Oscillation d’une plaque flexible dans un écoulement

La nage des animaux marins a suscité une curiosité croissante de la part des scientifiques depuis ces dernières décennies. Le premier intérêt est la compréhension biologique de la nage, mais également sa compréhension physique depuis peu appropriée par les hydrodynamiciens. Le second intérêt repose sur le premier et est motivé par la conception de robots aquatiques bio-inspirés. Ces véhicules sousmarins peuvent effectuer des petits travaux ou des explorations pour et à la place de l’Homme à des endroits difficilement accessibles ou dangereux. Nous allons décrire les mécanismes associés à la nage des “grands” animaux marins. Pour le qualificatif de “grand”, nous entendons des animaux dont la locomotion est gouvernée par les effets inertiels induits par l’eau.

Mécanique de la nage

Avec leurs 500 millions d’années d’évolution depuis les premiers poissons recensés, les animaux aquatiques ont développé des modes de locomotion aussi performants que variés. Et avec plus de 32 000 espèces de poissons et cétacés actuellement recensés [62], la diversité est de taille. Parmi les espèces considérées comme de “bons” nageurs, c’est-à-dire se déplaçant vite, on distingue deux grands modes de locomotion : la nage ondulatoire, où le nageur fait parcourir une onde de flexion le long de son corps, telle que l’anguille, et la nage oscillatoire, où le nageur met en mouvement de façon cyclique ses appendices ou une partie de son corps, comme par exemple le saumon, le thon ou le dauphin (figure 1.1). La proportion du corps utilisée dans le déplacement dépend fortement de l’espèce considérée. Ainsi, il est difficile de généraliser les conclusions d’une étude sur une espèce à un groupe de la classification [86, 87]. La classification présentée sur la figure 1.1 [52] recense les modes de nage en fonction des moyens utilisés par le nageur pour se déplacer. Soit le déplacement est réalisé par les nageoires pectorales et pelviennes (par paires) et les nageoires dorsale et anale (médianes) appelé “median and paired fin” (MPF) ; soit par le corps et la nageoire caudale appelé “body and caudal fin” (BCF). Cette dernière technique atteint son paroxysme dans la forme thunniforme [7]. Les formes ostraciiforme et carangiforme donnent également de bonnes performances (encadré sur la figure 1.1). Au vu de la diversité des espèces marines, il est fort probable que le mode de nage dépend en grande partie de la forme, de la taille, de la flexibilité, de l’animal. L’étude qui suit se limitera aux “grands nageurs”, c’est-à-dire ceux dont les effets d’inertie dominent par rapport à la viscosité (quantifié par le nombre de Reynolds défini en (1.1)), typiquement Re > 10⁵ . Par exemple, un thon jaune de 53 cm de long a un nombre de Reynolds de 6.1 × 10⁵ et se déplace selon le mode de nage thunniforme. Eloy (2012) [20] liste différentes espèces marines avec leurs caractéristiques de nage ainsi que leurs nombre de Reynolds associé.

L’utilisation des appendices varie d’une espèce à une autre. Celle-ci dicte par ailleurs leur mode de locomotion, qui réside dans un compromis entre la polyvalence des nageoires et leurs spécialisations. Les nageoires dorsale et anale servent à la stabilité du nageur à l’arrêt, les nageoires pectorales et pelviennes assurent généralement sa manœuvrabilité tandis que la propulsion de l’animal s’effectue principalement grâce à la nageoire caudale (figure 1.2(a)). La forme des nageurs dépend fortement du mode de locomotion adopté [52]. Ainsi, les anguilles auront un corps allongé se déformant entièrement alors que le corps d’un saumon sera plus rigide : seule sa partie arrière se déformera lors de la propulsion [32, 7]. Les animaux marins ayant une propulsion principalement générée par la nageoire caudale sont souvent de très bons nageurs (e.g. requins, thons, cétacés). Les deux principaux aspects de nageoires caudales trouvés chez les nageurs sont de type “heterocercal”, à la forme externe asymétrique avec le lobe dorsal plus large que le lobe ventral, et “homocercal”, à la forme externe quasi-symétrique avec le lobe dorsal et ventral de taille similaire (figure 1.2(b)). Le mouvement de la nageoire caudale est dû au mouvement latéral de la partie arrière du corps du nageur par la contraction musculaire le long de l’axe vertébré. L’amplitude de l’onde croît le long du corps pour devenir maximale à la caudale [4]. La contribution de cette nageoire dans la propulsion est difficile à quantifier et dépend de l’espèce considérée : l’estimation varie de 40 à 90% [4, 33]. Le mouvement de la nageoire elle-même est complexe. On pourrait penser que le mouvement se fait uniquement dans le plan médian, perpendiculaire au déplacement. Or, une déformation asymétrique selon l’axe dorso ventral révèle la cinématique tridimensionnelle de la nageoire [4, 45]. Cette déformation permet d’augmenter la surface de la nageoire lors du battement lorsque la quantité de fluide à déplacer dans le sillage est la plus forte, et ainsi vraisemblablement augmenter la vitesse de nage. Bainbridge (1963) [4] suggère que la contraction musculaire serait responsable de la déformation de la caudale, sans pour autant quantifier la partie passive de celle-ci. Outre la transmission de l’onde responsable du déplacement, la contraction musculaire peut également moduler la flexibilité longitudinale du corps en fonction du régime de nage et ainsi accorder la fréquence de nage avec la fréquence naturelle du corps [53]. Les études théoriques sur la dynamique des poutres montrent que la rigidité de la structure régit la fréquence de résonance du système [44, 84] (voir section 4.2). La forme même des nageurs prend en considération l’hydrodynamique. Le changement de section du corps du nageur au niveau de la base de la caudale assure le maintien des couches limites sur le corps, évitant ainsi une perte d’énergie dans le déplacement du nageur.

Une classification des modes de nage en fonction des interactions hydrodynamiques est proposée par Lighthill (1975) [51] et est illustrée sur la figure 1.3. À cette classification, sont associés les modèles hydrodynamiques qui mettent en avant la physique de la nage à différentes échelles. Dans le cas où les effets d’inertie dominent (Re ≫ 1), Lighthill (1960) et Wu (1961, 1971) [49, 48, 91] proposent des modèles hydrodynamiques. Lighthill suggère la théorie réactive qui se base sur le fait que le nageur communique de l’énergie au fluide, à travers la quantité de mouvement. La réaction du fluide à l’accélération génère les forces nécessaires au déplacement du nageur. L’approche de Lighthill, dite “théorie des corps élancés”, prédit que la force de poussée produite ne dépend que de la déflection de l’extrémité arrière du nageur. En d’autres termes, les performances de nage sont uniquement dictées par la dynamique du bord de fuite de la nageoire caudale. Pour les plus petits nombres de Reynolds où la dominance des forces d’inertie est remplacée par celle des forces visqueuses, l’hydrodynamique de nage est dictée par la théorie résistive. Elle stipule que la propulsion du nageur se fait grâce à la résistance du fluide au mouvement. On peut imaginer que le nageur s’appuie sur le fluide pour avancer, à l’image du déplacement dans le granulaire, où cette théorie est employée [37]. La vitesse de nage dépend, comme nous venons de le voir, de paramètres multiples et de leurs interactions. Il est important d’établir leurs impacts sur le déplacement d’un nageur en vue de la conception de véhicules sous-marins autonomes (AUV, du nom anglais “Autonomous Unmanned Vehicle”). Parmi les paramètres en jeu, recensés par Blake (2004) [7] et références incluses, on peut citer la production de mucus sur la surface du nageur, le maintien des couches limites en régime laminaire, la forme du nageur ou encore la texture de la peau, etc. Ces paramètres interviennent dans la réduction de la traînée subie par le nageur.

À partir des observations des nageurs utilisant seulement la caudale dans la propulsion, on s’aperçoit qu’ils présentent en général les mêmes caractéristiques : leur corps est rigide durant le déplacement et seule la nageoire caudale se déplace de la ligne médiane. Le mouvement propulsif est ainsi situé à l’arrière du corps, la partie antérieure étant assimilée à une charge à déplacer. La nageoire caudale prend généralement la forme d’un croissant de lune très souvent symétrique (thons, cétacés, etc.). La figure 1.4 présente quelques exemples de nageurs considérés comme rapides, tels que les thons, les requins ou encore le poisson voilier, connu pour être l’animal le plus rapide dans l’eau. Ce sont des prédateurs de grande taille, pouvant atteindre plusieurs mètres de long, dont le mode de vie requiert rapidité et/ou endurance pour se nourrir. Toutefois, aussi rapides qu’ils soient, leur vitesse de nage est limitée par la cavitation engendrée autour de leur corps [39], alors que les nageurs plus petits sont limités en général par leur puissance musculaire. De nombreuses revues rendent compte des différents modes de propulsion. Parmi les plus notables, nous pouvons citer les ouvrages de Videler (1993) [86] et Vogel (1994) [87] qui expliquent de façon didactique la locomotion aquatique d’un point de vue biologique à toutes les échelles. Les ouvrages de référence de Lighthill (1975) [51], recueil de ses travaux sur la nage, et de Childress (1981) [10], exposé didactique des mécanismes de nage à toutes les échelles par une approche physicienne. Les articles de Lighthill (1969) [50], Sfakiotakis et al. (1999) [72], Triantafyllou et al. (2000) [82] et Lauder (2005) [46] exposent également les modes de propulsion aquatiques. L’une des particularités de la nageoire caudale est sa flexibilité le long de sa corde, c’est-à-dire le long de l’axe médian [54]. Il a d’ailleurs souvent été avancé que cette flexibilité constituait un atout dans la propulsion [4, 41, 27, 35, 56]. Cependant, au même titre que les modes de nage, la rigidité des nageoires caudales varie significativement entre les espèces. Par exemple, les thons ont une caudale rigide [63, 7] comparée à celle d’un poisson rouge [4] ou à celle d’une truite [57]. Que la flexibilité des nageoires soit un avantage ou non lié à l’évolution des espèces reste encore à déterminer. De cette première esquisse de la locomotion aquatique, il est déjà possible de voir qu’il n’est pas aisé de reproduire exactement la nage d’un animal en particulier. Il est plus facile de se concentrer sur les similitudes au sein d’un groupe de nageur particulier. En effet, chaque animal a évolué de façon à s’adapter au milieu aquatique et à un certain mode de vie. Le mode de nage adopté résulte donc des stratégies développées pour s’adapter et vivre en milieu aquatique [86, 87]. C’est dans cette optique que notre étude se place. Nous cherchons à comprendre l’avantage éventuel procuré par la flexibilité dans le déplacement d’un nageur. Nous ne ferons donc pas d’hypothèses sur la forme spécifique du nageur, seule une nageoire caudale symétrique sera considérée pour mettre en avant le rôle de la flexibilité.

Propulsion par plaque/profil battant

Plaque/profil rigide

Le mode de nage oscillatoire, avec la partie active pour la propulsion localisée à l’arrière du corps du nageur, a inspiré un grand nombre d’études notamment motivées par la conception de nouveaux systèmes de propulsion [79], alternative aux moyens actuels réalisés par hélices. Les applications d’ingénierie ont d’abord mené à des études sur des profils oscillants rigides [42, 80, 71]. Celles-ci considèrent généralement des profils de type NACA ou des plaques minces de type feuilles rigides forcées. Le forçage se fait par un mouvement harmonique en pilonnement (translation perpendiculaire à l’écoulement et au plan du profil), ou en tanguage (rotation autour d’un axe dans le plan du profil et perpendiculaire à l’écoulement), ou par une combinaison des ces deux mouvements (figure 1.5). La combinaison des mouvements est plus proche de la réalité, mais est également plus complexe à étudier. Prenons l’exemple d’un nageur de type thunniforme se déplaçant en ligne droite à vitesse constante. Son mouvement est une combinaison d’une oscillation de battement de la nageoire caudale et d’une rotation de la base de la queue. La conjugaison de ces deux mouvements est supposée optimiser l’écoulement autour du corps du nageur. D’autres paramètres de textures de la peau, de formes, de rapports d’aspect, etc., peuvent également participer à cette optimisation.

Les études sur les sillages induits par le mouvement d’un profil ont permis une classification sur l’arrangement que prennent les vortex en fonction de l’activation. L’arrangement va de la simple allée inversée de Bénard-von Kármán, à des configurations plus complexes comme le lâché de deux paires de tourbillons contra-rotatifs par période appelé “2P”. La figure 3.12(b) illustre les différentes compositions tourbillonnaires derrière un profil rigide [47]. La classification des sillages pour les profils actués provient de l’analogie faite avec ceux derrière un obstacle, comme un cylindre placé dans un écoulement [90]. L’arrangement tourbillonnaire est un bon indicateur du régime de propulsion [29]. Une cartographie des sillages induits en fonction des paramètres de forçage met, une fois encore, en avant un nombre de Strouhal optimal autour de 0.25 dans la production de poussée [3, 64]. Sur la figure 1.8(a), les sillages obtenus par un profil rigide de type NACA sont classés selon l’arrangement des vortex en plusieurs régions. Le mouvement imposé en tanguage est appliqué au centre du profil. La classification est faite en fonction de l’angle d’attaque dû au tanguage imposé et du nombre de Strouhal basé sur la fréquence du mouvement et sur la largeur du sillage. On note ainsi que dans la région C, le profil engendre un jet et que les paramètres du forçage correspondent à ceux précédemment cités, c’est-à-dire 0.2 < St < 0.5. La région D correspond à une très forte production de poussée et l’arrangement des vortex change, il en résulte une déflection du sillage induit, donc un changement dans la direction de locomotion. Prenons le cas d’un profil rigide en mouvement combinatoire de pilonnement et tanguage dont le dispositif est illustré en figure 1.7(a). En traçant les iso-courbes de rendement dit de Froude η (défini au chapitre 3 par la relation 3.6) du dispositif en fonction des paramètres du mouvement, il est clair que les performances maximales correspondent à αmax ≈ 15° et St ≈ 0.25, où αmax est l’angle d’attaque effectif maximal (figure 1.7(a)). Le rendement maximal obtenu est de l’ordre de 70% .

Plaque/profil flexible

Récemment, ces études sur les profils rigides oscillants de grand rapport d’aspect ont été étendues à des profils flexibles. La flexibilité est souvent avancée comme un avantage dans la locomotion, sous l’argument que les vertébrés aquatiques ont, dans la plupart des cas, des nageoires flexibles. Cependant, les mécanismes précis par lesquels la flexibilité est reliée à la production de poussée et aux performances de nage de façon générale, n’ont été abordés que très récemment.

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Table des matières

1 Introduction
1.1 Mécanique de la nage
1.2 Propulsion par plaque/profil battant
1.2.1 Plaque/profil rigide
1.2.2 Plaque/profil flexible
1.3 Problématique générale
2 Méthodes expérimentales
2.1 Introduction
2.2 Dispositif expérimental
2.2.1 Montage mécanique
2.2.2 Plaque flexible
2.3 Moyens de diagnostic
2.4 Conclusion
3 Réponse expérimentale
3.1 Introduction
3.2 Réponse de la plaque
3.2.1 Propriétés des plaques et premier adimensionnement
Rigidité en flexion B
Fréquence propre des plaques F0
Taux d’amortissement τ
3.2.2 Influence des paramètres expérimentaux
Effet de la rigidité en flexion B
Effet du nombre de Reynolds Re
Effet de l’amplitude de forçage ALE
3.2.3 Effet du confinement
3.3 Lien entre forçage et propulsion
3.3.1 Sillage induit
Visualisation par colorant
Mesure de vitesses
3.3.2 Propulsion générée
Bilan de quantité de mouvement
Mesure directe
3.4 Conclusion
4 Modélisation d’une plaque flexible forcée
4.1 Introduction
4.2 Généralité sur les poutres
4.3 Modèle analytique
4.3.1 Mise en équation et adimensionnement
4.3.2 Théorie des ailes flexibles instationnaires selon Wu (1961)
4.3.3 Analyse modale
4.3.4 Coefficients de dissipation
Coefficients de dissipation linéaire
Coefficient non linéaire de traînée fluide cD
4.4 Résonance et phase
4.5 Poussée
4.6 Efficacité et Optimisation
4.7 Confrontation du modèle
4.8 Discussion
5 Conclusions

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