Organisation des membranes biologiques et structure des protéines membranaires

Organisation des membranes biologiques et structure des protéines membranaires

Organisation des membranes biologiques

Rôle, composition et organisation des membranes
Les membranes biologiques peuvent être considérées comme l’un des « organites » cellulaires les plus importants des cellules puisque ce sont elles qui assurent les fonctions aussi essentielles à la vie que le transport des nutriments et des ions, la photosynthèse, la respiration et la synthèse d’ATP, la transduction des signaux, la migration cellulaire, ou bien encore le développement, aussi bien chez les microorganismes les plus primitifs que chez un être vivant aussi complexe que l’homme. Ce sont elles qui forment une interface entre les cellules et leur environnement. Il a fallu plus de 100 ans aux scientifiques pour parvenir à l’image que nous avons maintenant de l’organisation moléculaire et supramoléculaire des membranes.

Depuis très longtemps, il est connu que des films huileux à la surface de l’eau diminuent très notablement l’amplitude des vagues. Il a cependant fallu attendre les travaux de Lord Rayleigh et surtout d’Agnes Pockels (Pockels, 1891) à la fin du 19ème siècle pour que les premières études scientifiques soient réalisées sur les films mono-moléculaires étalés à la surface de l’eau. A noter que c’est Miss A. Pockels qui a inventé la balance dite de Langmuir, et qu’elle faisait ses expériences dans sa cuisine, n’ayant aucune formation scientifique et surtout aucune position académique. C’est en 1917 que I. Langmuir (Langmuir, 1917) propose que les molécules d’acide gras s’organisent en monocouche à la surface de l’eau et qu’elles s’ordonnent spontanément, projetant leur chaînes aliphatiques dans l’air. En parallèle, E. Overton montre la présence majoritaire des lipides dans les membranes cellulaires (Overton, 1899). L’organisation en bicouche des lipides a été révélée pour la première fois en 1925 par Gorter et Grendel qui étudiaient les extraits lipidiques issus de membranes d’érythrocytes (Gorter and Grendel, 1925). A partir d’une quantité connue d’érythrocyte et après extraction des lipides en solvant organique, les auteurs ont étalé les lipides à la surface air/eau, calculé la surface occupée par molécule et déduit que les lipides étaient organisés en bicouche dans la membrane des érythrocytes. Jusqu’à cette date, la présence de protéine n’est pas mise en évidence et il faut encore attendre une dizaine d’année pour que le modèle de Danielli (Danielli and Davson, 1935) mette en évidence une bicouche purement lipidique avec des protéines en interaction avec leur tête polaires (Fig. 1-2A). Cependant, il faut attendre les années 1970 pour que l’organisation en bicouche des lipides soit admise par l’ensemble de la communauté scientifique et généralisée à toutes les membranes biologiques. C’est également à cette époque, que les premières mesures de « fluidité membranaire » sont réalisées, montrant les mouvements latéral et rotationnel des lipides, et que le modèle membranaire en mosaïque fluide apparaît (Fig. 1-2B) (Singer and Nicolson, 1972). Les membranes biologiques sont alors schématisées comme une « mer » de lipides maintenant en solution des protéines monomériques très dispersées et dont la surface est en contact direct avec le milieu aqueux environnant. Une fois ce modèle posé et accepté et pendant les décennies qui ont suivi, l’intérêt de la communauté scientifique s’est porté exclusivement sur l’étude de la structure et de la fonction des protéines ancrées dans les membranes, en considérant que les lipides ne servaient qu’à maintenir les protéines dans la bicouche. Face à cette attitude, il y avait pourtant un certain nombre d’indices suggérant que les lipides remplissaient un rôle plus important dans le fonctionnement des protéines membranaires, à savoir l’homéostasie ainsi que l’asymétrie de la composition lipidiques des feuillets internes et externes par exemple mais aussi au niveau cellulaire la corrélation entre apoptose et apparition de phosphatidyl-serine sur la surface externe des membranes plasmiques (Rothman and Lenard, 1977; Tyurina et al., 2000; Zimmerberg and Gawrisch, 2006). Le modèle de Singer et Nicholson a été progressivement réactualisé, en changeant d’une part la vision de la membrane se comportant comme une frontière dynamique du vivant et non plus comme une barrière inerte et présentant une composition et une épaisseur variable, ainsi qu’une concentration élevée de complexes protéiques (1-2C-D) (Engelman, 2005; Jacobson et al., 1995). Une autre voie a été ouverte il y a une quinzaine d’années par la découverte que les membranes biologiques n’étaient pas un milieu bidimensionnel dans lequel se solvataient librement les protéines membranaires, mais plutôt comme un milieu bidimensionnel avec localement de très grandes hétérogénéités de composition en lipide et en protéine. Plus particulièrement, cette voie a été ouverte par Brown & Rose ((Brown and Rose, 1992) et plus tard (Melkonian et al., 1995)) quand il se sont aperçu qu’une fraction des membranes de cellules épithéliales de rein de chien (MDCK) était résistante au traitement par un détergent puissant le Triton X100. L’analyse de ces fractions de membranes insolubles a mené à la conclusion, qu’outre un enrichissement en protéines à ancre GPI, ces « radeaux » contenaient aussi une proportion beaucoup plus forte que le reste de la membrane en sphingomyéline et en cholestérol. Ces deux lipides sont depuis largement étudiés non seulement par les physico-chimiques pour leur comportement propre et leur capacité à former des phase lamellaires liquide-ordonnée (Lo), mais aussi par les biochimistes pour leur capacité à générer des ilots membranaires dynamiques dans lesquels seraient plus ou moins triés certaines protéines membranaires.

La notion de « radeau » est alors apparue, sous-entendant une compartimentation latérale des fonctions au sein des architectures membranaires. En effet, les membranes biologiques sont le site de nombreuses fonctions assurées par les protéines membranaires et souvent par l’action concertée de plusieurs protéines. Ainsi, au niveau du fonctionnement des membranes, il est tentant de croire que les membranes possèdent une architecture bidimensionnelle dynamique qui permettrait de compartimenter les différentes fonctions. Ainsi, s’est développé un axe de recherche sur la visualisation des architectures membranaires et en particulier de l’organisation latérale de leurs composants. Ces recherches ont d’autre part bénéficiées du grand essor technologique dans le domaine de la microscopie AFM d’une part (Scheuring, 2006; Scheuring et al., 2005b) et de la visualisation de particules uniques d’autre part (Fujiwara et al., 2002). La Fig. 1- 2D, décrit un modèle dynamique d’une membrane plasmique caractérisé par les différents types de mouvements que les protéines adoptent dans la membrane. Il faut aussi noter que ce modèle relie l’architecture de la membrane avec celle du cytosquelette qui est en forte interaction avec le feuillet intra-cytoplasmique de la membrane et qu’il participe à la compartimentalisation de la membrane.

Les dernières évolutions de la compréhension des membranes et des structures des protéines membranaires font que l’étude des interactions protéines-lipides est actuellement en plein développement. Il a été montré en particulier à partir de structures cristallographiques de protéines membranaires, que certains lipides pouvaient se lier spécifiquement aux protéines et influenceraient/participeraient directement à l’insertion et au repliement de ces protéines et qu’ils contribueraient également à leur structure, leur stabilité et leur fonction (Hunte, 2005). Pour exemple, la structure à haute résolution d’une protéine membranaire, l’aquaporine (PDB, AQP0), a révélé l’affinité de la protéine avec ses lipides environnants dans un cristal bidimensionnel (Gonen et al., 2005). Cet exemple apporte des informations très précises au niveau moléculaire sur le rôle des différents groupements chimiques des lipides et de la protéine en interaction (Fig. 1-3). D’autres exemples similaires montrant des structures de protéines membranaires comme la bacteriorhodopsine et le centre réactionnel photosynthétique obtenues à haute résolution, ont permis de mettre en évidence la présence de lipides en interaction et de leur associer un rôle fonctionnel (Lee, 2003). Les protéines membranaires jouent de leur côté un rôle prépondérant dans la forme, la courbure (McMahon and Gallop, 2005; Zimmerberg and Kozlov, 2006) et l’épaisseur de la bicouche lipidique (Freites et al., 2005) (mésappariement hydrophobe, (Killian, 1998)).

Lipides membranaires

Les membranes sont constituées majoritairement de deux types de molécules : les lipides et les protéines. Les lipides membranaires font essentiellement partie de la classe des lipides polaires, c’est-à-dire qu’ils possèdent tous un ou plusieurs groupements polaires leur conférant leur double affinité pour l’eau et pour l’huile. Parmi les lipides polaires constitutifs des membranes, trois classes de lipides sont particulièrement représentés : les glycolipides, les stérols et les phospholipides, ces derniers étant les plus représentés notamment chez les procaryotes. Parmi les lipides les plus rencontrés dans la nature, on peut citer les sphingolipides avec la sphingomyéline en particulier, les phospholipides avec la phosphatidylcholine en particulier et le cholestérol .

Les phospholipides, composants ubiquitaires des membranes biologiques sont principalement représentés par les glycérophospholipides. Ces molécules sont structurées de la façon suivante : sur un squelette glycérol commun sont substitués deux chaines aliphatiques et une tête polaire constituée d’un groupement phosphate lui-même substitué par des groupements polaires variables (Fig. 1-4B). Les phospholipides naturels sont classés en fonction de la nature de leur tête polaire (Fig. 1-5B : phosphatidyl -choline, -sérine, -éthanolamine, etc.). Les phospholipides extraits de leur membrane biologique sont purifiés en fonction de leur tête polaire. Cependant, un lipide ainsi purifié correspond à un mélange de lipides dont les chaînes aliphatiques sont de longueur et de nombre d’insaturation différents. En raison de leur nature amphiphile, les phospholipides s’auto assemblent spontanément dans l’eau, en protégeant leurs chaînes aliphatiques hydrophobes alors que leurs têtes polaires restent en contact de l’eau. Dès 1976, Israelachvili (Israelachvili et al., 1976; Israelachvili et al., 1977) a proposé que l’organisation moléculaire des assemblages lipidiques ainsi que leur forme étaient reliées à un paramètre moléculaire exprimé par le rapport entre les surfaces occupées par la tête polaire et par les chaînes hydrophiles des lipides (Fig. 1- 5A). Plus précisément, si S désigne la surface occupée par tête polaire, V le volume occupé par les chaînes aliphatiques et l leur longueur, les lipides s’assembleront pour former des micelles sphériques pour V/S*l<1/ 3, des micelles cylindriques pour 1/3<V/S*l<1/ 2 et des bicouches planes pour ½<V/S*l<1. En ce qui concerne les lipides polaires, ce paramètre géométrique dépend des conditions d’hydratation et de température. Les assemblages lipidiques sont lyotropes et thermotropes, c’est la raison pour laquelle un même lipide peut s’assembler en micelles sphériques, cylindriques ou phases lamellaires en fonction de sa concentration ou de la température d’où la richesse et la complexité des diagrammes de phase des lipides. Ce phénomène explique aussi que dans une membrane naturelle contenant des mélanges de lipides de longueurs de chaînes et de têtes polaires variables, les fluctuations des lipides puissent générer des variations locales et dynamiques des épaisseurs et des rayons de courbures de la membrane. Ainsi, si l’organisation des lipides membranaires est globalement une organisation lamellaire (en bicouche), cette organisation peut être localement très différente, soit sous l’influence de la fluctuation des compositions lipidiques locales, soit du fait de la présence des protéines membranaires mais aussi des protéines solubles en forte interaction avec les membranes.

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Table des matières

Chapitre 1 Introduction générale
1.1 Organisation des membranes biologiques et structure des protéines membranaires
1.1.1 Organisation des membranes biologiques
1.1.2 Structure des protéines membranaires
1.2 Description de l’appareil photosynthétique bactérien
1.2.1 Photosynthèse bactérienne
1.2.2 Structures et variétés des complexes impliqués dans la photosynthèse bactérienne.
1.2.3 Fonction des protéines collectrices de lumière (protéines antennes)
1.2.4 Biosynthèse et assemblage du photosystème bactérien
1.2.5 Les protéines antennes des bactéries pourpres : un système modèle pour des études en environnement membranaire
1.3 Objectif de l’étude
Chapitre 2 Influence de la température sur la dynamique des protéines LH1 et LH2
2.1 Présentation des trois souches de Rhodospirillum rubrum : S1, S1S et G9
2.2 Temperature dependence of LH1 spectrum reflects the protein natural flexibility: a study of LH1 in native intracytoplasmic membranes
2.3 Résumé de l’article
2.4 Effet de la température sur la structure des protéines antennes LH2
Chapitre 3 Dissociation des protéines LH1 de Rhodospirillum rubrum dans leurs membranes natives
3.1 Introduction
3.1.1 Enoncé de la problématique
3.1.2 Synthèse des études de dissociation en présence de détergent : la protéine LH1 de Rsp. rubrum G9
3.2 Dissociation/réassociation de la protéine LH1 en présence de détergent
3.2.1 Dissociation de la protéine LH1 dans les membranes intracytoplasmiques chez Rsp. rubrum G9: effet du détergent βOG
3.2.2 Dissociation de la protéine RC-LH1 purifiée (G9 et S1) en DDM : effet de la température
3.3 Influence de la température sur le processus de dissociation-réassociation des protéines LH1 de S1, G9 et S1S en membranes natives
3.3.1 Effet de la température sur l’oligomérisation des protéines LH1 : étude par spectroscopie d’absorption
3.3.2 Analyse du processus de dissociation-réassociation du LH1 de S1, G9 et S1S – 131
3.4 Conclusion : chemin de dissociation et réassociation de la protéine LH1 en membrane native
Chapitre 4 Conclusions et perspectives
Chapitre 5 Matériels et méthodes
5.1 Souches et cultures bactériennes
5.1.1 Rhodospirillum rubrum S1, S1S et G9+
5.1.2 Rhodobacter sphaeroides DD13-LH2
5.2 Microscopie électronique
5.3 Préparation des membranes
5.4 Extraction et purification des complexes LH1 et RC-LH1
5.5 Spectroscopie d’absorption Visible-IR en fonction de la température
5.6 Spectroscopie Raman de résonance
5.7 Dichroïsme circulaire
5.8 Caractérisation du mutant Rsp. rubrum S1S
5.8.1 Construction du mutant
5.8.2 Cinétique de croissance et morphologie des bactéries
5.8.3 Caractérisation spectroscopique des membranes intracytoplasmiques
Annexes
Bibliographie

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