Nanocomposites à matrice polypropylène renforcée par argile lamellaire

Le rôle de l’agent compatibilisant

   Comme expliqué précédemment, les argiles lamellaires, avant d’être incorporées à une matrice polymère, subissent une modification chimique qui permet de leur conférer un caractère organophile. Cela permet d’une part d’augmenter la distance interlamellaire, mais également de faciliter la dispersion dans une matrice polymère. Dans les matrices polaires, ce traitement suffit, comme par exemple dans le nylon (Usuki et al., 1992), le polyuréthane (Wang et Pinnavaia, 1998) ou l’époxy (Massam et Pinnavaia, 1998). Toutefois, dans les matrices apolaires, comme par exemple le polypropylène, le simple traitement de surface des argiles ne suffit pas à permettre la dispersion. De premières expériences ont consisté à introduire un polypropylène modifié par des groupements polaires, permettant de créer un intermédiaire entre la surface polaire de l’argile et le polypropylène (Kurokawa et al., 1996). Toutefois, cette méthode nécessite d’introduire un solvant organique lors de la préparation et ne permet d’obtenir qu’une structure partiellement intercalée. D’autres équipes de recherche eurent l’idée d’utiliser un polypropylène greffé par des groupes hydroxyles, le PP-OH (Kato et al., 1997), et purent obtenir de bons résultats de dispersion de l’argile. Le compatibilisant le plus utilisé aujourd’hui, dans le cas du polypropylène, est le polypropylène greffé anhydride maléique (PP-g-MA). C’est en 1997 qu’au laboratoire de l’entreprise Toyota des chercheurs eurent l’idée d’utiliser le PP-g-MA en tant que compatibilisant (Kawasumi et al., 1997) et obtinrent de très bons résultats, avec une grande partie des argiles introduites qui ont pu être exfoliées au sein de la matrice. Depuis, l’utilisation du PP-g-MA s’est largement répandue lors de la préparation de nanocomposites polypropylène-argile.

Rhéométrie

   La rhéologie se définit comme la science qui étudie l’écoulement et la déformation de la matière sous l’effet d’une contrainte. Pour les polymères thermoplastiques, il s’agit d’étudier leur comportement à l’état fondu. La rhéologie se présente comme un bon outil pour différencier le comportement d’un matériau nanocomposite par rapport à une matrice seule car elle est sensible aux interactions entre le polymère et l’argile, ou entre les particules d’argiles entre elles. Krishnamoorti et Giannelis (1997) sont parmi les premiers à utiliser la rhéologie pour caractériser la différence de comportement entre un nanocomposite et la matrice seule. Des balayages en fréquence ont été effectués sur des nanocomposites à matrice poly(caprolactone) et polyamide 6 avec différents pourcentages massiques d’argile. Les nanocomposites faiblement chargés présentent un comportement similaire à celui de la matrice, tandis que, quand le chargement massique dépasse 3%, un plateau est observé à basse fréquence sur les mesures de modules élastique et visqueux, représentatif d’un comportement pseudo-solide. Pour comprendre ce phénomène, les auteurs expliquent que les chaînes polymères sont attachées aux feuillets d’argile et que cela crée un retard de relaxation moléculaire. Witten et al. (1990) expliquent que cela crée des barrières énergétiques aux mouvements de reptation des chaînes, ce qui entraîne une forte augmentation du temps de relaxation et donc un déplacement de la relaxation aux très basses fréquences. Toutefois, les auteurs émettent des doutes par rapport à ce modèle en expliquant que, quel que soit le pourcentage massique d’argile dans le nanocomposite, une grande majorité des chaînes doivent être attachées par un bout aux feuillets d’argile et l’effet « pseudo-solide » aux basses fréquences devrait être visible à tous les pourcentages d’argile. Or il n’apparaît qu’à partir de 5% d’argile. Solomon et al. (2001) ont observé le même type de comportement sur des nanocomposites polypropylène/argile. Tout d’abord, le domaine de viscoélasticité linéaire a été caractérisé, c’est-à-dire la gamme de déformations pour laquelle les modules de conservation et de perte sont indépendants de la déformation (Figure 1.16a). On s’aperçoit que la présence d’argile a un effet marqué, en décalant le domaine linéaire de deux décades par rapport à celui de la matrice.

Influence du profil de vis

   C’est en 2001 que des chercheurs s’intéressent pour la première fois à l’influence du procédé et notamment du profil de vis sur l’état de dispersion de l’argile, ici dans le polyamide 6 (Dennis et al., 2001). Dans cette étude, différents types d’extrudeuses bivis ont été testées : des vis corotatives et contrarotatives, des vis interpénétrées ou non, et même la sévérité du profil de vis a été étudiée. La sévérité du profil de vis correspond au nombre d’éléments de malaxage et d’éléments inverses. En effet, une vis d’extrudeuse est composée d’une succession d’éléments qui vont faire avancer la matière, dits éléments de convoyage, et d’éléments qui vont la mélanger, qui peuvent être des éléments inverses ou des éléments malaxeurs. Plus il y aura d’éléments de malaxage, plus le profil sera jugé sévère, en terme de temps de séjour et d’intensité de cisaillement. L’étude menée par Dennis et al. (2001) montre qu’il est nécessaire d’augmenter le temps de séjour afin d’assurer la délamination des feuillets d’argile mais qu’un temps de séjour trop important n’est pas forcément bénéfique. Il en est de même pour l’intensité de cisaillement : son augmentation améliore l’intercalation de l’argile par les chaînes polymères, mais un cisaillement excessif détériore la matrice ou le surfactant de l’argile, et n’améliore par l’état de dispersion. Il est même affirmé qu’un profil de vis optimal comprend une zone à fort cisaillement au début afin de séparer les agglomérats d’argile en particules plus fines, puis une zone à faible cisaillement avec un temps de séjour plutôt long, afin de permettre aux chaînes polymères d’avoir le temps de s’intercaler entre les feuillets d’argile. Borse et Kamal (2006) ont confirmé qu’un profil de vis plus sévère améliorait l’exfoliation d’argile dans du polyamide 6 et un résultat similaire a été trouvé pour du polyéthylène (Mehrabzadeh et Kamal, 2004). Cho et Paul (2001) affirment que plusieurs passages du même mélange dans l’extrudeuse, ce qui équivaut à un niveau d’énergie mécanique fournie plus important, mènent à de meilleures propriétés mécaniques. Toutefois, Lertwimolnun (2006) a montré qu’un profil contenant plus d’éléments restrictifs, donc plus sévère, ne menait pas forcément à un meilleur niveau d’intercalation ou d’exfoliation, une tendance confirmée par Zhu et Xanthos (2004). Le profil de vis influe donc sur le niveau d’énergie mécanique spécifique fournie au mélange. Plusieurs études ont montré le lien entre énergie mécanique spécifique et nanostructure du matériau (Domenech et al., 2013; Villmow et al., 2010). L’énergie mécanique spécifique dépend de plusieurs paramètres procédé comme le mode de préparation des matériaux (voie direct/mélange maître), la vitesse de rotation, le débit, la température de régulation, la sévérité du profil de vis, et également de la viscosité du matériau.

Cristallisation anisotherme

   Des essais de cristallisation anisotherme ont été effectués sur les échantillons à l’aide de la calorimétrie différentielle. Comme expliqué dans la section 2.2.5, une vitesse de refroidissement a été appliquée aux échantillons et les données comme les enthalpies de cristallisation ainsi que les températures de début, demi et fin de cristallisation, ont été déterminées. L’enthalpie de cristallisation est définie comme l’énergie libérée lors d’une transformation de phase d’un matériau, soit la cristallisation ici. La température de demi-cristallisation est définie comme la température à laquelle 50% de transformation en phase cristalline a été effectuée. Ce paramètre est représentatif de la cinétique de cristallisation dans une condition anisotherme, de la même manière que l’est le temps de demi-cristallisation dans un contexte isotherme. La Figure 3.51 montre l’évolution de la température de demi-cristallisation en fonction de la vitesse de refroidissement pour les différents échantillons. Les deux produits purs, le polypropylène et le PP-g-MA, présentent les températures de demicristallisation les plus basses, quelle que soit la vitesse de refroidissement. Cela montre bien que l’ajout de PP-g-MA, de Cloisite 20, de PP-g-MA/C20 et de PP-g MA/C30B dans le polypropylène déclenche la cristallisation à de plus hautes températures que pour le polypropylène seul. Ces ajouts affectent donc la cristallisation du polypropylène de la même manière en condition isotherme et anisotherme. On voit également que la température de demi-cristallisation diminue fortement en fonction de la vitesse de refroidissement. Cela est dû au fait qu’avec l’augmentation de la vitesse de refroidissement, les chaînes polymère ont plus de mal à suivre les changements de température et n’ont pas le temps de s’organiser en phase cristalline. L’enthalpie de cristallisation déterminée à partir des courbes de DSC permet de calculer le taux de cristallinité en divisant l’enthalpie de cristallisation de l’échantillon par l’enthalpie de cristallisation d’un polypropylène 100% cristallin, qui est de 207 J/g d’après la littérature (Na et al. 2005). La variation du taux de cristallinité en fonction de la vitesse de refroidissement est présentée sur la Figure 3.52. On voit sur ce graphe que les taux de cristallinité sont compris entre 45% et 70% pour tous les échantillons. Ce taux dépend fortement de la vitesse de refroidissement. Il est relativement élevé à faible vitesse (entre 1°C/min et 10°C/min), puis chute de plus en plus lorsque la vitesse augmente jusqu’à 100°C/min. Cela est dû au fait que lorsque la vitesse augmente, les chaînes polymères ont moins le temps de s’organiser pour former des entités cristallines complètes, d’où la baisse du taux de cristallinité à haute vitesse. On remarque toutefois que la valeur de ce taux varie peu avec la composition de l’échantillon, même si l’échantillon PP/C20 présente le taux le plus élevé à toutes les vitesses de refroidissement, sauf à 100°C/min.

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Table des matières

Introduction
1 Etat de l’art
1.1 Les argiles lamellaires
1.1.1 Structure cristallographique
1.1.2 Capacité d’échange cationique
1.1.3 Capacité de gonflement
1.1.4 Surface spécifique
1.1.5 Modification chimique des argiles
1.2 Nanocomposites à argile lamellaire
1.2.1 Méthodes de préparation des nanocomposites
1.2.2 Le rôle de l’agent compatibilisant
1.2.3 Morphologie de l’argile au sein de la matrice
1.3 Méthodes de caractérisation des nanocomposites
1.3.1 Microscopie électronique
1.3.2 Diffraction des rayons X
1.3.3 Rhéométrie
1.4 Influence des paramètres de procédé sur l’état de dispersion
1.4.1 Influence du profil de vis
1.4.2 La voie « masterbatch »
1.4.3 Influence de la vitesse de rotation
1.4.4 Influence du débit
1.4.5 Influence de la température
1.4.6 Influence de la viscosité de la matrice
1.4.7 Evolution de la dispersion le long du profil de vis
1.5 Propriétés des nanocomposites à base d’argile
1.5.1 Propriétés thermiques et de résistance au feu
1.5.2 Propriétés barrières
1.5.3 Propriétés mécaniques
1.6 Cristallisation des nanocomposites
1.6.1 Structures cristallines dans les polymères
1.6.2 Cinétiques de cristallisation
1.6.3 Influence de l’argile sur la cristallisation
1.7 Conclusion de l’état de l’art
2 Matériaux et méthodes
2.1 Méthodes de préparation
2.1.1 Mélangeur interne
2.1.2 Extrudeuse bivis
2.1.3 Interprétation des essais
2.2 Techniques de caractérisation
2.2.1 Mise en forme des échantillons
2.2.2 Microscope électronique
2.2.3 Diffraction des rayons X
2.2.4 Rhéométrie
2.2.5 Calorimétrie différentielle à balayage
2.2.6 Microscopie optique à lumière polarisée
2.3 Matériaux de l’étude
2.3.1 Matrice polypropylène
2.3.2 Agent compatibilisant
2.3.3 Argiles lamellaires
3 Etude de la formulation et des conditions de préparation au mélangeur interne
3.1 Influence des paramètres procédé sur la dispersion de trois argiles
3.1.1 Etude comparative
3.1.2 Synthèse des résultats
3.2 Relation entre paramètres procédé et structure
3.2.1 Conditions de préparation
3.2.2 Influence de la vitesse de rotation
3.2.3 Influence du temps de mélange
3.2.4 Conclusion
3.3 Influence du taux d’argile
3.3.1 Paramètres procédé
3.3.2 Morphologie
3.3.3 Rhéologie et lois d’échelle
3.4 Influence de la dispersion de l’argile sur la cristallinité du polypropylène
3.4.1 Cristallisation isotherme
3.4.2 Cristallisation anisotherme
3.4.3 Discussion
3.5 Conclusion
4 Nanocomposites préparés par extrusion bivis : influence des paramètres procédé sur l’état de dispersion
4.1 Présentation du procédé
4.2 Influence de la vitesse de rotation
4.2.1 Paramètres procédé
4.2.2 Observations microscopiques
4.2.3 Etat d’intercalation
4.2.4 Caractérisation rhéologique des nanocomposites
4.2.5 Conclusion
4.3 Evolution de la structure des nanocomposites le long du profil de vis
4.3.1 Procédé expérimental
4.3.2 Observations microscopiques
4.3.3 Etat d’intercalation
4.3.4 Caractérisations rhéologiques
4.3.5 Analyse du mécanisme de dispersion
4.4 Influence de la température de régulation
4.4.1 Présentation du procédé
4.4.2 Observations microscopiques
4.4.3 Etat d’intercalation
4.4.4 Caractérisations rhéologiques
4.4.5 Conclusion
4.5 Influence de la viscosité de la matrice
4.5.1 Paramètres procédé
4.5.2 Observations microscopiques
4.5.3 Etat d’intercalation
4.5.4 Caractérisations rhéologiques
4.5.5 Conclusion
4.6 Synthèse et conclusion
5 Simulation du procédé d’extrusion et interprétations
5.1 Validation des paramètres de simulation avec la matrice
5.2 Influence de la vitesse de rotation sur l’état de dispersion
5.2.1 Paramètres procédé
5.2.2 Etat de dispersion final
5.2.3 Etat de dispersion le long des vis
5.3 Influence de la température de régulation
5.3.1 Paramètres procédé
5.3.2 Etat de dispersion
5.4 Influence de la viscosité de la matrice
5.4.1 Paramètres procédé
5.4.2 Etat de dispersion
5.5 Interprétation des résultats
5.5.1 Etat de dispersion final
5.5.2 Evolution de l’état de dispersion le long du profil de vis
5.6 Vers une optimisation du procédé
5.7 Conclusion et perspectives
Conclusion générale
Bibliographie
Annexes

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