Patrimoine numérique

Notion de valeur et d’authenticité : normes

Avant d’entamer l’histoire de l’évolution des notions de valeur et d’authenticité, il est intéressant de s’arrêter sur les définitions qui leur sont attribuées au travers de la Norme européenne EN 15898 de décembre de 2011 « Conservation de patrimoine culturel Principaux termes généraux et définitions », modifiée en novembre 2019. Celle-ci est disponible en trois langues, anglais, français et allemand, et, « définit les principaux termes généraux largement utilisés par les personnes travaillant dans le domaine de la conservation du patrimoine culturel. » (EN 15898 : 2011).
Ci-dessous les définitions établies en 2011 des termes suivants : intérêt patrimonial, valeurs et authenticité. Intérêt patrimonial (Norme européenne EN 15898 : 2011 (F) Terme 3.1.6) ;Intérêt patrimonial (fr), significance (en), Bedeutung (de) ;Combinaison de toutes les valeurs assignées à un bien.
Valeurs (Norme européenne EN 15898 : 2011 (F) Terme 3.1.5) ;Valeur (fr), value (en), Wert (de) Indication de l’importance que des individus ou une société attribuent à un bien.
NOTE 1 : La valeur peut être de différents types, par exemple : artistique, symbolique, historique, sociale, économique, scientifique, technologique, etc.
NOTE 2 : La valeur assignée peut varier selon les circonstances, par exemple selon la méthode d’évaluation, le contexte et le moment où cette évaluation est réalisée. Quand elle est indiquée, il convient que le type de valeur considéré soit toujours précisé.
ICOMOS, déclaration d’engagement éthique des membres, Madrid, novembre 2002 :« On entend par valeurs les croyances qui ont de l’importance aux yeux d’un groupe culturel ou d’un individu. Elles incluent souvent des croyances spirituelles, politiques, religieuses et morales, sans toutefois se limiter à celles-ci. Les valeurs attachées à un lieu peuvent varier en fonction des individus ou des groupes et elles sont perpétuellement renégociées ». »
Authenticité (Norme européenne EN 15898 : 2011 (F) Terme 3.1.7) ;Authenticité (fr), authenticity (en), Authentizität (de) Degré selon lequel l’identité d’un bien correspond à celle qui lui est attribuée.
NOTE : Il convient de ne pas confondre le concept d’authenticité avec le concept d’originalité. ICOMOS, déclaration d’engagement éthique des membres, Madrid, novembre 2002 : « Comme l’authenticité dépend de la nature du patrimoine culturel et de son contexte culturel, les jugements d’authenticité peuvent être liés à la valeur d’un large éventail de sources d’informations. Ces dernières peuvent se présenter sous divers aspects, tels que : forme et conception, matériaux et substance, usage et fonction, traditions et techniques,
situation emplacement, esprit et impression, et d’autres aspects extérieurs. L’utilisation de ces sources permet d’établir les dimensions spécifiques, artistiques, historiques, sociales et scientifiques du patrimoine culturel étudié ».

Patrimoine culturel (matériel) : Évolution des concepts de patrimoine, de valeurs et d’authenticité au travers des grands documents

Bref récapitulatif des grands personnages importants

Pour savoir comment nous en sommes arrivés là, un résumé de l’histoire de la restauration et de l’évolution de la notion de patrimoine s’impose (Houbart, 2018-2019). Tout d’abord, il est important de savoir que la théorie du patrimoine évolue avec le temps, et, a un impact sur la manière de l’appréhender. Les valeurs, y attachées, caractérisent la culture d’un peuple, ses traditions, les biens d’une famille, etc.
Ce patrimoine peut être matériel (mobilier, immobilier, subaquatique) ou immatériel. Dans tous les cas, il y a cette idée de transmission : que veut-on transmettre aux générations futures ? C’est une notion essentielle dans la restauration.
Qu’est-ce qui fait qu’un bien se voit reconnaître le statut de patrimoine ? Certaines valeurs, projetées par un ou plusieurs individus à un certain moment, lui sont reconnues : artistique, historique, sociale, etc.
La Charte de Venise y fait référence dans son introduction sur les œuvres monumentales : «Chargées d’un message spirituel du passé, les œuvres monumentales des peuples demeurent dans la vie présente le témoignage vivant de leurs traditions séculaires. L’humanité, qui prend chaque jour conscience de l’unité des valeurs humaines, les considère comme un patrimoine commun, et, vis-à-vis des générations futures, se reconnaît solidairement responsable de leur sauvegarde. Elle se doit de les leur transmettre dans toute la richesse de leur authenticité. » (Charte de Venise, 1964).
C’est au XIXe que l’idée de restauration apparaît ; avant, c’était la construction. Puis, l’Homme a pris conscience qu’il était en possession d’un patrimoine culturel représentant son identité. Les trois grandes catégories de monuments historiques du XIXe étaient constituées par les restes de l’Antiquité, les édifices religieux du Moyen-Âge et quelques châteaux.

Charte de Venise, 1964

Dans son dictionnaire, la partie traitant de la définition de la « restauration », Viollet-le-Duc n’évoque pas la notion d’authenticité. Cependant, des évidences apparaissent, comme nous le montre l’extrait suivant : «On ne peut considérer le rétablissement du temple du Soleil, à Baalbek, comme une restauration, mais comme une reconstruction, suivant le mode admis au moment où cette reconstruction avait lieu. Les Ptolémées eux-mêmes, qui se piquaient d’archaïsme, ne respectaient pas absolument les formes des monuments des vieilles dynasties de l’Égypte, mais les restituaient suivant la mode de leur temps. » (Viollet-le-Duc, 1854 : 14).
Il est déjà question d’un respect des matériaux, de la continuité de la forme, concepts toujours présents aujourd’hui.
Le mot « authenticité » fit son apparition pour la première fois dans la fameuse Charte de Venise, document de référence toujours d’actualité pour les conservateurs et restaurateurs.
Celle-ci fut d’abord précédée par la Charte d’Athènes pour la Restauration des Monuments Historiques, adoptée lors du premier congrès international des architectes et techniciens des monuments historiques, en 1931. Y furent présentées sept résolutions importantes, appelées « Carta del Restauro » (Charte d’Athènes, 1931).
Le recours à un entretien continu afin de conserver au mieux les monuments au lieu d’une restitution intégrale, fut considéré comme la démarche à adopter. Cependant, il a été émis que : si une restauration s’avérait indispensable, celle-ci devait, par contre, « respecter l’œuvre historique et artistique du passé, sans proscrire le style d’aucune époque. » (Charte d’Athènes, 1931 : I – Doctrines. Principes généraux).
Néanmoins, le recours aux techniques modernes, plus particulièrement le ciment armé, pour la consolidation des édifices anciens était autorisé, mais uniquement si ces interventions pouvaient être dissimulées et ne pas altérer l’aspect esthétique du monument.
Enfin, il a été reconnu que « chaque cas constiuait un cas d’espèce » (sic) (La Charte d’Athènes, 1931 : VI – La technique de la conservation), c’est-à-dire, qu’avant toute intervention, une analyse fine du bâtiment devait être réalisée afin de convenir de la façon la plus respectueuse d’intervenir sur celui-ci.

Diversités culturelles et naturelles naissantes : l’avant du Document de Nara

Entre la Charte de Venise et le Document de Nara, trente années se sont écoulées. Il est important de comprendre que depuis sa création, la Charte de Venise n’est pas restée intacte, elle a été retravaillée. Le Document de Nara n’a pas vu le jour de manière subite. Ce dernier répond à des besoins sociaux, à un changement des mentalités.
Alors que les années 60 laissaient croire encore à des principes universellement communs, les années 90, accompagnées d’un intérêt grandissant pour la notion de durabilité du patrimoine, virent l’intégration des diversités culturelles et naturelles. Néanmoins, la fin des années 70 et les années 80 firent déjà l’objet de réclamations de nombreuses parties de la communauté internationale afin d’intégrer la signification culturelle des biens. C’est dans cet esprit que le Document de Nara sur l’authenticité a été conçu afin d’interpréter l’authenticité différemment.
Les modes de pensée, les cultures étant des concepts changeants et évoluant au fil des années, nombreux sont les instruments ayant des effets normatifs qui se heurtent à ces difficultés de répondre à des besoins sociaux sans cesse fluctuants. Ainsi, la période qui précéda le Document de Nara fut une lutte permanente.
En effet (comme développé ultérieurement), la Convention du patrimoine mondial, culturel et naturel fut adoptée par la Conférence générale de l’UNESCO, le 16 novembre 1972. Lors de la 3ème session du Comité, en 1979, certains problèmes ont été relevés à propos du respect de l’application des différents critères auxquels sont soumis les bâtiments se présentant pour être inscrits sur la Liste

Convention du patrimoine mondial, 1972 : Concept de Valeur Universelle Exceptionnelle, 2005

L’idée de créer un mouvement international pour protéger le patrimoine est née après la Première Guerre mondiale. Néanmoins, c’est l’élaboration du barrage d’Assouan en Egypte qui allait inonder la vallée où se trouvaient les temples d’Abou Simbel qui fit l’effet d’un électrochoc. C’est ainsi, qu’en 1959, l’UNESCO ouvrit une campagne afin que ces temples soient démontés, déplacés et réassemblés. Il en allait de leur protection. De cette campagne est née l’idée d’établir une convention sur la protection du patrimoine culturel (et naturel) (UNESCO, convention du patrimoine mondial).
Suite à une conférence à Washington en 1965 demandant la création d’une « Fondation du patrimoine mondial », à des propositions faites en 1968 et présentées ensuite en 1972 à la Conférence des Nations Unies sur l’Environnement humain à Stockholm, la Convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel fut adoptée par la Conférence générale de l’UNESCO, le 16 novembre 1972.
Le document des Orientations de la Convention du patrimoine mondial fut créé afin de guider la mise en œuvre de la Convention du patrimoine mondial. En effet, au moyen d’une série de critères précis élaborés par le Comité du patrimoine mondial, certains biens répondant à ces critères et ayant ainsi une « valeur exceptionnelle » sont alors inscrits sur la Liste du patrimoine mondial. Ce document est régulièrement révisé. Sa dernière version date du 10/07/2019.
La définition de ce concept est établie comme suit :
« La valeur universelle exceptionnelle signifie une importance culturelle et/ou naturelle tellement exceptionnelle qu’elle transcende les frontières nationales et qu’elle présente le même caractère inestimable pour les générations actuelles et futures de l’ensemble de l’humanité.
A ce titre, la protection permanente de ce patrimoine est de la plus haute importance pour la communauté internationale toute entière. Le Comité définit les critères pour l’inscription des biens sur la Liste du patrimoine mondial. » (Orientations, 2019 : 21, paragraphe 49). Cette valeur permet de distinguer le patrimoine mondial du patrimoine national.

Charte sur la conservation du patrimoine numérique, 2003

Le numérique, dans le domaine de la conservation du patrimoine, se présente en deux étapes. La première concerne les documentations qui constituent la préservation d’un patrimoine dit numérique, comme une copie digitale d’un élément. La seconde consiste à utiliser cette copie pour réaliser une production numérique en tant que telle de l’élément. Très peu de travaux ont encore été réalisés concernant cette nouvelle façon de reproduire des éléments du patrimoine et l’impact sur l’authenticité de celui-ci, d’où l’intérêt de ce travail-ci.
Concernant le patrimoine numérique, une charte a été adoptée le 15 octobre 2003, lors de la 32e session de la Conférence générale de l’UNESCO.
De plus en plus, le support papier est délaissé pour sa version numérique. En effet, nombreuses sont les ressources, qu’elles soient culturelles ou même éducatives, qui sont produites, distribuées et consultées via l’ordinateur. Le patrimoine, sous forme numérique, s’inscrit tout simplement dans l’ère du temps. Il fait partie intégrante du patrimoine de l’humanité.
Malheureusement, d’un point vue technique, tout n’est pas encore au point. La « Charte de l’UNESCO sur la conservation du patrimoine numérique » met en évidence une série de points, résumés dans son préambule, autour de la question du patrimoine numérique comme nouvel héritage. Elle évoque ses avantages mais aussi ses inconvénients dû à sa conservation qui pourrait être atteinte si les moyens techniques ne sont pas correctement mis en place, par exemple, l’instabilité d’Internet, son accessibilité par tous, etc. « La Conférence générale, Considérant que la disparition du patrimoine, quelle qu’en soit la forme, constitue un appauvrissement du patrimoine de toutes les nations, Rappelant que l’Acte constitutif de l’UNESCO stipule que l’Organisation aide au maintien, à l’avancement et à la diffusion du savoir en veillant à la conservation et protection du patrimoine universel de livres, d’œuvres d’art et d’autres monuments d’intérêt historique et scientifique, que son programme «Information pour tous» offre une plate-forme aux débats sur les politiques à adopter et les mesures à prendre en ce qui concerne l’information et la sauvegarde du savoir enregistré et que son programme «Mémoire du monde» vise à assurer la conservation du patrimoine documentaire mondial et son accessibilité universelle, Reconnaissant que ces ressources en matière d’information et d’expression créatrice sont de plus en plus produites, diffusées, obtenues et conservées sous forme numérique, créant ainsi un nouvel héritage – le patrimoine numérique, Consciente que l’accès à ce patrimoine offrira de plus larges possibilités de création, de communication et de partage des connaissances entre tous les peuples, Comprenant que ce patrimoine numérique risque de disparaître et que sa conservation dans l’intérêt des générations présentes et futures est une question urgente qui intéresse le monde entier, Proclame les principes ci-après et adopte la présente Charte. » (Charte patrimoine numérique, 2003 : Préambule).
L’objectif de la Charte étant qu’un accord international soit trouvé concernant les questions d’archivage, de préservation et de diffusion de ce patrimoine. L’arrivée du numérique a transformé nos sociétés, et son évolution progressive ainsi que des mentalités ont eu un impact dans le domaine de la restauration et l’évolution du concept de l’authenticité.

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Table des matières

I. INTRODUCTION
1. Contexte
2. Méthodologie
II. ETAT DE L’ART
1. Authenticité
1.1. Notion de valeur et d’authenticité : normes
1.2. Patrimoine culturel (matériel) : Évolution des concepts de patrimoine, de valeurs et d’authenticité au travers des grands documents
1.2.1. Bref récapitulatif des grands personnages importants
1.2.2. Charte de Venise (1964)
1.2.3. Diversités culturelles et naturelles naissantes : l’avant du Document de Nara
1.2.4. Document de Nara sur l’authenticité (1994)
1.2.4.1. Et en pratique ?
1.2.4.2. Nara +20, sur les pratiques du patrimoine, les valeurs culturelles, et le concept de l’authenticité (2014)
1.2.5. Convention du patrimoine mondial (1972) :Concept de Valeur Universelle Exceptionnelle (2005)
1.2.5.1. Critères de sélection
1.2.5.2. Authenticité et/ou intégrité
1.3. Un concept au centre des débats
1.3.1. Charte de Burra : Charte des lieux d’importance culturelle (1989)
1.3.2 Charte de Nouvelle-Zélande pour la conservation des lieux de valeur du patrimoine culturel (2010)
1.3.3. Des qualificatifs qui évoluent
1.4. Patrimoine numérique : une nouvelle manière de conserver
1.4.1. Charte sur la conservation du patrimoine numérique (2003)
2. Production numérique
2.1. Acquisition des données
2.1.1. Lasergrammétrie / Balayage laser 3D
2.1.1.1. Scanner laser à temps de vol ou à impulsions
2.1.1.2. Scanner par triangulation optique
2.1.2. Scanner par triangulation lumière structurée
2.1.3. Scanner avec contact
2.1.4. Photogrammétrie
2.1.5. Station totale (tachéomètre)
2.1.6. Caméra TOF (Time of Flight)
2.1.7. SLAM (Simultaneous Localization And Mapping)
2.2. Traitement des données / Reconstruction 3D
2.2.1. Consolidation du nuage de points
2.2.2. Segmentation
2.2.3. Maillage / Modélisation
2.2.4. Exportation des données
2.3. Différents modes de production et fabrication
2.3.1. Fabrication additive (ou impression 3D)
2.3.2. Fabrication soustractive (ou usinage)
2.3.2.1. Fraiseuse conventionnelle
2.3.2.2. « Digital carving » ou fraisage numérique
2.3.2.2.1. Axes d’une fraiseuse numérique
III. QUESTION DE RECHERCHE
1. Développement de la question
2. Méthodologie d’évaluation de la production numérique
IV. CAS D’ETUDE
1. Cathédrale Saint-Paul de Liège, Belgique – Europe Occidentale
1.1. Historique de la Cathédrale
1.1.1. Origines de la cathédrale
1.1.2. Évolution architecturale
1.2. Restauration des pinacles
1.2.1. Plans/coupes/façades
1.2.2. Composition d’un pinacle
1.2.3. Restauration
1.2.3.1. Scan 3D
1.2.3.2. Volume capable / parallélépipède
1.2.3.3. Dégrossissage / Épannelage
1.2.3.4. Dégrossissage sous la fraiseuse 6 axes
1.2.3.5. Finition manuelle
2. Parlement d’Ottawa, Canada – Amérique du Nord
2.1. Historique du Parlement
2.2. Restauration de la sculpture représentant un hibou
V. ANALYSE
1. Interviews structurées
1.1. Production numérique d’un élément endommagé à restaurer
1.2. Reproduction 3D d’un élément numérisé avant sa disparition
1.3. Reproduction 3D d’un élément disparu sans sources iconographiques
2. Interprétation et avis
2.1. Production numérique d’un élément endommagé à restaurer
2.2. Reproduction 3D d’un élément numérisé avant sa disparition
2.3. Reproduction 3D d’un élément disparu sans sources iconographiques
VI. CONCLUSION

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