Origine du comportement rhéologique des matériaux cimentaires

Origine du comportement rhéologique des matériaux cimentaires 

Mortier et pâte de ciment 

Lors de l’introduction de sable ou de manière générale d’inclusions rigides non colloïdales dans une pâte de ciment, deux régimes peuvent être identifiés [22-24] un régime dans lequel un réseau percolé de grains de sable domine la réponse du système qui dépend alors principalement des caractéristiques morphologiques du sable [25] et un régime dans lequel les contacts entre grains ne sont pas suffisamment nombreux pour permettre la percolation. Dans ce dernier régime, les inclusions ne font qu’amplifier le comportement de la pâte de ciment, dont les caractéristiques dominent alors le comportement du mélange [22,26].

Il a pu être montré que la transition entre ces deux régimes était déterminée par le ratio entre la fraction volumique en sable et la fraction volumique maximale d’empilement de ce sable [25]. La transition a lieu pour un ratio de l’ordre de 0,8 [22,23]. Dans le cas des mortiers monocouches, les sables utilisés sont majoritairement des sables naturels roulés. Leur forme quasiment sphérique et leur poly-dispersité leur confèrent une fraction volumique maximale d’empilement de l’ordre de 0,7 [25]. Tant que la fraction volumique en sable se situe en dessous de 55 à 60%, ces matériaux restent dans le second régime. C’est le cas dans la pratique puisque les concentrations en sable des mortiers monocouches restent majoritairement inférieures à 50% . Le sable présent dans le système ne fait donc qu’amplifier le comportement rhéologique de la pâte de ciment. Dans la suite de ce travail, nous allons ainsi considérer que le comportement rhéologique d’un mortier monocouche est similaire à celui de sa pâte de ciment et nous focaliser sur cette échelle d’observation.

Comportement et interactions 

Le comportement rhéologique d’une pâte de ciment trouve son origine à l’échelle des interactions entre les grains de ciment et le fluide. Les pâtes de ciment peuvent être considérées comme une suspension de particules dans une phase fluide continue. Lors de l’écoulement, les interactions entre particules génèrent différents comportements macroscopiques. Les interactions entre particules (et entre particules et fluide) dominantes sont les suivantes : les interactions colloïdales, la dissipation visqueuse, l’énergie cinétique des particules et les contacts directs entre particules [24,27,28]. Selon la concentration des particules dans le mélange et la sollicitation externe (i.e.l’amplitude de la contrainte ou de la vitesse de déformation appliquée au matériau), une ou plusieurs de ces interactions peuvent dominer [24,27,28].

Composition d’une pâte de ciment 

L’eau est le seul composant liquide dans le mélange. Sa viscosité Newtonienne à 20°C est µ0 =1 mPa.s. Les particules de ciment, dont la densité ρp est de l’ordre de 3000kg/m3 , sont en suspension dans ce liquide. Leur taille varie entre 1 et 100µm. Nous considérerons par la suite que leur taille caractéristique d est de l’ordre de 10µm. Les pâtes de ciment sont en général et historiquement caractérisées par leur rapport massique Eau sur Ciment E /C .

La fraction volumique φ (i.e. le rapport entre le volume de l’espèce présent dans l’échantillon et le volume total de l’échantillon), contrairement à la fraction massique utilisée de manière traditionnelle dans la formulation des matériaux cimentaires, permet de décrire de façon directe le degré d’encombrement d’une suspension, paramètre fondamental du comportement rhéologique.

Les propriétés de surface du ciment sont complexes. Lors de la mise en contact des grains de ciment et de l’eau, une dissolution partielle du ciment a lieu et des produits d’hydratation sont formés durant les premières minutes. Notamment, dès que le C3S est en contact avec l’eau, des C-S-H (silicates de calcium hydratés) apparaissent dans le système. La nucléation des C-S-H est un phénomène hétérogène qui a lieu à la surface des particules de ciment [29]. La croissance des C-S-H peut être vue comme un processus d’agglomérat de particules anisotropes. Ces agglomérats se développent jusqu’à ce que la surface du grain soit complètement recouverte d’une couche de C-SH. Des observations au microscope à électron ont permis la visualisation de cette couche de C-S-H autour du grain anhydre [30-33].

La surface des C-S-H est caractérisée par une forte densité de charges électriques. Les C-S-H présentent une structure constituée d’un double plan d’ions calcium 2+ Ca auquel sont greffées des chaînes de silicate désordonnées [29,34,35]. Le silicate est considéré comme un assemblage de tétraèdres, dont les centres sont occupés par des ions silicium et les sommets par des ions oxygène. Si ces oxygènes ne sont pas utilisés pour connecter deux tétraèdres ou pour lier un ion calcium, des groupes silanols SiOH sont formés. Les groupes silanols de surface sont alors ionisés par :

Si-OH + OH- → SiO- + H2O

A fort pH, comme c’est le cas au sein d’une pâte de ciment, la plupart des sites sont ionisés générant une charge de surface élevée. La surface des silicates de calcium et des particules de ciment dans l’eau devient alors positive en raison de la couche condensée d’ions calcium adsorbés [36-38]. Plusieurs auteurs [39-41] décrivent cette forte densité de charge de surface comme l’origine de la cohésion d’une pâte de ciment durcie.

Contribution des interactions colloïdale

Plusieurs types d’interactions à distance apparaissent au sein des matériaux cimentaires [27,28]. A courte distance, les particules de ciment interagissent via des forces attractives de van der Waals [42]. De même, des forces électrostatiques qui résultent de la présence des cations adsorbés à la surface des particules sont présentes [42]. L’intensité de chacune de ces interactions dépend principalement de la distance de séparation entre les particules. Il a pu être démontré que les interactions de van der Waals dominaient les autres interactions colloïdales dans le cas de pâtes de ciment et ainsi dictaient la distance inter-particules [44,45]. Le mouvement Brownien n’est pas capable de séparer les particules soumises à ces interactions [24].

Contribution de la germination-croissance des C-S-H 

Il existe au sein de la suspension d’autres interactions inter-particulaires liées à la germination-croissance de C-S-H entre les grains. Elles ne sont pas visibles en écoulement rapide car perpétuellement détruites par le cisaillement (ou négligeables devant les autres sources de dissipation) mais elles peuvent être mesurées lors d’une mise en écoulement lente. Dans le cas d’un fluide à seuil comme la pâte de ciment, la contrainte appliquée au système doit être supérieure à la contrainte seuil du matériau pour que l’écoulement démarre (Cf. Fig. 1.13). La déformation critique associée à cette contrainte seuil est de l’ordre de quelques %. Elle trouve son origine dans le réseau des interactions colloïdales entre les particules de ciment décrit précédemment [47].

A faible déformation, il est cependant possible de détecter une déformation critique de l’ordre de 10⁻³ . Elle a été associée à la rupture des hydrates qui se forment préférentiellement aux points de contacts entre les grains de ciment agrégés [47,48].

A la fin du malaxage ou de façon plus générale à la fin d’un écoulement, les particules de ciment sont dispersées dans le fluide interstitiel. A cause des forces attractives colloïdales, les particules de ciment floculent en quelques secondes et forment un réseau de particules en interactions capable de résister à une contrainte (Cf. Fig. 1.15). Aux points de contacts entre les particules au sein du réseau, la nucléation des C-S-H transforme localement les interactions colloïdales « molles » en ponts de C-S-H. Apres quelques dizaines de secondes (e.g. 100 s dans [48] et 30 s dans [47]) un réseau percolé de particules interagissant par des ponts de C-S-H apparaît (Cf. Fig. 1.15). Après plusieurs centaines de secondes, la taille ou le nombre de ponts de C-S-H entre les particules de ciment percolées augmentent significativement et intensifient le réseau d’interactions des particules. Ce phénomène se poursuit jusqu’à la prise du matériau. La combinaison de la formation/destruction du réseau d’interactions colloïdales et de la formation/destruction du réseau d’interactions rigides a récemment été proposée comme l’origine de la dépendance du comportement rhéologique à l’histoire de cisaillement (i.e. thixotropie) [47,49-52].

Contribution de l’énergie cinétique des particules 

A fortes vitesses de cisaillement, la contribution de l’énergie cinétique de particules liée à leurs fluctuations de vitesses dans la suspension en écoulement n’est plus négligeable [24,54]. Dans cette situation particulière, les effets hydrodynamiques ne sont plus proportionnels à la vitesse d’écoulement du fluide porteur (et la vitesse de cisaillement γ) mais à l’accélération des particules et à ses conséquences sur le fluide porteur. La densité d’énergie devient alors progressivement proportionnelle à 2 γ . La contribution de cette énergie cinétique est donc proportionnelle à γ .

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Table des matières

Introduction générale
Chapitre 1 : Traduction du problème industriel en problème scientifique
1.1. Les mortiers monocouches : formulation, spécifications et mise en œuvre
1.1.1. Description de l’application
1.1.2. Formulation type d’un mortier monocouche
1.1.3. Mise en œuvre
1.1.4. Spécifications
1.2. Rhéologie et rhéométrie
1.2.1. Lois de comportement
1.2.2. Rhéométrie
1.2.2.1. Géométrie plan-plan (plateaux parallèles)
1.2.2.2. Géométrie Couette
1.2.2.3. Géométrie Vane
1.3. Traduction des performances requises en paramètres rhéologiques
1.3.1. Capacité d’adhésion
1.3.2. Résistance à l’affaissement
1.3.3. Caractère collant
1.3.4. Facilité de lissage
1.3.5. Rétention d’eau
1.4. Origine du comportement rhéologique des matériaux cimentaires
1.4.1. Mortier et pâte de ciment
1.4.2. Comportement et interactions
1.4.3. Composition d’une pâte de ciment
1.4.4. Contribution des interactions colloïdales
1.4.5. Contribution de la germination-croissance des C-S-H
1.4.6. Contribution des effets hydrodynamiques
1.4.6.1. Contribution visqueuse
1.4.6.2. Contribution de l’énergie cinétique des particules
1.4.7. Régimes d’écoulement
1.4.8. Contribution des contacts
1.5. Les éthers de cellulose
1.5.1. Synthèse des éthers de cellulose
1.5.2. Degrés de substitution
1.5.3. Masses molaire(s)
1.5.4. Rayon de giration, caractère hydrophobe et amphiphile
1.5.5. Granulométrie et dissolution
1.6. Effet des polymères sur la rhéologie des suspensions
1.6.1. Polymères adsorbés
1.6.1.1. Répulsion stérique
1.6.1.2. Forces attractives de « bridging »
1.6.2. Polymères non adsorbés : forces de déplétion
1.7. Positionnement et démarche scientifique
1.8. Références du chapitre
Chapitre 2 : Les éthers de cellulose dans la solution interstitielle d’une suspension cimentaire
2.1. Les éthers de cellulose en solution
2.1.1. Les polymères en solution aqueuse. Généralités
2.1.1.1. Conformations et régimes en solution
2.1.1.2. Viscosité de solutions aqueuses de polymères
2.1.2. Viscosité des éthers de cellulose en solution
2.1.2.1. Paramètres structure-propriétés pour les éthers de cellulose
2.1.2.2. Préparation des solutions
2.1.2.3. Protocole rhéométrique
2.1.2.4. Influence de la thixotropie
2.1.2.5. Résultats expérimentaux
2.1.2.6. Influence des paramètres moléculaires
2.1.2.7. Concentration critique des éthers de cellulose en solution
2.1.2.8. Application des lois structure-propriétés sur les solutions d’éthers
2.1.2.9. Caractère associatif et viscosité pour de forts dosages
2.1.2.10. Rayon de giration et longueur de chaine
2.2. Les éthers dans la solution interstitielle d’une pâte de ciment
2.2.1. Solution interstitielle d’une pâte de ciment
2.2.2. Influence des ions calcium et du pH
2.2.2.1. Préparation des échantillons
2.2.2.2. Protocole rhéométrique
2.2.2.3. Résultats expérimentaux
2.3. Adsorption des éthers à la surface des grains de ciment
2.3.1. Protocoles de mesure
2.3.2. Résultats expérimentaux
2.3.3. Paramètres moléculaires et adsorption
2.3.4. Mécanisme d’adsorption
2.4. Conclusions du chapitre
2.5. Retour sur l’application
2.6. Références du chapitre
Chapitre 3 : Éthers de cellulose et seuil d’écoulement des pâtes de ciment
3.1. Protocoles de mesure
3.1.1. Préparation des pâtes de ciment
3.1.2. Protocole rhéométrique
3.1.3. Résultats expérimentaux
3.2. Temps de solubilisation du polymère
3.3. Analyse générale des déformations critiques du système
3.4. Développement d’un protocole permettant le suivi des trois déformations critiques
3.5. Influence des éthers de cellulose sur le seuil et les déformations critiques
3.5.1. Exemple de l’effet du dosage en polymère sur la courbe contrainte-déformation
3.5.2. Effet des éthers de cellulose sur la nucléation des C-S-H
3.5.3. Effet des éthers de cellulose sur le réseau d’interactions colloïdales
3.5.4. Création d’un nouveau réseau de floculation
3.6. Conclusions du chapitre
3.7. Retour sur l’application
3.8. Références du chapitre
Conclusion générale

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