Organisation et intérêts de la RMM sur la prévention des litiges au Pavillon Odontologie depuis 2013

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Litiges financiers

Peuvent être définis comme financièrement litigieux, au Pavillon, des cas où une demande de remboursement a été effectuée sans pour autant qu’il y ait forcément un réel contentieux entre l’Hôpital et le patient. Dans ces cas-là, aucune faute ni erreur n’est reprochée par le patient à l’encontre du service public, la demande de remboursement se fait avec l’accord mutuel des deux protagonistes sans qu’une plainte n’ait besoin d’être déposée. Plusieurs exemples peuvent illustrer ces cas :
La politique actuelle du service Odontologie de la Timone concernant la pose implantaire est d’acheter et faire payer automatiquement au patient un matériau de comblement osseux de façon « prévisionnelle », en cas de nécessité lors de la chirurgie implantaire, et qui pourra lui être remboursé s’il s’est finalement avéré inutile. On peut donc retrouver dans la liste des « litiges » gérés au Pavillon aussi bien la demande de remboursement découlant d’un échec de soin ou d’une faute thérapeutique, que celle d’un matériau biocompatible acheté en prévision lors d’une pose d’implant et qui n’a pas été utilisé, sans lien avec une quelconque faute ou erreur commise.
De même, de façon générale, dans le cas d’échec d’une chirurgie implantaire dans les mois ayant suivi la pose des implants, ceux-ci pourront être remboursés ou reposés aux frais de l’hôpital.
Exemple 1 :
Mme Z, sans de problème de santé particulier, devait se faire poser un implant au niveau de l’incisive latérale gauche (la 22). L’implant a été posé en mars 2015, puis déposé en février 2017 en raison d’un défaut d’ostéointégration. Elle a donc demandé suite à cela le remboursement de l’implant, de la membrane qui n’a pas été utilisée et de la prothèse transitoire qui n’a également pas pu être mise en bouche.
Dans ce cas il existe un litige « sans conflit » entre les protagonistes, la survenue d’un échec d’ostéointegration ne pouvant (sauf exception de non-respect des protocoles implantaires) être imputable au praticien. Il n’existe pas de faute qui puisse être reprochée au service par Mme Z, celui-ci ayant mis en oeuvre tous les moyens dont il disposait pour soigner la patiente selon les données avérées de la science. De son côté, le service public a reconnu le bien-fondé de la demande de remboursement et la patiente a pu être indemnisée.
Une demande de remboursement peut aussi survenir lors d’un changement de plan de traitement en cours de soins, alors que le devis concernant le premier plan de traitement proposé a été accepté et payé par le patient. Couramment, pour des suivis de cas complexes de patients pouvant durer plusieurs années, il se peut qu’il y ait un changement de praticien référent chargé du cas, pour diverses raisons. Le nouveau praticien peut décider de changer le plan de traitement en cours s’il juge l’ancien non réalisable ou qu’une autre alternative thérapeutique est selon lui préférable. Si le devis du plan de traitement initial a déjà été accepté et payé par le patient, celui-ci devra demander un remboursement de ce devis, ou au moins des parties modifiées du devis initial.
Le praticien peut aussi, en cours de soins, choisir de revoir sa propre proposition thérapeutique s’il s’aperçoit que le plan de traitement proposé initialement n’est finalement pas réalisable (par exemple, un bridge prévu mais dont on se rend compte qu’un des piliers n’est finalement pas conservable après dépose de la prothèse existante) ou qu’il s’est rendu compte qu’il n’est pas ou plus le plus indiqué dans le cas du patient, après découverte de nouvelles informations.
Exemple 2 : Mr R.
Mr R s’est présenté en consultation en 2016 pour une réhabilitation prothétique globale. Le plan de traitement initialement proposé comprenait l’avulsion des incisives maxillaires restantes et la pose d’une prothèse totale immédiate provisoire, puis la réalisation de la prothèse définitive en résine. Les fractures à répétition de la prothèse provisoire ont permis de mettre en évidence le caractère bruxomane de ce patient. Il a, de ce fait, été choisi de réaliser une prothèse définitive à base métallique au lieu de celle à base résine prévue à l’origine, moins apte à supporter les contraintes occlusales importantes auxquelles elle risquerait d’être soumise. Après explication à Mr R., il a accepté le changement de plan de traitement et une demande de remboursement de la prothèse totale définitive en résine qui avait été payée à l’origine a été faite par le patient.
Même si ce cas est considéré comme un « litige » au Pavillon puisqu’une demande de remboursement ait été effectuée, là encore, aucun contentieux n’existe en réalité entre Mr R et l’AP-HM, aucune faute n’étant reprochée au service Odontologie.

Litiges organisationnels

Dans d’autres cas, une réelle défaillance peut être reprochée par le patient à l’hôpital. Celle-ci peut trouver deux origines différentes : il peut s’agir d’une défaillance technique, matérialisée par une mauvaise maîtrise d’un acte technique lors d’un soin qui aura entraîné un dommage pour le patient, ou d’une défaillance dans le consentement éclairé, de par une mauvaise communication entre le praticien soignant et son patient.

Litige par défaillance technique

Tout acte de soin dentaire comporte des risques inhérents à sa réalisation. Ceux-ci doivent, avant d’entreprendre un soin, être spécifiés au patient. Les risques existants engagent la responsabilité du praticien ou du service public, mais peuvent être exempts de faute professionnelle. On peut ainsi distinguer les fautes médicales et les accidents médicaux non fautifs.
 Les fautes médicales :
Il peut s’agir de fautes dans l’exécution des soins ou des actes médicaux (perforation d’une dent lors d’un acte endodontique), des erreurs de diagnostic et des erreurs de choix thérapeutique.
Exemple 3 : Mme X.
Consultation en urgences pour des douleurs présentes secteur 2. Des examens cliniques et radiographies rétro-alvéolaires ont permis de diagnostiquer la présence de parodontites apicales aigues au niveau des dents 25 et 27 (piliers de bridge). Il est alors prévu de déposer le bridge, faire le retraitement endodontique des 25 et 27 puis réaliser une nouvelle prothèse fixée.
Lors de la réalisation de la cavité d’accès endodontique de la 27, on relève alors une perforation de la dent. Celle-ci n’est plus conservable.
La radiographie rétro-alvéolaire préopératoire ne permettant pas de dire si le plancher de la 27 était carié avant la dépose du bridge, la faute est de ce fait imputable au service.
Le litige relève ici a priori d’une mauvaise maîtrise du geste technique de l’étudiant ayant réalisé l’acte, la responsabilité du service est engagée de par cette faute médicale.
 Les accidents médicaux non fautifs :
Dans ce cas-là, la responsabilité d’un professionnel ne peut être engagée : qualifié par la Cour de Cassation comme étant « la réalisation, en dehors de toute faute du praticien, d’un risque accidentel inhérent à l’acte médical et qui ne pouvait être maîtrisé » (6) ; étant entendu comme accident médical « un événement imprévu causant un dommage sans rapport avec l’état initial du patient ou son évolution prévisible ».
L’arrêt Bianchi du 9 avril 1993 illustre bien cette question. Il dissocie faute et indemnisation. Il permet l’indemnisation de la victime sans la condamnation du praticien.
L’arrêt Bianchi :
« M. Bianchi avait subi une artériographie vertébrale à l’hôpital de la Timone à Marseille. Aucune faute du service public hospitalier ne pouvait être relevée par le juge. L’intervention avait été pratiquée par une équipe qualifiée, le consentement du patient avait été recueillie, les soins post-opératoires avaient été satisfaisants et l’expertise, ordonnée par le conseil d’Etat, avait établi que l’exécution de l’artériographie avait été normale. Néanmoins M. Bianchi était atteint, depuis l’artériographie, d’une tétraplégie des membres inférieurs et souffrait d’importantes douleurs résistant aux thérapeutiques.
Or dans le cas d’artériographie vertébrale, le risque d’accident a été estimé en 1980 à 3 ou 4 pour 10 000 par une étude de Shehadi et Tonido. De même les risques en cas d’utilisation des produits de contraste iodés en injections intra-vasculaires, comme c’est le cas de l’artériographie, sont de 1 décès pour 150 000 (…/…).
Le conseil d’Etat a reconnu un droit à indemnisation à M. Bianchi et donc admis la responsabilité sans faute du service public hospitalier sur le fondement du risque thérapeutique. »
L’arrêt Bianchi a permis de créer une jurisprudence, déterminant que le patient peut avoir le droit à une réparation sans nécessité de la présence d’une faute médicale.

Litige par défaut de communication

Comme il est souligné dans l’article L.1111-2 du Code de la Santé Publique, et avant cela dans le Serment d’Hippocrate, délivrer une information médicale claire, loyale, complète et appropriée est une condition essentielle au bon déroulement de la prise en charge médicale d’un patient. Celle-ci est la seule garante d’un consentement éclairé du patient aux futurs soins qui seront entrepris chez lui. Contrairement à la preuve de l’existence d’une faute médicale qui doit être apportée par le plaignant, la preuve de l’absence d’un défaut d’information est à la charge du praticien, ou dans le cadre du service public, à la charge de l’hôpital.
Le Code de la Santé Publique définit les modalités de cette obligation de consentement du patient : « Le médecin doit à la personne qu’il examine, qu’il soigne ou qu’il conseille une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu’il lui propose. Tout au long de la maladie, il tient compte de la personnalité du patient dans ses explications et veille à leur compréhension. »
Article R4127-35 du code de la santé publique (2).
« Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu’il lui fournit, les décisions concernant sa santé.
Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment. »
Article L1111-4 du code de la santé publique (8).
Des deux articles mentionnés ci-dessus il est possible de déterminer la mise en oeuvre de deux démarches essentielles et indépendantes l’une de l’autre nécessaires pour obtenir ce consentement :
– La délivrance d’une information loyale, claire et adaptée au degré de compréhension et à la psychologie du patient.
– Le recueil du consentement du patient, lequel doit être non seulement éclairé par l’information préalablement délivrée, mais également libre de toute pression ou contrainte.
Le caractère libre et éclairé du consentement implique également qu’un délai de réflexion soit respecté entre le moment de l’information et celui du consentement.
L’information médicale doit en outre être présente à toutes les étapes du soin, que ce soit avant de le débuter pour expliquer le diagnostic, le protocole de soins envisagé, la durée normale du traitement, son coût, les différents risques médicaux éventuels ; comme à la fin du soin pour rappeler si nécessaire les précautions à prendre (par exemple après une avulsion dentaire). Elle doit être également avancée en peropératoire si de nouvelles informations nécessitant d’être transmises au patient sont apparues.
L’article L1111-2 cité plus haut précise que l’information doit porter sur les risques « normalement prévisibles », c’est-à-dire connus au regard de l’état de la science, soit parce qu’ils sont « graves », soit parce qu’ils sont « fréquents ». Seuls les risques exceptionnels sans gravité échappent à cette obligation.
Que ce soit dans le service public ou dans le secteur médical libéral, les contentieux opposant les patients avec leur médecin impliquent quasi-systématiquement, seuls ou associés :
– L’apparition d’effet indésirable imprévu
– La réalisation d’un risque médical lors d’un acte technique complexe,
– Le coût final du soin, en particulier après survenue de complications qui entraînent la nécessité de nouveaux actes médicaux et apportent une modification sur le devis accepté à l’origine,
– La durée du traitement,
– Le résultat final qui peut ne pas être à la hauteur des attentes et espérances du patient.
À l’exception du risque médical -dont l’instruction reste néanmoins une obligation avant le soin- l’ensemble des préjudices qui impliquent les quatre autres points seraient théoriquement évitables si l’information délivrée à l’origine était suffisante : un consentement éclairé du patient suppose donc une compréhension de l’acte médical envisagé et du résultat attendu, des différents effets indésirables ou complications pouvant survenir lors du soin, et leurs conséquences sur la suite du traitement ; tant au niveau technique et financier que sur la durée prévisible de celui-ci.

Gestion des litiges

Organisation et intérêts de la RMM sur la prévention des litiges au Pavillon Odontologie depuis 2013

Définition de la Haute Autorité de Santé :
Une Revue de mortalité et de morbidité, ou Revue de Morbi-Mortalité (RMM) est une analyse collective, rétrospective et systémique de cas marqués par la survenue d’un décès, d’une complication, ou d’un évènement qui aurait pu causer un dommage au patient, et qui a pour objectif la mise en oeuvre et le suivi d’actions pour améliorer la prise en charge des patients et la sécurité des soins.
Il s’agit d’une analyse globale d’une situation lors de la prise en charge d’un patient, prenant en compte à la fois les éléments organisationnels, techniques et humains. (9)
Il s’agit donc d’étudier, dans un service médical, les cas cliniques ayant été marqués par un décès, une complication ou un évènement qui aurait pu causer un dommage au patient. La HAS recommande vivement la mise en place de RMM dans chaque secteur d’activité en établissement de santé.

Organisation de la RMM

La responsabilité de l’organisation de la RMM est confiée à un médecin expérimenté, volontaire, impliqué dans le fonctionnement du secteur d’activité et reconnu par ses pairs. Le médecin va sélectionner des cas à analyser lors des réunions. Ces cas devront présenter une complication, un dommage avéré ou ayant pu arriver au patient.
Au Pavillon Odontologie, les dossiers sont sélectionnés parmi les cas de litiges devant être gérés, et étudiés en réunion pluridisciplinaire. Un des participants à la réunion, en général un interne, présente le cas du jour, en commençant par une description chronologique des faits, sans interprétation. La présentation des cas se fait de manière anonyme (10). Viennent ensuite la recherche et l’identification des problèmes de soins, puis la détermination des causes de l’apparition de ces problèmes (11), leurs facteurs favorisants ou contributifs. Enfin, en sont déduits des enseignements sur la cause du ou des problèmes, si ceux-ci auraient pu être évités ou non, et le cas échéant, quelles actions d’amélioration de la qualité et sécurité des soins doivent être mises en oeuvre afin de limiter leur apparition à l’avenir.

Intérêts de la RMM

Un prérequis essentiel au bon fonctionnement, à l’efficacité des recherches et au succès des mesures définies suite aux réunions de RMM est la non-culpabilisation des personnes ayant participé à la prise en charge. Il s’agit de décrire les faits et d’analyser des situations s’étant produites, pour apprendre et comprendre afin d’agir ensemble pour renforcer la qualité et la sécurité des soins, sans porter de jugement sur les personnes, ni rechercher un coupable ou un responsable.
« Cet engagement n’est pas en soi un facteur d’accroissement de responsabilité. Au contraire, la mise en place de cette procédure apporte la preuve de la réactivité des équipes face à une situation de risque qui pourrait se renouveler. » (12)
Le but final de la RMM est de mettre en avant les processus ou pratiques de soins qui sont non optimaux de par l’augmentation de risque d’apparition d’évènements indésirables ou de dommages qu’ils génèrent. Ainsi, il devient possible de proposer des actions d’amélioration visant à diminuer la probabilité d’apparition des causes à l’origine du risque (actions préventives) ou à en limiter leurs effets délétères et leur gravité (actions protectrices). Enfin, suivre et évaluer les actions entreprises pour en mesurer l’efficacité (le taux d’incidents que l’on cherchait à réduire a-t-il diminué depuis la mise en place de l’action ?)
La revue de mortalité et de morbidité est ainsi une méthode permettant :
– L’évaluation et l’amélioration des pratiques professionnelles,
– Le perfectionnement des connaissances grâce au retour d’expériences réalisées,
– L’amélioration continue de la qualité et de la sécurité des soins,
– La maîtrise et la gestion des risques. (9)
Depuis leur mise en place en 2013 au Pavillon Odontologie, les réunions de RMM ont permis de mettre en évidence un certain nombre de dysfonctionnements dans la prise en charge des patients. Plusieurs éléments sont revenus de façon constante. Au niveau administratif, ont été notés une mauvaise tenue des dossiers des patients (absence de signature des praticiens référents, absence de traçabilité, etc.), une multiplicité des intervenants, qu’il s’agisse des étudiants en charge du dossier ou de leurs professeurs encadrants, et surtout un problème d’information du patient, que ce soit sur la durée du traitement, son coût estimé, les complications éventuelles pouvant survenir et le caractère réalisable de la réponse aux attentes du patient.
En réponse à ces constats, ont été proposées des actions permettant une plus grande vigilance concernant la gestion des dossiers et la validation des étapes cliniques par le praticien encadrant, la vérification de la signature des feuilles de consentement par le patient, et enfin la mise en place de staffs pluridisciplinaires (médicaux et paramédicaux) pour les plans de traitement complexes. L’intérêt de ces réunions est aussi de pouvoir quantifier de façon plus précise la part de responsabilité de l’hôpital ainsi que l’existence effective ou non d’une faute ou d’une erreur. L’analyse pluridisciplinaire du cas permet ainsi de déterminer si la demande de remboursement du patient est recevable, et aidera à déterminer la valeur du dédommagement qu’il sera possible de proposer au plaignant dans le cadre d’une gestion l’amiable de la plainte.

La gestion amiable

Suite à la plainte déposée par le patient auprès de l’établissement de soin, son dossier va suivre une procédure bien déterminée. La résolution du contentieux par un recours en tribunal administratif ne se fait qu’en dernier ressort, si aucune solution amiable n’a pu être trouvée auparavant. En réalité, la quasi-totalité des cas de litiges sont réglés de façon amiable : entre 2013 et 2017, sur les centaines de cas de « litiges » présentés au Pavillon Odontologie de la Timone, seuls deux d’entre eux sont allés jusqu’au tribunal administratif.
Après que la plainte ait été déposée par le patient, son dossier est transmis, et avec lui ses griefs et sa demande de dédommagement, au groupe de RMM qui devra analyser la plainte pour en évaluer la recevabilité. À la Timone, et depuis 2013, ce sont le Professeur Bruno FOTI et le Docteur Delphine TARDIVO, qui reçoivent et étudient les plaintes déposées. Si besoin est, d’autres intervenants peuvent apporter des éclaircissements dans le déroulement des soins du patient, notamment les praticiens référents qui ont eu en charge le dossier de celui-ci.
Si l’étude du dossier permet de mettre en avant le bienfondé de la demande de réparation, celui-ci sera alors transmis au chef de Pôle qui pourra valider, ou non, un remboursement ou un dédommagement.
Reprenons l’exemple de Mme Z. Après la dépose de son implant en février 2017, elle a adressé au service une lettre de demande de remboursement de 1294 €, représentant la valeur de l’implant, de la membrane de copiOs et de la prothèse transitoire, accompagné d’un courrier des praticiens référents attestant de l’échec implantaire le 23 février 2017. Le 3 mars, son dossier a été étudié par le Pr FOTI et le Dr TARDIVO qui ont validé la légitimité du remboursement demandé. Enfin, le Professeur TARDIEU, Chef de Pôle, a donné son aval au remboursement qui a finalement pu être effectué.
Cette approbation du Chef de Pôle du service médical concerné est la dernière étape indispensable à l’indemnisation du plaignant par l’hôpital.
Il va de soi que l’acceptation d’un remboursement ne se produit pas dans tous les cas de figure. Si l’équipe d’étude du dossier considère non recevable la demande de remboursement, celui-ci sera refusé au patient. Son seul recours possible alors sera une poursuite en tribunal administratif. Dans la majorité des cas, seuls les patients réclamant une indemnisation assez conséquente et persuadés d’être dans leur droit iront jusqu’à cette « extrémité », chronophage, coûteuse, et sans pour autant avoir l’assurance que cette demande d’indemnisation leur sera accordée par le tribunal.
Revoyons l’exemple de Mme P. ; gênée par l’esthétique de sa prothèse partielle amovible après adjonction de la 14 et d’un crochet de rétention sur la canine adjacente :
L’étude du dossier, après demande d’un avis spécialisé, a souligné l’existence d’une solution de traitement, par le positionnement du crochet sur une autre dent, dans un secteur moins esthétique.
La demande de remboursement a été refusée, mais une retouche de la prothèse pour déplacer le crochet incommodant a pu être suggérée à la patiente.
Suite à cette alternative proposée et de par le coût relativement peu élevé du dédommagement demandé (114,20 €) en balance avec les frais à engager pour une action en tribunal administratif, Mme P. a accepté cette solution de compromis.
Seuls sont dans la compétence de l’hôpital public le remboursement d’un soin payé qui n’ayant pas été réalisé et la proposition de dédommagement par un nouveau soin qui ne sera pas facturé au patient. Si celui-ci considère insuffisante cette proposition de réparation, considérant que le préjudice causé par la faute du praticien ou de l’étudiant implique une réparation allant au-delà d’un simple remboursement des soins payés ou des futurs soins proposés, son unique option sera alors d’engager une procédure en tribunal administratif, lui seul ayant la compétence nécessaire pour évaluer les postes de préjudices avérés et le montant réel de la réparation du dommage causé au patient.

La gestion en tribunal administratif

Faute médicale et responsabilité administrative

A la différence de la responsabilité médicale libérale qui relève de la juridiction civile, la responsabilité administrative relève d’une toute autre juridiction qui lui est bien spécifique : la juridiction administrative. Ainsi, seuls les tribunaux administratifs sont compétents pour juger un contentieux opposant un établissement public de santé et un patient.
Le statut même du praticien dans le cadre hospitalier diffère de celui dans un cadre libéral. En effet, le praticien hospitalier ne peut être considéré que comme un agent administratif ; ce n’est donc pas sa responsabilité propre qui est engagée en cas de litige avec un patient mais bien celle de l’hôpital. Toutefois, en cas de faute jugée « détachable », le praticien pourra néanmoins être soumis à une responsabilité disciplinaire personnelle, pénale ou civile.
Tout comme le praticien hospitalier, son patient a également un statut différent de celui du cadre classique patient-praticien libéral reliés entre eux par un « contrat médical », puisque dans le cas du service public il n’existe pas de libre choix du praticien par le patient. On pourra quand même noter que les obligations du médecin définies par la loi hospitalière restent majoritairement comparables à celles élaborées par le juge civil : un praticien d’un établissement de santé public a également l’obligation de donner à ses patients des soins attentifs et conformes aux données avérées de la science, une obligation de moyens mis en oeuvre pour prendre en charge le patient et a le même devoir d’humanisme (respect du secret professionnel, obligation d’apporter une information claire, loyale et adaptée, respect du consentement du patient…).
Une des principales particularités de la responsabilité administrative est que l’existence prouvée d’une faute n’est pas la condition sine qua non à la mise en cause de cette responsabilité. En effet, dans le cas de dommages graves apparaissant à la suite d’un acte de soins courants, le patient n’a pas à prouver la faute : celle-ci est présumée par le juge administratif. Certains cas vont même plus loin : sous réserve d’un dommage de gravité extrême, d’un risque exceptionnel mais connu et qu’il soit sans rapport avec les prédispositions du patient ou l’évolution prévisible de sa maladie, alors le juge administratif pourra reconnaitre que la responsabilité de l’hôpital est engagée même en l’absence de faute. C’est ce que défini le Conseil d’Etat avec l’arrêt Bianchi de 1993 : « Lorsque un acte médical nécessaire au diagnostic ou au traitement du malade présente un risque dont l’existence est connue, mais dont la réalisation est exceptionnelle et dont aucune raison ne permet de penser que le patient y soit particulièrement exposé, la responsabilité du service public est engagée si l’exécution de cet acte est la cause directe de dommages, sans rapport avec l’état initial du patient comme avec l’évolution prévisible de cet état, et présentant un caractère d’extrême gravité. » (7)
Cela concerne néanmoins, comme cet arrêt le souligne, que des cas de réalisation « exceptionnelle » de risques médicaux « d’extrême gravité ».
Dans la majorité des cas, pour que la responsabilité de l’établissement ou du professionnel de santé soit mise en cause lors d‘un contentieux, le plaignant sera malgré tout en charge d’apporter la preuve de l’existence d’une faute commise par le praticien, d’un dommage causé et d’un lien de causalité « direct et certain » entre les deux.
Il faut également évaluer la part de responsabilité du préjudice subi imputable à l’état antérieur du patient. On entend par état antérieur, « toute affection pathologique ou prédisposition connue ou non, congénitale ou acquise, dont est atteint un individu au moment où survient un accident » (13). Si, en l’absence d’accident, les dommages reprochés auraient pu apparaitre de par l’évolution naturelle de la maladie, ceux-ci ne pourront être imputés au professionnel ou à l’établissement de santé mais bien à l’état antérieur du patient.

Juridictions administratives

Comme nous l’avons évoqué précédemment, les juridictions administratives ont une culture du droit différentes de celle des juridictions civiles ou pénales, ainsi qu’une approche des contentieux différente. Trois établissements de juridictions administratives peuvent être cités : les tribunaux administratifs, la cour administrative d’appel et le Conseil d’Etat.
 Tribunal administratif Il s’agit de la juridiction administrative de premier ressort. C’est le juge de droit commun en contentieux administratif ; cela signifie que tous les litiges administratifs tombent sous sa compétence, sauf quand une disposition spéciale déroge à ce principe en attribuant la compétence à une autre juridiction. Ils sont donc chargés de statuer, notamment, sur les litiges relatifs à la situation individuelle des fonctionnaires ou agents de l’état et des autres personnes ou collectivités publiques.
Il existe actuellement 42 tribunaux administratifs en France.
 Cour administrative d’appel.
Actuellement au nombre de 8, les cours administratives d’appel ont été créées par la loi du 31 décembre 1987 portant réforme du contentieux administratif afin d’alléger la charge du Conseil d’Etat des contentieux en appel des tribunaux administratifs. Les cours administratives d’appel simplifient l’organisation du contentieux en le calquant sur celle de l’ordre judiciaire.
 Conseil d’Etat.
Deux rôles sont attribués au Conseil d’Etat :
Son premier rôle est celui de conseiller le gouvernement. À cette fin, le Conseil d’État doit être consulté par le gouvernement pour un certain nombre d’actes, notamment les projets de loi. Son second rôle est celui de plus haute des juridictions de l’ordre administratif. Il a notamment compétence à agir en qualité de juge de cassation pour juger les pourvois formés contre les arrêts rendus par les cours administratives d’appel. Il évaluera dans ce cas le bon déroulement des procédures et, en cas de défaillance avérée, pourra demander à ce que la procédure soit « recommencée ».
Le Conseil d’Etat comprend 7 sections (Intérieur, Finances, Travaux Publics, Sociale, Administration, Rapports et Etudes, Contentieux) et est présidée par le Premier ministre. La section Contentieux est elle-même organisée en 10 sous-sections. La sous-section jugeant seule est composée, en règle générale, du président de cette sous-section, de l’un de ces deux assesseurs et du rapporteur public, ancien commissaire du gouvernement. Cependant, le président de la section du Contentieux et les présidents de sous-sections peuvent décider, par ordonnance, de régler seuls les affaires dont la nature ne justifie pas l’intervention d’une formation collégiale. De la même façon, selon l’importance et la nature de l’affaire, si celle-ci relève « d’une difficulté juridique particulière ou d’une importance remarquable », certaines sous-sections peuvent se réunir. Dans ce cas précis, la section du Contentieux ou l’assemblée du Contentieux sera chargée de statuer. Pour chacune des formations de jugement, l’affaire est exposée par un rapporteur public, chargé de faire connaître son appréciation des faits et les règles juridiques applicables et, en toute impartialité, de donner une solution au litige. Il rédige à cet effet des conclusions que les juges administratifs sont libres de suivre ou non (14).

Procédure administrative

La gestion en tribunal administratif démarre après échec de la tentative d’entente à l’amiable entre le plaignant et l’hôpital, procédure détaillée précédemment dans la partie II.2.
Dans le cas où l’entente à l’amiable se solde par un échec, soit par un refus de l’hôpital de la demande d’indemnisation du patient, soit par une proposition d’indemnisation de l’hôpital jugée insuffisante par le plaignant ; celui-ci pourra, dans un délai de 10 ans après la date des faits incriminés ou après la connaissance des complications engendrées par ces actes, solliciter auprès du tribunal administratif (celui de Marseille dans le cas de l’hôpital de la Timone) la désignation d’un expert, après avoir exposé par écrit les faits qui laisseraient penser que la prise en charge par l’hôpital n’était pas conforme aux données avérées de la science.
L’article R. 621-1 du code de procédure administrative précise toutefois que l’expertise est facultative, la juridiction administrative n’étant pas tenue de la prescrire si elle ne la considère pas pertinente et que le dossier est assez renseigné ; ce qui, dans les faits, reste néanmoins exceptionnel dans le domaine médical. Dans la plupart des cas, une expertise est ordonnée, le litige soulevant des questions de faits contestés.
Article R. 621-1 : « La juridiction peut, soit d’office soit sur la demande des parties ou de l’une d’elles, ordonner, avant dire droit, qu’il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision. La mission confiée à l’expert peut viser à concilier les parties. » (15)
L’expert, seul ou accompagné du nombre de sapiteurs qu’il estimera nécessaire, devra répondre précisément et uniquement aux questions déterminées préalablement par le juge. Avant le début de chaque mission, l’expert devra faire connaitre son acceptation et prêter serment par écrit, en application de l’article R. 621-3 du code de justice administrative (16). Il devra ensuite convoquer les parties ainsi que leurs conseils, le cas échéant.
Cette réunion aura pour but de répondre à l’ensemble des questions qui auront été soulevées par le juge et de déterminer les causes et l’origine de l’état actuel du patient, l’existence ou non d’un manquement aux règles professionnelles, l’existence ou non de faute ou de négligence, les préjudices subis par le patient et la nature causale ou non entre d’éventuels manquements et les préjudices constatés. La preuve de la faute devra être apportée par le requérant.
Tout comme dans une procédure civile, le principe du contradictoire est respecté. A ce titre, l’expert se doit d’attendre un « délai raisonnable » avant de déposer ses conclusions définitives pour que les parties aient le temps de formuler d’éventuelles observations sur les questions soulevées lors de la réunion expertale.
L’article R. 621-9 du code de la justice administrative mentionne ainsi : « le rapport est déposé au greffe en deux exemplaires. Des copies sont notifiées par l’expert aux parties intéressées. […] Les parties sont invitées par le greffe de la juridiction à fournir leurs observations dans le délai d’un mois ; une prorogation de délai peut être accordée. » (17)
L’expert n’ayant qu’un rôle consultatif, le tribunal n’est aucunement tenu de suivre son avis. En outre, s’il semble nécessaire à la juridiction d’ajouter des éclaircissements ou des précisions au rapport de l’expert, celui-ci pourra être convoqué devant la formation de jugement et les parties pour fournir toute explication complémentaire jugée nécessaire. Une fois l’expertise réalisée, une nouvelle demande d’ordonnance fixera alors le montant définitif des frais et honoraires et désignera la partie qui en assumera la charge. Cette somme sera remboursée à la victime au terme de la procédure uniquement si la responsabilité de l’établissement de santé est engagée (18).
Le tribunal administratif statue sur la responsabilité de l’établissement de santé. Si elle est prononcée, l’indemnisation ne pourra concerner que les préjudices résultants directement de la faute pour laquelle la responsabilité de l’établissement aura été retenue, sans prendre en compte ceux qui découlent de la pathologie initiale du patient et qui seraient survenus même en l’absence de faute.
En cas de refus de cette décision du tribunal administratif, les parties disposent d’un délai de deux mois pour pouvoir recourir en appel devant la cour administrative d’appel. Passé ce délai, le jugement est définitif et la décision ou non d’indemnisation devra nécessairement être respectée (18).
L’arrêt rendu par la cour administrative d’appel peut lui-même être déféré devant le Conseil d’État qui intervient alors en qualité de juge de cassation.
Dans le cadre de la procédure administrative, c’est toujours la responsabilité de l’hôpital, et non celle du praticien, qui est engagée. Exception faite de trois cas pour lesquels la responsabilité propre du praticien pourra être mise ne cause :
 Si la faute est détachable du service.
 Si le préjudice a été subi dans le cadre d’un exercice privé du praticien dans le cadre hospitalier.
Dans ces deux cas, la responsabilité civile professionnelle personnelle du praticien sera alors engagée.
 Si la responsabilité pénale du praticien est engagée, dans la mesure où celle-ci est personnelle, non assurable et non transférable. (19)

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Table des matières

I. Nature des litiges
I.1. Définition du litige au Pavillon
I.2. Litiges financiers
I.3. Litiges organisationnels
I.3.1. Litige par défaillance technique
I.3.2. Litige par défaut de communication
II.Gestion des litiges
II.1. Organisation et intérêts de la RMM sur la prévention des litiges au Pavillon Odontologie depuis 2013
II.1.1. Organisation de la RMM
II.1.2. Intérêts de la RMM
II.2. La gestion amiable
II.3. La gestion en tribunal administratif
II.3.1. Faute médicale et responsabilité administrative
II.3.2. Juridictions administratives
II.3.3. Procédure administrative
III.Proposition d’actions de prévention des litiges
III.1. Information – consentement éclairé
III.2. Prévention de la faute technique
III.3. Propositions d’améliorations organisationnelles
Conclusion
Bibliographie

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