Paludisme et drépanocytose chez les patients

Le paludisme est une maladie infectieuse d’origine parasitaire du genre Plasmodium (P), transmis par la piqûre d’un moustique (anophèle). Elle réalise une véritable érythrocytopathie. Six espèces plasmodiales sont pathogènes pour l’homme : P. falciparum (le plus répandu et le plus dangereux), P. vivax, P. ovale, P. malariae, P. knowlesi et P.cynomolgi [1, 2]. C’est une maladie parasitaire transmissible, qui sévit dans les régions tropicales et subtropicales [3]. En 2018, près de la moitié de la population mondiale était exposée au risque de contracter le paludisme, le nombre de cas de paludisme dans le monde était estimé à 228 millions pour 405 000 décès [4]. Au Sénégal, le nombre de cas était estimé à 395 706 cas de paludisme pour 284 décès en 2017 [5]. De par sa distribution géographique, elle est assez bien superposable à une autre affection : la drépanocytose. La drépanocytose est une affection héréditaire à transmission autosomique récessive, elle est due à une anomalie de structure de l’hémoglobine, qui conduit à la formation d’une hémoglobine anormale appelée HbS [6]. Elle est causée par une mutation du gène β-globine qui change le sixième acide aminé de l’acide glutamique en valine (6β GAG→GTG) situé sur le chromosome 11. En situation désoxygénée, l’HbS polymérise et forme de longues fibres qui déforment le globule rouge en faucille (falciformation). Ce phénomène fragilise la membrane érythrocytaire, augmente la viscosité, cause la déshydratation et la formation de drépanocytes. Ces anomalies provoquent des épisodes de vaso-occlusion microvasculaire et la destruction prématurée des globules rouges [7]. L’état homozygote SS est la forme la plus grave de cette affection, mais d’autres allèles des gènes ß peuvent s’associer à l’HbS et induire un syndrome drépanocytaire majeur (SDM). Ils comportent les formes suivantes :
– les drépanocytoses hétérozygotes composites S/C, S/β°thalassémie et S/ β+thalassémie ;
– plus rarement les drépanocytoses hétérozygotes composites SDPunjab, SHope, SOArab, SAntillesC, ou les hétérozygoties symptomatiques SAntilles.

En revanche, les sujets hétérozygotes dits AS sont classiquement asymptomatiques et ne présentent pas les complications de la maladie. Ils ne doivent pas être désignés comme drépanocytaires [8]. Ils sont classés comme ayant un trait drépanocytaire [9]. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, plus de 330 000 nourrissons naissent dans le monde chaque année avec de tels troubles (83% avec une drépanocytose, 17% avec une thalassémie) [10]. Sa prévalence dépend de celle du trait drépanocytaire, et varie de 20% à 30% dans environ 23 pays d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique Centrale [11]. Au Sénégal, la prévalence de l’hémoglobine S est de 10 à 11 % dans la population générale. 1,9 % des nouveau-nés souffrent de drépanocytose SS [12], avec 600 000 enfants et adolescents de moins de 16 ans [13]. La drépanocytose est présente actuellement sur plusieurs continents, du fait des courants de migration des populations mais elle touche avec prédilection les sujets de race noire. Les fréquences de drépanocytose homozygote les plus élevées se trouvent dans une zone géographique comprise entre le 10ème parallèle Nord et le 15ème parallèle Sud. Cette zone qui s’étend du sud du Sahara à la rivière Zambèze a été baptisée « ceinture sicklémique » par Lehmann [14]. Cette aire géographique à haute fréquence drépanocytaire correspond à la zone d’endémie palustre en Afrique. La superposition des cartes de distribution de l’HbS et du Plasmodium falciparum est à l’origine de plusieurs théories sur les relations entre drépanocytose et paludisme.

Données socio-démographiques 

Fréquence 

Au cours de notre étude, 14 patients atteints de drépanocytose homozygote avaient fait le paludisme, soit en moyenne 4 patients par an sur une période de 3 ans. En 1999, Diagne et al dans leur étude trouvaient 30 patients homozygotes ayant présenté le paludisme sur une période de 7 ans [20]. Nous n’avons pas observé des variations significatives entre les deux études malgré la durée et la disponibilité des tests de diagnostic rapide du paludisme.  En République Démocratique du Congo (RDC), Aloni et al. avaient trouvé 90 cas de paludisme sur drépanocytose homozygote SS une période de 10 ans [21]. Cela pourrait s’expliquer probablement par le fait que la RDC se trouve en zone équatoriale et le Sénégal en zone soudano sahélienne. Ces 2 régions ont des conditions bioclimatiques différentes qui influent  sur le niveau de transmission du paludisme qui est plus élevée en zone équatoriale.

Sexe 

Dans notre étude, le sex-ratio garçon : fille était 6. Ce résultat était comparable à celui trouvé dans d’autres pays notamment en RDC, Aloni et al trouvaient 1,4 [21], au Cameroun, Ngo Linwa et al trouvaient de 1,2 [22].

Tranches d’âge à l’admission 

La tranche d’âge de plus de 5 ans était la plus représentée dans notre étude contrairement à celle de Aloni et al [21] et Ngo Linwa et al. qui trouvaient que la tranche d’âge de moins de 5 ans était la plus fréquente [22]. Ceci pourrait être dû au fait que le niveau d’endémicité et de transmission du paludisme soit différent dans la région équatoriale et la région soudano sahélienne. Toutefois, des politiques de lutte contre le paludisme sont appliquées suivant les recommandations de l’OMS. Par ailleurs des facteurs génétiques pourraient également être évoqués.

Niveau scolaire
Sept (7) patients, soit la moitié de notre population n’étaient pas scolarisés. Parmi-eux 5 n’avaient pas l’âge requis pour une scolarisation. Ceci serait dû au fait que, pour la majorité des parents la scolarisation débute à 6 ans au Sénégal.

Données cliniques

Au sujet du paludisme

Année de diagnostic
Dans notre étude, le plus grand nombre de patient drépanocytaire (6 ; 42,8%) présentant un paludisme était observé en 2018.

Mois de diagnostic
Le pic d’hospitalisation (8 patients, soit 57,1%) était noté au mois de novembre. Nous pouvons l’expliquer par le fait que cette période correspond à la fin de l’hivernage avec la stagnation des eaux, la chaleur et l’humidité qui sont des conditions sont favorables à la pullulation des vecteurs du paludisme.

Signes cliniques
La fièvre était le principal signe clinique du paludisme. Ce résultat était similaire à celui trouvé par Diop et al. [7], Aloni et al. trouvaient également la fièvre comme le symptôme le plus fréquent avec (100%) [21], alors que Sangaré et al trouvaient les courbatures comme motif le plus fréquent (100%) [16]. Aucun de nos patients n’a présenté un paludisme grave selon les critères cliniques de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Ceci serait dû au fait que les porteurs de l’HbS sont relativement protégés contre toutes les formes de paludisme clinique [23]. Le principal mécanisme pourrait probablement être en rapport avec une élimination prématurée par la rate des globules rouges infectés par le paludisme et in vivo [24].

Dembélé quant à lui trouvait 5,9% de paludisme grave [25]. En 2009, Komba trouvait 5 conditions qui étaient conformes aux critères de l’OMS pour le paludisme grave (prostration, coma, acidose, hyperparasitémie, anémie paludéenne grave) [26]. Chez nos patients, la crise vaso-occlusive représentait la manifestation clinique associée la plus fréquente (7 patients ; 50%). Diop et al , Komba et al trouvaient des résultats similaires, respectivement 100% et 64%[7, 26]. Sangaré et al. dans leur étude trouvaient une prévalence élevée de crises vaso-occlusives au cours des accès palustres mais n’avaient établi aucune corrélation statistiquement significative entre la survenue de crise vaso-occlusive et l’accès palustre [16].

Données biologiques 

Au sujet de la drépanocytose
Parmi les syndromes drépanocytaires majeurs, seul le génotype homozygote SS était trouvé dans notre étude. Dans l’étude de Aloni et al. les résultats étaient comparables aux nôtres [21]. Diagne et al. trouvaient 30 patients homozygotes et un patient SC [20]. Ceci pourrait être dû au fait que la forme SS est plus répandue que les autres syndromes drépanocytaires majeurs. La complication aigüe bactérienne la plus fréquente dans notre étude était la pneumonie. Ce résultat est similaire à celui de Sanhouidi [27]. Ceci pourrait s’expliquer par une asplénie fonctionnelle et un déficit en complément.

Au sujet du paludisme 

Parasitologie
Le test de diagnostic rapide avait été réalisé et revenu positif chez 13 de nos patients (92,8 %). Tous les patients avaient bénéficié d’une goutte épaisse qui était positive, l’espèce Plasmodium falciparum était la seule retrouvée au frottis sanguin. Diop et al.[7] ainsi que Sangaré et al. avaient montré que le plasmodium falciparum était l’espèce plasmodiale prédominante.

Cette prédominance du Plasmodium falciparum fait pratiquement l’unanimité des études menées en Afrique Sub-Saharienne. Ceci serait dû au fait plasmodium falciparum est l’espèce la plus répandue en Afrique [16]. La densité parasitaire moyenne était de 1693 parasites / ml de sang avec des variations entre 24 et 13870 parasites/ml. Un patient avait une hyperparasitémie à 13870 parasites/ml. La rareté des cas de paludisme grave chez les enfants drépanocytaires pourrait s’expliquer par l’effet protecteur de la mutation du gène de la drépanocytose, qui provoque un environnement inhospitalier pour la croissance du parasite du fait de l’hypoxie dans les globules rouges drépanocytaires [22]. Cette tendance était la même dans les études menées par Dembélé, Komba, Sangaré et al. [25, 26, 16].

Hématologie
A l’hémogramme, la totalité des patients présentait une anémie, qui était normocytaire chez 9 patients (64,28%) et microcytaire chez 5 patients (35,71%). Dix (10) patients (71,43%) présentaient une thrombocytose. Aucun cas de thrombopénie n’a été rapporté. Ces résultats étaient comparables à ceux retrouvés par Komba, Makanie et Ngo Linwa [26, 28, 22]. Chez la majorité des patients, le taux moyen d’hémoglobine pendant l’épisode de paludisme était quasi comparable à celui du taux moyen d’hémoglobine de base. En outre, Warley M.A et al. avaient trouvé que presque tous les cas de paludisme étaient associés à une baisse du taux d’hémoglobine de base pouvant aller jusqu’à 2 g d’Hb / 100 ml de sang [29]. Ceci serait dû au fait que l’haplotype Sénégal serait associé à une meilleure tolérance de la drépanocytose [30]. C’est la raison pour laquelle les critères de gravité du paludisme chez un drépanocytaire sont difficiles à appliquer. Selon Ngo Linwa et al. des critères comme l’hyperparasitémie pourraient ne pas être suffisants pour classer le paludisme sur ce terrain [22] .

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Table des matières

1. INTRODUCTION
2. PATIENTS ET METHODES
2.1. Cadre d’étude
2.2. Type et période de l’étude
2.3. Population de l’étude
2.4. Recueil des données
2.5. Analyses des données
2.6. Définitions opérationnelles des concepts
3. RESULTATS
3.1. Données socio-démographiques
3.1.1. Fréquence
3.1.2. Sexe
3.1.3. Tranches d’âge
3.1.4. Niveau scolaire
3.1.5. Profession des parents
3.1.6. Provenance géographique
3.1.7. Hospitalisation
3.2. Données cliniques
3.2.1. Au sujet de la drépanocytose
3.2.1.1 Circonstance de découverte
3.2.1.2. Complications
3.2.2. Au sujet du paludisme
3.2.2.1. Année de diagnostic
3.2.2.2. Mois de diagnostic
3.2.2.3. Lieu de consultation
3.2.2.4. Signes cliniques
3.3. Données biologiques
3.3.1. Au sujet de la drépanocytose
3.3.2. Au sujet du paludisme
3.3.2.1. Parasitologie
3.3.2.2. Hématologie
3.3.2.3. Biochimie
3.4. Traitement
3.4.1. Traitement curatif
3.4.1.1. Traitement symptomatique
3.4.1.2. Traitement étiologique
3.4.2. Traitement préventif
3.4.3. Evolution
4. DISCUSSION
4.1. Données socio-démographiques
4.1.1. Fréquence
4.1.2. Genre
4.1.3. Tranches d’âge à l’admission
4.1.4. Niveau scolaire
4.2. Données cliniques
4.2.1. Au sujet du paludisme
4.2.1.1. Année de diagnostic
4.2.1.2. Mois de diagnostic
4.2.1.3. Signes cliniques
4.3. Données biologiques
4.3.1. Au sujet de la drépanocytose
4.3.2. Au sujet du paludisme
4.3.2.1. Parasitologie
4.3.2.2. Hématologie
4.3.2.3. Biochimie
4.4. Traitement
4.4.1. Prévention
4.4.2. Evolution
CONCLUSION

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