Optimisation et caractérisations physico-chimiques de la matrice absorbante 

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Les complexes polyélectrolytes (PEC)

Les complexes polyélectrolytes (PECs) sont des assemblages moléculaires de poly-mères de charges opposées. La combinaison d’un nouveau matériau à partir de deux polymères préexistants permet, à simple coût, d’obtenir de nouvelles propriétés combi-nant les caractéristiques intrinsèques des polymères d’origine. De manière générale, la formation des PECs suit trois étapes (figure 1.10) [45]. Rapidement, les forces de Coulomb permettent la formation d’un complexe désordonnée. Le complexe se réorganise ensuite (environ 1 H) avant de s’agréger pour former différentes structures, via des interactions hydrophobes. Ce schéma est général et dépend du complexe polyélectrolyte considéré.
Les PECs à base d’alginate et de chitosane sont bien connus dans la littérature [46]. La formation du PEC est possible grâce aux interactions entre les carboxylates R-COO¡ de l’alginate et les amines protonées NH¯3 du chitosane. Contrairement à la complexa-tion des ions calcium, le ratio M/G de l’alginate ne semble pas influer sur son interaction avec le chitosane [47]. Différents paramètres peuvent cependant influer sur les proprié-tés des PECs obtenues. Tout d’abord, le pH final du mélange, étant convenu que les in-teractions entre les deux polymères sont tributaires de l’état chargé de leurs fonctions acido-basiques [48]. Un pH situé entre le pKa de l’alginate (environ 4,0) et du chitosane (environ 6,5) paraît donc favorable. Le DA du chitosane détermine en outre le nombre de fonctions amines protonables et a donc son importance [48]. Enfin, la proportion des deux polymères ainsi que le procédé de mélange sont des paramètres importants.
Ces deux paramètres ont été étudiés dans une précédente thèse, et il est apparu qu’un ratio alginate/chitosane de 63/37 (m/m) ainsi qu’une homogénéisation à l’Utra-Turrax permettait d’obtenir des propriétés intéressantes en termes de résistance enzymatique (75 % de conservation dans un milieu pancréatique simulé) et d’absorption (environ 2 000 %) [49]. Avec ces propriétés et dans ces conditions optimisées, les PECs à base d’alginate et chitosane se sont montrés prometteurs quant à leur utilisation en tant que matrice absorbante pour la prévention des fistules pancréatiques.
A cette matrice absorbante d’alginate et de chitosane, il est proposé de conférer des propriétés bioadhésives thermorégulées, afin de permettre une pose facilitée et un main-tien sécurisé du biomatériau. Il convient alors de s’intéresser aux phénomènes liés à la bioadhésion, c’est-à-dire à l’adhésion de systèmes vivants, en commençant par la com-préhension des mécanismes de biologie cellulaire sous-jacents.

Biologie cellulaire, bioadhésion et surfaces

Avec des tailles allant de 1 à 100 &m, les cellules sont composées de nombreux or-ganites, ayant chacun leur fonction propre. Le noyau, les mitochondries ou encore les ribosomes participent par exemple à la synthèse protéique. D’autres encore sont dédiés la structure de la cellule : une bicouche phospholipidique, sa membrane, maintient par exemple la séparation entre le cytosol (phase liquide interne) et la MEC. De son côté, le cytosquelette, composé principalement de microtubules et d’un réseau de filaments d’ac-tine, contrôle la rigidité de la structure [50]. La quantité et la composition de la MEC va-rient selon le tissu concerné. Elle contient un certain nombre de protéines : fibronectine, collagène, laminine, mais aussi des facteurs de croissance, ainsi que toutes les protéines nécessaires pour le maintien des cellules et la communication intercellulaire.
Les filaments d’actine (en rouge sur la figure) composent le cytosquelette en s’auto assemblant [51]. Ces filaments sont connectés aux intégrines (protéines transmembra-naires) via la vinculine et la taline (figure 1.11) [52, 53]. Ces intégrines sont des récep-teurs cellulaires et se lient de manière spécifique à certaines protéines issues de la MEC, comme la fibronectine ou encore la vitronectine, via un couplage RGD 6. Les interactions intégrine/MEC sont donc responsables de l’adhésion des cellules sur une surface. La co-hésion intercellulaire est quant à elle régulée par d’autres mécanismes, p. ex. par des jonc-tions homophiliques via des cadhérines, jouant aussi un rôle dans la régulation de la pro-lifération cellulaire. Quoi qu’il en soit, cette adhésion cellule/substrat peut être divisée en plusieurs phases (figure 1.12, a) [54]. Avant tout, il est nécessaire de concevoir que les cellules n’interagissent pas directement avec le substrat, mais avec une couche protéique qui s’adsorbe spontanément, sauf dans le cas de surfaces anti-adhésion, dans les pre-miers instants de ma mise en culture du matériau. La cellule «voit» donc une couche pro-téique, et les premières secondes de contact sont caractérisées par la formation d’interac-tions non spécifiques. Les interactions biologiques apparaissent ensuite, ce qui inclut le couplage RGD fibronectine/intégrine. Cette deuxième étape conduit à une cascade d’ac-tion dont la réorganisation du cytosquelette et le regroupement des intégrines en points d’adhésion focaux. Par la suite, les cellules contractent leur cytosquelette et maintiennent un état mécanique de tension, aussi appelé préstress. Enfin, après un certain temps, les cellules produisent de la MEC afin de renforcer leur intégration et de maintenir un envi-ronnement qui leur est favorable.
Deux paramètres déterminent le comportement d’un biomatériau implanté : (i) les propriétés du «bulk», et particulièrement sa rigidité, jouent un rôle dans la qualité de l’implantation dans les tissus, et (ii) ses propriétés de surface contrôlent la réponse du système immunitaire (immunogénicité), la destruction de l’intégrité cellulaire et la bio-adhésion. Les membranes cellulaires étant anioniques, les surfaces cationiques doivent être précautionneusement utilisées, ces dernières pouvant endommager les cellules et les tissus. A l’inverse, les surfaces chargées négativement tendent à repousser les cellules [56–59].

Modification de surface et bioadhésion thermorégulée

Les surfaces, en tant qu’interfaces matériau/système vivant, ne jouent pas unique-ment des rôles passifs. Bien au contraire, certaines surfaces peuvent jouer un rôle actif dans la migration, la différentiation ou encore la prolifération cellulaire. Ces phénomènes sont régis par les interactions matériaux/cellules. Ainsi, les surfaces jouent un rôle im-portant dans la fonction même du biomatériau et peuvent être utilisées, par exemple, comme activateurs de la reconstruction tissulaire [61]. Dans ce domaine, appelé ingénie-rie tissulaire, l’adhésion des cellules à la surface est un facteur clef. La bioadhésion est un phénomène complexe qui implique de nombreux paramètres. Pendant longtemps, il a été difficile pour les scientifiques d’identifier clairement les mécanismes sous-jacents à ce phénomène. Ces mécanismes sont aujourd’hui mieux compris, et l’intérêt de la com-munauté scientifique pour cette question est, outre théorique, essentiel dans un certain nombre d’applications qui dépendent de l’affinité cellule/surface.
Afin de produire des feuillet cellulaire (FC), les propriétés de surfaces sont utilisées pour contrôler la bioadhésion. Après prolifération des cellules sur une surface bioadhé-sive, une diminution de cette dernière permet de retirer un feuillet de manière douce. Les feuillets ainsi produits ont montré de bonnes capacités d’intégration dans les tissus [82], ce qui en fait un outil intéressant pour la reconstruction tissulaire. Les surfaces intelli-gentes, pouvant être commutées entre un état «on» (adhésif ) et un état «off» (non-adhésif ) permettent la production de FC. Le PNIPAM est un polymère thermosensible. Ce dernier a suscité l’intérêt du fait de sa transition, appelée “Lower Critical Solution Temperature” (ou, en francais, température critique inférieure de solubilité) (LCST), entre un état hydro-phile et hydrophobe autour de 32 °C. Cette transition hydrophile/hydrophobe implique une modification dans sa capacité bioadhésive : il en résulte un polymère non adhésif à la température ambiante et adhésif à 37 °C, température du corps humain. Si son mono-mère est cytotoxique, le polymère ne semble pas montrer de toxicité pour de nombreux types cellulaires [83]. Ces caractéristiques font de ce polymère un des plus étudiés dans la littérature scientifique, avec pas moins de 2 800 articles recensés par Scopus depuis 2010 7. Différentes méthodes de modification de surface permettent l’introduction de ce polymère fonctionnel en surface.
De manière générale, les traitements plasma sont probablement une des techniques les plus utilisées pour la modification de surface, à la fois pour introduire des groupes fonctionnels ou revêtir les surfaces avec un polymère [84]. En présence d’air, les surfaces sont oxygénées modifiant leur hydrophilicité [85]. Cette modification peut conduire à une augmentation de la bioadhésion, comme c’est le cas pour le polystyrène, très largement utilisé en culture cellulaire [65]. De plus, les traitements plasma permettent d’abraser la surface ce qui augmente la rugosité. Cette modification de topographie peut ainsi, dans certains cas, augmenter l’affinité des cellules pour la surface, comme il a été reporté pour le polyméthylméthacrylate [86]. L’introduction de groupes réactifs permet de plus le gref-fage covalent d’entités organiques. En présence d’air, les surfaces ainsi activées peuvent par exemple modifiées par le greffage de monomère ou de polymère, comme le PNIPAM via un couplage type NHS 8/EDC 9, autrement dit par un couplage peptidique (voir sec-tion 3.3.1) [87]. Sous argon, les radicaux produits peuvent être utilisés, directement ou après exposition à l’air, pour créer des peroxydes capables d’initier une polymérisation [56].
Alors que les traitements plasma sont faciles à mettre en œuvre, ils ne permettent pas une structuration contrôlée de la surface. Il a été montré que la méthode utilisée pour incorporer du PNIPAM en surfaces influence les propriétés de bioadhésion obtenues. Par exemple, les surfaces produites par plasma montrent de meilleures adhésions cellulaires que celles produites par canon à électron [79]. Le contrôle de la structure est donc un cri-tère significatif. Les structures en peigne (ou «brush» en anglais) permettent ce contrôle. Il s’agit de monocouches auto-assemblées, comme décrit figure 1.15. L’épaisseur et la den-sité de greffage sont des paramètres qui peuvent être contrôlés, en jouant sur le polymère greffé et son taux de greffage, respectivement. Ces structures sont ainsi largement utili-sées, notamment pour les applications biomédicales, et ont montré de bonnes propriétés de bioadhésions [88]. L’intérêt de ces structures résidant entre autres dans le contrôle qu’elles permettent, il est alors nécessaire de pouvoir ajuster précisément la longueur de chaîne du polymère greffé. La polymerisation radicalaire contrôlée (PRC) permet ce contrôle et est majoritairement utilisée pour l’élaboration de structures en peigne (voir section 1.4.2).

Atom transfert radical polymerisation (ATRP)

Tout comme la NMP, l’ATRP repose sur un équilibre entre la quantité de chaînes ac-tives (porteuses de radicaux) et dormantes [97, 98, 106, 107]. L’ATRP est versatile et est faisable dans des conditions douces [102, 108, 109]. Cependant, de hautes températures (… 100 °C) réduisent le temps de polymérisation et permettent, dans certains cas, une ré-duction de la polydispersité [110]. Le mécanisme, qui suit une pseudo-cinétique d’ordre 1, est décrit figure 1.19. En premier lieu, un radical est spontanément produit par la réduction d’un bromure d’acyle (classiquement le fi-Bromoisobutyryl bromide (BIBB)) par l’ac-tion d’un métal réducteur. Va ensuite s’installer un équilibre entre les espèces réduites et oxydées, les radicaux se transférant d’atome en atome. L’ATRP nécessite donc l’usage d’un métal comme catalyseur. Ce métal, par cycles d’oxydation/réduction, va générer/absorber (respectivement) des radicaux dans le milieu de réaction, conduisant à l’activation / désac-tivation des chaînes polymériques. L’équilibre qui en résulte permet de limiter le nombre d’espèces actives et donc les réactions de terminaisons (recombinaison) ou parasitaires. Classiquement, des complexes de cuivre sont utilisés à cause de leur activité catalytique efficace via le couple Cu(II)/Cu(I) [111, 112]. La présence de ce métal peut être problé-matique, notamment dans le cadre d’applications biomédicales. Il en suit des procédés de purifications contraignants et couteux. L’ATRP peut être catalysée par de faibles quan-tités de fer (lui aussi sous forme de complexe, via le couple Fe(III)/Fe(II)). Cette alterna-tive réduit le risque toxicologique, le fer étant considéré comme moins toxique, à la fois pour le corps mais aussi pour l’environnement, que le cuivre [113–115]. Le fer est aussi le métal le plus abondant sur terre ce qui en fait une matière première peu chère. Ces ca-ractéristiques sont à l’origine d’une part importante de la recherche autour de la chimie organique catalysée par ce dernier, ce qui inclut l’ATRP, dans une perspective de «chimie verte» [116, 117]. Le choix du ligand pour former le complexe est lui-même une question complexe [118] : par exemple, la pentamethyldiethylenetriamine (PMDETA) peut être uti-lisée en combinaison avec Cu [119], la tris(3,6-dioxaheptyl)amine (TDA) avec Fe [120]. En outre, l’ATRP regénérée par trasfert d’électron (ARGET-ATRP), développée par Matyjas-zewski et al. dans les années 2 000, permet de réduire la quantité de catalyseur néces-saire (˙ 50 ppm). Cette ATRP avancée est dérivée de l’ATRP générée par trasfert d’électron (AGET-ATRP). Dans l’AGET-ATRP, l’ajout d’un agent réducteur, par exemple l’acide ascor-bique (aussi appelée vitamine C) [121], permet d’initier les cycles d’oxydation/réduction du métal, créant des radicaux et démarrant donc la polymérisation. Cet ajout permet de travailler avec des espèces métalliques oxydées (p. ex. Cu(II) ou Fe(III)) et d’éviter des étapes préparatives de réduction du métal nécessitant en outre des précautions parti-culières telles que la manipulation sous atmosphère contrôlée. Dans le cas de l’ARGET-ATRP, un excès d’agent réducteur est utilisé. Ainsi, l’initiateur ne fait pas que générer les radicaux, il maintient aussi une quantité suffisante de métal réduit (p. ex. Cu(I) ou Fe(II)) nécessaire au bon équilibrage radicalaire du système sans avoir besoin d’ajouter un com-posé radicalaire organique qui pourrait conduire à des réactions parasitaires, de la réti-culation ou la formation de nouvelles chaînes [106]. La quantité de métal initiale est alors réduite, et la tolérance à l’air du système est augmentée, permettant éventuellement d’ef-fectuer la réaction en système ouvert [122, 123].
Dans le cas de l’ARGET-ATRP, l’acide ascorbique est préférable aux agents réducteurs base d’étain du fait de sa non-toxicité envers les êtres humains et l’environnement. Ce- pendant, l’acide ascorbique est un agent très réducteur (Eˇr = 0, 13V) et tend à dérégler l’équilibre Mox/Mred vers l’espèce réduite, ce qui amène une diminution du contrôle de la polymérisation. Il est alors possible d’utiliser un moins bon solvant, comme l’anisole, dans le but de diminuer l’activité réductrice de l’acide ascorbique [121, 123].
D’autres types d’ATRP existent. On peut par exemple citer la «supplemental activa-tor and reducing agent» (SARA) ATRP. Dans cette technique, le métal est utilisé au degré d’oxydation 0 [117, 124]. En utilisant de la poudre de fer métallique, on peut par exemple catalyser la polymérisation avec ou sans ajout de sels de Fe(III), bien que l’absence de ce dernier augmente la polydispersité [110, 125].
L’ATRP est utilisée dans de nombreuses applications. Il est cependant intéressant de prendre note de certaines applications biomédicales utilisant cette stratégie : membranes antifouling [126], membranes de cellulose multi sensibles [127, 128], attachement/détachement de cellules (via greffage de PNIPAM) [119, 124].
L’ATRP initiée en surface) (SI-ATRP) est une technique de “grafting from”. L’idée est de greffer chimiquement le bromure d’acyle (par exemple le BIBB) afin d’initier la poly-mérisation directement depuis la surface. La caractérisation directe des polymères ainsi formés en surface étant difficile, il est usuel de rajouter une petite quantité (dite sacri-ficielle) d’initiateur dans le milieu afin de former des chaînes de polymères libres, plus faciles à caractériser (voir section 1.4.1). Les avantages principaux de l’ATRP résident la possibilité d’obtenir un contrôle fin de la longueur de chaîne [98]. Il est aussi possible de contrôler l’épaisseur et la densité de la couche greffée de manière séparée, en jouant sur le temps de réaction et les proportions stœchiométriques, respectivement [108, 129]. Des exemples d’ATRP, utilisant le PNIPAM, sont donnés tableau 1.2.

Caractériser les structures peignes

La caractérisation des chaînes de polymère greffées va dépendre de la stratégie de greffage choisie. Ainsi, le “grafting to” permet la synthèse du polymère dans une étape dif-férentiée de celle du greffage. Les techniques classiques de caractérisation de polymère sont donc applicables : viscosimétrie, chromatographie d’exclusion stérique (CES), réso-nance magnétique nucléaire (RMN) ou encore spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier (FTIR). Ces techniques permettent en outre de déterminer la structure du poly-mère, notamment en donnant des indications sur sa longueur de chaîne. Ce critère est déterminant puisqu’il définira l’épaisseur de la couche en peigne une fois greffée. Cette section donne des informations générales, tout en gardant en tête leur utilisation pour le cas du PNIPAM, qui sera lu introduit plus en détail section 1.4.3.
Dans le cas du “grafting from”, il est donc d’usage de former, parallèlement à la croissance du polymère sur la surface, des chaînes de polymère libres, en ajoutant un initiateur en solution par exemple (voir sections 1.4.2.1 et 1.4.2.2). On suppose alors, bien qu’hypo-thèse délicate, que le polymère formé en solution est comparable à celui formé en surface [102, 103, 108, 109, 149–152]. Il est néanmoins parfois possible, dans le cas de systèmes réversibles, de détacher les chaînes une fois formées afin de caractériser directement ces chaînes de surface [145]. A cet effet, la chimie «click» type «Diels-Alder» peut être une voie de synthèse intéressante [104].
Pour ce qui est de la caractérisation de la couche en peigne elle-même, différents ou-tils sont disponibles. La morphologie, la densité de greffage ainsi que l’épaisseur sont des paramètres intéressants pour l’expérimentateur. L’ AFM est un outil puissant qui permet de déterminer la morphologie de surface, l’uniformité ou l’épaisseur de la couche gref-fée. Par exemple, le changement de conformation lié aux variations de température du PNIPAM peut être observé par AFM [153]. De plus, il est possible d’étudier les interac-tions entre la surface et une pointe d’AFM, cette dernière pouvant éventuellement être fonctionnalisée : on mesure dans ce cas l’interaction entre la surface en peigne et le com-posé greffé sur la pointe [154, 155]. Les observations AFM sont cependant délicates et requièrent des substrats exempts de rugosité micrométrique.
La résonance des plasmons de surface (SPR) permet d’obtenir l’épaisseur mouillée de la couche , c.-à-d. son épaisseur dans un environnement liquide, prenant ainsi en compte les phénomènes de gonflement. L’épaisseur sèche, c.-à-d. en absence de liquide, peut-elle être déterminée par éllipsométrie [153]. L’AFM peut aussi être utilisée, cependant, dans le cas du PNIPAM, des erreurs systématiques ont été reportées du fait de la présence d’interactions attractives entre la pointe d’AFM et la couche de PNIPAM [156]. Une fois de plus, ces techniques restent généralement applicables aux seules surfaces modèles, type silicium, du fait de la nécessité d’un état de surface lisse.
La densité de greffage demeure compliquée à déterminer. Toutefois, elle peut être dé-duite de l’épaisseur sèche via l’équation : ¾ = h‰NA (1.3)
avec ¾ la densité de greffage, h l’épaisseur sèche, NA le nombre d’Avogadro et Mn la masse molaire. La densité sèche des chaînes de PNIPAM, ‰, est parfois prise arbitrairement égale 0,95 g.cm¡3 par certains auteurs [91, 157], mais la densité réelle peut être mesurée par une technique d’oscillation dans un tube en U (en anglais U-tube oscillation) [158] ou réflectométrie des rayons X (XRR) [159, 160]. L’interdépendance entre ¾ et ‰ rend l’utilisation de cette valeur de 0,95 g.cm¡3 talis qualis discutable, mais nécessité faisant elle permet d’obtenir une idée, si ce n’est quantitative, au moins comparative, de la densité de gref-fage. Certains auteurs déterminent aussi cette densité par FTIR [161]. Quoi qu’il en soit, la détermination de la densité de greffage, même comparative, reste une tâche difficile, souvent limitée aux surfaces modèles.
L’analyse chimique des surfaces peut se faire par les techniques classiques tels que : spectrométrie photoélectronique X (XPS), réflectance totale atténuée (ATR-IRTF), ou encore spectroscopie Raman. Pour les couches nanométriques, ce qui est typiquement le cas des structures en peigne, l’XPS est préférable à l’ATR-IRTF, celui proposant une profondeur de pénétration plus faible (quelques nm pour l’XPS contre une profondeur pouvant aller jusqu’à 1 &m pour ATR-IRTF [67]. L’influence du substrat sous-jacent pourra alors dans ce dernier cas rendre difficile la discrimination substrat/peigne des composantes du si-gnal. Il en est de même pour la spectroscopie Raman qui propose une résolution en z supérieur au micron [162]. La spectrométrie de masse à ionisation secondaire (SIMS) peut permettre d’obtenir des signaux encore plus localisés en surface. En effet, cette technique consiste à pulvériser le matériau, couche par couche, grâce à un rayon ionique ; un dé-tecteur collectera alors les informations (masses par exemple) des fragments pulvérisés. Cette technique reste cependant complexe à mettre en œuvre, ce qui explique sa présence limitée dans la littérature du domaine. Finalement, l’XPS reste la technique de choix pour la caractérisation chimique des surfaces peignes.
Les microbalances à quartz permettent d’évaluer la quantité d’une entité déposée sur une surface. La détermination de la quantité de protéines adsorbées sur la surface d’un biomatériau est obtenue en mesurant, in situ, la variation de fréquence de vibration du quartz [62]. Des microbalances à quartz avec contrôle de la dissipation sont aussi utili-sées pour observer le gonflement d’un polymère en surface [134]. Enfin, la AMFC permet d’obtenir des informations sur l’exocytose cellulaire (cinétique et quantité sécrétée) et ainsi d’évaluer l’impact du substrat sur l’activité cellulaire [79].
Toutes ces techniques sont cependant difficiles à réaliser sur des systèmes «polymère sur polymère», notamment à cause de la rugosité de surface. Certaines sont donc réser-vées pour les systèmes utilisant des substrats modèles (par example Si, Au ou Ti), ce qui explique souvent le manque de caractérisations des structures type «peignes» dans la lit-térature. L’XPS peut cependant permettre la caractérisation chimique d’un substrat algi-nate/chitosane fonctionnalisé par un polymère thermosensible en surface peigne.

Vers une adhésion thermorégulée : PNIPAM

Le poly(N-isopropyacrylamide) (PNIPAM) est un polymère thermosensible (structure figure 1.21. Par thermosensible, il est entendu que les interactions qu’entretient le PNI-PAM avec l’eau vont dépendre de la température. Plus particulièrement, ce dernier passe d’hydrophile à hydrophobe lorsque la température augmente. Cette transformation n’est pas graduelle et s’effectue à une température de transition appelée “Lower Critical Solu-tion Temperature” (ou, en francais, température critique inférieure de solubilité) (LCST), qui se situe autour de 32 °C. Cette transition, endothermique, s’accompagne d’un chan-gement de conformation : en dessous de sa LCST, le PNIPAM est «expansé», il se re-croqueville alors sur lui même en passant le seuil de température critique. Cet écrase-ment des chaînes polymériques est associé à la compétition entre les énergies d’interac-tions polymère/eau et polymère/polymère (inter- et intramoléculaires). En d’autres mots, en dessous de sa LCST, le PNIPAM est lié à l’eau par une liaison hydrogène amide/eau (C¡O¢¢¢H¡O). Au passage de la LCST, le polymère se déshydrate et l’on peut observer la formation de liaisons hydrogène amide/amide (C¡O¢¢¢H¡N) intra- et intermoléculaire [163, 164]. Dans le cas des surfaces greffées avec du PNIPAM, cela signifie simplement que la couche superficielle existe soit dans un régime «peigne» (T ˙LCST), soit dans un régime collapsé dit «champignon» («mushroom») (T ¨LCST). Si l’on considère générale-ment la température de 32 °C, la LCST du PNIPAM dépend de la longueur de chaîne et de la densité de greffage, cependant ces variations sont faibles (1 à 2 degrés au maximum) et cette température reste dans tous les cas entre la température ambiante (25 °C) et corpo-relle (37 °C) [156]. Néanmoins, outre les facteurs structurels, la température de transition peut être fortement affectée lorsque le PNIPAM est utilisé en copolymère [165] ou lorsque des sels sont présents dans le milieu [77, 166]. Dans le premier cas, l’adjonction d’un po-lymère hydrophile (hydrophobe) sous forme de copolymère va défavoriser (favoriser) la déshydratation, ce qui conduit à une augmentation (diminution) de la LCST. En ce qui concerne les sels, les ions Cl– et CH3COO– tendent à diminuer la LCST, tandis que les ions SCN – tendent à l’augmenter, comme prédit par la série de série de Hofmeister [77]. Il faut toutefois relativiser l’influence possible des ions sur la LCST dans les milieux bio-logiques, leurs concentrations étant relativement faibles (inférieur à 0,15 M). De la même manière, une forte concentration protéique peut avoir une influence, allant de -2,6 °C à 1,5 °C en fonction de la protéine [164] et, à forte concentration, l’adsorption protéique au-dessous et en dessous de la LCST sont similaire [167], même si une fois de plus les conditions utilisées dans ces études ne sont pas représentatives des milieux biologiques.

Les ISO : une référence sur le plan national et international

L’ISO (étymologiquement dérivé du grec «isos», signifiant «egal») est l’Organisation internationale de normalisation. Cet organisme non gouvernemental et indépendant à pour but de définir des normes uniformisées afin de faciliter le commerce, le contrôle, mais aussi de garantir qualité et sécurité des produits, des services et des systèmes sur le plan mondial. A ce jour, l’ISO a publié plus de 21 000 normes internationales qui couvrent une grande partie des domaines industriels 13. Etablies par des experts, les normes ISO font aujourd’hui foi comme références : elles définissent et fournissent des repères, des protocoles et des procédures afin de rendre possible des contrôles plus homogènes et de fait comparables. Dans le monde industriel, c’est un gage de qualité et un outil stra-tégique proposant des procédures optimisées en termes de rendement et de réduction de déchets, par exemple. Ces normes couvrent bien entendu le domaine biologique et médical, avec notamment des ISO portants sur la cytotoxicité (ISO 10993-5 de 2009). Les normes ISO ne sont que recommandatives, le marquage CE nécessite cependant parfois le suivi de ce type de normes 14.
Dans ce contexte, la norme ISO 10993-5 de 2009 permet d’encadrer les évaluations cytotoxiques des dispositifs médicaux. Cette norme propose en fait différents protocoles de tests, chacun pouvant être plus ou moins adapté selon le dispositif testé. En premier lieu, il s’agit de distinguer les tests par contact direct, indirect et les tests sur des extraits (extraction liquide d’un matériau), en fonction de l’application finale visée. Plusieurs pa-ramètres peuvent alors être étudiés :
— évaluation de la destruction ou détérioration de l’intégrité cellulaire par des moyens morphologiques
— mesures de la destruction ou détérioration de l’intégrité cellulaire
— mesure de la prolifération
— mesure d’un ou de plusieurs aspects spécifiques du métabolisme cellulaire
Dans le cadre de cette thèse, qui concerne le développement d’un dispositif médical implantable pour application directe sur organe, il convient alors de s’intéresser aux tests par contact direct ou par diffusion. Dans ce cas, il est tout d’abord recommandé de stéri-liser, de maintenir et de manipuler dans un environnement stérile ledit matériau, dans le cas où celui-ci devrait être utilisé ainsi dans l’application finale. De manière intéressante, il est recommandé de pré imprégner les matériaux absorbants (ce qui est, par essence, le cas des pansements) dans le milieu de culture avant d’effectuer les tests, afin d’éviter l’ab-sorption de ce dernier lors de la culture cellulaire. La température de stockage des lignées cellulaires, de préférence établies (non primaires), doit être fixée à -80 °C, voire à -130 °C pour de longues durées de stockage. Comme il est communément d’usage, la norme Source et site officiel de l’ISO : http ://www.iso.org/iso/fr/home/standards.htm le règlement (UE) 2017/745 relatif aux dispositifs médicaux demande le suivi de la norme ISO rappelle la nécessité d’utiliser un cryoprotecteur. En effet, lors du refroidissement, la for-mation de cristaux d’eau à l’intérieur ou à l’extérieur des cellules peut endommager ces dernières. La congélation tend aussi à augmenter, localement et de manière critique, la concentration saline du milieu ce qui peut conduire à des précipitations, à l’implosion ou l’explosion cellulaire par le biais de chocs osmotiques. Les cryoprotecteurs permettent alors de limiter les effets négatifs en diminuant les cinétiques de nucléation et de cristal-lisation de l’eau via la formation de liaisons hydrogène. Les mécanismes en jeux sont en fait complexes et assez mal compris [193]. Quoi qu’il en soit, le DMSO, miscible à l’eau et non toxique, est couramment utilisé en tant qu’agent cryoprotecteur. Enfin, pour en reve-nir à la norme ISO, la bonne santé et l’absence de mycoplasmes dans le milieu de culture, approprié, sont de rigueur. Un protocole détaillé est alors fourni. Succinctement :
introduction d’une quantité connue de cellules de manière uniforme dans le milieu vérification de la morphologie des cellules au microscope remplacement du milieu de culture au moment de commencer le test placement de l’échantillon sur la couche cellulaire 15, incubation (au moins 24 H) préparation à la caractérisation qualitative ou quantitative.
Il est important de noter que l’expérience doit être réalisée au moins 3 fois pour juger de la reproductibilité. Des expériences contrôles doivent aussi être réalisées pour com-parer. Le protocole peut être adapté en fonction des cas si cela est justifié. Quoi qu’il en soit, le protocole doit être consciencieusement rapporté. Une détermination qualitative est possible en étudiant la morphologie cellulaire. Les critères définis par l’ISO sont don-nés tableau 1.3. Le comptage cellulaire permet en outre d’avoir une information quan-titative. Il s’agira alors, par exemple, d’éliminer les cellules mortes, par rinçage, puis de compter le nombre de cellules restantes, considérées, après vérification au microscope, comme vivantes. Il est alors défini par l’ISO qu’une réduction de la viabilité cellulaire par rapport à un contrôle de plus de 30 % est considérée comme potentiellement due à un effet cytotoxique.

Formation du complexe polyélectrolyte avant sa mise en forme

Les caractérisations de l’alginate et du chitosane présentées dans la section précé-dente ont permis de déterminer la nature plus précise des polysaccharides étudiés. La présente section se concentre sur l’étude texturométrique de gels d’alginate et de chito-sane isolés, ainsi qu’à leur mélange sous forme de PEC.
L’analyse de texture se réalise en appliquant des forces contrôlées à l’échantillon et en enregistrant les réponses en termes de force, déformation et durée. Le test consiste à faire pénétrer une sonde dans des conditions bien définies dans l’échantillon. Il s’agit donc sur-tout de réaliser une étude comparative sur une série d’échantillons caractérisés dans les exactes mêmes conditions (contenant), sur le même équipement et avec le même mode opératoire. Les mesures sont faites au moyen d’un analyseur de texture et d’un plongeur cylindrique comme sonde. Il effectue un cycle charge – décharge (montée – descente) dans l’échantillon (figure 2.9). Le résultat de la mesure est un graphique représentant la force (exercée par l’échantillon sur la sonde) en fonction de la distance (parcourue par le bras mobile) (figure 2.10) ou en fonction du temps du test. Il est alors possible de déduire de ce type de courbe différents paramètres. Il est alors possible de déduire de ce type de courbe différents paramètres. Tout d’abord, la consistance, qui représente la résistance
la pénétration, peut être déterminée en relevant la contrainte maximum ¾max . L’adhé-sivité du matériau peut-elle être déterminée en mesurant l’aire sous la courbe après la sortie de la sonde. Il est cependant difficile de définir les limites de l’aire à mesurer. On se propose donc d’utiliser la force minimum, ¾mi n , comme indicateur de l’adhésivité. Enfin, l’élasticité peut être évaluée. Dans le cas d’un matériau purement élastique, on peut en effet supposer que le matériau renvoie la même force lors de la descente de la sonde que de sa remontée. Dans un cas idéal, l’aire de sortie de la sonde Asor est alors égale à l’aire de pénétration Apen . On pose alors que l’élasticité E, en pourcentage, est égale à Asor /Apen .

Mise en forme des films : influence du séchage sur les propriétés physico-chimiques de la matrice absorbante

Outre leur composition chimique, la structuration des matériaux est un facteur non négligeable pour les propriétés d’un matériau. Ce projet porte en effet sur l’élaboration d’un pansement chirurgicale avec, en tant que matrice absorbante, un PEC d’alginate et de chitosane. La structuration des matrices absorbantes peut cependant avoir une in-fluence sur les caractéristiques des matériaux obtenus. Entre autres, on peut supposer que l’introduction d’une porosité importante augmenterait les capacités absorbantes de la matrice tout en réduisant les propriétés mécaniques et la résistance enzymatique.
Dans la littérature, les études portant sur les PECs à base d’alginate et de chitosane sont généralement centrées sur la composition du PEC (ratio alginate/chitosane), le DA du chitosane, le rapport M/G ou encore la répartition des unités M et G de l’alginate [32]. La technique de séchage des matériaux reste toutefois peu étudiée. Quelques études existent, mais ces dernières se concentrent sur le séchage par CO2 supercritique (SCC) [33, 34]. Il est pourtant connu que pour de l’alginate [35, 36] ou du chitosane [37, 38] isolé, et plus généralement sur les polymères, la méthode de séchage détermine la struc-ture du matériau obtenu. Il semble donc tout à fait légitime de s’interroger sur l’impact du procédé de séchage sur la structuration des PECs et les propriétés physico-chimiques qui en découlent. Entre autres, l’impact de la structure sur les capacités de gonflement, que l’on souhaite élevée, est un point clef lors de l’élaboration de pansements. Le com-portement en milieu pancréatique simulé ainsi que la cinétique de libération de principe actif sont aussi des facteurs déterminants pour le développement de pansements chirur-gicaux. Le séchage par évaporation, la lyophilisation et le séchage par CO2 supercritique (SCC) sont des techniques classiques de laboratoire qui conduisent à des structurations de matériaux très différentes. Tout en gardant les premières étapes de l’élaboration des PECs, l’influence du séchage lors de la dernière étape a donc été étudiée dans cette sec-tion.

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Table des matières

1 Contexte scientifique et réglementaire 
1.1 Contexte médical
1.2 La matrice absorbante
1.3 Biologie cellulaire, bioadhésion et surfaces
1.4 Modification de surface et bioadhésion thermorégulée
1.5 Réglementation des dispositifs médicaux
1.6 Développement du biomatériau pour application chirurgicale : vers la mise en œuvre
2 Optimisation et caractérisations physico-chimiques de la matrice absorbante 
2.1 Introduction
2.2 Caractérisation des biopolymères
2.3 Formation du complexe polyélectrolyte avant sa mise en forme
2.4 Mise en forme des films : influence du séchage sur les propriétés physicochimiques de la matrice absorbante
2.5 Vers la compréhension des xérogels
2.6 Conclusion
3 Modification chimique pour une bioadhésion thermorégulée 
3.1 Introduction
3.2 Synthèse de PNIPAM fonctionnalisé : contrôle de la longueur de chaîne
3.3 Modifications chimiques
3.4 Conclusion
4 Propriétés de surface : influence du greffage de PNIPAM 
4.1 Introduction
4.2 Etudes in vitro
4.3 Vers l’adhésion de surface
4.4 Conclusion
5 Matériel et méthodes 
5.1 Introduction
5.2 Chapitre 2
5.3 Chapitre 3
5.4 Chapitre 4
Références

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