Mutations médicales et influence de la médecine générale

Contexte : les études médicales comme espace de socialisation

Traiter de l’esprit carabin et du folklore de l’Internat, et à travers ces notions, traiter de l’« esprit de corps » (5) médical, c’est en réalité traiter des études médicales en France. Non pas de leurs aspects académiques en les comparant à celles d’autres pays étrangers ou en s’intéressant aux objectifs pédagogiques, non pas de leurs aspects techniques en détaillant les compétences et les gestes acquis, mais de leurs aspects folkloriques et historiques, toujours présents dans la socialisation des étudiants et des internes aujourd’hui. Précisons les termes décrivant l’objet d’étude. Qu’est-ce qu’un carabin ? « Un étudiant en médecine, dans sa dimension corporatiste, folklorique et traditionnelle »tel que le définit VéDéCé, médecin, auteur de BD et blogueur, dans ses planches et dans l’index de son premier ouvrage (9). Mais qu’est-ce qu’un étudiant en médecine ? Un étudiant qui, au cours de ses années de médecine allant de neuf à onze ans, va être successivement « étudiant », « externe » puis « interne ». Un étudiant qui va passer le concours de première année, puis celui de l’Internat, aujourd’hui appelé Epreuves Classantes Nationales (ECN), pour devenir interne. Qu’est-ce qu’un interne ? Un étudiant en médecine ayant passé les ECN et validé son CSCT , ce qui fait de lui un « médecin », qui devra attendre d’avoir passé sa thèse pour devenir « docteur », qui s’occupe de patients dans un service hospitalier, et qui loge parfois à l’hôpital lorsque celui-ci dispose d’un internat. Qu’est-ce que l’internat ? C’est à la fois l’ancien nom donné aux ECN, la période pendant laquelle l’étudiant de 3ème cycle acquiert les compétences requises par sa spécialité, et le lieu où les internes sont logés lors de certains de leurs stages hospitaliers.
Le nombre d’acronymes montre à lui seul combien il est complexe d’appréhender le monde des études médicales pour quelqu’un qui n’en fait pas partie. La médecine est aujourd’hui devenue aussi bien le domaine du médecin que celui du patient : évolution des mœurs, relation médecin-patient, thérapeutiques, fonctionnement hospitalier, tout ceci est connu du grand-public, abondamment commenté et analysé. Il en va tout autrement des relations entre médecins, particulièrement pour ce qui relève de leur humour, de leurs traditions et de leurs mécanismes de socialisation, car ceux-ci sont réservés à l’ « entre-soi » médical. La quasi-totalité des sources écrites ou iconographiques touchant au folklore carabin ont en effet été réunies et décrites par des médecins, souvent d’anciens internes des hôpitaux , puisque ces pratiques étaient totalement inaccessibles à des gens extérieurs, et le sont toujours par certains aspects.
Par conséquent, la première étape de ce travail se doit d’être une étape d’exposition relevant à la fois d’une revue de la littérature et de rappels historiques, de façon à pouvoir introduire cet « entre-soi » et l’esprit carabin à ceux qui ne le connaissent pas. Il convient de définir ce qui peut être défini comme le versant médical d’un folklore estudiantin plus large, et ce qui relève davantage de l’héritage propre à l’Internat. Il s’agit également de montrer pourquoi, ces traditions étant mouvantes et en constante évolution, répondre à la question « qu’en reste-t-il aujourd’hui ? » permet bel et bien de s’intéresser au vécu actuel des études médicales, et donc de la formation des jeunes médecins français d’aujourd’hui.

Carabin et interne, deux notions distinctes

Le personnage du « carabin »

Le mot « carabin » en lui-même est d’origine incertaine. Au 16e siècle, il désigne un soldat de cavalerie légère. Mais il pourrait également être une altération du mot « escarrabin », qui désignait à la même époque les ensevelisseurs de pestiférés, de la même famille q u’ « escarbot », insecte fouillant la terre et le fumier.
Dès 1650, la métaphore ironique « carabins de Saint-Côme » désigne les chirurgiens, et par extension l’étudiant en médecine dès 1803 (10).
Cette évolution sémantique s’explique probablement par la réputation qu’avaient les soldats carabins de faire rapidement passer leurs ennemis de vie à trépas. Les chirurgiens auraient été nommés « carabins » à cause de leur mauvaise renommée et parce qu’ils étaient semblables à des soldats enrôlés sous la bannière de St
Côme, leur patron (10).
L’étudiant en médecine, appelé « carabin » dès le début du 19ème siècle, va développer son personnage haut en couleurs lorsque les études de médecine et chirurgie fusionnent lors de la Révolution (11) : les facultés de médecine sont supprimées en 1794, et trois Écoles de Santé sont créées à Paris, Montpellier et Strasbourg. Il existe aussi des écoles de médecine libres comme celle de Rennes, créée en 1803.
Auparavant, l’enseignement dans les facultés de médecine était surtout théorique ; à partir de 1794, les étudiants en médecine vont ajouter à cela les contraintes auparavant réservées aux chirurgiens : la fréquentation quotidienne des hospices et la pratique des autopsies. Le carabin quitte donc sa stature d’étudiant purement théorique pour entrer de plain-pied dans la réalité hospitalière et clinique, et à ce titre les étudiants en médecine « forment un monde à part, influent par leur nombre, par la longueur de leurs études ; une maturité formée à l’hôpital où (…) il faut faire face à la souffrance, à la suppuration, aux odeurs ; par leur présence quotidienne au Quartier latin, chaque après midi au pavillon de dissection, puis au cours magistral ».
Ce groupe d’étudiants influent va retenir l’attention par ses excès et ses comportements souvent provocateurs, alliant pittoresque et bohèm. Leurs études étant longues, nécessitant énormément d’investissement tant financier qu’intellectuel, ils ont « la certitude de tout conquérir » et sont « frondeurs », « à la fois respectueux de l’ordre et de la hiérarchie hospitalière et hostile au pouvoir administratif et politique de la Faculté », avec une « tendance à l’indifférence religieuse et au rejet de l’autorité » (12). Ils sont toutpuissants parmi les étudiants, mais le mythe qui entoure leurs études est aussi en grande partie lié à leur participation aux dissections : elles sont le début de l’acquisition des « manières de carabin » pour les étudiants en médecine avant même que ceux-ci ne deviennent internes (5,11).
Les dissections constituent un véritable « rite de passage » faisant de l’étudiant un « initié » puisque, « implicitement(…) qui a surmonté l’horreur des dissections est apte à supporter les facettes les plus dures de la profession » (5). Les étudiants « surmontent la confrontation avec la mort » (11) et accèdent ainsi « au début de la professionnalisation de leur perception concernant le corps et la mort » (5). Il était autrefois fréquent que ces dissections donnent lieu à des « batailles de bidoche » (5), ou que les étudiants se prennent en photo à côté des cadavres ; ces pratiques sont interdites aujourd’hui , mais les plaisanteries ont toujours cours dans les salles d’autopsies.
Les dissections restent encore aujourd’hui très présentes dans les représentations sociales de l’épreuve initiatique devant être passée par les étudiants en médecine, renforçant le « mythe d’insensibilité » (11) dont ils sont auréolés. Si les dissections donnent effectivement lieu à l’émergence des « manières de carabin » parce qu’elles en appellent souvent à l’humour noir pour les surmonter, elles favorisent également l’apprentissage de certaines limites à ne pas franchir, forçant l’étudiant à se positionner par rapport au corps mort et au respect qui lui est dû (5).

Une particularité française : l’esprit carabin

L’humour médical « cynique »

L’humour médical a déjà fait l’objet de plusieurs publications : plusieurs thèses existent sur la place de l’humour dans la consultation médicale et dans le soin (22,23). Il existe également des publications, essentiellement américaines, qui le définissent comme appartenant au registre de l’humour cynique, et qui tentent d’analyser son origine, ses vertus et les questions éthiques qu’il soulève.
L’étude sociologique américaine Boys in White(24) s’est intéressée au prétendu « cynisme » des étudiants en médecine dès la fin des années 50. Observant les étudiants de l’école de médecine du Kansas de la première à la quatrième année, l’étude défend la thèse que les stratégies mises en place par les étudiants obéissent à des phénomènes sociaux relevant de la « culture étudiante ». Ainsi, loin d’être cyniques, les étudiants en médecine seraient au contraire très idéalistes en arrivant à l’université, puisque déterminés à acquérir le maximum de compétences de façon à devenir de « bons médecins » : apprenant par et pour eux- mêmes. Confrontés aux difficultés et aux contraintes de l’apprentissage universitaire puis des stages cliniques, les étudiants s’autonomiseraient par rapport aux exigences de la faculté, et développeraient des stratégies de groupe, priorisant le fait de « passer les examens » et d’acquérir le diplôme par rapport à d’autres objectifs moins immédiats. La façon très technique d’appréhender le corps humain et les problèmes présentés par leurs patients s’expliquerait par l’acquisition de la vision médicale professionnelle exigée par les études (24). Les étudiants sont dans une optique de formation avant tout, en quête d’expérience et de responsabilité mais pas encore docteurs, et ont une vision « estudiantine » de la maladie et de la mort, différente à la fois de celle du profane et du médecin accompli (24). Une fois leurs études terminées, les auteurs décrivent cependant une attitude relevant de l’ « idéalisme éclairé », puisque l’objectif principal des étudiants à présent diplômés redevient d’exercer comme « un bon médecin » (24). L’étude est déjà ancienne, mais reste intéressante puisqu’elle s’intéresse aux conséquences pédagogiques d’une formation médicale encore exigeante et contraignante actuellement.
Une étude américaine de 1996 s’est intéressée aux raisons du cynisme des étudiants en médecine, constatant qu’ils étaient plus cyniques que leurs résidents (25). Elle conclut que ce cynisme, qui résulterait d’un processus pouvant être traduit par « dé-idéalisation traumatique », accompagne la « socialisation professionnelle » des étudiants dans ses aspects les plus durs. Il correspondrait à une phase où l’étudiant lutte pour développer une identité professionnelle tout en relevant des défis cliniques et universitaires dans un environnement éthique complexe et ambigu. Cette phase est naturelle, en vue de l’acquisition d’une identité professionnelle mature : le cynisme diminue en effet à mesure que la confiance en eux et les compétences des étudiants et résidents se développent (25).
Une autre étude américaine de 2001 s’est intéressée aux points de vue des étudiants en médecine lorsque ceux-ci étaient confrontés pour la première fois à ce type d’humour médical cynique et au ‘ slang’ (argot) hospitalier lors de leurs stages (26). Les étudiants gardaient encore un point de vue externe, qui leur permettait de s’identifier aux patients, mais étaient aussi capables de comprendre les frustrations et déceptions des résidents. Ainsi, ils jugeaient ce genre d’humour non-approprié en soi, mais le trouvaient malgré tout acceptable dans certains cas. La vie professionnelle difficile des résidents – temps de travail important et temps de sommeil réduit – et le fait que cela permettait une forme de « coping » étaient invoqués comme justifications. Les étudiants sentaient également un décalage entre le langage cynique des résidents, et leur sentiment véritable envers leurs patients. L’humour noir et l’argot médical seraient ainsi un mécanisme de défense, mais l’impact négatif qu’il peut avoir sur des étudiants en quête de « modèles de rôles » nécessite une réflexion sur la possibilité d’alternatives pédagogiques (26).

La Faluche

La Faluche est une tradition estudiantine qui n’est pas propre aux études médicales. En effet, la faluche existe pour la plupart des filières : il s’agit d’un béret noir, coiffe traditionnelle des étudiants, qui a remplacé la toque traditionnelle. Le ruban qui l’orne est appelé « circulaire », et il sera orné de plusieurs insignes servant à la fois à décrire le porteur, et les événements marquants de sa vie estudiantine. Le circulaire des étudiants en médecine et pharmacie est en velours, celui des autres filières est en satin, raison pour laquelle dans le langage des faluchards, ces filières sont souvent abrégées en « velours » et « satin ».
L’étudiant qui le souhaite, appelé « impétrant » peut intégrer la faluche de sa filière en y étant introduit par un parrain et/ou une marraine, souvent les deux. Dans la plupart des villes, l’entrée dans la faluche est régie par un baptême, au cours de laquelle l’impétrant prête le serment du faluchard, en présence d’un Grand Maître qui est élu par ses « pairs » et doit s’attacher à maintenir les traditions, souvent assisté par des Grands Chambellans. Ce serment est censé rester secret, mais est accessible en ligne : il aborde des notions de respect, de solidarité et d’entraide.
La faluche est régie par un code national, mais il existe des variantes régionales, et sa tradition est avant tout orale. Elle s’inscrit dans l’ « esprit paillard estudiantin » traditionnel (38), et ceci combiné au secret relatifentourant les cérémonies des baptêmes confère souvent au faluchard une réputation d’« alcoolique partouzeur », par amalgame (38).
En 2015, I. Fayemendy s’est intéressée aux rites de la faluche dans différentes filières estudiantines dans le cadre d’un mémoire (38). Elle souligne que la tradition de la faluche s’est surtout maintenue grâce aux filières de droit et de médecine. Ayant interrogé plusieurs faluchards, elle met en avant des particularités propres aux carabins au sein même de la Faluche, telle que la décrivent les faluchards. Les carabins auraient associé l’esprit carabin, « particulier, dû au rapport à la mort et à des études difficiles » aux traditions de la Faluche, et les baptêmes des « velours » seraient souvent « plus trash », avec un esprit paillard et festif « poussé à l’extrême, avec des excès en tout genre » (38). Il convient évidemment de se garder des généralités, mais là encore, on note que les carabins se sont attribué ce folklore estudiantin en y imprimant possiblement leur propre marque.

Le folklore hérité de l’Internat

Les manières de salles de garde

Le concours de l’Internat ayant été créé à Paris, c’est là que l’on trouve les internats les plus imprégnés de ce folklore. L’internat y est appelé « salle de garde », où les interactions sont gouvernées par des règles très spécifiques, détaillées dans plusieurs travaux (5,6,17,35). Généralement appliquées à Paris, elles sont souvent inconnues en province (5,35). Elles définissent la tenue vestimentaire, les repas, mais aussi les échanges verbaux et l’exécution des fresques, dont la signification et la compréhension des symboles sont réservés aux initiés.
Chaque semestre, les internes d’une salle de garde élisent un Econome, qui a pour mission de collecter les cotisations d’internes afin d’organiser les « améliorés » et les « tonus » . C’est également lui qui se charge de veiller à l’application des règles de la salle de garde et de faire appliquer les sanctions en cas de transgressions, au moyen d’une roue sur laquelle figurent des gages. Il est élu et a, le temps d’un semestre, un « pouvoir absolu mais éphémère » (6), il peut être secondé par un Sous-Econome, ou une interne féminine appelée Econominette. Chaque salle-de garde a son Econome. Traditionnellement, il est de mise que l’Econome dénude son postérieur lors de son intronisation, geste souvent retrouvé dans l’exécution de certaines chansons paillardes. L’Econominette doit quant à elle montrer ses « poumons » (6) c’est-à-dire ses seins, au moins une fois durant le semestre. Ce serait, selon l’ancien interne des hôpitaux de Paris Patrice Josset, le dernier reliquat d’un rituel d’initiation comparable à ceux intégrant une corporation, le compagnonnage voire la Franc-Maçonnerie, visant à les « dévoiler », en lien avec « la purification nécessaire pour l’accession à un nouvel état » (6). Le fait d’exposer son postérieur peut aussi renvoyer à une croyance antique selon laquelle l’os du sacrum et du coccyx serait « le seul à ne pas pourrir après la mort » (6). L’Econome se jouerait ainsi de la condition de mortel de tout être humain, de la même façon que les chansons paillardes.

Transformations liées aux mutations médicales et sociales

Aujourd’hui, au vu des différents débats suscités par certains débordements de cet « esprit carabin », plusieurs constats s’imposent. La profession médicale s’est progressivement féminisée, et l’ « ethos masculin » (5) qui imprègne le folklore carabin et certaines de ses sources apparaît aujourd’hui décalé, misogyne voire sexiste, comme le montre le débat sur le QCM préparant les ECN en avril 2016.
Les internes ne sont plus « encasernés » (15), et peuvent aujourd’hui vivre en dehors de l’hôpital ou accueillir leur conjoint dans les logements mis à leur disposition par l’hôpital. La solitude est moindre grâce au téléphone, aux réseaux sociaux (11). La mixité, impensable au 19e siècle, est présente dès le début de l’école, et continue au sein des internats : ainsi, la population des internes ne correspond plus vraiment à la « confrérie d’apprentis encore un peu traditionnelle » (17) qui a pu être décrite en 1980.
Les pratiques sexuelles ont également changé : diffusion de moyens de contraception, début plus précoce de l’activité sexuelle, banalisation des films pornographiques auparavant diffusés en secret au cours d’une garde.
Les internes ne sont plus les seuls à avoir le monopole de la connaissance du corps humain, et les autopsies, encore pratiquées, sont plus encadrées, moins fréquentes, cédant parfois la place à des préparations anatomiques sans obliger l’étudiant à disséquer (11).
Les conditions d’hygiène et les connaissances médicales ainsi que les traitements de maladies ont considérablement évolué. Les internes, s’ils sont toujours soumis à la mort, la souffrance, et à latransgression de tabous, le sont sans doute moins violemment que leurs aînés.
Cependant, la question de l’émotion dans le soin et la façon dont un interne doit apprendre à y faire face, se pose toujours aujourd’hui. Les coutumes décrites plus haut continuent vraisemblablement à jouer leur rôle d’exutoire au cours de l’internat : à ce titre, elles déplacent le débat à une échelle plus large encore, celle de l’enseignement de la médecine en France aujourd’hui, de la socialisation de ses étudiants, et des modèles de rôle qu’ils rencontrent au cours de leurs études, qui ne sont plus ceux de leurs aînés.
L’accession au statut d’internes des futurs généralistes, représentant 47 % des internes au sein des internats (7), implique également une évolution des pratiques. En effet, ces internes ne sont pas censés rester à l’hôpital, et ont rarement le souhait d’y faire carrière. Ils n’effectuent qu’un seul semestre en CHU, et trois voire quatre semestres dans des hôpitaux de périphérie. A ce titre, l’ « esprit de corps » imprégnant les salles de garde et internats peut revêtir une signification différente pour eux, possiblement moins empreinte d’élitisme et de méritocratie pour ces internes bientôt susceptibles de s’affranchir de la hiérarchie hospitalière.
Les internes actuels ne sont plus uniquement parisiens, mais sont présents dans toutes les facultés françaises. Les coutumes et rituels de salle de garde ont principalement été décrits et analysés à Paris, où ils sont nés, mais actuellement certaines pratiques se retrouvent dans les facultés de province : tonus,améliorés et fresques des internats.

Résultats

Initiation : les amphithéâtres en 1 e année

Douze sur les treize internes interrogés sur le vécu de leur première année ont décrit différentes pratiques relevant du folklore médical ayant eu cours dans les amphithéâtres. Ces pratiques avaient cours aussi bien à Rennes, à Paris, à Poitiers, à Rouen, à Angers, à Marseille et à Tours, mais étaient absentes à Nantes.

Interactions avec les professeurs

Douze sur les treize internes interrogés sur le vécu de leur première année ont décrit différentes pratiques relevant du folklore médical ayant eu cours dans les amphithéâtres. 8 internes décrivent des « réflexes ou stéréotypes » survenant lors des cours, où un mot à caractère ou à terminaison éventuellement subversif prononcé – parfois volontairement – par le professeur déclenchait une réponse par les étudiants, rythmant ainsi leurs interactions durant les cours : « Et puis ben les éternels « processus » avec tous les carrés qui répétaient en choeur « suuuuuuce ! » [voix de fausset]… Beaucoup de choses avec le… les points G dans les plans de cours. Donc y avait carrément des profs qui faisaient l’éviction de la diapo numéro 69, qui faisaient l’éviction du point G [sourit]dans les déroulés de cours. »
La provocation n’est pas non plus absente des amphithéâtres, ainsi que le raconte l’un des internes
interrogés, qui avoue avoir fait des « bruits de dauphin » pour énerver un professeur.
Les internes ont également rapporté diverses interjections de type « Pause ! » ou « Plus vite », parfois remplacées par le martèlement de stylos sur les tables, pour forcer l’enseignant à faire une pause, ou à ralentir son débit de parole. Là encore, l’interaction est joueuse, modifiant pour un temps le rapport de force entre le professeur et son amphithéâtre, comme elle a pu l’être pour les générations passées.

Interactions entre étudiants

Les internes décrivent également des jeux de défi entre primants (bizuts) et redoublants (carrés), qui n’étaient séparés dans aucune des facultés : soit des chansons se moquant des primants, soit des chorégraphies ou des petits défis.

La Faluche et le CRIT

Les internes ont spontanément abordé la Faluche au cours des entretiens. Un seul interne avait été faluché, et avait occupé le poste de Grand-Maître de la Faluche. Les autres n’avaient pas fait partie de la Faluche : 4 évoquent la « peur des débordements », alcoolisés pour 4, sexuels pour 2, et le fait de « ne pas savoir » ce qui s’y passait vraiment pour 3. La Faluche est, pour les internes, « plus trash, plus gore », uniquement « pour ceux qui le veulent vraiment », mais 3 ont souligné le fait que la Faluche n’est pas propre aux études médicales, que c’est une caractéristique étudiante. La seule particularité en médecine, soulignée par les internes, est le fait que les autres faluches sont appelées les « satins », à cause de leur circulaire, celui de la faluche médicale se distinguant par son velours rouge.
Le seul interne faluché interrogé sur les éventuels débordements a décrit la Faluche comme « un microcosme », dont l’ambiance dépend du Grand-Maître, avec effectivement beaucoup d’alcool mais dont les défis s’apparentent à des « jeux d’ado, pour chercher ses limites ».
Les internes ont également abordé le CRIT, acronyme pour Criterium, rassemblement d’étudiants se déroulant soit l’hiver au ski, soit l’été, avec une réputation de débauche et de débordements, notamment en ce qui concerne les dégâts matériels. Aucun des internes n’avaient été au CRIT et à ce titre il n’y a aucune donnée permettant de corroborer ou non cette réputation, néanmoins les internes l’ont décrit comme :« un cran au-dessus » pour 4, « c’est l’orgie » pour 3.
Que ce soit pour les activités « plus trash » lors des week-ends d’intégration, pour la Faluche ou le CRIT, l’argument le plus fréquemment mentionné par les internes pour expliquer leur absence de participation a été « j’avais pas d’amis dans ce groupe », pour 7 d’entre eux. A l’inverse, ils pouvaient être amenés à participer à certaines activités parce qu’ils étaient avec leur groupe d’amis.
Une interne a évoqué Erasmus comme autre possibilité de trouver un réseau amical, bien qu’en dehors de médecine, et une autre a mentionné l’équipe de rugby féminine de la faculté comme un moyen d’élargir son réseau social et de faire un lien entre les promotions.
Les soirées médecine en elles-mêmes ne sont pas fondatrices pour trouver son groupe, mais permettent soit une « décompression » pendant l’externat pour certains, soit une expérience de ses limites dans le sens où elles sont aussi un moyen de se positionner, de choisir de s’y rendre ou non, d’y participer pleinement ou au contraire de s’en détacher complètement.
A ce titre, week-end d’intégration, Faluche et soirées peuvent être vus comme des étapes de la vie étudiante, qui se retrouvent dans beaucoup de milieux étudiants autres que médecine. Les seules particularités propres à médecine semblent être des thèmes carabins tournant autour du corps et du sexe, une ambiance plus « décomplexée » autour de la sexualité, et aussi le lien continuel entre les promotions autour du travail et de la vie hospitalière en plus de la vie étudiante, d’autant que les études sont très longues.

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Table des matières
I. Introduction
II. Contexte : les études médicales comme espace de socialisation
A. Carabin et interne, deux notions distinctes
A. 1. Le personnage du « carabin »
A. 2. Polysémie de l’Internat et définition de l’interne
B. Une particularité française : l’esprit carabin
B.1. L’humour médical « cynique »
B.2. L’humour carabin : le grivois et sa grammaire
C. Le folklore estudiantin « carabin »
C.1. Le chahut des amphithéâtres : jeu du double-sens
C.2. Le week-end d’intégration
C.3. Les paillardes
C.4. La Faluche
D. Le folklore hérité de l’Internat
D.1. Les manières de salles de garde
D.2. Les fresques
D.3. Les Tonus
D.4. Revues et bals
E. Transformations liées aux mutations médicales et sociales
III. Matériel et Méthodes
A. Objectifs de la recherche et problématique
B : Choix de la population et des méthodes
C. Choix des thèmes et rédaction du guide d’entretien
D. Constitution de l’échantillon et réalisation des entretiens
E. Difficultés rencontrées
F. Méthode d’analyse
IV. Résultats
A. Initiation : les amphithéâtres en 1 e année
A.1. Interactions avec les professeurs
A.2. Interactions entre étudiants
B. Intégration en 2 e année, Faluche et fêtes
B.1. Week-end d’intégration
B.2. Fêtes de l’externatB.3. La Faluche et le CRIT
C. S’imprégner de l’esprit carabin
D. Une étape importante de la socialisation : devenir interne, habiter l’internat
D.1. Le statut d’interne
D.2. Le lieu de l’internat
E. Tonus et fresques, des marqueurs éphémères de l’internat
E.1. Les tonus
E.2. Les fresques
F. Se sentir carabin
V. Discussion
A. L’esprit carabin, une transmission en déperdition ?
B. Tonus et fresques : un risque d’amalgame nuisant à l’ « image » du médecin ?
C. Sexisme ou sexisme de façade ?
C.1. Féminisation de la profession et mutations sociales
C.2. Les fresques : sexistes ou sexuelles ?
D. L’internat aujourd’hui : un espace à la fois festif et thérapeutique
D.1. L’internat aujourd’hui
D.2. L’internat, un espace thérapeutique
D.3. La fête et ses excès, signe de souffrance au travail ?
E. Mutations médicales et influence de la médecine générale
F. Limites
VI. Conclusion
VII. Bibliographie
VIII. Annexes

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