MUTATION URBAINE ET INSECURITE DANS LA BANLIEUE DE DAKAR

La décharge de Mbeubeuss

  Créée en 1968 suite à la fermeture de la décharge de Hann, Mbeubeuss est le site où sont déposés les déchets solides de l’agglomération dakaroise. Des recherches se sont intéressées à l’impact que cette décharge pouvait avoir sur l’environnement et sur la santé des riverains. Ces effets sont surtout visibles dans les communes de Malika et de Keur Massar. La pollution engendrée par l’accumulation progressive des ordures et leur méthode d’exploitation nocive, n’est pas sans incommoder les populations. Par ailleurs, les acteurs de cette exploitation sont en première ligne face aux dangers de la décharge. Une étude de l’institut africain de gestion urbaine révèle que le lieu accueille quotidiennement 3500 personnes avec un grand nombre de femmes et d’enfants69. Pour ces derniers, la récupération des déchets destinés au recyclage représente une source de revenue. A Keur Massar, cette activité a enrôlé certains jeunes en âge d’aller à l’école. Ils rejoignent des bandes à la réputation douteuse qui ne se limitent pas toujours à la collecte de déchets. Mais, ils dérivent dans certains cas vers la délinquance ou s’adonnent à des pratiques malsaines telles que la consommation de stupéfiants. Ce problème préoccupe surtout les habitants des quartiers proches tels que Montagne Daradji ou ceux situés sur le parcours des camions à ordure. Toutefois, leurs forfaits sont ressentis jusqu’à des lieux en dehors de cet axe. En observant la carte 3, il apparait que son aire d’influence s’étend jusqu’à la zone de recasement et Diacksao. En effet, les jeunes en provenance de la décharge sont accusés d’être à l’origine d’attaques à l’arme blanche ou de vols perpétrés dans les quartiers cités. La récupération de matière à recycler n’étant pas toujours fructueuse, ces jeunes généralement d’origines modestes versent dans les délits divers attirés par le gain facile.

Les garages de la commune

   Dans l’entendement commun du sénégalais, le terme garage peut être considéré comme le lieu où stationnent les véhicules qui assurent le transport des voyageurs. Certains sont aménagés et occupent un local bien fermé tandis que d’autres sont installés en plein air sans qu’il n’y ait de séparation réelle avec le bâti. C’est cette dernière catégorie de garage que l’on retrouve à Keur Massar. Le développement de la ville a eu pour corolaire une augmentation de la mobilité et de facto un déploiement des moyens de transport. De ce fait, de nombreux garages sont recensés dans la localité. Toutefois, ceux qui jouissent de la plus mauvaise réputation lorsque l’on interroge la question de la sécurité sont ceux de El Hadji Pathé Sow, de Darou Missette, celui des Parcelles Unité 6 et celui des bus Dakar Dem Dikk. Comme illustré à travers la carte 3, ces points véhiculent un sentiment d’insécurité auprès des populations. Parmi les activités délictueuses qui y sont menés figurent le trafic de carburant. Ce liquide inflammable doit en effet faire l’objet d’une manipulation minutieuse sinon il constitue une menace à la sécurité des biens et personnes. Ainsi, des opérations de saisies sont souvent menés par les agents de la brigade pour mettre met à cette activité. Mais l’inquiétude des usagers est surtout liée à la présence de la drogue. Le garage de El Hadji Pathé Sow par exemple, est fréquenté par des jeunes délinquants qui s’adonnent à la vente et à la consommation de chanvre indien la nuit. Des cas d’agressions et de vol y sont également répertoriés. C’est le même tableau pour le garage des Parcelles assainies unité 6, les cas de vol y sont très récurrents même le jour. En outre des points cités plus haut, d’autres lieux expérimentent le phénomène d’insécurité mais cette fois dans une moindre mesure. Les habitants à proximité de la case des tous petits de Keur Massar notamment déplorent le passage des charretiers aux abords de la maternelle. Ceux-ci sont impliqués dans beaucoup de cas de coups et blessures et sont accusés de dérober les biens des populations. Le lycée de la zone de recasement constituait également un lieu criminogène surtout au moment de sa construction. Cet établissement scolaire qui couvre une très large superficie représentait un chantier colossal dont l’achèvement a pris du temps. Le délégué du quartier de la zone de recasement évoque une insécurité qui touchait surtout les femmes en partance pour le marché. Elles subissaient souvent les assauts des malfrats à proximité du mur du lycée. La situation s’est néanmoins nettement améliorée maintenant que les travaux ont pris fin.

El Hadji Pathé Sow

    Les récits sur les origines du quartier convergent vers un seul homme El Hadji Pathé Sow. Cet éleveur originaire de Gabane dans le nord du Sénégal s’est installé sur le site qui porte aujourd’hui son nom accompagné de ses troupeaux. Ces parents ont migrés progressivement pour le rejoindre. Le village accueil par la suite des personnes venues de Dakar et de sa banlieue surtout. Leur installation n’est à l’époque soumise à aucune norme d’aménagement, chacun a élu domicile là où il le voulait. De nos jours, le périmètre de El Hadji Pathé Sow s’est beaucoup élargi et il est composé de 19 quartiers . Les manifestations de l’occupation anarchique d’en temps restent tout de même visible à ce jour surtout par rapport à l’installation électrique qui présente de nombreuses failles. C’est en effet 78,6% des habitants qui n’ont d’éclairage dans leur rue. Par ailleurs, l’installation électrique mis en place par la SENELEC ne couvre pas la totalité des ménages. En réponse, les populations ont installé un système de raccordement de fortune. Cette responsabilité incombe normalement au promoteur de la cité. Mais la situation reste très délicate du fait de l’absence de planification avant l’arrivée des habitants. Ainsi des cas de chevaux qui ont été électrocutés lors de l’hivernage sont à déplorer. Ça aurait bien pu être des êtres humains à la place. En plus de cette menace, le manque de routes goudronnées contribue à ralentir l’action des forces de l’ordre et des services de secours lors de leur intervention. Le manque de routes praticables se fait remarqué sur de longues distances. L’autre élément qui a un impact sur l’insécurité est le problème des inondations que connait la zone depuis quelques années. On sait que les maisons abandonnées sont des endroits particulièrement prisées par les malfaiteurs. Justement, la série d’inondations qui a touché le quartier a obligé certains habitants à quitter leurs demeures qui sont devenu inoccupées. Ces maisons vidées de leurs occupants sont le théâtre des actes les plus ignobles. Un chef de ménage ancien membre des forces de police rapporte notamment le cas d’une jeune femme qui a été violée puis assassinée dans une de ses ruines. C’est ce genre d’incidents violents et marquants qui valent au quartier de El Hadji Pathé Sow sa mauvaise image auprès de la presse et des habitants, même si les délits mineurs n’y sont pas plus nombreux qu’ailleurs dans la ville. Les délits sont commis pour la plupart aux abords du garage. Les vols et les agressions y sont très fréquents. De même la consommation et la vente de chanvre indien y est pratiqué par les jeunes qui fréquente l’endroit la nuit. La tentation est en effet très forte pour ces délinquants qui évoluent dans un milieu où la pauvreté est très présente. Ces sont 57,1% des chefs de ménages qui s’estiment pauvres. Confronté à un tel niveau de précarité l’alternative pour certains jeunes est de s’approprier les biens d’autrui afin de subvenir à leur besoins. Du côté de la victimation, l’analyse des données recueillies durant les enquêtes révèle que 71,4% des victimes sont des hommes. Toutefois le délégué du quartier de Minane Gabane rapporte que les femmes sont particulièrement vulnérable la journée en l’absence des hommes de la maison. Ainsi, elles font souvent l’objet de provocations ou de vols au sein de leur domicile en plein jour.

Une justice de proximité avec la création de la maison de justice

   Les premières stratégies pour une de justice de proximité sont initiées sous le régime du Président Abdou Diouf. Incluses dans le programme sectoriel « justice », elles sont financées par la coopération française et sont reconduites sous le régime du Président Abdoulaye Wade. C’est remplies par cette volonté de rapprochement de la justice des plaignants que les premières maisons de justices commencent leurs activités en 2004. Celles-ci sont placées sous l’autorité du procureur de la République et sont composées de coordonnateurs juristes, de médiateurs conciliateurs ainsi que des magistrats et officiers de police judiciaire à la retraite. Leur pilotage est confié à un comité de coordination composé par les élus locaux et des représentants de la société civile. Ces établissements ont pour mission notamment « de constituer un lieu de rencontre, d’échange, d’élaboration de stratégies concertées et cohérentes de tous ceux qui, dans un même espace géographique, contribuent à la prévention de la délinquance, à la prise en charge des personnes en difficulté, à la régulation des conflits et au maintien de la paix sociale »82. Face aux nombreux litiges portés à l’attention des services judiciaires, la commune de Keur Massar s’est dotée de sa maison de justice en 2016. Le traitement des contentieux se fait ainsi à la base par le biais de la médiation et de la conciliation. Une telle démarche permet aux justiciables de réclamer leurs droits sans passer par des procédures judiciaires fastidieuses. De plus la charge de travail assignée aux forces de l’ordre et aux institutions judiciaires s’en voit réduite. Toutefois, ce ne sont pas toutes les affaires qui sont susceptibles d’être présentées devant ces institutions. En effet, seuls les cours et tribunaux sont en mesure de trancher devant certains litiges. Par ailleurs, il n’est pas dit que tous les partis seront réceptifs à la conciliation et à la médiation. Par conséquents les maisons de justice ne peuvent statuer que dans un nombre restreint d’affaires. Il faut également dire que le flou autour de son existence et de ses missions n’arrange pas les choses. En effet, une réelle méconnaissance des procédures judiciaires transparait au moment des enquêtes ménages. Peu de citoyens sont au courant de la création de la maison de justice ou ils n’ont tout simplement pas accès à l’information qu’il faut. Dans ces conditions il est difficile pour certains d’identifier vers qui se tourne lors d’un contentieux ce qui contribue au final à rallonger la durée des traitements.

Conclusion générale

    Au vue des différents éléments développés, il ressort que les questions urbaines sont d’une importance capitale au Sénégal. S’agissant de l’agglomération dakaroise l’extension des surfaces urbanisées a d’abord donné naissance à la ville de Pikine. Cette dernière n’échappe pas non plus à la saturation. Incapable de recevoir de nouveaux flux, elle doit à son tour faire l’objet d’opération de désengorgement et reproduire le même scénario que Dakar. Dès lors le site de Keur Massar disposant d’énormes réserves foncières se présente comme le réceptacle idéal pour recaser les populations venu de Pikine et d’autres localités. Ces événements propulsent Keur Massar vers un jour nouveau. Le poids de la localité n’est alors plus à démontrer, elle devient en quelques années la commune la plus peuplées de Pikine. C’est justement cette dynamique urbaine très active qui soulève les questionnements sur le suivi apporté en termes de sécurisation des lieux. Notre première hypothèse voulait que la vitesse de la croissance urbaine n’ait pas permis à la ville de satisfaire aux besoins nécessaires à la mise en place d’un cadre sécuritaire. Celle-ci s’est confirmée suite aux recherches réalisées sur le terrain. En effet un manque de maîtrise notoire transparait dans la mise en place du maillage urbain. Il en résulte la production de villages traditionnels irréguliers auxquels se sont greffés de nouvelles bâtisses qui ont perpétués la même anarchie dans la morphologie du bâti. Cette configuration additionnée à la vétusté des habitations et au manque d’éclairage engendrent un risque lié à l’accès difficile pour les voitures d’intervention et offrent des refuges de choix pour les malfaiteurs. Les fortes densités qu’enregistrent ces zones les exposent également à une promiscuité qui est une cause avérée d’insécurité surtout lorsque plusieurs ménages cohabitent au sein du même logement. La concentration est d’autant plus ressentie que la localité polarise les communes environnantes qui restent fortement dépendantes vis-à vis des services de Keur Massar. En outres, les enseignements tirés des différents ouvrages consultés se rejoignent sur un point : l’insécurité touche davantage les secteurs pauvres avec un accès difficile à l’emploi et au système éducatif. C’est exactement le portrait que décrit notre zone d’étude. Même si la mixité sociale est de mise, la pauvreté l’emporte dans beaucoup de quartiers.

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Table des matières

Introduction générale
I. Contexte et justification
II. Problématique
III.Cadre opératoire
IV.Méthodologie
Première partie : La croissance urbaine principale cause de l’insécurité
Chapitre 1 : Présentation de la commune de Keur Massar
Chapitre 2 : Impact de la croissance urbaine sur le phénomène d’insécurité
Deuxième partie : Manifestations et ampleur de l’insécurité à Keur Massar
Chapitre 1 : Keur Massar : une commune qui présente des niveaux d’insécurité relativement importants
Chapitre 2 : La localisation de l’insécurité dans la commune
Troisième partie : Des actions en synergie comme réponse contre l’insécurité 
Chapitre 1 : Une pluralité des intervenants avec les forces de l’ordre au premier rang dans le dispositif sécuritaire
Chapitre 2 : La communauté face au défi sécuritaire
Conclusion générale

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