Optimisation des outils en forgeage à chaud par simulation éléments finis et méthode inverse

Le forgeron frappant le fer rouge à coups de marteau : c’est l’image d’Epinal. Bien que simpliste, elle n’en traduit pas moins un métier où le savoir-faire tient une place
prépondérante. Mais les pièces à forger deviennent plus complexes, les exigences de qualité plus strictes, et les temps impartis pour les réaliser plus courts. De plus, le procédé de fabrication doit être mis au point en veillant à diminuer les coûts. Lorsque les essais en grandeur réelle sont inenvisageables, par exemple d’un point de vue financier, le forgeron se doit alors de « réussir du premier coup ». Pour déterminer le meilleur processus de forgeage, la simulation numérique des procédés de mise en forme constitue un moyen d’investigation privilégié. En donnant accès à des grandeurs difficilement accessibles par l’expérience, elle améliore la compréhension desphénomènes simulés. De plus, elle permet d’analyser un procédé, avant qu’il ne  soit réellement mis en œuvre. Les idées nouvelles peuvent ainsi être testées rapidement, sans mobiliser l’outil de production. Mais l’obtention d’une gamme de forgeage satisfaisante par cette méthode est souvent le résultat d’un fastidieux travail d’essais-erreurs, durant lequel, la solution est maintes fois testée et modifiée. Le succès de cette approche repose principalement sur l’expérience de l’utilisateur, et certaines solutions peuvent échapper à son intuition. Dans ce contexte, être en mesure de déterminer la solution optimale par le calcul, sans intervention de l’utilisateur, revêt une importance capitale. Les outils informatiques d’aide à la conception pour les procédés de mise en forme, constituent ainsi le lien entre l’industrie et la recherche numérique : d’un côté les attentes, de l’autre, les méthodes à mettre au point. De tels logiciels ne sont devenus envisageables que très récemment. Etant donnée la complexité du problème général de mise en forme : non linéarité des équations, instationnarité des écoulements, etc., les outils numériques permettant la simulation des procédés complexes ne sont en effet apparus qu’au début des années quatre-vingts. Le code de simulation Forge2®, développé au CEMEF, est maintenant utilisé dans de nombreuses forges. Un premier outil de conception optimale pour les procédés de forgeage, ayant pour moteur ce logiciel, a été mis en œuvre. Des résultats encourageants ont été obtenus sur des cas académiques. Mais pour exister vraiment, cet outil se doit d’être capable de répondre aux différents problèmes rencontrés dans l’industrie. C’est ce que l’on se propose de faire dans ce travail .

Les différentes méthodes rencontrées dans le cadre de la conception optimale en mise en forme sont présentées dans le premier chapitre. Les équations régissant le problème de forgeage et les méthodes de résolution, sont rappelées dans le deuxième chapitre. Dans le troisième chapitre, le problème de conception est formulé comme un problème de minimisation, en utilisant une approche de type «méthode inverse ». Cette minimisation est réalisée grâce à une analyse de sensibilité aux paramètres définissant la forme des matrices de forgeage. La méthode retenue pour cette analyse, et les équations résultantes, sont présentées dans le quatrième chapitre. Dans le dernier chapitre, la méthode développée est validée, et confrontée, à plusieurs problèmes industriels, de natures et de complexités différentes.

Le problème d’optimisation en mise en forme : Contexte et motivations 

La réalisation d’un nouveau produit implique la résolution de problèmes complexes. En premier lieu, les formes et les matériaux de chaque pièce (ou composante) doivent être déterminés en fonction des contraintes géométriques ou mécaniques, auxquelles elles sont soumises. Ce problème de conception résolu, il faut déterminer le procédé de mise en forme capable de produire ces pièces. Résoudre les deux problèmes ainsi posés (conception des pièces et conception de la technologie de fabrication) n’est pas chose aisée, et leur forte interactivité ne simplifie pas la tâche. Dans les deux cas, on peut faire le distinguo entre les problèmes de conception et d’optimisation. Schématiquement, le premier consiste à déterminer une solution à partir de la feuille blanche (et du cahier des charges), alors que le deuxième a pour base de départ une pièce ou un procédé déjà connu et maîtrisé. Il s’agit alors d’en améliorer les performances ou de l’adapter au nouveau problème sans changement fondamental.  Si on regarde les méthodes et les outils qui ont été élaborés pour aider les industriels, on est impressionné par le nombre de travaux dédiés au problème de conception des pièces. Les techniques développées en optimisation structurale ou topologique, ont ainsi donné naissance à des outils efficaces d’aide à la conception ou à l’optimisation. Il est par contre étonnant de remarquer que les méthodes d’aide à la conception des procédés de fabrication sont comparativement récentes et rares. Ceci est en particulier dû à la complexité des problèmes de mise en forme, qui sont le plus souvent instationnaires et qui doivent être traités par une approche grandes déformations. Les travaux de recherche, spécifiques à ce domaine, se sont en effet développés de concert avec les méthodes de simulation numérique des procédés (le plus souvent basées sur une méthode éléments finis). L’objectif de ce chapitre, est de présenter une vue d’ensemble des principales méthodes numériques développées pour l’optimisation des procédés de mise en forme. Le matériau et la forme de la pièce finale étant fixés, le but est alors de déterminer les éléments définissant la technologie du procédé. Parmi ces éléments (ou paramètres), les principaux sont : les paramètres de procédé : température, vitesse, lubrifiant, etc. les paramètres géométriques : dimensions du lopin et formes des outils. Nous nous intéresserons plus particulièrement à l’optimisation de forme (des outils) pour le forgeage. Il est toutefois bon de noter que l’éventail des procédés ainsi abordés est large. Le terme forgeage comprend aussi bien la réalisation de pièces de quelques grammes que de plusieurs tonnes, la fabrication en très grande série que la réalisation unitaire de pièces de sécurité.

Méthodes directes 

D’un point de vue industriel, la pratique courante pour aborder le problème d’optimisation repose sur le savoir-faire du praticien de la mise en forme et l’utilisation de techniques empiriques. Ces dernières sont généralement basées sur l’expérimentation en grandeur réelle ou à échelle réduite grâce à l’utilisation de matériaux modèles (plasticine, plomb, cire, etc.), plus faciles à déformer. Quelques modèles approchés ont tout de même été élaborés [Altan 73, Oh 94], par exemple pour la prédiction des efforts ou du remplissage des matrices de finition [Chamouard 66]. Mais leurs champs d’applications sont restreints et leurs utilisations délicates.

Systèmes experts

L’étude de la faisabilité d’un procédé constitue une étape préliminaire de la conception d’un nouveau produit. Il faut être en mesure de déterminer, par une analyse rapide, des solutions satisfaisantes. Ce travail est confié à des personnes expérimentées. Les systèmes experts s’inscrivent dans cette optique : comment utiliser au mieux l’expérience des forgerons, qui constitue la richesse d’une entreprise. Les informations et l’expérience acquise lors de la conception de gammes déjà réalisées, sont incluses sous forme de bases de données. Grâce à une série de règles, ils permettent alors de définir quelques principes standards de conception pour un nouveau produit [Glynn 95][Choi 96]. Ces méthodes permettent en plus de conserver le savoir-faire. Une des principales limitations réside dans la difficulté de rassembler et de formaliser les connaissances. Pour un même procédé, suivant les préoccupations des concepteurs, les solutions retenues peuvent en effet être différentes. De plus, l’expérience passée est parfois difficile, voire impossible, à transposer aux nouvelles pièces.

Le développement des méthodes d’intelligence artificielle a permis de répondre en partie à certaines incohérences rencontrées dans le passé. Dans l’ensemble, elles reposent sur un calcul de la « distance » entre les problèmes déjà résolus et le problème étudié [Bakshi 94] [Kim 95]. Néanmoins, lorsque la nouvelle pièce est trop éloignée des familles répertoriées dans la base de données, le problème ne peut être résolu. Les systèmes experts peuvent ainsi se montrer fort utiles, en particulier pour limiter le nombre de solutions à envisager. Toutefois, les solutions retenues doivent ensuite être validées par le calcul ou l’expérience. Il devient ainsi intéressant de coupler l’utilisation de systèmes experts à des techniques d’optimisation [Roy 94] du type des méthodes que nous présenterons au §2.1. C’est par exemple l’approche suivie par Hsu et al. [Hsu 97] dans le cadre du forgeage à froid d’un disque. Les auteurs utilisent un système expert pour déterminer le type de gamme de forgeage possible  . Ils cherchent ensuite la préforme optimale en faisant varier trois paramètres : deux paramètres géométriques de la préforme  et la hauteur d’écrasement. Cette phase d’optimisation est réalisée par une méthode statistique utilisant un réseau de neurones. La préforme est testée par une simulation éléments finis, permettant de valider le choix, et aussi d’enrichir la base de données.

Méthode du forgeage rétrograde 

Les premiers travaux d’optimisation de forme dédiés aux procédés de mise en forme et utilisant la simulation éléments finis, sont dus à Park et al. [Park 83]. La méthode proposée, dite de forgeage inverse consiste à « remonter » le temps de manière incrémentale à partir du maillage de la pièce désirée en fin de procédé. Cela revient à déterminer un chemin inverse de déformation permettant de réaliser la pièce finale.

Mise en forme idéale 

Cette méthode a pour objet de concevoir un procédé permettant d’obtenir la pièce finale sans endommagement critique du matériau. Le principe de la mise en forme idéale est qu’un procédé est optimal si chaque élément de matière suit un chemin de déformation à travail minimal. Elle est basée sur les hypothèses suivantes :
• plus la matière est déformée, plus le risque d’endommagement est élevé.
• la déformation minimale est caractérisée par le chemin à travail minimal.
Notons que la première hypothèse n’est pas vérifiée pour les matériaux présentant un adoucissement à la déformation.

Dans le cas de matériaux viscoplastiques ayant un critère de plasticité convexe et régulier, un chemin de déformation est alors optimal si les axes principaux de déformation restent fixes par rapport au matériau et si le rapport des vitesses de déformation principale est constant [Hill 86]. Lorsque le critère de plasticité présente des points anguleux (par exemple le critère de Tresca), le chemin à travail minimal n’est plus unique. Chung et Richmond [Chung 92a] proposent ainsi de définir le procédé optimal, parmi tous les procédés à travail minimal, comme celui qui produit la répartition de déformation la plus homogène dans le matériau. Elle permet alors, connaissant la forme de la pièce finale et l’état initial des déformations, de déterminer le chemin de déformation idéal et les conditions aux limites correspondantes. Cette méthode présente certaines limitations. Weinberger [Weinberger 97] a ainsi montré, sous certaines restrictions, qu’il existe, dans le cas d’un procédé d’extrusion, plusieurs rapports entre la section d’entrée et la section de sortie pour lesquels il n’existe pas de chemin idéal. De plus, Chung et Richmond [Chung 92b] remarquent que dans le cas général, le chemin de déformation idéal ne peut être suivi par tous les points du matériau sous peine de violer la condition de continuité du matériau. Néanmoins, ce problème n’apparaît pas lorsque le matériau se présente sous forme de membrane. Ceci explique que cette méthode soit principalement utilisée dans le cadre des procédés de mise en forme de plaques [Barlat 94], où l’objectif principal est de déterminer un chemin de déformation ne dépassant pas les limites de formabilité du matériau. Les préoccupations qui ont guidé cette méthode semblent ainsi très éloignées de celles rencontrées en forgeage à chaud. L’application de celle-ci aux procédés qui nous préoccupent semble discutable.

Il existe d’autres travaux utilisant une approche directe pour déterminer les valeurs optimales de certains paramètres. On peut citer par exemple les méthodes d’optimisation de forme de filières développées par Legat et al. [Legat 93] pour les procédés d’extrusion de polymères, ou Srinavasan et al. [Srinavasan 90] pour les métaux. Dans le cadre du forgeage, Berg et al. [Berg 95] ainsi que Grandhi et al. [Grandhi 93] ont proposé une méthode d’optimisation incrémentale afin de déterminer à chaque pas de temps, la vitesse optimale des outils permettant d’obtenir une vitesse de déformation maximale sur la pièce. Ces méthodes d’optimisation « pas à pas » restent toutefois limitées à des critères d’optimisation qui doivent être vérifiés à chaque instant, et ne concernent que des paramètres dont on cherche l’évolution optimale dans le temps.

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Table des matières

Introduction générale
1 Le problème d’optimisation en mise en forme: contexte et motivations
1.1 Méthodes directes
1.1.1 Systèmes experts
1.1.2 Méthode du forgeage rétrograde
1.1.3 Mise en forme idéale
1.2 Méthodes d’optimisation
1.2.1 Minimisation sans contrainte
1.2.2 Minimisation sous contraintes : méthodes primales
1.2.3 Minimisation sous contraintes : méthodes de transformation
1.2.4 Algorithmes d’ordre 0 et méthodes probabilistes
1.2.5 Méthodes statistiques
1.3 Calcul des dérivées
1.3.1 Méthodes numériques
1.3.2 Calcul analytique des dérivées : méthodes varationnelles
1.3.3 Calcul analytique des dérivées : méthodes discrètes
1.3.4 Méthodes semi-analytiques
1.3.5 Les outils informatiques pour l’analyse de sensibilité
2 Simulation du procédé de forgeage
2.1 Formulation du problème
2.1.1 Les équations du problème continu
2.1.2 Formulation faible
2.2 Discrétisation
2.2.1 Discrétisation spatiale : méthode éléments finis
2.2.2 Discrétisation temporelle
2.2.3 Traitement des conditions aux limites
2.2.4 Résolution du système
2.2.5 Aspect instationnaire
2.2.6 Les pertes de volume
2.3 Lissage des variables nodales et remaillage
2.3.1 Lissage des variables nodales
2.3.2 Remaillage et transport des variables sur le nouveau maillage
2.4 Algorithmes de résolution
3 Optimisation de forme en forgeage
3.1 Les critères d’optimisation
3.1.1 Remplissage de la matrice finale
3.1.2 Energie de mise en forme
3.1.3 Critères métallurgiques
3.1.4 Elimination des replis de matière
3.1.5 Cas particulier des défauts de repli : défaut d’aspiration
3.2 Définition des paramètres d’optimisation
3.3 Algorithmes d’optimisation
3.3.1 Cas général
3.3.2 Cas particulier du forgeage en matrices fermées
4 Analyse de sensibilité
4.1 Dérivation des fonctions coût
4.1.1 Fonction coût remplissage
4.1.2 Fonctions coût liées aux déformations
4.1.3 Fonction coût énergie
4.1.4 Fonction coût repli
4.2 Calcul incrémental des sensibilités
4.2.1 Sensibilités des variables principales – intégration temporelle
4.2.2 Calage des outils
4.2.3 Dérivation du pas de temps
4.3 Dérivation de l’équation d’équilibre
4.4 Traitement du contact
5 Applications
5.1 Analyse du coût des calculs et de la précision des dérivées
5.1.1 Sensibilités des variables principales – intégration temporelle
5.1.2 Validation des dérivées
5.2 Optimisation des outils de finition – forgeage d’une roue
5.3 Optimisation sous contraintes
5.3.1 Optimisation sous contrainte de remplissage
5.3.2 Optimisation sous contrainte de volume
5.4 Le problème de conception
5.5 Forgeage d’un rotor aéronautique : défaut de repli
5.6 Elimination d’un défaut d’aspiration
Conclusion générale
Annexes
Bibliographie

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