Particularités de la biologie moléculaire et cellulaire des Trypanosomatidés

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Cycle de vie des leishmanies

Hôtes et vecteur

Les Leishmania sont des parasites à deux hôtes: un hôte vertébré et un hôte insecte, ce dernier étant responsable de la transmission du pathogène et jouant ainsi le rôle de vecteur. Le vecteur de la leishmaniose est le phlébotome (cf. Fig.3), un diptère hématophage de petite taille (2 à 5mm), appartenant, dans la famille des Psychodidae, à la sous-famille des Phlebotominae. On peut compter jusqu’à 13 genres dans cette sous-famille, et parmi eux, seuls les genres Lutzomyia et Phlebotomus se trouvent impliqués dans l’épidémiologie des leishmanioses. Ils comportent de nombreux sous-genres plus ou moins spécifiques d’espèces de Leishmania (Lewis, 1971).

Stades de différentiation du parasite

Les leishmanies se présentent chez leurs hôtes successifs sous deux stades morphologiques principaux : les promastigotes et les amastigotes.
Les promastigotes sont des formes de vie extracellulaires, mobiles et retrouvées dans le tube digestif de l’insecte vecteur. Ce stade présente un corps plus ou moins fuselé, de 5 à 20µm de long pour une largeur de 1 à 4µm. Le corps cellulaire est prolongé par un flagelle qui peut atteindre les 20µm de long et qui émerge du pôle antérieur.
Les amastigotes quant à eux, nichent à l’intérieur des cellules du système réticulo-histiocytaire (classiquement les macrophages) des mammifères, au sein de vacuoles parasitophores. Les amastigotes ont un corps ovoïde d’environ 4µm de long et 2µm de large. Ces formes de vie, contrairement à ce qu’indique leur nom, possèdent également un flagelle mais celui-ci est très court et ne dépasse pas le corps cellulaire. Chaque cellule hôte peut héberger plusieurs dizaines d’amastigotes.
Les étapes 2, 3 et 4 se déroulent dans l’hôte Mammifère et les étapes 6, 7 et 8 dans le vecteur insecte. (Adapté de http://www.dpd.cdc.gov/dpdx)

Description du cycle biologique

Lors d’un repas sanguin sur l’hôte mammifère (cf. Fig 4), le phlébotome inocule dans le derme de l’hôte des formes promastigotes spécifiques, infectieuses (dites métacycliques) présentes dans ses pièces buccales. Ces promastigotes, qui échappent à l’action délétère du complément, vont se fixer sur les macrophages dermiques, lesquels vont les englober rapidement. Si, dans un premier temps, seuls les macrophages dermiques résidents sont infectés, d’autres monocytes/macrophages recrutés au niveau du site d’infection vont être progressivement envahis par les parasites. C’est par un processus de phagocytose que les macrophages vont ensuite internaliser les promastigotes liés. Le compartiment abritant les leishmanies, généralement formé à la périphérie des macrophages, migre vers le centre cellulaire. Migration au cours de laquelle ce compartiment va subir des modifications qui, par la suite, aboutiront à la formation d’organites connus sous le terme de vacuoles parasitophores. A l’intérieur des vacuoles parasitophores, les promastigotes se différencient en amastigotes adaptés à la vie intracellulaire. Puis, il se produit une fusion des phagosomes abritant des leishmanies avec les compartiments tardifs de la voie d’endocytose. Les amastigotes, adaptés à la vie dans les phagolysosomes, s’y multiplient, aboutissant à la lyse des phagocytes et libérant des amastigotes qui sont captés par les macrophages sains environnants (Sacks et al., 2001).
Des observations plus récentes ont mené à l’hypothèse que les parasites atteignaient leurs cellules hôtes définitives, les macrophages, par l’intermédiaire des granulocytes neutrophiles ou polynucléaires neutrophiles (PNN), premiers leucocytes circulants à migrer au site d’infection lors de la réponse inflammatoire. Il s’agit de l’hypothèse du « cheval de Troie », une stratégie d’évasion du système immunitaire permettant l’entrée « silencieuse » des promastigotes de Leishmania dans les macrophages. L’infection par les promastigotes de L. major conduit à un rapide recrutement des PNN via les chimiokines produites dans les tissus infectés et via la libération par les parasites du facteur chimiotactique de Leishmania (LCF). Les PNN phagocytent alors les parasites, et la sécrétion de l’IL-8 (Interleukine 8) par ces PNN infectés va amplifier la migration d’autres PNN au site d’infection. Après avoir été ingérés, les parasites survivent intracellulairement dans les PNN. L’infection par L. major va retarder l’apoptose spontanée des PNN infectés. Au cours de leur durée de vie prolongée, les PNN infectés libèrent une chimiokine attractive des monocytes : le MIP-1 . Après deux jours, les PNN infectés vont devenir apoptotiques. Les monocytes, attirés par le MIP-1 , sont ainsi recrutés au site d’infection et vont ingérer les « chevaux de Troie » (PNN apoptotiques abritant des parasites vivants). L’absorption de PNN apoptotiques éteint les fonctions antimicrobiennes des macrophages. Les parasites survivent et se multiplient dans les macrophages, et cela se traduit par le développement de la maladie (Laskay et al., 2003, van Zandbergen et al., 2004, Laskay et al., 2008).
C’est suite à un repas sanguin sur des mammifères infectés par Leishmania que les phlébotomes femelles sont contaminés par ces parasites. Très rapidement, le sang ingéré par les diptères coagule dans leur intestin médian abdominal. Au bout de vingt-quatre heures, il est circonscrit par une membrane dite péritrophique synthétisée par les cellules épithéliales du tube digestif et composée de chitine et de glycoprotéines. C’est dans ce bol alimentaire que les amastigotes ingérés se différencient en promastigotes. Ceux-ci se divisent activement tout d’abord sous une forme trapue dite procyclique puis ils vont se transformer en formes très fuselées, se divisant également activement et connues sous le nom de nectomonades. Vers le troisième jour, la membrane péritrophique commence à se fragmenter. Les nectomonades qui s’en échappent se fixent alors via leur flagelle sur les microvillosités de l’intestin médian abdominal, ce qui leur évite l’élimination lors du transit intestinal. Aux jours 4-5, les nectomonades migrent vers l’intestin médian thoracique. A ce stade, deux stades de différenciation sont visibles. Certaines nectomonades se transforment en promastigotes ovalaires, les haptomonades et paramastigotes qui, pour la plupart, restent attachés via leur flagelle à la cuticule chitineuse qui borde les cellules du tube digestif antérieur et de la valve stomodéale qui sépare le tube digestif antérieur du pharynx. D’autres nectomonades se transforment en promastigotes dits métacycliques, qui constituent les sardes infectieux pour les hôtes mammifères (Kamhawi, 2006). Ces parasites, au corps cellulaire très fuselé mais court avec un très long flagelle, qui ne se multiplient plus ou très peu, s’accumulent en grand nombre entre 7 et 10 jours post-infection au niveau de la valve stomodéale (Bates, 2007). La transformation des paramastigotes en métacycliques n’est pas établie. Par ailleurs, une étude récente a introduit cinq stades différents de promastigotes correspondant bien à ce qu’on voit en culture et chez le vecteur, mais pas encore unanimement acceptés (Bates et al., 2004). Il est maintenant clair que l’expression du LPG et des variations structurales de cette molécule sont, au moins en partie, à l’origine des localisations successives occupées par les parasites dans l’intestin des diptères, ainsi que de la métacyclogenèse (synthèse dans (Volf et al., 2008)).
Le cycle est complété lorsqu’un phlébotome, au cours d’un repas sanguin, inocule des promastigotes métacycliques dans le derme de l’hôte mammifère. Il est admis que les haptomonades et paramastigotes fixés au niveau de la valve stomodéale constituent un bouchon à ce niveau qui faciliterait le reflux des promastigotes métacycliques libres lors du mouvement de « pompage » effectué lors du repas sanguin ; alternativement, les haptomonades pourraient également altérer la valve stomodéale suite à la sécrétion de chitinases, laissant cette valve ouverte, ce qui se traduirait par un afflux de parasites dans les pièces buccales de l’insecte puis par leur éjection lors du repas sanguin (Killick-Kendrick et al., 1974, Rogers et al., 2002, Bates, 2007).

Trypanosoma brucei et la trypanosomiase africaine.

La trypanosomiase humaine africaine ou maladie du sommeil

La trypanosomiase humaine africaine, bien que peu prévalente, est assez largement répandue et  peut-être mortelle en l’absence de traitement.

Historique

La maladie du sommeil fait des ravages depuis des siècles, pourtant elle ne fut décrite qu’à la fin du XIXème siècle, et sur des animaux. En effet, les premières traces parlant de la maladie du sommeil viennent du Niger au XIVème siècle dans les écritures de l’Histoire de l’Afrique du Nord de l’historien et philosophe Ibn Khaldoun (1330-1406). La première description des symptômes de la trypanosomiase africaine en Guinée fut effectuée par Atkins en 1734.
L’association avec l’agent responsable, le trypanosome, fut documentée en 1902 par Forde. Le médecin y décrivit le cas d’un homme européen de 42 ans dans une colonie Gambienne (Forde, 1902). Le patient subissait de fortes fièvres et des malaises conduisant Forde à faire un premier diagnostic de malaria. Plus tard, Dutton identifia le parasite dans le sang d’un patient ayant séjourné en Gambie et le nomma Trypanosoma brucei gambiense. En 1910, une autre espèce responsable de la maladie du sommeil en Rhodésie (actuel Zimbabwe) fut nommée Trypanosoma brucei rhodesiense (Stephens JWW, 1910). Des expériences décrites en 1912 montrèrent que la « souche » T. b. rhodesiense est transmise de l’homme à l’animal par la mouche tsé-tsé (Kinghorn et al., 1912). Le premier traitement a été découvert en 1922 mais il ne ciblait que les premiers stades de la maladie et n’était pas efficace contre toutes les formes. Il faudra attendre 1949 pour avoir des traitements à la fois contre les différents stades de la maladie et contre les différentes formes.

Formes cliniques de trypanosomiase humaine africaine

La trypanosomiase humaine africaine se présente sous deux formes, dues aux deux « sous-espèces » : T. brucei gambiense et T. brucei rhodesiense. On attribue à la « sous-espèce » T. brucei gambiense la responsabilité de la forme chronique de la maladie du sommeil et à T. brucei rhodesiense celle de sa forme aiguë. La troisième sous-espèce, T. brucei brucei, est l’agent étiologique de la Nagana chez le bétail.
La trypanosomiase à T. b. gambiense représente actuellement plus de 95 % des cas notifiés de trypanosomiase et est retrouvée dans les pays d’Afrique centrale et de l’Ouest. Cette maladie correspond à la forme chronique. Ainsi, une personne peut être infectée pendant des mois voire des années sans présenter de signes ou de symptômes importants de la maladie. Quand les symptômes surviennent, la maladie est souvent déjà à un stade avancé et le système nerveux central est atteint.
La trypanosomiase à T. b. rhodesiense, retrouvée en Afrique orientale et australe, provoque une affection aiguë. Les premiers signes et symptômes s’observent au bout de quelques semaines ou de quelques mois après l’infection. La maladie évolue par la suite rapidement et envahit le système nerveux central.
Les trypanosomiases causées par T. b. gambiense et T. b. rhodesiense diffèrent par leur vitesse d’évolution mais les symptômes sont similaires. Ceux-ci peuvent être répartis selon deux stades de la maladie. Le stade 1, ou stade hémolymphatique, est caractérisé par des poussées de fièvre, des malaises accompagnés de céphalées, des douleurs articulaires et l’apparition de ganglions cervicaux. A ce stade, plusieurs organes peuvent être infectés : la rate, le foie, la peau, les yeux, le système cardiovasculaire ou encore le système endocrinien. Le stade 2, ou stade neurologique, commence quand le parasite traverse la barrière hémato-encéphalique et envahit le système nerveux central. Apparaissent alors un état confusionnel, des troubles sensoriels, des troubles de la coordination, ainsi qu’une altération des cycles du sommeil à l’origine du nom de la maladie. En l’absence de traitement, la maladie est toujours fatale (Greenwood et al., 1980), soit en quelques semaines, soit en quelques mois ou années.

Localisation géographique et prévalence

La trypanosomiase humaine africaine menace encore aujourd’hui plus de 60 millions de personnes vivant principalement dans des régions rurales d’Afrique orientale, occidentale et centrale, dans 36 pays d’Afrique subsaharienne (http://www.who.int); (Barrett et al., 2003) (cf. Fig. 5). En 2009, après des efforts constants pour lutter contre la maladie, le nombre de cas notifiés est passé en dessous de 10 000 pour la première fois en 50 ans. Le nombre de cas est actuellement estimé à 30 000. La prévalence de la maladie varie d’un pays à l’autre et d’une région à l’autre au sein d’un même pays. Au cours des 10 dernières années, plus de 70% des cas notifiés ont été observés en République Démocratique du Congo (RDC). En 2008 et 2009, seules la RDC et la République centrafricaine déclaraient plus de 100 nouveaux cas par an. Des pays tels que le Cameroun, le Congo, la Côte-d’Ivoire, le Gabon, la Guinée, la Guinée équatoriale, le Kenya, le Malawi, le Nigéria, la Tanzanie, la Zambie et le Zimbabwe font désormais état de moins de 100 nouveaux cas par an. Le Bénin, le Botswana, le Burkina Faso, le Burundi, l’Éthiopie, la Gambie, le Ghana, la Guinée-Bissau, le Libéria, le Mali, le Mozambique, la Namibie, le Niger, le Rwanda, le Sénégal, la Sierra Leone, le Swaziland et le Togo n’ont notifié aucun nouveau cas depuis plus de 10 ans. La transmission de la maladie semble avoir été interrompue mais il subsiste quelques régions où il est difficile d’évaluer la situation exacte du fait de l’instabilité sociale et/ou des difficultés d’accès qui font obstacle aux activités de surveillance et de diagnostic (http://www.who.int).

Stades de différenciation

T. brucei est un parasite constamment extracellulaire dont le cycle se déroule dans deux hôtes très différents. Il doit donc être capable de s’adapter de manière rapide et fréquente, en subissant des modifications structurales et métaboliques. Plusieurs formes se succèdent au cours du cycle parasitaire : chez les mammifères, le parasite vit dans du sang à 37°C et doit se protéger des facteurs lytiques et du système immunitaire. Il est également capable de reconnaître et d’utiliser des signaux de son hôte tels que des facteurs de croissance et des cytokines. Après prélèvement par la mouche tsé-tsé, le parasite change radicalement d’environnement : il subit un choc thermique en passant à une température non constante estimée aux alentours de 27°C et doit interagir avec des cellules et un milieu totalement différents dans le tube digestif de l’insecte.
De plus, le cycle de vie de T. brucei est caractérisé par une alternance de stades prolifératifs adaptés à l’infection et des stades non prolifératifs couplés à l’acquisition de la compétence à la différenciation, permettant l’adaptation à de nouvelles conditions de croissance (Matthews et al., 2004). On pense que l’alternance de ces phases de multiplication et de quiescence
Les étapes 2, 3 et 4 se déroulent dans l’hôte Mammifère et les étapes 6, 7 et 8 dans le vecteur insecte. (Adapté de http://www.dpd.cdc.gov/dpdx) permet aussi la régulation de la densité de la population avant qu’elle n’atteigne un stade critique pour l’hôte. En effet, une mort précoce de celui-ci n’est pas avantageuse pour le parasite : il doit avoir le temps d’être transmis de la mouche au mammifère, et inversement.
Ainsi, T. brucei est essentiellement retrouvé sous quatre stades morphologiques distincts chez ses hôtes successifs : trypomastigote sanguin, trypomastigote procyclique, épimastigote et métacyclique (McKean, 2003).
La forme trypomastigote sanguine est retrouvée dans le sang de l’hôte. On distingue les formes sanguines longues et effilées (long slender) qui se multiplient activement dans la lymphe et le sang de l’hôte, des formes sanguines courtes et trapues (short stumpy) qui ne se divisent plus et sont pré-adaptées à l’insecte vecteur.
La forme trypomastigote procyclique est issue de la différenciation des stades sanguins courts et trapus dans l’intestin moyen de la mouche tsé-tsé et se divise activement.
Les épimastigotes, longs et très mobiles, migrent de l’intestin moyen de l’insecte vecteur vers les glandes salivaires.
Enfin, les formes métacycliques, qui ne se divisent pas, issues des épimastigotes des glandes salivaires, sont adaptées à l’hôte mammifère.

Description du cycle de vie

La mouche tsé-tsé, au cours du repas sanguin sur un hôte mammifère, inocule dans le derme de ce dernier des formes trypomastigotes métacycliques infectantes, présentes dans ses glandes salivaires (cf. Fig.7). Les métacycliques se différencient au point d’inoculation en formes trypomastigotes sanguines longues et effilées (les fonctions mitochondriales de ces formes sont réprimées, le métabolisme du glucose se fait grâce aux glycosomes). Celles-ci se multiplient activement et migrent vers différents sites du corps humain via le système lymphatique et le système sanguin. Puis, ces formes longues et effilées se transforment en formes courtes et trapues, qui ne se divisent plus et qui sont pré-adaptées à l’insecte vecteur. Lors d’un repas sanguin sur un hôte infecté par T. brucei, les glossines femelles ingèrent des parasites (Vickerman et al., 1988) qui vont alors traverser la membrane péritrophique qui sépare le repas sanguin de la lumière intestinale. Dans l’intestin moyen de l’insecte, ils se différencient d’abord en trypomastigotes procycliques qui se multiplient activement (ils possèdent alors une mitochondrie opérationnelle produisant de l’ATP par le cycle de Krebs), puis en épimastigotes après 2-3 jours. Ces dernières formes, longues et très mobiles (jusqu’à 2 fois plus longues, avec augmentation de la taille du flagelle (Van Den Abbeele et al., 1999)), migrent jusqu’aux glandes salivaires via l’œsophage en retraversant la membrane péritrophique. Jusqu’ici, dans le sang et le tube digestif de l’insecte, le parasite se trouve sous forme trypomastigote, c’est-à-dire que le flagelle émerge postérieurement par rapport au noyau. Arrivés dans les glandes salivaires, une nouvelle étape de division s’enclenche, accompagnée d’une différenciation en forme épimastigote : le flagelle émerge antérieurement par rapport au noyau (cf. Fig.8). Ces parasites sont attachés aux microvillosités de la paroi des glandes salivaires par leur flagelle (Tetley et al., 1985). La division se fait alors que les trypanosomes sont attachés à la paroi. Petit à petit, la taille du flagelle régresse, et les épimastigotes, après multiplication, vont donner naissance aux métacycliques infectantes qui ne se divisent plus et qui pourront être inoculés à un nouvel hôte (Vickerman, 1985, McKean, 2003).
Deux points parmi les plus originaux du cycle biologique de T. brucei et concernant l’étape chez le mammifère sont à relever :
1- L’existence d’une « répression mitochondriale » chez les formes sanguines, liée à un métabolisme énergétique dépendant de la glycolyse seule.
2- L’existence, également chez les formes sanguines, ainsi que chez les métacycliques, de la variation antigénique, un mécanisme qui consiste à exposer à sa surface une protéine très immunogène et variante appelée VSG (Variant Surface Glycoprotein). Cette protéine, fortement exprimée, est ancrée à la membrane afin de former une barrière dense, sorte de  » manteau protecteur « . Environ 107 molécules de la même VSG sont ainsi présentes à la surface du trypanosome. Cette grande densité de protéines permet de rendre inaccessible à l’environnement extracellulaire les autres constituants de la membrane plasmique. La VSG présente est remplacée régulièrement. En effet, la capacité de T. brucei à pouvoir faire varier ses VSG semble illimitée et chaque parasite peut exprimer plus de 100 gènes de VSG différents (Pays et al., 1998). Au moment où le système immunitaire de l’hôte, ayant reconnu la molécule antigénique, deviendra apte à éliminer la population de parasites qui la porte, seul les cellules qui auront « changé de manteau » seront sélectionnées et pourront, par expansion clonale, être à l’origine de la population suivante.

Particularités de la biologie moléculaire et cellulaire des Trypanosomatidés

Outre leur importance médicale, les Trypanosomatidés présentent un grand intérêt au niveau fondamental : ces protozoaires parasites apparaissent très distants phylogénétiquement des êtres vivants classiquement étudiés tels que l’homme et la levure (Dacks et al., 2001, Baldauf, 2003), comme le montre la figure 9. Cette grande distance phylogénétique est soulignée par de nombreux aspects originaux de leur biologie moléculaire et cellulaire.

Particularités en biologie cellulaire

Les cellules de Trypanosomatidés possèdent les constituants classiques d’une cellule eucaryote, tels que noyau, réticulum endoplasmique, appareil de Golgi, mitochondrie, système d’endo- et exocytose, lysosomes… Cependant, plusieurs constituants présentent des traits spécifiques aux Trypanosomatidés.
Par exemple, le corps cellulaire est recouvert d’un « corset » spiralé de microtubules sous-pelliculaires stables, attachés à une membrane plasmique dite pelliculaire (Clayton et al., 1995, Gull, 1999, Bastin et al., 2000b, Landfear, 2001, Landfear et al., 2001). On peut noter que le cytosquelette cellulaire est uniquement composé de microtubules, les filaments d’actine étant absents chez les Tryanosomatidés.
Par ailleurs, la mitochondrie consiste en un unique organite, large et étiré en réseau sur toute la longueur du corps cellulaire, avec un ADN mitochondrial également unique, appelé kinétoplaste, fait d’un réseau très condensé de molécules circulaires (cf. infra). Le kinétoplaste est relié, à travers la paroi de la mitochondrie, à un élément du cytosquelette, le corps basal du flagelle, par des structures filamenteuses de nature inconnue (Robinson et al., 1991, Robinson et al., 1994).
L’unique flagelle émerge de la partie antérieure de la cellule, libre par rapport au corps cellulaire. Des différences notables existent entre Leishmania et Trypanosoma quant au flagelle. En effet, chez T. brucei, quel que soit le stade du cycle de vie, le flagelle est attaché tout au long du corps cellulaire par des jonctions filamenteuses à nouveau particulières appelées FAZ (Flagellar Attachment Zone), intimement associées au corset de microtubules; il émerge, libre, uniquement à son extrémité antérieure. Cet ensemble flagelle/membrane, le long du corps cellulaire, est qualifié de « membrane ondulante » (cf. Fig.10) et vaut aux trypanosomes un mouvement bien différent de celui des leishmanies où le flagelle est entièrement libre.
La zone où le flagelle est attaché le long de la membrane est qualifiée de membrane ondulante. (http://www.pasteur.fr)
Autour de la base du flagelle et donc du corps basal se trouve une invagination appelée poche flagellaire, qui, en raison de l’existence du « corset » de microtubules sous-membranaires, constitue le seul site d’endo- et exocytose pour la cellule.
La figure 11 donne une représentation simplifiée de la localisation des principaux constituants structuraux de la cellule de trypanosome. Comme on peut le voir cette cellule contient un certain nombre d’organites spécialisés qui sont le lieu de réactions biochimiques importantes, à l’exemple des glycosomes, qui semblent avoir divergé à partir des peroxysomes (Opperdoes, 1984, Wiemer et al., 1996), et sont des organites contenant les enzymes de la glycolyse. A noter que, dans les formes sanguines de T. brucei, la mitochondrie est une structure tubulaire simple dépourvue de crêtes, ce qui reflète l’absence de respiration mitochondriale à ce stade du cycle parasitaire, la production d’énergie étant alors dépendante des réactions glycolytiques qui s’effectuent à l’intérieur des glycosomes. Glycosomes, cytosol et mitochondrie coopèrent donc dans le métabolisme énergétique des Trypanosomatidés (Parsons, 2004).
Enfin, le cycle cellulaire des Trypanosomatidés présente de nombreuses spécificités et sera revu au chapitre E de ces Généralités.

Particularités biochimiques

Composition de la membrane plasmique.
Chez Leishmania, la face externe de la membrane plasmique présente une enveloppe composée essentiellement de glycolipides et glycoprotéines à ancre GPI (Glycosyl Phosphatidyl Inositol) tels que le LPG (lipophosphoglycane), les GIPL (glycosylinositolphospholipides) et la gp63 (glycoprotéine 63 ou leishmanolysine) (pour revue (Olivier et al., 2012)). Le LPG sert, chez l’insecte, de ligand dans l’attachement du parasite au niveau de l’intestin (Sacks et al., 2000). Chez l’hôte mammifère, il protège les promastigotes métacycliques de l’action lytique du complément et joue un rôle dans l’adhésion et l’incorporation du parasite au niveau du macrophage (Jokiranta et al., 1995).
Il a ensuite été montré que le LPG était capable d’inhiber efficacement la maturation du phagosome dans les stades précoces de l’infection (Desjardins et al., 1997). Cette stratégie permettant aux promastigotes de survivre à l’intérieur de la vacuole jusqu’à leur différenciation en amastigotes, formes capables de persister et de se diviser dans les compartiments acides.
La surface des promastigotes et des amastigotes de Leishmania est également revêtue d’une classe abondante de glycolipides, petits et structurellement apparentés aux phospholipides glycosylinositol, les GIPL. Certains GIPL se sont révélés être liés au GPL et aux ancres GPI, tandis que d’autres sont des entités de surface distinctes (Descoteaux et al., 1999). Ces molécules peuvent être importantes pour la survie et la progression intracellulaires des amastigotes, comme l’expression des GPL est fortement réduite dans cette forme parasitaire, laissant uniquement les GIPL comme composants de surface majeurs.
La gp63 quant à elle joue un rôle dans la résistance du parasite à l’activité lytique du complément et peut être considérée comme un facteur de virulence chez l’hôte mammifère (Joshi et al., 2002). Des données plus récentes (pour revue (Isnard et al., 2012, Olivier et al., 2012)) précisent l’impact de la gp63 de Leishmania sur la signalisation des macrophages et la réponse immunitaire innée. Pour résumer ces effets, avant l’entrée des parasites dans les macrophages de l’hôte, gp63 fournit au parasite la résistance à la lyse médiée par le complément et facilite l’absorption des promastigotes par les macrophages. Dans le macrophage hôte, gp63 est responsable de l’activation de protéines tyrosine phosphatases (PTP; SHP-1, PTP1B et TCPTP) qui conduisent à l’altération des voies JAK, MAP et IRAK- de l’hôte en modifiant la signalisation dépendante de mTORC1. Et enfin, dans le noyau, l’inactivation des facteurs de transcription tels qu’AP-1 et NF- B impliquent un clivage spécifique et la dégradation des sous-unités par gp63. Au total, cette inactivation de la signalisation médiée par gp63 inhibe les fonctions antimicrobiennes des macrophages, ce qui favorise la survie et la propagation du parasite.
Chez T. brucei, dans les cellules métacycliques et sanguines, la membrane (que ce soit au niveau du flagelle, de la poche flagellaire ou du corps cellulaire) est recouverte d’un manteau dense de glycoprotéines variantes dites VSG (Variant Surface Glycoproteins) qui, comme on l’a vu plus haut, permet au trypanosome d’échapper à la réponse immunitaire de l’hôte (Cross, 1975). Ce manteau est constitué de procycline dans les formes procycliques (Cross, 1996).

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Table des matières

REVUE DE LA LITTERATURE
A -L’Ordre des Kinétoplastida.
B. Leishmania et leishmanioses.
B1. Les leishmanioses
B2. Cycle de vie des leishmanies
C. Trypanosoma brucei et la trypanosomiase africaine
C.1. La trypanosomiase humaine africaine ou maladie du sommeil
C.2. Cycle de vie des trypanosomes
D. Particularités de la biologie moléculaire et cellulaire des Trypanosomatidés
D.1. Particularités en biologie cellulaire
D.2. Particularités biochimiques
D.3. Particularités en biologie moléculaire
E. Le cycle cellulaire chez les Trypanosomatidés.
E.1. Description du cycle cellulaire
E.3. Liens et points de contrôle entre les divers évènements du cycle cellulaire
E.4. Lien cycle cellulaire/différenciation
F. « Les » protéasomes
F.1. La protéolyse cellulaire
F.3. Le système protéasome
F.4. Le complexe HslVU
CHAPITRE 1 Etude du protéasome d’origine bactérienne « HslVU » chez les Trypanosomatidés
B. Publication (article soumis)
C1. Les sous-unités HslU1 et HslU2 ne sont pas redondantes chez Trypanosoma brucei.
C2. L’inhibition de l’expression de TbHslV par ARN interférence entraine des défauts de réplication/ ségrégation de l’ADN du kinétoplaste.
CHAPITRE 2 Exploration fonctionnelle de protéines mitochondriales par ARN interférence semisystématique chez T. brucei
A. Présentation de l’article 2 : Importante diversité de protéines mitochondriales impliquées dans le cycle cellulaire de T. brucei.
B. Publication (manuscrit en préparation)
CONCLUSION DES CHAPITRES 1 ET 2
DISCUSSION
MATERIELS ET METHODES
A. Souches et conditions de culture
A.1 : Souche Friedlin de Leishmania major
A.2 : Souche de Trypanosoma brucei, formes procycliques
A.3 : Souche de Trypanosoma brucei, formes sanguines
B. Manipulation des Leishmanies
B.1 : Construction des vecteurs d’expression des protéines fusionnées à la GFP : pTH6nGFPc et pTH6cGFPn
B.2 : Transfection par électroporation
C. Manipulation des Trypanosomes
C.1 : Construction des lignées cellulaires de T. brucei exprimant des protéines de fusion –GFP ou C-Myc
C.2 : Technique d’invalidation de l’expression des gènes par ARN interférence
C.3 : Transfection des cellules procycliques par électroporation
C.4 : Transfection des cellules sanguines par nucléofection
D. Northern blot
D.1 : Préparation d’extraits d’ARN de trypanosomes
D.2 : Northern blot
E. Western blot
E.1 : Préparation d’extraits protéiques de trypanosomes
E.2 : Western blot
F. Microscopie et imagerie par fluorescence
F.1 : Localisation intracellulaire par fluorescence
F.2 : Détection par immunofluorescence
F.3 : Marquage spécifique de la mitochondrie au MitoTracker

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