Optique marine et télédétection de la couleur de l’eau

Importance de l’océan côtier 

L’océan côtier représente un environnement critique soumis à de nombreuses contraintes. Il est l’interface entre les continents, l’atmosphère et l’océan. Les zones côtières sont, par ailleurs, au carrefour de nombreux enjeux socio-économiques et écologiques et représentent une fraction significative de la productivité de l’océan global (Field et al., 1998). Cette productivité est le résultat de l’eutrophisation, elle même provoquée par les apports de nutriments terrigènes et les cycles saisonniers de mélange vertical et de stratification. Ces phénomènes engendrent des eaux de surface riches en nutriments favorables à la croissance du phytoplancton et à la photosynthèse. Ces zones supportent des activités humaines variées telles que la pêche, les exploitations pétrolières et minérales et le tourisme. Environ la moitié de la population mondiale vit à moins de 200 km des côtes, autant de personnes soumises aux effets de l’eutrophisation, de la pollution, de la surpêche et du changement climatique. Cette ultime thématique est devenue un enjeu socio économique majeur, dépassant le strict intérêt scientifique. Ne représentant que 8% de la surface de l’océan mondial, les marges côtières jouent un rôle majeur dans les cycles biogéochimiques de la planète et notamment dans celui du carbone (Borges, 2005 ; Gattuso et al., 1998). En effet, 80% de l’enfouissement du carbone organique se produit le long des marges continentales (Hedges et Keil, 1995 ; Smith et Hollibaugh, 1993). La forte productivité des océans côtiers (~25% de la production primaire océanique mondiale, Smith et Hollibauch, 1993) est soutenue notamment par la grande quantité d’apports en nutriments par les fleuves et les upwellings. L’export de matériel terrigène par les fleuves résulte de l’érosion et du lessivage des sols (Dagg et al., 2004). Selon Hedges et al. (1997), 1 Gt de carbone par an est exportée dont 0.4 Gt sous forme organique, particulaire ou dissoute. En outre, moins de 5% des sédiments apportés par les fleuves atteignent l’océan profond (Meade, 1996), soulignant l’importance de l’océan côtier comme réceptacle privilégié de ces apports.

Cas du Golfe du Lion en Mer Méditerranée 

La pression anthropique est particulièrement forte en Mer Méditerranée du fait de sa situation géographique à la frontière entre plusieurs continents. Il s’agit d’un bassin océanique quasifermé, avec des marées inexistantes et sujet à des forçages météo climatiques extrêmes. Dans sa partie Nord-Occidentale se trouve la marge continentale du Golfe du Lion. La dynamique des échanges particulaires sur son plateau est soumise à une grande variété de processus physiques à différentes échelles spatio-temporelles. En termes d’apports d’eau douce et particulaire, le Rhône est la principale source dans le Golfe du Lion. Avec des marées de très faible amplitude, la dynamique de ce type d’environnement est contrôlée par le vent, la houle générée par le vent, les courants et les apports fluviaux (en particulier lors d’événements hydro-climatiques extrêmes). Une bonne compréhension de cette zone côtière nécessite l’étude à haute fréquence des mécanismes qui régissent cet environnement.

Détection et télédétection des substances biogéochimiques optiquement actives dans les eaux côtières 

La compréhension des cycles biogéochimiques dans l’océan côtier nécessite des observations à hautes résolutions spatiale et temporelle. La connaissance de la distribution des concentrations des constituants marins optiquement actifs permet d’identifier et cartographier certains processus océaniques spatialement et temporellement. La quantification in situ des matières en suspension (MES), carbone organique particulaire (POC), Chlorophylle a (Chla) et matières organiques dissoutes colorées (CDOM), requiert un échantillonnage discret de l’eau de mer puis des analyses en laboratoire. Cependant, les résolutions spatiale et temporelle obtenues par cette stratégie d’échantillonnage sont faibles. Les paramètres biogéochimiques et optiques des eaux naturelles peuvent aussi être estimés à partir de mesures télédétectées de la couleur de l’eau enregistrées par différents capteurs satellitaires (e.g. MODIS Aqua (NASA) et MERIS (ESA)). De telles mesures donnent un aperçu de la distribution spatiale et temporelle des paramètres biogéochimiques. Cependant ces mesures télédétectées ne permettent pas d’évaluer la structure verticale de la colonne d’eau car elles ne sont représentatives que d’une épaisseur limitée sous l’interface air-eau. Cette épaisseur est conditionnée par la turbidité de l’eau (Forget et al., 2001). Ainsi de telles mesures ne détectent pas nécessairement le maximum profond de chlorophylle, par exemple, ce qui peut biaiser les estimations de concentration en Chla intégrées sur la colonne d’eau. Il en est de même pour les concentrations en MES à l’interface eau-sédiment. Enfin, la complexité optique des eaux côtières (par rapport aux eaux du large) complique l’interprétation des mesures télédétectées, car les algorithmes standards fonctionnent mal lorsqu’ils sont appliqués aux eaux côtières. Les propriétés biogéochimiques des constituants de l’eau de mer peuvent aussi être obtenues à l’aide de mesures optiques in situ. Les propriétés optiques généralement mesurées in situ incluent les coefficients d’absorption, rétrodiffusion et atténuation ainsi que la fluorescence de la Chla et du CDOM.

Optique marine et télédétection de la couleur de l’océan

Propriétés optiques inhérentes (IOPs)

Définitions
La propagation de la lumière dans les eaux naturelles est décrite par l’équation du transfert radiatif. Cette propagation est fonction de la composition ionique et moléculaire de l’eau de mer pure et des constituants colorés présents en suspension et en solution. Les propriétés optiques inhérentes (notées IOPs pour Inherent Optical Properties) dépendent des constituants du milieu sans prendre en compte la structure géométrique et l’intensité du rayonnement pénétrant dans le milieu marin. Seulement deux IOPs, la diffusion et l’absorption, permettent de décrire toutes les autres. La diffusion est le processus physique qui traduit une redirection de la lumière incidente tout autour de la molécule d’eau (diffusion de Raman) ou particule éclairée sans modification de l’énergie lumineuse incidente. L’absorption, en revanche, implique des processus qui atténuent le flux de photons. A ces processus d’absorption et de diffusion, il faut ajouter la fluorescence émise par la matière dissoute colorée et les pigments phytoplanctoniques. Considérons un faisceau collimaté infiniment fin monochromatique (longueur d’onde λ) ayant un flux incident Ф0(λ) en W nm-1 sur une couche d’eau d’épaisseur dx en m-1 (figure I-2). Une partie Фa(λ) de la lumière incidente est absorbée dans la couche d’eau, une autre partie Фb(λ) est diffusée hors de cette couche dans toutes les directions. L’énergie résiduelle dans la même direction que le flux incident est notée Фt(λ) :

Ф0(λ) = Фa(λ) + Фb(λ) + Фt(λ) (I-1)

Les coefficients d’absorption et de diffusion spectrales a(λ) et b(λ) en m-1 sont reliés à l’énergie incidente traversant une couche d’eau infiniment fine d’épaisseur dx par les équations I-2 et I-3 :

dФa (λ) = a(λ) Ф0(λ) dx (I-2)
dФb (λ) = b(λ) Ф0(λ) dx (I-3)

Le coefficient angulaire de diffusion (ou VSF pour « volume scattering function »), est noté β(λ,θ,φ), en m-1 sr -1, avec θ l’angle de diffusion compris entre 0 et π et φ l’angle azimutal compris entre 0 et 2π. Dans le milieu marin, les particules sont orientées aléatoirement. De ce fait, la forme de ces particules peut être approximée comme étant sphérique du point de vue de leur effet optique. Compte tenu de cette approximation, la dépendance de β vis-à-vis de φ est négligeable.

Coefficients d’absorption

Absorption de l’eau de mer pure 

Les valeurs spectrales du coefficient d’absorption de l’eau de mer pure (aw, m -1) ont été définies par Morel et Prieur (1977), Smith et Baker (1981), Kou et al. (1993), Pope et Fry (1997), Litjens et al. (1999) et Fry (2000) (figure I-3). Entre 400 et 700 nm (domaine visible du spectre lumineux), la salinité influence peu l’absorption de l’eau de mer, la température, quant à elle, augmente légèrement les valeurs d’absorption en particulier dans le rouge et le proche infrarouge (Pegau et Zaneveld, 1993). L’absorption de l’eau de mer augmente de 0.0015 m-1/°C à 650 nm, et de 0.01 m-1/°C à 750 nm pour une température comprise entre 10 °C et 30 °C. Sullivan et al. (2006) ont établi la dépendance de l’absorption de l’eau de mer à la température et la salinité.

Absorption de la matière organique dissoute colorée (CDOM)

matières organiques végétales en décomposition dissoutes dans les eaux naturelles. Ces matières sont principalement composées d’acides humique et fulvique (Kirk, 1996). Les substances jaunes proviennent d’une part d’apports continentaux (e.g., apports fluviaux) et d’autre part du milieu marin lui-même par dégradation du phytoplancton. L’appellation substances jaunes provient du fait que leur présence rend l’eau jaunâtre. Leur concentration est exprimée par le coefficient d’absorption de ces matières aCDOM en m-1.

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Table des matières

Introduction générale
Chapitre I : Optique marine et télédétection de la couleur de l’eau
I.A. Propriétés optiques inhérentes (IOPs)
I.A.1. Définitions
I.A.2. Coefficients d’absorption
I.A.2.a. Absorption de l’eau de mer pure
I.A.2.b. Absorption de la matière organique dissoute colorée (CDOM)
I.A.2.c. Absorption par le phytoplancton
I.A.2.d. Absorption par la matière particulaire non-algale
I.A.3. Coefficients de diffusion
I.A.3.a. Diffusion moléculaire
I.A.3.b. Diffusion par les particules
I.B. Propriétés optiques apparentes (AOPs)
I.B.1. Définitions
I.B.2. Réflectance
I.B.3. Coefficient d’atténuation diffuse
I.C. Télédétection de la couleur de l’eau
I.D. Classification des eaux de mer
I.E. Capteurs satellitaires couleur de l’océan et corrections atmosphériques
I.E.1. Capteurs à orbite polaire et géostationnaire
I.E.2. Corrections atmosphériques
I.F. Algorithmes de télédétection
I.F.1. Principe général
I.F.2. Algorithmes de quantification des MES dans les eaux côtières
I.F.2.a. Algorithmes empiriques
I.F.2.b. Algorithmes semi-analytiques
I.F.2.c. Réseau de Neurones
I.F.2.d. Informations complémentaires sur la couche de surface
I.G. Conclusion
Chapitre II : Site d’étude et méthodologie générale
II.A. Site d’étude
II.A.1. Golfe du Lion
II.A.1.a. Description générale
II.A.1.b. Hydrodynamique
II.A.1.c. Apports fluviaux dans le GoL
II.A.2. Le prodelta et le panache du Rhône
II.A.2.a. Le Rhône
II.A.2.b. Prodelta du Rhône
II.A.2.c. Panache du Rhône
II.A.3. Transport sédimentaire
II.A.3.a. Transport en suspension en amont de l’embouchure
II.A.3.b. Export solide à l’embouchure
II.B. Objectif général et Méthodologie
II.B.1. Objectif général
II.B.2. Méthodologie
II.C. Campagnes océanographiques
II.C.1. Conditions hydrologiques
II.C.2. Conditions de vents
II.C.2.a. Station de mesure de Port-de-Bouc
II.C.2.b. Vents durant les 5 campagnes de 2010
II.D. Stratégie d’échantillonnage : couverture spatiale des campagnes de mesure
II.D.1. Campagne « Optic-Med » (2008)
II.D.2. Campagnes « Optic-Rhône » (2010)
II.D.3. Campagnes « Rhoma » (2011)
II.E. Protocoles de mesures
II.E.1. Mesures biogéochimiques discrètes
II.E.1.a. Concentration en Matière en Suspension (MES)
II.E.1.b. Concentration en carbone organique particulaire (POC)
II.E.1.c. Concentration en pigments phytoplanctoniques
II.E.2. CTD et IOPs
II.E.2.a. Mesures de pression, température et conductivité
II.E.2.b. Coefficient d’absorption particulaire sur filtre
II.E.2.c. Coefficients d’atténuation, d’absorption et de diffusion particulaires sur la colonne d’eau
II.E.2.d. Granulomètre laser in situ (LISST)
II.E.2.e. Rétrodiffusion particulaire
II.E.3. Mesures radiométriques in situ
II.F. Plateformes de mesures autonomes
II.F.1. MESURHO
II.F.2. Flotteurs-profileurs bio-optiques ProvBios
II.G. Télédétection de la couleur de l’eau
II.G.1. Capteur MERIS
II.G.1.a. Caractéristiques du capteur MERIS
II.G.1.b. Produits MERIS
II.G.2. Capteur MODIS-Aqua
II.G.2.a. Caractéristiques du capteur MODIS-Aqua
II.G.2.b. Produits MODIS
II.H. Modèle hydro-sédimentaire Mars-3D
II.H.1. Résolution verticale et représentation en coordonnées sigma
II.H.2. Apports liquide et solide du Rhône dans le GoL
II.H.3. Modélisation de la vitesse de chute des particules
II.I. Conclusion
Chapitre III : Caractérisation des propriétés optiques des eaux du Golfe du Lion influencées par le panache du Rhône. Implications pour la télédétection de la couleur de l’eau
III.A. Propriétés biogéochimiques des eaux côtières de surface influencées par le panache du Rhône
III.A.1. Matières en suspension (MES)
III.A.2. Chlorophylle a (Chla)
III.A.3. Carbone organique particulaire (POC)
III.A.4. Rapport POC/MES
III.B. Liens entre les différents paramètres biogéochimiques
III.B.1. Relation entre les concentrations en MES et Chla
III.B.2. Relation entre les concentrations en POC et Chla
III.B.3. Relation entre les concentrations en POC et MES
III.C. Propriétés optiques inhérentes des eaux de surface
III.C.1. Propriétés d’absorption
III.C.1.a. Coefficient d’absorption des particules non-algales (anap)
III.C.1.b. Coefficient d’absorption des particules algales (aφ)
III.C.1.c. Coefficient d’absorption des particules (ap)
III.C.1.d. Contributions respectives des particules algales, non-algales et du CDOM à l’absorption de la lumière
III.C.2. Coefficient de rétrodiffusion particulaire (bbp)
III.C.3. Coefficient d’atténuation (c)
III.D. Relations entres les propriétés optiques et biogéochimiques
III.D.1. Coefficient de rétrodiffusion particulaire (bbp)
III.D.1.a. Proxys de la concentration en MES
III.D.1.b. Variations verticales de bbp(770) sur l’épaisseur du panache fluvial
III.D.1.c. Calibration de la sonde de turbidité de MESURHO
III.D.2. Coefficient d’atténuation (c)
III.D.3. Rapport de rétrodiffusion particulaire bbp/bp et composition des particules
III.D.4. Distribution de taille des particules
III.E. Relations entre la réflectance de l’eau et la concentration en MES
III.E.1. Critères de sélection des stations
III.E.2. Détermination du facteur de correction ρ
III.E.3. Algorithme empirique régional
III.F. Discussion et conclusion
Conclusion générale

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