Partenariat entre ergothérapeute et aidant naturel

Les changements induits par l’institutionnalisation

   La totalité des aidants interrogés déclare avoir une vie plus difficile, voire beaucoup plus difficile, depuis l’entrée en EHPAD de leur parent. Très souvent, il est question d’apparition d’angoisses à l’idée de ne pas être présent, de sentiment d’abandon ou encore d’éloignement. Ce dernier est d’ailleurs un élément majeur car il apparaît comme brutal et allant à l’encontre de leur volonté. Bien que certains aidants soient conscients de la nécessité du placement (5 aidants sur 27), il en ressort malgré tout une prédominance pour la culpabilité et la sensation d’échec, allant jusqu’à l’omniprésence. Nous retrouvons pour autant une nuance dans ces résultats : si, comme nous venons de le voir, leur santé psychologique se détériore, leur santé physique, quant à elle, s’améliore néanmoins depuis l’institutionnalisation de leur proche. La principale amélioration est notamment de l’ordre de la gestion de l’emploi du temps qui leur permet désormais de retrouver leur vie personnelle antérieure (loisirs, vie familiale etc), notamment pour les répondants les plus jeunes (40-55 ans) étant encore dans la vie active. Par la même occasion, nous remarquons que certaines contraintes restent inchangées malgré l’institutionnalisation : le soutien financier, l’entretien du domicile ou la gestion des tâches administratives entres autres. D’autres soucis sont d’ailleurs apparus suite au placement en EHPAD comme la mise en vente de la maison par exemple, les déplacements successifs ou les frais financiers. Le Covid-19, quant à lui, a nettement majoré les doléances des aidants naturels en lien avec les restrictions gouvernementales. Deux points semblent essentiels : la suspension des visites et l’anxiété, rapportée chacune par 11 aidants naturels. Indépendamment du contexte sanitaire, les aidants n’émettent que peu de demandes. Sur les 27 répondants, seulement 19 nous ont faire part de leurs besoins. Ces derniers peuvent être regroupés sous 3 axes majeurs, présentés visuellement dans la figure suivante :
– Que l’on prenne soin de leur parent en EHPAD
– Qu’ils soient sollicités afin de pouvoir continuer à agir auprès de leur parent en EHPAD, même à distance
– Qu’ils soient soutenus, eux personnellement.
Nous remarquons rapidement que leur principale priorité est le bien-être de leur parent, suivie par leur possibilité d’action pour contribuer à ce premier point. Vient ensuite leur propre bienêtre.
➔ Dans l’analyse critique de la revue de littérature, il était question d’un sentiment de culpabilité/de dette envers les parents : qu’en serait-il si l’aidé était le frère/la sœur et non le père/la mère ? La culpabilité est-elle l’une des raisons pour laquelle la plupart des demandes des aidants sont tournées vers leur parent et non vers eux-mêmes ?
➔ Les soucis financiers largement mentionnés dans la revue de littérature n’apparaissent que secondairement dans les résultats de l’enquête exploratoire : la plupart des aidants mentionnent des soucis/angoisses lié(e)s à leur parent et non à eux-mêmes en priorité. Qu’en est-il de leur bien être personnel ? Y a-t-il un lien entre le bien être de leur parent et le leur ?
➔ Le sentiment d’abandon est une thématique que l’on retrouve notamment dans la demande des aidants à aider, encore et toujours. Que pensent-ils pouvoir apporter aux équipes de l’institution ? A quelle échelle voudraient-ils intervenir ? Dans l’intérêt de qui veulent-ils aider : le leur, celui de leur parent ou celui de l’institution ?

Discussion autour de l’enquête exploratoire

   L’interprétation précédente des résultats obtenus nous a permis de les confronter aux données issues de la revue de littérature. Certains résultats confirmaient des éléments de la revue de littérature tandis que d’autres les complétaient ou les infirmaient, permettant ainsi d’enrichir la problématisation pratique présentée ci-dessus.
❖ Critique du dispositif d’enquête : Pour autant, l’obtention de ces résultats mérite à être nuancée, tout d’abord au regard des biais du dispositif de recherche. Le biais affectif est un biais majeur qui semble avoir impacté les réponses, malgré les tentatives d’atténuation de ce dernier. Diverses réponses semblent influencées par le contexte épidémique, sans possibilité de s’en détacher malgré le fait qu’une partie des questions y était dédiée. Il se peut également que des erreurs méthodologiques du chercheur (telles que de mauvaises formulations de questions, ou des formulations trop vagues) aient majoré le versant affectif retrouvé dans les réponses. Nous retrouvons par ailleurs un second impact en lien avec le biais méthodologique du chercheur. En effet, une des questions adressées aux ergothérapeutes visait à savoir quel était leur travail réel OU souhaité : les modalités de réponses n’étaient pas adéquates puisqu’il a été impossible, selon le récit de la personne, de savoir s’il s’agissait d’un travail effectif ou idéal. Enfin, la qualité du dispositif d’enquête peut également être remise en cause. Il n’a pas été possible de retrouver le mode exact, ou bien la moyenne exacte, du nombre d’heures quotidiennes d’aide apportée car les catégories étaient inégales (moins de 2 h // 5 à 10h) et la dernière infinie (plus de 10h). La classe modale de 7,5h/jour présentée dans les résultats n’est donc pas fiable au regard du manque de rigueur dans les modalités de réponses. Enfin, le nombre de questions ouvertes étant conséquent, il se peut que les répondant aient, au fur et à mesure du questionnaire, moins investi leurs réponses.
❖ Eléments de réponse : L’obtention de ces résultats a néanmoins permis de répondre, partiellement, aux objectifs spécifiques de l’enquête exploratoire qui étaient notamment de : « connaître le ressenti des aidants naturels lorsque les personnes âgées dépendantes sont à domicile », « savoir les différences observées avant et après l’entrée en institution » et enfin « connaître le rôle joué par l’ergothérapeute auprès des familles de résidents ». Nous savons désormais qu’en pratique, ce n’est pas le sentiment de fardeau mentionné dans les ouvrages nationaux et internationaux qui est davantage fréquent mais plutôt une bivalence entre amour, fierté, plaisir et sensation de fardeau. Dans le même ordre d’idée que les écrits de la revue de littérature, nous constatons également que l’entrée en institution n’améliore pas le quotidien des familles. Nous apprenons néanmoins qu’elle améliore la santé physique, au détriment de la santé psychologique et émotionnelle. Enfin, concernant le troisième et dernier objectif, nous avons également quelques éléments de réponses. Nous apprenons que les ergothérapeutes ont une faible action (en termes de temps) accordée aux proches des résidents, mais pourtant riche (en termes de bénéfices associés). Le principal intérêt est une relation de confiance avec les aidants afin d’accroitre la pertinence des moyens d’action auprès des personnes âgées dépendantes.
❖ Intérêts et limites de l’enquête : Cette enquête a comme intérêt principal le fait qu’elle interroge deux populations distinctes sur un même phénomène qui leur est commun (l’institutionnalisation d’une personne âgée dépendante). Nous obtenons ainsi deux angles de vue : l’un plus interne et affectif, l’autre plus externe et professionnel. Il est alors intéressant de voir si les problématiques et objectifs qui ressortent de part et d’autre sont compatibles ou non. Nous constatons ainsi que les ergothérapeutes visent à se rapprocher des aidants afin d’obtenir des bénéfices pour les résidents, tandis que les aidants souhaitent être davantage sollicités afin de contribuer au bienêtre de leur parent. Cette enquête nous permet donc de mieux orienter et cibler la suite de la recherche afin qu’elle soit la plus pertinente possible. Elle a également comme intérêt majeur le fait qu’elle questionne les professionnels non pas seulement sur leur pratique concrète mais aussi sur la pratique souhaitée : cette enquête permet donc également de mettre en lumière de potentiels axes de travail ou pistes à éventuellement développer dans le futur. Néanmoins, cette enquête n’est pas représentative de la population générale. L’échantillon est par ailleurs de taille trop restreinte et les nombreux biais évoqués précédemment n’ont pas été suffisamment atténués.

Vers une compréhension du partenariat

   Sous l’angle de la sociologie du travail, éclairé par Crozier et Friedberg notamment, le terme de partenariat n’apparaissait donc pas : action collective, organisation, action organisée, coopération… Toutes ces appellations se regroupent sous le terme du « jeu organisé », synonyme de partenariat (23). Le partenariat entre deux acteurs d’un ou de plusieurs système(s) n’est pas spontané : il s’agit d’une stratégie mise en place en vue de l’ « accomplissement d’objectifs communs ». Le partenariat n’est donc, dans sa forme initiale, qu’une solution face à un problème. Pour autant, cette modalité d’action a ses limites, ses contraintes et son efficacité dépend de ses caractéristiques : la médiation entre les fins (matériels) et les moyens (humains) organisationnels. L’un des gages primordiaux de réussite du partenariat n’est autre que la relation de confiance entre les deux acteurs : le jeu organisé fait donc nécessairement intervenir le domaine éthique afin que « dans la poursuite de leur intérêt propre, les acteurs ne se ruinent pas mutuellement » (23). L’instauration d’un partenariat entre différents partis peut se faire par deux voies :
– La première fait intervenir la soumission (la contrainte, la manipulation affective etc)
– La deuxième fait intervenir le contrat (la négociation entre autres). Cette dernière implique alors nécessairement la reconnaissance du pouvoir d’autrui et la reconnaissance de la dépendance à autrui (23). Le pouvoir, ici mentionné, est un enjeu central dans la compréhension du partenariat qui fait de l’action organisée une action politique. Pour autant, le pouvoir n’est aucunement comparable au pouvoir dans son sens premier : celui de l’autorité. Ici, le pouvoir concerne la mobilisation des sources d’incertitudes et des ressources de chaque acteur, permettant ainsi d’entrer en relation avec les autres acteurs. Il permet également l’accomplissement des objectifs personnels : le pouvoir rend l’acteur « autonome », à défaut d’être un simple « moyen ». Il est, en d’autres termes, le cœur de l’interaction sociale au quotidien (23). Néanmoins, quelques décennies plus tard, Crozier approfondit le concept d’action collective en s’intéressant aux caractéristiques qui permettent sa stabilité, sa durabilité et son efficacité. En effet, le partenariat ne peut s’affranchir des conflits et tensions inévitables qui régissent les relations entre les hommes. Il n’y a d’ailleurs pas de règle d’or qui soit transposable d’un système organisé à un autre : l’homme, autrement dit l’acteur, est un sujet singulier. Ainsi, l’instauration d’un partenariat, ou processus organisationnel, a deux variantes :
– Instrumentale : ordre, structuration, relation fin/moyens etc
– Affective : faisant appel au dévouement désintéressé et à l’engagement personnel notamment, mais aussi à la négociation, au pouvoir et aux interactions sociales (24).
C’est ici que se trouve la singularité de chaque partenariat : il s’agit « d’acteurs uniquement humains », et donc nécessairement pourvus de « projets, de volontés, de désirs, de passions, de désintéressement et d’intérêts » (24).

Les techniques d’engagement : outil commercial

  Trois principes fondamentaux permettent d’établir un contexte favorable à l’engagement :
– « le sentiment de liberté associé à l’acte » : pour engager un individu, ce dernier doit penser qu’il est maître de ses décisions. Ainsi, une simple proposition entre deux choix ou encore le rappel du droit au refus permet au sujet de s’engager de lui-même
– « les justifications fournies à l’acte » : pour engager un individu, il est nécessaire de lui fournir le moins d’informations possible et d’éviter le plus possible d’avoir recours à l’insistance
– « le poids de l’acte » : pour engager un individu, le résultat a tout intérêt à être prévisible, sérieux, public et couteux (26).
L’engagement a également de nombreux effets psychosociaux :
– Comportementaux : l’acte dans lequel l’individu est engagé devient « plus résistant aux changements » et produit de nouveaux comportements qui vont « dans ce même sens ».
L’amorçage et le pied-dans-la-porte sont deux techniques commerciales qui se basent sur ces effets comportementaux escomptés.
– Sur l’attitude : l’acte dans lequel l’individu est engagé peut amener à une variation des attitudes préalables (images, représentations, valeurs etc) (26).

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Table des matières

1. Introduction
1.1. Etat des lieux
1.1.1. Contexte
1.1.2. Résonance
1.1.3. Revue de littérature
1.2. Enquête exploratoire
1.2.1. Synthèse de la problématisation pratique issue de la revue de littérature
1.2.2. Dispositif d’enquête
1.2.3. Résultats de l’enquête exploratoire
1.2.4. Discussion autour de l’enquête exploratoire
1.2.5. Synthèse de l’enquête exploratoire
1.3. Cadre conceptuel
1.3.1. Question initiale de recherche
1.3.2. Cadre de référence
1.3.3. Le partenariat
1.3.4. L’engagement
1.3.5. Retour à la question initiale de recherche
1.3.6. Problématisation théorique
1.3.7. Confrontation des données théoriques et pratiques
1.4. Question et objet de recherche
2. Matériel et méthode
2.1. Choix de la méthode
2.2. Hypothèse de recherche
2.3. Détermination des variables
2.4. Population et site d’exploration
2.5. Choix et construction de l’outil théorisé de recueil de données
2.6. Anticipation des biais
2.7. Test de faisabilité et de validité du dispositif de recherche
2.8. Déroulement de la recherche
2.9. Choix des outils de traitement de données
3. Résultats
4. Discussion
Bibliographie
Annexes

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