Nouveaux diffuseurs et évolutions du financement

Dès ses débuts, le cinéma a régulièrement exprimé la crainte de sa disparition. Il a traversé des crises et des époques qui l’ont à chaque fois transformé. Le cinéma s’est d’ailleurs cru un temps menacé par l’arrivée de la télévision. Sans le faire disparaitre, elle a fait évoluer son mode de consommation, en lançant les prémices de pratiques individuelles, qui s’amplifieront avec l’arrivée des vidéogrammes (DVD, VHS…) quelques décennies plus tard. Ce début de siècle représente quant à lui une révolution. Les années 2010 ont vu l’internet haut débit se généraliser dans les foyers. L’arrivée des télés connectées, du téléchargement et du streaming pose question et plonge les secteurs audiovisuels et cinématographiques dans une effervescence sans précédent. C’est dans ce contexte technologique et culturel nouveau que le cinéma français est en proie à une crise qui l’oblige à se repenser, dans sa fabrication mais aussi dans sa diffusion.

Le malaise de la profession éclate au grand jour en 2013, au moment où le réalisateur Michel Hazanavicius et le distributeur Vincent Maraval lâchent une bombe dans les pages du périodique So Film, dénonçant un cinéma « Inflationniste » n’ayant pas « pris la mesure du numérique » C’est pratiquement l’ensemble du système qui semble être au bord de l’implosion. Sans pour autant prôner un libéralisme en la matière, les deux hommes s’attaquent durement à la chronologie des médias, dénuée de sens à l’heure d’internet et du téléchargement. Ils vont même jusqu’à préconiser l’hypothèse de sorties simultanées cinéma et VOD pour les films ; ceux-ci devenant de simples produits d’appel pour les salles, où le turn over est très élevé.

« Lorsque j’entends des exploitants de cinéma dire que les films naissent d’abord en salle, j’ai envie de leur répondre qu’ils y meurent aussi très souvent »  M. Hazanavicius 

Le diagnostic est sévère mais pas si éloigné de la réalité. De moins en moins de films français sont rentables. Le record a été établi en 2013, où seul 10% des films ont été rentables. En effet, les professionnels se servent sur les budgets sans s’intéresser aux succès des films par la suite, en particulier pour les comédiens. Vincent Maraval avait d’ailleurs dénoncé, un an avant sa tribune commune avec Michel Hazanavicius, les salaires trop élevés des acteurs français, en comparaison des budgets globaux de leurs films. Salaires qui dépassent parfois, les montants des aides publiques attribuées à ces mêmes œuvres. Enfin, les deux « lanceurs d’alerte» ont pointé du doigt le manque de diversité de la production française, constituée dans une très large mesure de comédies et comédies dramatiques de faible qualité. Fait qu’ils attribuent alors, aux obligations de diffusion des chaînes qui les financent.

Dans le cinéma français, un fossé se creuse entre les « gros films » drainant les millions d’euros et les films à petits budgets. En 2013, près des deux tiers du financement du cinéma s’est dirigé vers les films de plus de sept millions d’euros.  Les films du « milieu », dont les budgets sont situés entre deux et cinq millions d’euros tendent à disparaître. Cette conjoncture se renforce de plus en plus, les investissements télévisuels baissant. En effet, les chaînes historiques voient leurs capacités de financement réduites par l’émiettement de leurs audiences, au profit des chaînes de la TNT , qui elles, ne financent pas le cinéma.

En France, les films puisent leurs trésoreries à travers six sources  : Les chaines de télévision, les producteurs français, les distributeurs, les producteurs étrangers, les aides de l’état, les Sofica , et enfin les aides régionales. Les chaînes de télé participent à l’investissement à hauteur 32 % environ dans le cinema via deux leviers. D’abord, celui de l’obligation légale de réinvestissement du chiffre d’affaire de 3% dont au moins 2,5% pour les films français. Les chaînes préachètent ainsi le droit de diffuser les films par la suite. Cette obligation de réinvestissement s’élève à 20% des ressources pour les chaînes à péage comme Canal +. Les chaînes investissent également via leurs filiales cinéma France 2 Cinéma, France 3 Cinéma, Arte France Cinéma, M6 Films, Studio Canal, TF1 Films Production. Les producteurs français participent à 25% sur leurs fonds propres issus des bénéfices de films précédents. Les distributeurs financent le cinéma pour 20% en moyenne en achetant le droit d’exploiter les films en devenir (Salle, DVD, VOD). Les producteurs étrangers, quant à eux, contribuent à 10% des financements dans le cadre de coproductions. Les aides de l’état, versées par le CNC représentent 7,7% à travers des aides automatiques (5,5%) et sélectives (2,2%). Enfin, les sofica financent environ 3% du cinéma. Mais ce financement profite surtout aux films populaires et disposant de budgets importants à la base.

Les films sont ensuite exploités dans des conditions strictes fixées par la loi. C’est la chronologie des médias. Ce planning, revu en 2009, organise les différentes fenêtres d’exploitations des œuvres dans le temps. Les films doivent attendre quatre mois suivant leurs sorties pour pouvoir être proposés en vidéo (DVD, Blu-Ray, Téléchargement définitif, ou location en vidéo à la demande (VOD)). Ils ne peuvent être exploités qu’en salle avant ce délai. La diffusion sur les chaines payantes, intervient dix mois après la sortie, et celle sur les chaînes en clair, vingt-deux mois après la sortie en salles. C’est après trente-six mois que les films peuvent être proposés sur les services de vidéo par abonnement (SVOD7 ) à l’instar de Netflix ou de Canal Play , et à partir de quarante-huit mois suite à la sortie, sur les services de SVOD gratuits. Cette dernière fenêtre, nouveauté de l’accord de 2009, est encore très théorique.

Un nouvel écosystème 

Les fournisseurs d’accès à internet jouent désormais, et cela depuis maintenant plusieurs années, un rôle majeur dans le nouvel écosystème culturel. Ils deviennent peu à peu l’intermédiaire unique entre le public et les créateurs. Depuis plusieurs années, le numérique a profondément transformé les pratiques en termes de consommation culturelle. La démultiplication des terminaux de réception (smartphones, tablettes) rend accessibles un contenu très diversifié à n’importe quel moment. De nouvelles pratiques culturelles se sont imposées. La variété des offres permet une personnalisation des contenus en fonction des envies mais aussi des budgets. Dans le domaine de l’audiovisuel, internet a véritablement redistribué les cartes. Les plateformes sont maintenant au cœur de l’écosystème. Ce nouvel écosystème fait émerger des questions de régulation face à une télévision soumise à obligations en termes de diffusion et de financement. Les peurs de l’audiovisuel et du cinéma se sont cristallisées autour de l’arrivée de Netflix, qui a su anticiper les transformations des usages culturels suite au déploiement de l’internet haut débit. Des questions de partage des revenus générés par ces nouveaux services se posent de plus en plus dans un environnement de plus en plus concurrentiel ou les algorithmes prennent une place de plus en plus prépondérante. L’adaptation du cinéma à ce nouvel environnement a été difficile. Le problème du piratage s’est rapidement posé. Face à la menace, l’industrie (surtout américaine) du cinéma a répliqué avec une vague de films en 3D permettant officieusement d’empêcher la capture sur vidéo des œuvres au cinéma. La gratuité semble être ce qui a caractérisé et caractérise encore dans une certaine mesure, l’accès aux œuvres audiovisuelles et cinématographiques. L’état a d’abord pris les choses en mains sur le plan législatif avec Hadopi 1 et Hadopi 2.

Cependant, le consentement de payer pour des œuvres sur internet semble réel. C’est donc la chronologie des médias qui empêche l’exploitation digitale des films et qui apparaît comme un élément’ favorisant le piratage d’œuvres sur internet.

Le CNC de son côté a mis une application permettant de promouvoir l’offre légale en matière de cinéma, qui reste méconnue du grand public OffreLegale.fr. En s’associant aux sites importants de référencement de films comme AlloCine.fr , ou SensCritique.com, un onglet « Voir le film » a été créé et renvoie aux plateformes légales, avec l’idée d’amener les spectateurs vers les sites légaux. Cette application, bien que pas encore couronnée de succès semble aller dans le sens d’une adaptation plutôt que d’une lutte frontale, l’objectif étant de rendre l’accès aux offres légales ludique et facile, depuis les sites de cinéma. En effet, l’industrie musicale a su prendre le virage du numérique et répondre au téléchargement en s’adaptant aux nouveaux modes de consommation introduits par Internet.

Une évolution de la consommation 

Au fond, la Télé connecté est un marqueur fort et révélateur des changements en termes de consommation de biens audiovisuels et donc de films de cinéma. Des contenus délinéarisés et alternatifs apparaissent en parallèle de la télé classique. Que ce soient les plates-formes web (YouTube, Dailymotion), Tv de rattrapage (France TV pluzz, Arte+7) et les vidéos à la demande (Netflix, Canal Play, SFR Play), l’objet télévision devient une interface multi-plates-formes. Le consommateur culturel d’aujourd’hui choisit et sélectionne exactement ce qu’il veut voir. Les téléspectateurs construisent leur propre package. La télévision devient un écran parmi d’autres.

De nouveaux services ont pu intégrer la télévision, permettant la mise en place de changements importants. La délinéarisation des contenus rompt avec la logique de flot au profit d’une consommation active et personnalisée. L’objet télévision est désormais accessible à tout éditeur de contenus. Que ce soient les contenus supplémentaires des chaînes elles-mêmes par la télévision de rattrapage ou les services VOD comme Netflix. On  observe ainsi une baisse des abonnements à la télévision payante, simultanément à une augmentation des abonnements à des services SVOD comme Netflix. Ces services VOD sont devenus prescripteurs de contenus, grâce à des algorithmes dirigeant les spectateurs vers ce qu’ils souhaitent voir en fonction des goûts et des recommandations d’autres utilisateurs.

« On observe une rupture dans la consommation. Le spectateur n’est plus attaché à la propriété des biens (CD, Livres, DVD…) mais lui préfère la consommation abondante. »

Françoise Benhamou, Spécialiste de l’économie de la culture

« L’abonnement permet de se diriger vers les œuvres vers lesquelles on ne se serait pas dirigé en premier lieu. Il y a des « films locomotives » » 

Patrick Holzman, Cofondateur d’AlloCine .

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Table des matières

Introduction
De nouveaux modes de diffusion
Contexte d’apparition
Un nouvel écosystème
Une évolution de la consommation
Un engorgement des salles
Une chronologie des médias qui pose question
De nouvelles diffusions numériques
Deux pratiques à fort potentiel
Le cinéma en VOD
L’avènement de la SVOD
Une évolution du financement
Une augmentation du financement privé
Favoriser l’investissement privé
La nécessité d’une plus grande transparence
Le crowdfunding
Les fonds d’investissement
Le financement par les nouveaux diffuseurs
La nécessité d’une participation
La stratégie Netflix
Les changements en France
Vers un nouveau modèle ?
Impact des nouvelles diffusions
Impact de l’évolution du financement
Vers une baisse des coûts de production
Vers un cinéma low-cost ?
Conclusion
Contact pris pour le mémoire
Annexes

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