Organisation histologique et fonctionnelle de la glande mammaire

Organisation histologique et fonctionnelle de la glande mammaire

La glande mammaire est dédiée à l’allaitement des nouveaux-nés chez les mammifères. Chez la femme, le sein est composé de 12 à 20 lobes de glande mammaire, séparés et maintenus par des tissus conjonctif et adipeux. Chaque lobe est constitué de lobules desservis par des canaux lactifères ou galactophores qui se rejoignent au niveau du mamelon (Figures 1 et 2). Sous l’influence des hormones ovariennes et hypophysaires, le développement de la glande mammaire suit plusieurs stades de différentiation associés notamment à la puberté, la grossesse et la lactation, ainsi qu’à la ménopause. Cette évolution morphologique a été particulièrement bien décrite par plusieurs équipes, grâce à l’étude histologique et fonctionnelle de glandes mammaires prélevées à différents stades du développement et de la vie reproductive.

Développement de la glande mammaire

A la naissance, la glande mammaire est essentiellement formée de galactophores se terminant par des unités ducto-lobulaires simples ou TDLU (Terminal Ductal Lobular Unit) (Figure 3 A). Durant la croissance, des bourgeons alvéolaires se forment progressivement sur les terminaisons des galactophores. A la puberté, le sein subit des modifications importantes liées à une augmentation du volume de tissu adipeux et à une différentiation de la glande mammaire. Les galactophores se ramifient progressivement et vont constituer des lobules plus différenciés appelés Lob 1 qui contiennent une dizaine de structures alvéolaires chacun. Certains Lob 1 vont également se développer en Lob 2 par extension du nombre de ramifications et d’alvéoles, mais cette différentiation n’ira pas plus loin chez les femmes nullipares. En revanche, lors de la première grossesse, les Lob 3 apparaissent et constituent des structures lobulaires beaucoup plus riches de plus de 80 alvéoles. Ces structures alvéolaires atteignent leur seuil maximal de différentiation lors du dernier trimestre de la grossesse, par l’acquisition d’une fonction sécrétoire propre aux Lob 4 ou acini, responsables de la production de lait (Figure 3 A et B). Ces structures Lob 4 restent actives tout au long de l’allaitement, mais à l’arrêt de celui-ci, les acini régressent en structures Lob 3 et 2 par apoptose massive des cellules épithéliales. Après la ménopause, les lobules se dédifférencient en structures morphologiquement semblables aux Lob 1 présents chez les femmes nullipares (Howard and Gusterson 2000; Naccarato, Viacava et al. 2000; Russo and Russo 2004; Russo, Mailo et al. 2005; Russo, Moral et al. 2005).

Histologie et cellules de la glande mammaire

Dès la vingt huitième semaine de vie intra-utérine, les structures canalaires et lobulaires de la glande mammaire humaine sont constituées d’un épithélium de deux types cellulaires répartis en deux ou plusieurs couches organisées autour d’une lumière. La couche interne est composée de cellules épithéliales luminales polarisées qui sont responsables de la production du lait pendant la lactation. Les cellules épithéliales basales, ou cellules myoépithéliales, constituent la couche externe et bordent la membrane basale qui sépare le compartiment épithélial de la matrice extracellulaire (MEC), du stroma ou tissu palléal, et du tissu adipeux présents autour des structures de la glande mammaire (Figure 4) (Anbazhagan, Osin et al. 1998; Howard and Gusterson 2000; Russo and Russo 2004).

Cellules épithéliales luminales
Les cellules luminales constituent la couche interne des structures de la glande mammaire (Figure 4). Sous l’influence d’hormones ou de facteurs de croissance, ces cellules sont responsables de la production du lait lors de la lactation. Les cellules luminales sont classiquement caractérisées par l’expression de la molécule d’adhésion EpCAM/ESA, la glycoprotéine mucine 1 (MUC-1), les cytokératines CK8 et CK18, les récepteurs hormonaux à l’estradiol (ER), à la progestérone (PR) et à la prolactine (PRLR), ainsi que par la production de protéines du lait comme la caséine et la lactalbumine-alpha durant la lactation (Dulbecco, Henahan et al. 1982; Kao, Nomata et al. 1995; Stingl, Eaves et al. 1998). Il a également été démontré que certaines cellules luminales pouvaient exprimer les cytokératines 5/6 (CK5/6), 14 (CK14) et 17 (CK17) de façon significative (Page, Amess et al. 1999).

Cellules myoépithéliales
Les cellules myoépithéliales sont, comme leur nom l’indique, des cellules épithéliales présentant des caractéristiques de cellules musculaires lisses et dont le rôle est de favoriser le transport du lait à travers les galactophores, des acini jusqu’au mamelon (Figure 4). Ces cellules de forme allongée ou étoilée sont réparties en une couche plus ou moins discontinue en périphérie des cellules luminales, et possèdent de longs prolongements cytoplasmiques qui constituent un réseau contractile. Les cellules myoépithéliales expriment les CK5/6, CK14 et CK17, l’endopeptidase neutre (CD10/CALLA), la cadhérine P et le facteur de transcription p63, caractéristiques des cellules basales des épithéliums stratifiés. Elles sont également riches en protéines spécifiques des cellules musculaires lisses et responsables de leurs propriétés contractiles, telles que des myofilaments projetés dans le stroma dont notamment l’actine alpha du muscle lisse (SMA) ou la myosine (Kao, Nomata et al. 1995; Howard and Gusterson 2000; Gusterson, Ross et al. 2005; Dewar, Fadare et al. 2011). Par ailleurs il a été montré que les cellules myoépithéliales pouvaient agir comme des gardiennes de l’intégrité tissulaire de la glande mammaire en maintenant la polarité des structures (Gudjonsson, Ronnov-Jessen et al. 2002). Les cellules myoépithéliales contribuent à la formation et au maintien de la membrane basale par l’expression de fibronectine, de collagène IV et de laminines (Warburton, Ferns et al. 1982; Petersen and van Deurs 1988). Leur attachement à la membrane basale ainsi qu’aux autres cellules passent notamment par des intégrines telles que les intégrines beta 4 et alpha 1 (Gudjonsson, Ronnov-Jessen et al. 2002; Gudjonsson, Adriance et al. 2005). Certaines cellules myoépithéliales montrent cependant un profil moins différencié par l’absence d’expression de la protéine SMA ou des CK5, CK14 ou CK17. Cela suggère une hiérarchie dans la différentiation du lignage myoépithélial (Zhang, Man et al. 2003).

Cellules souches et cellules progénitrices
Cette partie est une mise à jour des connaissances existantes sur les cellules souches adultes multipotentes et les cellules progénitrices de la glande mammaire. Par opposition aux cellules souches totipotentes capables de générer un organisme complet, les cellules souches adultes multipotentes sont déjà engagées dans un programme de différentiation qui leur permet seulement de donner naissance à plusieurs types cellulaires, souvent au sein d’un même organe. Les propriétés de ces cellules souches adultes associent une longue durée de vie et une capacité à la fois à s’auto-renouveler et à produire des cellules filles capables de se différencier. Les cellules progénitrices issues des cellules souches sont d’autant plus spécialisées dans la formation d’un tissu et présentent une capacité d’auto-renouvellement plus limitée. Les données suivantes sont issues de nombreux travaux et sont essentielles à la compréhension des mécanismes du développement de la glande mammaire.

La capacité du sein à proliférer et se différencier intensivement en fonction des périodes de la vie génitale a rapidement suggéré la présence de cellules souches capables de se régénérer pour faire évoluer la morphologie de la glande mammaire. Des études réalisées sur les cellules de la glande mammaire humaine et murine ont permis de mettre en évidence l’existence de cellules souches multipotentes capables de régénérer une glande mammaire complète. Au départ, il a été suggéré que les terminaisons des TDLU pouvaient être des foyers de cellules souches puisqu’ils étaient à l’origine des transformations morphologiques et de la différenciation de la glande mammaire (Dulbecco, Henahan et al. 1982). Cependant, l’équipe de D. Medina a montré que des fragments prélevés à différents endroits de la glande mammaire murine puis implantés dans le coussin adipeux mammaire de la souris étaient capables de former des structures différenciées et fonctionnelles, indiquant que ces cellules souches étaient réparties dans l’ensemble du réseau de la glande mammaire (Figure 4) (Smith and Medina 1988). Le même type d’expérience a été réalisé à l’aide de cellules mammaires prélevées et digérées à partir de glande mammaire humaine, puis implantées chez la souris immunodéficiente NOD/SCID. Dans ces conditions, la reconstitution d’une glande mammaire humaine complète n’a pu être observée qu’avec l’injection préalable de fibroblastes mammaires humains immortalisés dans le coussin adipeux des souris, soulignant ici l’influence de l’environnement stromal dans développement de la glande mammaire (Kuperwasser, Chavarria et al. 2004).

Par ailleurs, la technique de formation des « mammosphères » mise au point par le laboratoire de M. Wicha, a permis d’isoler des populations enrichies en cellules souches à partir de la glande mammaire humaine. Comme illustré en Figure 5, les cellules épithéliales dissociées par voie enzymatique sont mises en culture en suspension, dans un milieu sans sérum mais complété par des facteurs de croissance. Dans ces conditions, seul un petit nombre de cellules est capable de survivre et de proliférer pour former des sphéroïdes multicellulaires appelés mammosphères. Ces cellules présentent des propriétés de cellules souches et sont capables de s’autorenouveler. Les cellules des mammosphères cultivées en 2D sur du collagène se différencient et donnent des colonies multi-lignages (cellules luminales et myoépithéliales). Lorsqu’elles sont cultivées en 3D dans du Matrigel elles donnent naissance à des structures lobulaires. Enfin, l’injection de ces cellules dans le coussin adipeux mammaire de souris immunodéficientes NOD/SCID permet de reconstituer des structures mammaires différenciées (Dontu, Abdallah et al. 2003). La technique de cytométrie de flux servant à isoler les cellules exprimant un marqueur spécifique a permis de caractériser le phénotype des cellules constituant les mammosphères, et plus spécifiquement des cellules capables de régénérer une glande mammaire ou bien un type cellulaire particulier après réimplantation chez la souris. Les marqueurs des cellules souches et de ces cellules progénitrices ont pu être définis et l’idée d’une hiérarchie cellulaire au sein de la glande mammaire a ainsi été établie. Un modèle de cette hiérarchie a été proposé par J. Visvader, à partir des marqueurs humains identifiés (Figure 6) (Visvader 2009). Parmi les principaux marqueurs déterminés, l’aldéhyde déshydrogénase 1 (ALDH1) montre une activité exacerbée dans le compartiment cellulaire capable de générer des structures de glande mammaire une fois implantées chez la souris. Si des cellules positives pour ALDH1 sont capables de donner naissance à des colonies cellulaires composées de cellules épithéliales luminales EpCAM/ESA+ et myoépithéliales CALLA/CD10 +, elles-mêmes ne présentent pas ces deux marqueurs, ni-même les marqueurs CK5/6, CK14, CK18 ou SMA. Cela indique qu’il s’agirait donc de cellules souches ou progénitrices bipotentes dédifférenciées, capables de se diviser en cellules plus différenciées de type épithéliales luminales ou myoépithéliales. Le faible pourcentage (4 à 10%) de cellules ALDH1+ capables de s’autorenouveler en formant des mammosphères, laisse penser qu’il s’agirait plutôt d’un marqueur spécifique des progénitrices avec une capacité d’auto-renouvellement limitée.  Par ailleurs seules 67% des colonies cellulaires formées par les cellules ALDH1+ sont constituées d’un mélange de cellules luminales et myoépithéliales, indiquant que ce marqueur n’est pas totalement spécifique des cellules souches ou progénitrices de la glande mammaire (Ginestier, Hur et al. 2007). Les sous-populations cellulaires exprimant fortement l’intégrine alpha 6 (CD49f) et très faiblement EpCAM (populations dites CD49fhi/EpCAMlo/- ) sont également enrichies en cellules ayant des propriétés de cellules souches ou progénitrices bipotentes. Ces cellules sont capables de régénérer des structures de glande mammaire et présentent des capacités d’auto renouvellement qui sont cependant limitées (Eirew, Stingl et al. 2008; Lim, Vaillant et al. 2009). Le niveau d’expression de ces deux marqueurs a aussi permis de caractériser des cellules progénitrices engagées dans une voie de différentiation. Les cellules CD49fhi/EpCAMlo/- expriment les marqueurs p63 et CK14 pour 76 et 60% d’entre elles respectivement, ce qui témoignerait d’une capacité à se différencier en cellules myoépithéliales, en plus de leur capacité de cellules bipotentes. Les populations CD49f+/EpCAM+ sont enrichies en cellules progénitrices luminales. En effet ces cellules expriment majoritairement les marqueurs MUC1, CK8, CK18, CK19 spécifiques des cellules luminales différenciées CD49f- /EpCAM+ et seulement un tiers d’entre elles expriment ERα. Il s’agit aussi de la seule population qui exprime CD133, un marqueur de cellules progénitrices dans d’autres tissus. Néanmoins, cinquante pour cent d’entre elles expriment aussi les CK5/6, ce qui expliquerait pourquoi ce marqueur est retrouvé dans certaines cellules luminales différenciées (Stingl, Eaves et al. 2001; Eirew, Stingl et al. 2008; Raouf, Zhao et al. 2008; Lim, Vaillant et al. 2009). L’ensemble de ces études suggère donc fortement que les cellules luminales et myoépithéliales proviendraient d’un progéniteur commun et que le compartiment épithélial de la glande mammaire est étroitement hiérarchisé (Figure 6).

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Table des matières

INTRODUCTION
I. ANATOMIE DU SEIN
A. Organisation histologique et fonctionnelle de la glande mammaire
1) Développement de la glande mammaire
2) Histologie et cellules de la glande mammaire
a. Cellules épithéliales luminales
b. Cellules myoépithéliales
c. Cellules souches et cellules progénitrices
B. Tissu adipeux et stroma : un soutien anatomique et nutritif
II. PHYSIOLOGIE ET REGULATION HORMONALE DU SEIN
A. Hormones sexuelles : synthèse et mécanismes de signalisation
1) Hormones stéroïdiennes et cycle menstruel
2) Description fonctionnelle des récepteurs nucléaires
3) Le récepteur des estrogènes
a. Isoformes
b. Modifications post-traductionnelles
c. Mécanismes de la signalisation du récepteur des estrogènes
i. Fixation du ligand et trafic nucléo-cytoplasmique
ii. Mécanismes transcriptionnels ligand-dépendants
iii. Co-régulateurs
iv. Mécanismes transcriptionnels ligand-indépendants
4) Le récepteur de la progestérone
a. Isoformes
b. Modifications post-traductionnelles
c. Mécanismes de la signalisation du récepteur de la progestérone
i. Fixation du ligand et trafic nucléo-cytoplasmique
ii. Mécanismes transcriptionnels ligand-dépendants
iii. Co-régulateurs
iv. Mécanismes transcriptionnels non génomiques
5) Hormones sexuelles : les protagonistes du développement mammaire
a. Données issues du sein humain
b. Données issues de la glande mammaire animale
B. Les glucocorticoïdes dans le sein : un rôle en exploration
1) Le récepteur des glucocorticoïdes
2) Signalisation des glucocorticoïdes dans le sein
C. Autres facteurs de développement du sein
III. CANCER DU SEIN
A. Données épidémiologiques
B. Le cancer du sein : un cancer multifactoriel
1) Prédisposition familiale héréditaire
2) Facteurs environnementaux
3) Facteurs hormonaux endogènes et vie reproductive
4) Facteurs hormonaux exogènes
5) Implication des glucocorticoïdes dans le cancer du sein
C. Le cancer du sein : une maladie hétérogène
1) Classification des sous-types majeurs du cancer du sein
2) Une origine cellulaire en définition
IV. MUTATION DU GENE BRCA1 ET CANCER DU SEIN
A. Présentation de BRCA1 : une protéine multifonctionnelle
1) Découverte et localisation génomique
2) Structure protéique
3) Fonctions cellulaires de BRCA1
a. Intégrité du génome, réparation de l’ADN, et cycle cellulaire
b. Régulation de la transcription
c. Facteur de différentiation
d. Autres fonctions régulatrices de BRCA1
B. Implication de BRCA1 dans le développement du cancer du sein et influence des hormones
1) Tumeurs BRCA1
2) Spécificité tissulaire des cancers liés à la mutation de BRCA1
3) Relation entre BRCA1 et les récepteurs hormonaux
a. Récepteur des estrogènes
b. Récepteur de la progestérone
c. Récepteur des glucocorticoïdes
4) Etapes et facteurs de transformation tumorale BRCA1 : une chronologie à établir
V. ANTIPROGESTATIFS ET POTENTIEL CLINIQUE
A. Développement et mécanismes d’action des antiprogestatifs
B. Ulipristal Acétate
1) Structure et métabolisme de l’ulipristal acétate
2) Actions de l’UPA sur les récepteurs nucléaires
C. Applications thérapeutiques actuelles et potentielles de l’ulipristal acétate
1) Contraception
2) Fibromes de l’utérus
3) Cancers : traitement et prévention
CONCLUSION

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