l’eau, donnant une atypique impression de no man’s land à la partie centrale de la plage. Le ruban multicolore de parasols et de glacières ne tarde pas à s’étoffer des barbecues fumants. Dans le brouhaha et l’agitation, il y a cependant peu de chances pour que les cannes à pêche fournissent quelques grillades… La fréquentation monte encore d’un cran quand au dernier moment les locaux se surajoutent. Qu’ils arrivent du village voisin ou du bien du bungalow perché sur le cordon dunaire, leur installation sur le sable est beaucoup plus légère et logiquement moins longue. En fin d’après-midi, un tri s’opère entre ceux pour qui la plage n’est qu’une courte parenthèse et ceux qui se déploient un peu plus largement encore pour passer la nuit sur place. Ils repartiront à la fin du week-end ou de la semaine suivante, à moins que les difficultés d’approvisionnement ne les fassent quitter les lieux avant. Devant ces afflux croissants, il est certain que se faire une place sous le soleil d’une plage devient difficile en Tunisie. Ce qui ne décourage pas les milliers d’Algériens qui franchissent la frontière à cette fin. Tout comme il est difficile pour les pêcheurs professionnels, seuls usagers permanents, de composer avec ces utilisateurs ponctuels mais fortement envahissants.

LE CONTEXTE D’OUVERTURE ET LE RENOUVELLEMENT DES USAGES

La Tunisie, le Sénégal et Djibouti n’ont pas les mêmes Histoires maritimes et par conséquent les traditions littorales divergent. Le fort ancrage maritime du côté tunisien n’a pas son pareil, si bien que le volet océanique des autres cultures passe pour bien pâle à côté. Rien non plus de commun dans les types de côtes qui conditionnent diversement mais fortement la pression anthropique et limitent certains aménagements ou certaines pratiques. Plus classique, mais tout aussi fondamentale, la donne climatique commande strictement la relation sociétale au trait de côte par des conditions météo-marines et des ressources plus au moins abondantes et changeantes. Il peut alors sembler délicat de faire ressortir des points communs à partir de paysages aux genèses si distinctes. Sans compter que les stades de développement sont entre les pays (mais aussi à l’intérieur de ceux-ci) très diversifiés et évolutifs sur le court terme. Pour ne prendre que l’exemple du secteur touristique, seule la Tunisie possède une politique aussi claire qu’extravertie en la matière. C’est loin d’être le cas du Sénégal qui se cherche encore dans ce domaine, ou encore de Djibouti qui n’en est qu’au stade de la découverte. Cependant, avoir de l’expérience dans cette activité ne signifie nullement tenir compte des pratiques annexes que sont les loisirs de proximité ou pour mieux dire de la fréquentation populaire qui reste majoritairement informelle.

LES TRAITS COMMUNS DE PAYSAGES LITTORAUX AFRICAINS EN RENOUVELLEMENT

Avant d’exposer quelques pistes et de cerner ce qui donne une certaine unité aux paysages littoraux africains, il faut expliciter ce qu’est un paysage littoral. Il n’est pas ici question d’ajouter une nouvelle série de définitions, ni même de prétendre à un consensus, mais juste de clarifier la base des propos. En dépit des divergences de point de vue (Fig. 2), le paysage est pour les géographes “ce qui se présente au regard”. Mais, encore faut-il ajouter à cette première évidence une idée de cohérence. Un paysage devenant alors une unité spatiale visuellement identifiable, fruit de facteurs localement stables ou évoluant dans le même sens. Le regard peut embrasser plusieurs paysages, tout comme il ne peut percevoir que les bribes d’un seul. Comment alors se situer précisément sans pour autant ajouter à la cacophonie? Une chose paraît certaine : l’efficacité de l’analyse nécessite de la simplicité sémantique. Autre parti pris, un paysage a une existence matérielle qui se révèle évolutive à de multiples échelles. Sa perception est complexe et empreinte d’affectif qu’il convient, non pas de refouler, mais de paramétrer. Rien d’impossible (mais rien d’évident non plus) puisqu’un paysage est avant tout un assemblage d’entités physiques, donc finies et quantifiables. Les chances d’aboutir à une définition claire et reconnue par tous du littoral sont aussi minces que dans le cas du paysage. Plus que de gloser, il s’agit de trancher sans pour autant se montrer réducteur. Le littoral n’est pas un et il dépend lui aussi de la sensibilité culturelle de la personne qui le “pratique”. Rien de révolutionnaire en ce point de vue déjà mis à plat par B. Bousquet (1990) qui distingue un littoral polymorphe à la fois “de nature, d’oekoumène et d’institution”.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela rapport-gratuit.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

AVANT-PROPOS
INTRODUCTION GENERALE
PARTIE I : APPROCHER LES DYNAMIQUES LITTORALES AFRICAINES : APPLICATION D’UNE METHODE DE LECTURE DU PAYSAGE
CHAPITRE 1 : LES CHOIX METHODOLOGIQUES POUR L’APERCEPTION DU TERRAIN
CHAPITRE 2 : L’ALTERATION DES PAYSAGES DU CAP-BON
CHAPITRE 3 : DE PROFONDES RECOMPOSITIONS PAYSAGERES SUR LA PETITE COTE
CHAPITRE 4 : LES PREMIERS IMPACTS ANTHROPIQUES SUR LES COTES DJIBOUTIENNES
PARTIE II : DURABILITE DES PAYSAGES ET EVOLUTION ENVIRONNEMENTALE: REGARDS CROISES SUR LES MUTATIONS EN COURS
CHAPITRE 5 : DES EVOLUTIONS PAYSAGERES GLOBALEMENT AZONALES
CHAPITRE 6 : LES PAYSAGES DANS LE JEU INSTITUTIONNEL : CONSTRUCTION ET EFFICACITE
D’OUTILS D’ENCADREMENT
CHAPITRE 7 : PERSPECTIVES PAYSAGERES ET ELEMENTS POUR UN EQUILIBRE DURABLE DES
LITTORAUX AFRICAINS
CONCLUSION GENERALE

Rapport PFE, mémoire et thèse PDFTélécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *