Outils d’analyse des Sciences de l’Information et de la Communication 

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Une dichotomie paradoxale aux frontières floues

Au XXe siècle, l’apparition des techniques d’enregistrement du son va achever d’effacer des frontières floues et déjà contestées, entre musiques savantes et musiques populaires. D’abord, de nouveaux genres musicaux soulignent les paradoxes inhérents aux critères sur lesquels se base la distinction. La musique concrète fixée sur bande magnétique sans partition rend par exemple caduque le principe selon lequel seule la musique écrite sur partition peut prétendre au titre de musique savante. Les contre-cultures et mouvements underground comme le punk ou la techno invalident la théorie d’une musique populaire seulement légère, sans contestation profonde et destinée au plus vaste public possible.
Le phonogramme permet ensuite de remettre les deux catégories sur un pied d’égalité. En donnant à tous les styles musicaux la possibilité d’être enregistrée, il leur offre en effet de manière indifférenciée l’accès à un public plus large. Entrant dans le quotidien, la musique cesse, si du moins elle le fût un jour, d’être adressée à une classe sociale particulière : que l’on choisisse une symphonie de Beethoven ou un album de Charles Aznavour, que l’on vive dans une cité ouvrière ou dans une maison de maître, le geste et le contexte d’écoute sont désormais identiques.
Enfin, l’enregistrement accélère les nombreux transferts et hybridations entre catégories qui existaient depuis toujours. Par exemple, les techniques électroacoustiques développées dans les années 50 à Paris et Cologne contribueront, une fois développées sur le marché, aux expérimentations sonores des Beatles à la fin des années 60.
Ainsi, nous venons de voir que les musiques savantes et les musiques populaires sont plus complémentaires qu’antinomiques. Pourtant, cette classification reste admise durant des siècles et si ses frontières s’estompent au fil des époques dans la pratique musicale, elles restent peu perméables dans le domaine de la recherche. C’est pourquoi nous proposons d’y introduire des outils issus des sciences de la communication.

Outils d’analyse des Sciences de l’Information et de la Communication

Médiologie musicale

Médiologie

« La discipline qui traite des fonctions sociales supérieures dans leurs rapports avec les structures techniques de transmission. [On] appelle “méthode médiologique” l’établissement, cas par cas, de corrélations, si possible vérifiables, entre les activités symboliques d’un groupe humain (religions, idéologies, littératures, arts, etc.), ses formes d’organisation et son mode de saisie, d’archivage et de circulation des traces. […] C’est dire qu’une dynamique de la pensée n’est pas séparable d’une physique des traces2. »
Théorisée par le philosophe Régis Debray (1991), la médiologie ne se veut ni science ni discipline mais méthode cherchant à révéler des traces explicatives du « devenir-monde des signes, le devenir-Église d’une parole de prophète, le devenir-École d’un séminaire, le devenir-Parti d’un Manifeste, […] Disons, le devenir forces matérielles des formes symboliques.
» (Debray, 1994) Contrairement à ce que son étymologie suggère, la médiologie ne concerne donc pas l’étude scientifique des médias. Il s’agit de mettre à jour l’ensemble dynamique des relations causales et réciproques entre les dispositifs techniques et les écosystèmes culturels.
L’objectif fixé par Régis Debray est d’analyser « les fonctions sociales supérieures » (ordres religieux et politiques, courants de pensée, et écoles d’art) à travers leurs rapports aux moyens, milieux et supports de fixation et de transmission. En médiologie, le cœur de la réflexion n’est donc pas un objet ou une idée définie, mais est situé au niveau de l’intermédiaire. Si la médiologie est fondée sur trois piliers – les signes, leur support de transmission et les structures socio-culturelles – elle requiert paradoxalement une prise de distance de chacun de ces objets pour focaliser le discours sur l’entre-deux : les médiations. Selon la célèbre locution de Victor Hugo, « Ceci tuera cela », ce sont les corrélations entre la naissance de « ceci » et l’avènement de « cela », si elles existent, qui sont étudiées. La méthode médiologie se conçoit donc comme une matrice dont on étudiera les déterminants plutôt que les coordonnées.
De ce fait, la médiologie est par définition transversale car elle fait appel à un nombre illimité de disciplines. « C’est la zone encore floue des interactions technique/culture, ou des interférences entre nos techniques de mémorisation, transmission et déplacement d’une part et nos modes de croyance, de pensée et d’organisation d’autre part.» Les mécanismes d’influence mutuelle et de recoupement entre les techniques de stockage et de transmission de signes au sens large et l’architecture de nos sociétés en termes de croyances, de pensée, de création, de gouvernance, etc. La perspective du médiologue est alors délibérément systémique et historique car ces interactions entre signes, supports des signes et structures sociales ne s’étudient qu’en prenant de la hauteur sur les disciplines et les époques. Quel mécanisme sous-tend la transformation lente et sinueuse d’une disruption technique comme l’invention de l’imprimerie en 1450 à la naissance et à l’institutionnalisation de l’humanisme ? Comment, à l’inverse, la mise en réseau d’ordinateurs entre eux a-t-elle influencé la renaissance au XXIe siècle de l’économie collaborative ?

Justification d’une médiologie musicale

Le domaine de l’art est identifié comme celui où le contraste entre les dispositifs techniques et la force symbolique est le plus grand. Comme « il y a toujours du trivial dans l’art, fût-ce pour atteindre au sublime »3, les interactions entre les structures techniques de transmission de la musique que Régis Debray qualifie de « bricolages », et le pouvoir symbolique et socioculturel des productions. Au vu des disruptions technologiques qui bouleversent régulièrement les modes de production et de transmission de la musique depuis l’invention de l’électricité, intégrer la médiologie dans l’analyse musicale semble aussi évident qu’intéressant.
C’est pourquoi le musicologue Vincent Tiffon4 propose un cadre d’intégration de l’approche médiologique au travail d’observation de sa discipline.
« Une médiologie musicale cherchera à déterminer comment les idées se transforment et font système : comment une grammaire apparaît, s’organise, se propage et fait école. Par exemple, comment expliquer l’hégémonie du style classique ? Le sérialisme a-t-il créé une école ? S’il a échoué à le faire, pourquoi ? Comment expliquer l’émergence d’une pensée sur le timbre et l’espace dans les compositions musicales au XXe siècle ? Bref, comment les idées musicales deviennent-elles “force matérielle” ? »

Méthode médiologique d’analyse

La médiologie générale évoque deux méthodes d’analyse qu’il convient selon Vincent Tiffon d’inclure dans l’analyse musicologique : le principe de causalité et la méthode comparatiste. Pour procéder à cette analyse, il faut introduire un certain nombre de concepts développés par Régis Debray.
Un médium “désigne l’entre-deux qui informe et transforme ce qu’il transmet, en sorte que le point d’arrivée ne ressemble plus au point de départ.”5 Le médiologue les distingue en deux catégories. Les médiums techniques sont désignés par le jargon Matière Organisée (MO). Ils font référence à la fonction externe de transmission de l’œuvre et comprennent :
– Le support matériel d’inscription
– Le mode de symbolisation (texte, vidéo, son…)
– Le dispositif de diffusion.
Les médiums institutionnels sont désignés par le concept d’Organisation Matérielle (OM). Ils qualifient la fonction interne d’élaboration de l’œuvre et comprennent :
– Les conventions linguistiques
– Le cadre d’organisation
– Les matrices de formation.
Chacun de ces médiums est inscrit dans un écosystème techno-culturel que les médiologues appellent médiasphères. Segmentées en quatre grandes époques, ces sphères sont respectivement conditionnées par une invention technique : la logosphère (induite par l’invention de l’écriture), la graphosphère (induite par l’invention de l’imprimerie), l’audiosphère (induite par l’invention de la bande magnétique) et l’hypersphère (induite par le numérique).
Vincent Tiffon propose dans le tableau ci-dessous une synthèse de cette partition en médiums et médiasphères adaptée à la musique. Ce tableau à double entrée présuppose les deux axes d’analyse qu’offrent la médiologie au musicologue : une étude des interactions entre médiasphères et une étude des causalités entre les deux niveaux de médiums.

Sémiotique multimodale

Bases conceptuelles de la sémiotique

Définie par Ferdinand de Saussure comme “l’étude de la vie des signes au sein de la vie sociale”, la sémiotique ou sémiologie désigne plus communément l’analyse des signes et de leur signification. On détermine alors le processus sémiotique ou fonctionnement des signes comme une relation triadique entre le signe, l’objet auquel il renvoie et l’interprétant.
On peut segmenter le domaine d’études sémiotiques en trois dimensions8 ou sous-disciplines : la syntaxe se focalise sur les relations formelles des signes entre eux, la sémantique place l’objet d’étude au niveau de la relation entre le signe et l’objet auquel il se rapporte et la pragmatique se concentre sur le rapport entre les signes et leurs utilisateurs ou interprètes.
Comme notre problématique traite de la relation entre le créateur (émetteur d’un système de signes) et son public (récepteur) sur la création de l’œuvre, nous utiliserons en priorité la sémiotique pragmatique dans l’analyse. En effet, cette branche de la sémiotique nous permet de mettre en valeur les phénomènes psychologiques, biologiques et sociologiques provenant de l’utilisation des signes9. Elle prend en considération à la fois le contexte de production et le contexte de réception des signes, ce qui semble pertinent au vu de la problématique traitée.
Jusqu’au XXe siècle, la sémiotique est assimilée à un courant de la linguistique, le langage étant le mode d’expression central. L’apport progressif de plusieurs auteurs va permettre d’ouvrir le champ à d’autres modes de production du sens : l’image avec Roland Barthes, le cinéma avec Christian Metz, Jean Molino et Jean-Jacques Nattiez pour la musique.

Sémiotique musicale

Se basant sur les travaux de Pierce, Molino et Nattiez10 posent les fondements d’une sémiotique musicale. Ils proposent alors une méthode d’analyse tripartite de la forme symbolique musicale. Une analyse systémique à l’aide de trois niveaux autonomes : un niveau descriptif (niveau neutre) et deux niveaux analytiques (niveaux poïétique et niveau esthésique).
Les trois niveaux d’analyse doivent donc être considérés comme autonomes, bien que liés les uns aux autres. Le choix du sens de l’analyse d’un niveau à l’autre est à la discrétion de l’analyste (voir figure ci-dessous.)
Le niveau neutre ou immanent est celui où l’analyste décrit les stimuli physiques et les traces matérielles intrinsèques à l’œuvre : partition, lexique, codes, gestes et mouvements, ondes sonores, grammaire musicale… A ce niveau, il s’agit d’exclure le plus possible les éléments appartenant aux deux autres niveaux : production et réception. Le niveau poïétique se concentre sur la production par le créateur. L’analyste doit se mettre à la place du compositeur : « entend décrire le lien entre les intentions du compositeur, ses recettes de fabrication, ses schémas mentaux et le résultat de cet ensemble de stratégies, c’est-à-dire les composantes de l’œuvre dans sa réalité matérielle11. » Le niveau esthésique se réfère à la perception par le récepteur. L’analyste doit se positionner comme lecteur de l’œuvre à l’état “naturel”, c’est-à-dire dépourvu d’explications ou de contexte plutôt que dans une position de critique ou de connaisseur.
Cette méthode, dont nous reprendrons l’organisation triadique, s’applique cependant à l’origine à des œuvres dont le contenu est au plus bimodal (texte et son) et le support monodal (concert ou enregistrement). Au fil des théories, le langage devient un mode d’expression parmi d’autres : le mode textuel, le mode iconique, le mode sonore apparaissent pour figurer une unité de sens au travers de leurs codes spécifiques. L’avènement du support numérique dans les années 2000, et son ancrage social comme espace de communication, permet à ces différents modes de cohabiter au sein d’un même processus sémiotique : on parle alors de multimodalité12.

La sémiotique multimodale pour l’analyse des œuvres complexes

Le système de signes d’une œuvre musicale peut être considéré comme multimodal selon deux dimensions différentes: son contenu et son support.
La sémiotique multimodale traite essentiellement de la dimension contenue. Elle s’intéresse aux divers modes (textuel, iconique, gestuel, cinématique, sonore…) combinés par le créateur pour exprimer le message intrinsèque à l’œuvre. Un message est dit multimodal lorsqu’il est composé simultanément d’idées textuelles, visuelles, sonores ou gestuelles utilisées de manière complémentaire.
C’est là qu’intervient la seconde dimension de la multimodalité, qui s’écarte un temps des frontières strictes de la sémiotique mais que nous conserverons dans l’analyse. Les messages qui sont modifiés, transportés, envoyés ou diffusés à travers différents supports subissent cette multimodalité de supports.
On peut ainsi définir la sémiotique multimodale comme l’étude d’une œuvre hybride comprenant plusieurs supports d’expression : son, texte, images fixes et animées, jeux de scènes, etc.
Prenons pour illustrer ce principe le documentaire A Dog Called Money13 de PJ Harvey réalisé par Seamus Murphy et sorti en novembre 2019. Le film suit l’auteur-compositeur-interprète au cours de voyages qui ont inspiré son album The Hope Six Demolition Project paru en 2016. Il part ainsi de la genèse de la composition, l’idée, et retrace le processus créatif de l’écriture. Il relate aussi les sessions d’enregistrement, également lieu de l’arrangement des compositions, à Somerset House, un studio d’enregistrement conçu pour l’occasion et ouvert au public. Le film est subdivisé en onze parties (une pour chaque titre de l’album) couvrant à chaque fois l’immersion sociale à l’origine du processus d’écriture (poiesis) et l’enregistrement ouvert au public (neutre et esthésis).
● Contenu : chaque séquence du film est intrinsèquement multimodale. Elle combine le mode textuel (carton indiquant le titre du morceau), sonore (le morceau en train de se façonner est diffusé en fond), iconique (images propres au film), gestuel (l’enregistrement étant réalisé en présence d’un public, les artistes oscillent entre la gestuelle propre à l’improvisation et la création, et celle propre au jeu de scène).
● Canaux de délivrance du contenu au public : le support de diffusion de l’œuvre documentaire est multiple puisque cette dernière est d’abord sortie en salles de cinéma puis sur YouTube. De plus, le film étant construit comme une extension de l’album, on peut étendre la multimodalité des supports à la performance live dans le studio et à la diffusion de l’album aux formats CD, LP et digital.
L’étude de cet exemple nous permet d’aborder l’impact de la multimodalité d’une œuvre sur sa perception par un public. Des modes différents feront appel à des sens autres chez le récepteur, et donc par définition à des perceptions variées. Or les sciences cognitives démontrent que, confronté à un message multimodal, le cerveau humain ne saura pas naturellement dissocier les différents modes et les messages reçus : c’est ce qui rend l’usage de contenu multimodal complexe dans l’éducation14 mais leur usage artistique d’autant plus riche et intéressant.
En plus des différences de traitement de l’information liées à celles entre la perception auditive et la perception visuelle, l’usage de multiples modes implique des codes narratifs hétérogènes. La perception par le récepteur est d’autant plus imprévisible et subjective que les modes peuvent se compléter, se contredire, se juxtaposer etc. La lecture de l’œuvre d’art n’est plus linéaire mais discontinue.

Analyse médiologique.

Vecteurs technique (MO)

Alkakris conçoit la musique à partir de son quotidien, il l’écrit ensuite dans sa chambre. il compose à l’aide du logiciel Ableton et utilise comme matériel un clavier midi Akay 49, une carte son Native Instrument, des enceintes de monitoring JBL et un microphone Rodhe NT-1. La composition “Doux Papillon” est donc stockée sur son ordinateur directement dans le logiciel Ableton ou en format standardisé de diffusion (wav, aif, mp3, etc.). Le support matériel d’inscriptionest donc celui de la mémoire numérique et se situe dans l’hypersphère.
La composition ne comprend pas de texte, son mode de symbolisation principal est donc le son. Étant donné la richesse de la production sonore, on peut la qualifier de multimédia et placer l’œuvre dans l’hypersphère. On peut y ajouter l’image puisqu’il a également créé une jaquette pour les plateformes. « J’ai fait la cover en prenant une image libre de droit sur le net, j’ai modifié avec Photoshop, c’était assez simple à faire mais j’aime bien le rendu, encore aujourd’hui.»
Le dispositif de diffusion de la production est enfin multiple. Le premier canal de diffusion est le web : au format numérique, elle est mise à disposition du public sur les plateformes de streaming les plus courantes : SoundCloud, Spotify, Deezer et Apple Music.
Alkakris est également régulièrement inclus dans la programmation de soirées électroniques lors desquelles il diffuse ses productions aux côtés de ses morceaux favoris du moment. Ces performances live lui permettent de toucher un public dans le réel ce qui le ramène dans la graphosphère.

Vecteurs institutionnels (OM)

Cet artiste se situe à cheval entre plusieurs styles musicaux dont il utilise les différents codes linguistiques. Comme il le revendique, Alkakris appartient d’abord au mouvement hip-hop. Beatmaker, breakdancer et rappeur occasionnel, il rassemble à lui seul bon nombre des disciplines incluses dans ce mouvement artistique, culturel et social.
En ce qu’il compose et crée “dans sa chambre” et diffuse son œuvre sans l’appui d’une maison de disque, il se situe également à l’intersection très actuelle entre les musiques indépendantes (musique “indé”) et la musique amateure, pratiquée comme développement personnel et loisir collectif.
Son appartenance à un réseau numérique matérialisée par sa marque Trapsoul France et diffusée par sa chaîne du même nom, l’inscrit dans le milieu web, à l’intersection entre “rappeurs soundcloud”, communauté des utilisateurs de logiciels et pourvoyeurs amateurs de contenu numérique. Enfin, il est ancré dans l’école stylistique des musiques électroniques de par la nature de sa production en tant que beatmaker, le titre “Doux Papillon” choisi pour l’analyse en est la preuve. Son œuvre s’exprime à ce titre par des codes informatiques et logiciels : le caractère algorithmique de la composition le situe dans l’audiosphère tandis que le mixage de l’œuvre le place dans l’hypersphère.
Au niveau de son cadre d’organisation, l’artiste est résolument ancré dans l’hypersphère. En effet, l’inspiration et la réflexion créative se développent au quotidien et au contact de ses pairs. La création, elle, est réalisée entièrement dans un Home Studio.
Ce cadre d’organisation ne connaît pas d’institutions hiérarchisées comme peut l’être l’Église de la musique classique ou la RTF pour la musique concrète par exemple. Alkakris s’inscrit dans un mouvement de création qui prône à la fois l’aspect collaboratif de l’inspiration et la conception d’une œuvre, et l’autonomie dans sa réalisation et sa délivrance au public.
« Sans mes proches aujourd’hui je ferais pas la même musique. Que ce soit dans ce qu’on écoute, ce qu’on fait de nos soirées […] ça m’influence beaucoup. Je collabore avec des gens parce que j’aime bien échanger avec mon entourage, souvent quand je fais un projet j’aime bien avoir au minimum un featuring avec moi, j’aime bien l’idée d’avoir une oreille externe et surtout d’échanger. »
En lieu et place de cadre institutionnel, l’artiste entrepreneur préfère sa marque auto-créée comme porteur et promoteur de ses projets plutôt qu’une maison de disque ou un cadre universitaire. Attaché au concept d’entourage, c’est une véritable communauté qu’il engage à travers ses œuvres dans un souci d’horizontalité propre au web et donc à l’hypersphère : une communauté de ses pairs collaborateurs et un public communautaire qui adhèrent à toutes les facettes créatrices de l’artiste et de son “crew” regroupées sous l’étiquette Trapsoul. On l’a vu durant l’analyse de cette œuvre et de manière générale pour cet artiste, son style de vie est intrinsèquement lié à ses productions. Dans l’ensemble de ses productions vidéo, on reconnaît ainsi différentes personnes de son entourage, présentes souvent dans plusieurs de ses projets.
Enfin, par sa pluridisciplinarité et l’hétérogénéité de ses influences musicales, Alkakris révèle que ses matrices de formation sont multiples. Après de nombreuses années de formation classique au conservatoire qui le placent dans la graphosphère, il se sert de ces bases pour apprendre en autodidacte la composition assistée par ordinateur, se rapprochant ainsi des musiques électroniques et du hip-hop. Il cite également comme élément formateur à la création l’expérience de la musique à travers sa pratique de DJ. « Petit à petit, tu passes des sons puis t’as envie de recréer ça à ta manière, je crois que ça aussi ça a bien participé à mon intérêt pour la création ». Cette importance de l’imitation d’autres musiciens, du partage, de l’inspiration issue des réactions du public lors d’un DJ set ou encore l’apprentissage seul ou par tutoriels sont les marques d’une formation propre à l’hypersphère.

Vecteurs techniques (MO)

Dans le cadre de son installation sonore, Tim Helbig travaille majoritairement avec des compositions auto-génératrices à partir du logiciel Max/MSP. Le logiciel MAX/MSP est un logiciel modulaire développé en 1980 au sein de l’IRCAM, permettant de créer de la synthèse sonore, de l’enregistrement et de l’analyse sonore. Le logiciel permet la création d’outils personnalisés de création sonore et vidéo que l’on vulgarise par la notion de patches. La musique est créée et stockée au même endroit. Le support physique d’inscription et de stockage de l’œuvre sont numériques et dépendent donc de l’hypersphère. En effet, dans le cadre de cette installation sonore, l’artiste travaille avec un Patch qui produit de la matière sonore et la génère aléatoirement en temps réel. Le moyen de fixation est donc numérique, ordinateur, disque dure externe, cloud. Il y a dans le cadre de cette œuvre trois modes de symbolisation,le premier étant le sonore de l’installation qui dépend de l’audiosphère. “3Räume” est composée de 24 haut-parleurs, certains sont des haut-parleurs actifs, d’autres sont des combinaisons de plusieurs microphones piezo utilisés comme source de diffusion. Le deuxième mode est le support vidéo que l’on retrouve sur la plateforme Vimeo qui permet de voir d’une manière documentaire à quoi ressemble l’installation ; ce mode dépend de la vidéosphère mais également de l’hypersphère. Enfin le troisième mode, le texte explicatif mis en valeur par l’artiste lui-même sur son site internet, appartient, lui, à la graphosphère.
Aussi Helbig a deux versions de l’installation. Il y a d’abord celle non filmée qui n’a pas d’éclairage particulier, car son idée est de créer un environnement englobant pour le public, sans pour autant interpeller de manière complète l’auditeur. Dans un second temps, l’artiste décide de créer une version vidéo, dans une idée de fixation visuelle de l’œuvre, il choisit d’assombrir la pièce et d’éclairer en mettant en valeur les sources sonores. Il est dans une logique de mise en valeur par le visuel. Les dispositifs de diffusion sont donc doubles. Dans un premier temps, le dispositif propre de l’installation qui est live et relève de la graphosphère.Lorsque Tim Helbig décide de créer une vidéo sur la plateforme Vimeo pour diffuser son œuvre, il est question de l’hypersphère. L’œuvre est clairement inscrite dans le courant d’art des œuvres in-situ. Elle répond réellement au deux critères clés de ce mouvement, c’est-à-dire que l’œuvre est dédiée au lieu dans lequel elle s’inscrit et plus encore, elle prend en compte son milieu d’existence avec les sources sonores fabriquées à l’aide de micros piezo incrustés dans les soutiens métalliques de l’espace dédié.

Vecteurs institutionnels (OM)

La partie sonore de l’installation est créée comme nous l’avons expliqué plus haut avec un patch Max. Ce patch effectue en temps réel des calculs algorithmiques et positionne cette œuvre dans cette catégorie d’art génératif. Deux codes linguistiques sont donc représentés, les calculs algorithmiques pour l’hypersphère et l’appartenance aux arts génératifs pour la graphosphère car l’œuvre répond à des critères. Tim Helbig a une approche électroacoustique dans ses créations – « Quand j’étais petit, je voulais apprendre la batterie, aujourd’hui je suis plutôt dans les musiques électroacoustiques, mais je peux utiliser des sets de batteries expérimentaux. J’ai du coup rassemblé toutes mes expériences afin de créer une nouvelle manière de penser et d’écouter. Mes premières expériences électroacoustiques m’ont quelque part ouvert l’esprit. » – l’idée de composition électroacoustique dans le travail de l’artiste positionne doublement les codes linguistiquesde l’œuvre dans la graphosphère.
Dans le cadre de cette installation sonore l’artiste dépend de plusieurs cadres d’organisation, dans un premier temps, il relève de l’hypersphère car il élabore la base de son installation – son patch Max – dans son environnement personnel de création, son Homestudio. Dans le contenu vidéographique créé par Helbig disponible sur la plateforme Vimeo, il fait clairement apparaître son appartenance au studio de recherche Studio für elektroakustische Musik. Cette revendication d’appartenance intègre Tim Helbig dans l’audiosphère également. Le projet est relié à une autre institution, le théâtre de Jena qui commande l’œuvre à l’artiste. Cette commande place le théâtre comme éditeur et inscrit l’œuvre dans la graphosphère.
Trois vecteurs sont présents dans la matrice de formation.Premièrement l’artiste fait partie de la culture maker qui prône le partage, la création do-it-yourself et l’esprit de communauté tournée vers la technologie. Helbig participe au partage d’informations sur des forums spécialisés sur internet et dépend donc dans cette idée de l’hypersphère. Comme nous l’avons vu dans le paragraphe précédent, il fait figurer son appartenance à une institution de recherche. L’artiste a commencé “en 2008 […] un cursus d’art sonore”, il est aujourd’hui assistant du professeur Robin Minard. A côté des occupations créatives, il est en charge du Digital Bauhaus Orchestra ainsi que du suivi d’étudiants dans leurs processus créatifs. Cette appartenance le positionne dans l’audiosphère.Le studio de recherche dépend également de l’École de musique Franz Liszt, qui appartient à la graphosphère.

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Table des matières

Première partie : Le cadre conceptuel 
Musiques savantes et musiques populaires
Brève histoire de la distinction.
Une dichotomie paradoxale aux frontières floues
Outils d’analyse des Sciences de l’Information et de la Communication
1. Médiologie musicale
Médiologie
Justification d’une médiologie musicale
Méthode médiologique d’analyse
2. Sémiotique multimodale
Bases conceptuelles de la sémiotique
Sémiotique musicale
La sémiotique multimodale pour l’analyse des oeuvres complexes
II. Méthodologie
Orientations et méthodes de recherche
Présentation des cas.
Mode de collecte des données.
Deuxième partie : Analyse 
Analyse 1 
1. Description du projet / Contexte
2. Analyse sémiotique
3. Analyse médiologique.
Vecteurs technique (MO)
Vecteurs institutionnels (OM)
II. Analyse 2
Description du projet / Contexte
L’artiste
2. Analyse sémiotique
3. Analyse médiologique
Vecteurs techniques (MO)
Vecteurs institutionnels (OM)
III. Comparaiso
Une vision sémiotique
Une vision médiologique
Conclusion 
Annexe 1 : Entretien avec Hervé Zénouda
Annexe 2 : Entretien avec Tim Helbig
Annexe 3 : Entretien Alkakris
Annexe 4 : Arnaud DIETERLEN
Annexe 5 : Entretien Audrey LAFRANCA
Bibliographie 

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