Organisation dynamique d’équipes d’engins autonomes par écoute flottante

Les progrès de l’intelligence artificielle et de la robotique font que les machines sont dotées de capacités de plus en plus proches des nôtres (même si leurs manières de procéder sont souvent radicalement différentes). Une des capacités de l’homme, qu’il partage d’ailleurs avec les autres animaux sociaux, est sa capacité à agir en groupe. Souvent, un individu échoue là où plusieurs réussissent, et on connaît beaucoup d’exemples de situations où le résultat commun est supérieur à la simple somme des efforts individuels. Naturellement, à mesure que nous sommes capables de construire des machines de plus en plus sophistiquées, nous sommes amenés à vouloir les faire travailler ensemble. On ne compte plus les projets qui portent sur des groupes de robots nettoyeurs, sur des essaims de micro-drones capables d’explorer un bâtiment, ou encore sur des équipes de robots capables de trouver des victimes dans des décombres.

Mais collaborer soulève de nombreux problèmes ; en effet cela nécessite de tenir compte des autres pour déterminer sa propre activité, et donc d’obtenir de l’information sur les autres et éventuellement de leur en fournir. Pour ce faire, les humains (et les animaux) disposent de sens très développés (vue, ouïe, odorat, etc.) et de la capacité de communiquer, qui se combinent de manière très riche avec des connaissances acquises au cours du temps à propos des autres humains. Ainsi, un simple coup d’oeil peut permettre à un joueur de football de connaître les intentions d’un coéquipier, ou encore un simple « On y va ! » peut exprimer toute une variété d’informations différentes selon le contexte.

Pour une machine, les choses sont beaucoup plus délicates. D’une part il est beaucoup plus facile de faire faire quelque chose à une machine si elle n’a pas dans son environnement d’autres machines qui agissent elles aussi selon leur programme et peuvent la gêner même si elles ont le même but. D’autre part, comparées à un humain, les machines ont des sens rudimentaires, et elles sont peu expressives (difficile de savoir ce que pense un robot en le regardant).

En ce qui concerne les communications, les machines sont elles aussi désavantagées. Même s’il est vrai que les supports de communication hertziens (par exemple) ont une « bande passante » bien supérieure à la voix (encore qu’il faudrait pouvoir véritablement les comparer) les interactions dont sont capables les machines restent très rigides et sont loin de la richesse que présente la communication humaine ou animale. Cela est sans doute dû en grande partie au fait que les modes de communication utilisés pour le moment pour faire collaborer des machines ont été développés afin de donner à des ordinateurs des interfaces de communication abstraites, totalement indépendantes du média utilisé. Il s’agit d’une caractéristique désirable si l’on veut transférer un fichier entre son ordinateur portable à la terrasse d’un café vers un serveur sur un autre continent, mais est-ce si important pour des robots qui évoluent dans un environnement hostile ? D’une part il n’est pas certain que ces modes de communication abstraits fonctionnent convenablement dans tous les environnements. D’autre part, le fait de savoir si l’on peut facilement, difficilement ou pas du tout communiquer avec un autre peut constituer une information très utile, qui disparaît si l’on cherche à utiliser les modes de communication classiques.

Agents et SMA 

DÉF. 1.1 – Agent. Nous définissons comme agent une entité plongée dans un environnement, capable de le percevoir par le biais de capteurs et d’agir sur cet environnement par le biais d’effecteurs.

Dans cette définition, nous sommes volontairement peu restrictif afin d’englober les différentes définitions de la littérature. Nos agents correspondent par exemple à un sur-ensemble des agents classiquement définis par Ferber [Ferber, 1995]. Notamment, nous n’imposons pas de contrainte sur d’éventuels états internes d’un agent, que ce soit sur l’existence de ses buts ou sur la représentation de son environnement. Un agent ne perçoit son environnement et n’agit sur lui que par l’intermédiaire de capteurs et d’effecteurs, qui ne sont a priori pas parfaits. Ses capteurs ne donnent qu’une image partielle de son environnement à l’agent (par exemple à cause d’une limitation de leur portée, de leur adéquation à l’environnement, ou de la présence d’obstacles), cette image peut être bruitée ou imprécise. De même les effecteurs peuvent être nondéterministes : il n’est pas toujours possible de prévoir leurs effets sur l’environnement.

Corrélation, interaction, systèmes multiagents et coordination

Corrélation 

Il est possible de déterminer de manière empirique si des agents « font quelque chose ensemble » en mesurant leur entropie mutuelle [Adami, 1998]. Sans avoir accès à la structure interne des agents ni au système dans son ensemble, on peut calculer si les actions des agents sont statistiquement liées les unes aux autres. Si c’est le cas, on parle alors de corrélation entre les agents. Toutefois la notion de corrélation n’est pas liée à l’interaction ; en effet imaginons un ensemble d’agents parfaitement identiques plongés dans le même environnement mais incapables d’interagir : étant identiques et confrontés au même environnement, les agents ont des comportements très semblables, voire identiques s’ils sont entièrement déterministes, et donc on observe une très forte corrélation malgré une absence totale d’interaction. Mais dans un tel cas l’activité globale n’est que la juxtaposition des activités individuelles.

Interaction

L’environnement d’un agent A peut contenir d’autres agents qui sont susceptibles d’agir sur cet environnement. Or A perçoit son environnement et par conséquent les éventuels effets des actions de ces agents. Il en découle une propriété fondamentale: l’interaction entre agents.

Prenons par exemple un cas de ressources partagées entre agents, le dîner des philosophes orientaux (dû à Dijkstra) :

« Cinq philosophes orientaux partagent leur temps entre l’étude et la venue au réfectoire pour manger un bol de riz. La salle affectée à la sustentation des philosophes ne comprend qu’une seule table ronde sur laquelle sont disposés un grand plat de riz (toujours plein), cinq bols et cinq baguettes. »

Architecture réactive et coordination

Architecture réactive

Nous avons vu que la rationalité d’un agent se juge à la manière dont il associe ses actions à ses perceptions. La manière la plus simple de concevoir un agent rationnel (on parlera d’architecture) est donc de le doter d’un ensemble de règles stimulus réponse qui décrira entièrement son comportement. On parlera alors d’agent réflexe ou encore d’approche comportementale (behavior-based).

L’approche comportementale pour la conception d’agents rationnels artificiels est principalement due à Brooks du MIT avec son architecture de subsomption [Brooks, 1986]. Dans deux manifestes maintenant célèbres [Brooks, 1991a ; Brooks, 1991b] il définit son projet : concevoir des robots « intelligents » (des agents rationnels) de manière incrémentale, en partant de comportements très simples et en les combinant pour en obtenir de plus élaborés, jusqu’à l’« intelligence ». Dans ce projet, Brooks prend le contre-pied de l’approche utilisée jusque-là en intelligence artificielle (IA) et qui consistait à prendre le problème « par le haut » en commençant par le raisonnement de haut niveau (voir section 1.5.1) et en postulant que les tâches en apparence plus simples telles que la perception et l’action se résoudraient facilement. Cette approche classique, que Brooks désigne par le sobriquet GOFAI (Good Old-Fashioned Artificial Intelligence) a donné des systèmes capables de résoudre des problèmes complexes et même de prouver des théorèmes mathématiques par exemple, mais incapables ne serait-ce que de se déplacer dans un laboratoire en évitant quelques obstacles (tâche qui semble pourtant bien simple). Au contraire, Brooks commence par traiter les problèmes tels que la locomotion, et réalise des robots capables de se déplacer même dans des environnements très accidentés .

La différence fondamentale entre l’approche classique et l’approche comportementale tient aux symboles. L’approche classique donne une représentation symbolique de son environnement à l’agent. Cette représentation est une abstraction des sorties des capteurs de l’agent, l’agent manipule ensuite ces symboles en interne grâce à un « modèle du monde » et décide de ses actions. Dans l’approche comportementale, on considère que « le monde est son meilleur modèle ». Dans sa version la plus simple (figure 1.3), cette approche ne comporte pas d’état interne, les sorties des capteurs sont directement traitées par de simples circuits électriques qui calculent en continu le signal à envoyer aux effecteurs.

Architecture ALLIANCE 

ALLIANCE [Parker, 1994 ; Parker, 1998] est une architecture comportementale distribuée pour des robots opérant en groupes de petite ou moyenne taille dans un environnement dynamique et incertain. Elle utilise des motivations, comme l’impatience ou le consentement, modélisées de manière numérique dans chaque agent afin d’obtenir un choix adaptatif de comportement. Ces robots sont supposés hétérogènes et capables de connaître les effets de leurs actions et de celles des autres agents (avec une certaine probabilité) par l’intermédiaire de leur capteurs ou de communications par broadcast.

L-ALLIANCE [Parker, 1997] est une extension d’ALLIANCE qui utilise l’apprentissage par renforcement afin de régler les paramètres de sélection de comportement. Les deux architectures ont été utilisées à la fois sur de véritables robots et en simulation pour des tâches telles que le déplacement d’objets, le maintien de formation ou la simulation de nettoyage de déchets toxiques .

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Table des matières

Introduction générale
1 Agents et SMA
1.1 Introduction
1.2 Corrélation, interaction, systèmes multiagents et coordination
1.2.1 Corrélation
1.2.2 Interaction
1.2.3 Coordination
1.3 Architecture réactive et coordination
1.3.1 Architecture réactive
1.3.2 Coordination entre agents réactifs
1.4 Coopération et collaboration
1.4.1 Buts
1.4.2 Coopération
1.4.3 Collaboration
1.4.4 Conflit
1.5 Architecture délibérative et coopération
1.5.1 Architecture délibérative
1.5.2 Coopération entre agents délibératifs
1.6 Conclusion
2 Structures de coopération
2.1 Introduction
2.2 Formation de coalition fondée sur l’utilité
2.2.1 Formalisation
2.2.2 Rationalité individuelle et collective
2.2.3 Additivité
2.2.4 Stabilité
2.2.5 Négociation
2.3 Réseaux de dépendance sociale
2.3.1 a-, r- et s-dépendance
2.3.2 Obtention et utilisation
2.4 Travail d’équipe
2.4.1 Formation d’équipe
2.4.2 Modèle mental partagé
2.5 Formation dynamique de groupes
2.5.1 Suivi de cible multicapteur
2.5.2 DCF-S
2.5.3 PEACH
2.6 États mentaux de groupe
2.6.1 L’histoire des enfants sales
2.6.2 Hiérarchie de connaissance de groupe
2.6.3 Problème des deux généraux
2.7 Conclusion
3 Communication
3.1 Introduction
3.2 Théorie mathématique de la communication
3.3 Communication et éthologie
3.3.1 Définition de Wilson
3.3.2 Définition de Slater
3.4 Communication humaine
3.4.1 Approche cognitive
3.4.2 Approche sociale
3.5 Communication entre agents artificiels
3.5.1 Langage
3.5.2 Modes de communication
3.6 Conclusion
4 Écoute flottante
4.1 Introduction
4.2 Définitions et analyse
4.2.1 Eavesdropping
4.2.2 Overhearing
4.2.3 Analyse
4.3 Activités humaines
4.3.1 Théorie du langage de Clark
4.3.2 Complexité dans les systèmes coopératifs
4.4 Réseaux
4.4.1 Sécurité
4.4.2 Énergie
4.5 Systèmes multiagents
4.5.1 Simulations
4.5.2 Suivi d’activités par écoute flottante
4.5.3 Écoute flottante thématique
4.5.4 Communication via l’environnement
4.6 Conclusion
Conclusion générale

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