Ndate Yalla et Sidiya Ndate Yalla : deux héros épiques du Waalo

L’organisation politique et sociale du Waalo

  Le fondement de la plupart des royaumes de la sénégambie comme Kaajor, le Fuuta, le Siin ainsi que le Waalo repose sur des organisations sociales et politiques qui permettent de maintenir l‟ordre dans les institutions sociales mais aussi dans des institutions politiques. Cette organisation impose à chacun des membres d‟une catégorie de la société un statut social et politique même si ces derniers entretiennent des rapports très étroits dans la mesure où il est difficile de parler de la politique sans société comme le dit Boubacar Barry: « une liaison étroite existe entre le système politique et le système social. Le premier émerge en quelque sorte du second dont il reflète les différentes hiérarchies d‟ordres et de castes. » Cette forme d‟organisation est présente dans la société Wolof à laquelle appartient le Waalo. Ce dernier est d‟ailleurs le sinon l‟un des premières royaumes Wolof a avoir vu le jour car Jean Boulègue note qu‟ « une tradition rattache la langue Wolof à Ndjajaan Njaay […] qui aurait fondé successivement le premier royaume, Waalo, puis celui du Jolof.» Ce qui fait le Waalo, un berceau des royaumes Wolof. En ce qui concerne notre corpus, Ndate Yalla et Sidiya Ndate Yalla: deux héros épiques du Waalo, il s‟inscrit dans la dynamique de groupe des épopées dynastiques de résistance coloniale et il montre également l‟organisation sociale et politique du Waalo pour se défendre de la colonisation et tout autre forme d‟injustice venant de l‟extérieur. La société Wolof dont le royaume du Waalo fait parti est une société stratifiée en ce qu‟elle présente, elle « présente des groupes sociaux caractérisés par l‟hérédité, l‟endogamie, la spécialisation proffessionnel. » En ce sens le royaume du Waalo se dote d‟un système où l‟organisation sociale et politique occupent une place importante de même que l‟histoire dans la connaissance du royaume.

Les hommes libres

   La classe des hommes libres occupe la première place dans le rang social. Cette classe est au sommet de la hiérarchie sociale dans le Waalo, par ordre de classement de ses membres. Ces derniers sont répartis comme suit :
Les nobles : Comme leur nom l‟indique, ils constitue la noblesse ainsi que la famille règnante. La gestion du pouvoir leur est strictement réservée grâce à leur descendance des ancêtres qui ont su mettre en place une organisation étatique. Donc la noblesse devient héréditaire pour tous les membres de la famille royale du Waalo dont les matrilinéaires teejekk, loggar et jos font parti, de même que les patrilinéaires Mbooc, Joob, Wad etc. De ces familles noblesses du Waalo s‟ajoute les jawdin issu des familles jaw du Waalo, les jogomaay, les maalo et les beeco.
Les paysans, les pêcheurs et les pasteurs : Ce groupe fait parti de la classe des hommes libres. Ils pratiquent des activités agricoles, de l‟élevage et de la pêche qui sont tous essentielles à la vie du royaume. Les espaces où ils exercent leurs activités sont la terre et l‟eau. L‟existence de ces dernières, étant considérées comme sacrès à la vie, permettent aux paysans, aux pêcheurs et aux pasteurs de nourrir la communauté et de participer au développement économique du Waalo.
Les giots et les artisans : Ils sont des hommes libres et aussi des hommes de métier ou encore des homme de caste. Ce sont des socio-professionnels spécialisés dans des métiers différents.
– les griots: ils sont les maîtres de la communication et détenteurs du passé des hommes. Ils se chargent de garder et de véhiculer l‟histoire des hommes grâce à un véritable travail de mémoire qui consiste à transmettre le message de génération en génération. Il fait parti aussi du rôle du griot de chanter les louanges et de déclamer l‟arbre généalogique des hommes lors des cérémonies familiales mais aussi de pousser, par des rappels de l‟histoire golorieuse du royaume aux guerriers, à la victoire lors des batailles.
– les artisans: ils pratiquent de l‟artisanat tels que le métier du forgeron qui fournit des armes aux guerriers du royaume; le métier du tisserand qui fournit des habits aux hommes; le métier du cordonnier qui fournit des chaussures aux habitants du royaume etc.

Le règne d’Amar Fatim Borso Mbooc

   D‟après la chronique d‟Amadou Wade37, il est le 48e barack du Waalo de 1812 à 1821. Et pour Boubou Sall le 54e barack38. Amar Fatim Borso a hérité le pouvoir de Kuli Mbaaba selon Amadou Wade et de Sayodo Yacine Mbodje selon Boubou Sall dans une période de trouble coincidant à la signature du traité de Ndyaw, le 08 mai 1819 par Amar Fatim Borso. À cette époque, les voisins Maures et Toucouleurs mettaient la pression sur le Waalo. Ils étaient animés par des motifs d‟ordres esclavagiste, religieuse entre autres. Ainsi le Waalo était l‟objet de plusieurs attaques venant de ses voisins, à l‟image du taalatay ndeer où « un grand nombre de femme, de la linger awo, Fati Yamar préférèrent se brûler vives dans une grande case plutôt que de tomber aux mains des maures et des toucouleurs. » Cette attaque de Ndeer menée par une alliance composant les Maures et les Toucouleurs lors du visite de barack Amar Fatim Borso à Saint-Louis suscite des conséquences opposants le Waalo à ses voisins. Cela va conduire en guerre le Waalo et le Fuuta à Jaalawaali, où le barack Amar Fatim Borso et les Waalo-waalo prendront leur revanche.

Le thème de l’héroisme

   L‟héroisme est l‟un des thèmes saillants dans nos récits. Il se vérifie à travers des actes de courage, de bravoure… menés par des femmes lors du Talaatay Ndeer, en pourchassant les assaillants et en choisissant le suicide à la place du déshonneur; l‟héroisme se justifie aussi par le comportement de Sidiya, en restant attacher à ses convictions au péril de sa vie. Ce qui leur donne un renommé dans leur pays et ailleurs. Les femmes sont au coeur des récits du corpus. Elles occupent une grande place dans les faits marquants de l‟histoire du Waalo. Ainsi, les femmes actrices du Talaatay Ndeer ont joué un rôle important dans la perpétuité de la royauté en envoyant, notamment, en exil Ndate et sa soeur Djëmbëtt afin qu‟elles puissent assurer l‟avenir, la relève du royaume. Elles se sont comportées aussi en héros en devenant des martyrs lors de l‟attaque des ennemis Toucouleurs et Maures en sacrifiant leurs vies au profit de l‟honneur du royaume. Ce qui traduit l‟engagement pour la liberté et la réussite du royaume. L‟héroisme est visible dans la démarche de ces femmes comme le montrent les actions de Fatim Yamar Xuri Yaay Mbooc et ses compagnons lors du Talaatay Ndeer à travers ce passage:
En terme de riposte, les femmes s‟étaient déguisées
En homme et ont pouchassé l‟ennemi
Jusqu‟au village de Gëm Yalla, après Boxxol,
C‟est là que l‟ennemi s‟était rendu compte
Qu‟il était pourchassé par des femmes.
Alors, les femmes ont fait démi-tour et elles ont dit:
“-Maintenant, l‟ennemi sait que nous sommes des femmes,
Cherchons une solution pour ne pas tomber entre ses mains
Et d‟être l‟objet d‟un abus ou encore d‟être des esclaves.”
[…] Toutes les femmes s‟accordèrent sur l‟idée
De se mettre dans une grande case et de se simmoler. ( v 114-123 récit Ndate)
Ce passage ne fait que confirmer la fonction que les femmes ont toujours joué dans la marche de leur royaumes. Cet acte des femmes lors du Talaatay Ndeer, à lui seul constitue une épopée. Elles croient en leurs valeurs et en leur royaume. Elles se sont sacrifiées pour défendre leur royaume et son image c‟est-à-dire le respect dont le Waalo doit être l‟objet aux yeux des autres. Les femmes de Ndeer se sont donné à fond jusqu‟à leur limite à la resistance, sur le plan géographique comme le traduit le nom du village “Gëm Yalla”. L‟action des femmes se confond avec celle de Fatimata, héroine du roman Une si longue parole47qui se bat pour la justice.L‟idée des femmes de s‟immoler se traduit en héroisme, en acte de grandeur dans la mesure où elles préférent la mort à la place de la honte, de la bassesse. Les femmes du Talaatay Ndeer ont inscrit de belles pages de l‟histoire du Waalo. Lorsqu‟elles accomplissaient leurs actes héroiques, elles ont pensé à la postérité, pour que leurs fils puissent, après eux, lever la tête haute et être fiers de leur passé. Le sacrifice des femmes pour le royaume continuent de le faire rayonner comme, c‟est le cas du sacrifice de Yassine Boubou au Kaajor. Celle qui a accepter de mourir pour que son mari devienne roi. Toutefois l‟héroisme féminin dans le récit sur Ndate impressionne car il motive et incite aux hommes à l‟action comme le justifie la bataille de Jaalawaali, entrepris par Amar Fatim Borso Mbooc et son armée en guise de réponse à l‟attaque de Ndeer. Ainsi, l‟héroisme symbolisé par la victoire rend fier tout un peuple, Waalo-waalo.

L’espace

   Le déplacement des personnages et leurs communications se déroulent dans l‟espace ouvert, couvrant tout le territoir du Waalo, avec plusieurs villages «Njuurbel, Ndeer, Njaw, Tungène, Garack, etc.» Les lieux ainsi que les objets de l‟espace du Waalo sont porteurs de sens et de signification dans l‟action des récits d‟où leur aspect historique et symbolique « la rivière de Xaam et le fleuve ». Ces deux lieux sont symboliques dans la mesure où il représente la pureté. L‟espace renseigne sur la culture et l‟organisation sociale du Waalo. Il donne aussi vie aux évenements des récits en précisant l‟action des hommes, leur évolution dans des lieux auquels l‟histoire se passe à travers la description. Les lieux jouent également des fonctions essentielles dans l‟organisation administrative du Waalo dont les capitales étaient « Njuurbel, Ndeer… », « Njaw » était le siège de l‟asemblée du sebb ak baor.

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Table des matières

Première partie/ La présentation du corpus : transcription et traduction
Texte 1
Texte 2
Texte 3
Deuxième partie/ L’organisation socio-politique du Waalo
1. L‟organisation sociale
1.1. Les hommes libres
1.2. Les hommes non-libres
2. L‟organisation politique
2.1. Les institutions politiques du Waalo
2.2. Les personnalités politiques
2.3. Les secteurs politiques du Waalo
3. Étude historique
3.1. Le règne d‟Amar Fatim Borso
3.2. L‟avènement de Ndate Yalla
3.3. Le règne de Sidiya
Troisième partie/ L’analyse du corpus
1. L‟analyse thématique
1.1. Le thème de l‟héroisme
1.2. Les thèmes du courage et du patriotisme
1.3. Le thème de la mort
1.4. Les thèmes de l‟engagement et de la révolte
2. L‟analyse spatio-temporelle
2.1.L‟espace
2.2. Le temps
3. Procédés narratives et stylistiques
3.1. Les procédés narratifs
3.1.1. Les techniques narratives
3.2. Le style

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