Multiples enjeux autour des forêts tropicales

MULTIPLES ENJEUX AUTOUR DES FORÊTS TROPICALES

MULTIPLES ENJEUX AUTOUR DES FORETS TROPICALES

Les forêts tropicales disparaissent… ». Les conséquences en sont dangereuses pour l’homme, en raison des multiples fonctions que ces forêts assurent au niveau local comme à l’échelle de la planète. Le « problème de déforestation » est d’autant plus préoccupant qu’il intervient dans des pays dont le développement est essentiellement basé sur l’exploitation des forêts et il risque donc de remettre en cause la durabilité de ces modes de développement. Il apparaît dès lors nécessaire et urgent de lutter contre les pressions de toute sorte qui menacent les forêts tropicales. C’est en ces termes que se lit généralement le discours sur les transformations des forêts tropicales. Derrière ce discours général, se dessinent en réalité de multiples enjeux, en particulier socioéconomiques et politiques. La dimension idéologique transparaît également dès que l’on traite des forêts et notamment des forêts tropicales. La question qui se pose, et à laquelle nous tenterons de répondre dans ce travail, est de savoir quels moyens les Etats tropicaux peuvent-ils mettre en œuvre pour gérer les forêts et lutter contre leur disparition. Il importe selon nous, afin de répondre à cette question, de sortir du discours normatif et d’adopter une démarche descriptive. Cela nous permettra de cerner précisément les enjeux des transformations des forêts tropicales et d’analyser les mécanismes qui sont à l’œuvre dans ces transformations. Une telle démarche ne peut se réaliser selon nous à l’ échelle du monde tropical et c’est pourquoi nous avons choisi de nous intéresser à un cas particulier. La Côte d’Ivoire illustre particulièrement bien l’ensemble de ces enjeux. Le pays a connu une transformation massive et rapide de sa zone forestière. Son développement socio-économique repose en grande partie · sur l’exploitation de cette zone forestière et il possède – paradoxalement – une certaine expérience en matière de politiques forestières. Aujourd’hui, l’objectif de la gestion forestière affiché par l’Etat ivoirien est de reconstituer le couvert forestier. Enfin, ce cas est suffisamment représentatif des autres pays tropicaux pour que les enseignements tirés de son étude dépassent la monographie. Dans cette introduction, nous proposons une première approche des transformations de la zone forestière ivoirienne. Elle nous permettra de formuler notre problématique, la démarche que nous allons adopter ainsi que le plan de la thèse. Auparavant, il nous paraît important de prendre connaissance du discours général sur la déforestation tropicale – souvent étayé par des chiffres qui font référence. Nous reviendrons dans la suite de ce travail sur ce discours et sur les chiffres. Il convient également de mettre en évidence les multiples dimensions que recouvre le « problème de la déforestation tropicale », à la fois écologiques, économiques, politiques. Nous prendrons alors la mesure de la complexité de ce problème ainsi que des· enjeux qui sous-tendent le discours général sur la déforestation tropicale. La première section de l’introduction rappelle donc les pnnc1paux chiffres et arguments couramment avancés pour interpréter les transformations des forêts tropicales, et justifier la nécessité de gérer ces forêts. Nous évoquerons dans une deuxième section les enjeux que pose cette gestion pour des pays tropicaux confrontés à des problèmes de développement urgents. La troisième section sera consacrée à une première approche de la Côte d’Ivoire, à l’issue de laquelle nous formulerons, dans une quatrième section, notre problématique et le plan de la thèse.

La déforestation ou le changement de l’utilisation des terres

La définition courante de la déforestation, établie par la FAO, repose sur une dichotomie des utilisations des terres Forêt / Non forêt6 . Lorsque la forêt est utilisée pour ses ressources forestières (ligneuses ou non), pour elle-même (en tant qu’écosystème, espace de chasse, d’aménités) ou lorsqu’elle n’ est pas utilisée (dans le cas des aires protégées) le caractère forestier du milieu est maintenu. Dans ce cas, les utilisations des terres ou occupations de l’espace sont dites « forestières ». Dès lors que la forêt est en revanche utilisée pour son sol, comme réserve de terre à convertir à d’autres usages que forestiers, l’utilisation des terres n’est généralement plus considérée comme forestière 7 • Cette deuxième utilisation de la forêt correspondrait aux situations de déforestation8 • Tant que la forêt est exploitée à des usages forestiers, ou ne fait l’objet d’aucun usage, elle préserve son caractère forestier (utilisation forestière des terres). Lorsqu’elle est convertie à des usages non forestiers telle que l’agriculture, la construction de routes, d’habitations .. ., une déforestation apparaît (utilisation non forestière des terres). Précisément, la forêt selon la FAO est « un écosystème où la densité minimale du couvert d’arbres et/ ou de bambous est de 10 %, généralement associés à une flore et une faune sauvages et à des sols à l’état naturel » (FAO, 1993: 10). En conséquence, la déforestation est « une conversion des terres forestières à d’autres usages avec réduction du couvert forestier à une densité inférieure à 10 % » (op.cit.). Dans cette optique, l’agriculture, parce qu’ elle implique une conversion des terres forestières, et donc une utilisation agricole des terres, constitue une forme de déforestation. L’exploitation forestière en revanche, parce qu’elle constitue un usage forestier des massifs, n’est pas considérée dans les estimations de la FAO comme une déforestation sauf en cas de coupe rase. Elle mène le plus souvent à une « dégradation » des massifs, c’est-à-dire une éclaircie de la forêt liée à l’appauvrissement qualitatif du peuplement9 • La « menace » agricole sur les forêts se réalise différemment suivant les modes d’agriculture. Dans le cas d’une agriculture vivrière, la « menace » sur la forêt viendrait de son caractère itinérant, bien que temporaire 10• Dans ce système, les agriculteurs sont amenés à changer régulièrement de parcelle et à pratiquer de nouveaux défrichements en recourant généralement au feu. Le système traditionnel de l’abattis brûlis peut ainsi être à l’origine d’une déforestation. Celle-ci reste localisée, excepté lorsque la croissance démographique conduit à un accroissement de la demande de terre. L’extension de la conversion agricole est donc essentiellement reliée aux dynamiques de population. L’Afrique tropicale est souvent donnée en exemple de cette forme de déforestation. Les fronts pionniers sont quant à eux souvent rendus responsables des déforestations massives (Bahuchet et de Maret, 1993). Les agriculteurs ne sont plus des « populations forestières » produisant pour leur autoconsommation, mais des migrants à la recherche de terres forestières pour y installer des cultures de rente pérennes dans une logique d’accumulation marchande (op. cit.). Contrairement au premier système de culture, le besoin en surfaces agricoles n’apparaît dès lors plus limité par la satisfaction de besoins domestiques, mais est fonction des possibilités d’écoulement des produits. Le système de front pionnier renvoie souvent à une agriculture de rente (café, cacao, hévéa … ) qui peut procurer des revenus aux agriculteurs comme aux Etats tropicaux. Cette situation correspond par exemple en Amérique latine aux programmes étatiques de colonisation agricole. D’autres formes de déforestation que la conversion agricole sont également courantes dans les pays tropicaux : l’exploitation forestière minière, la collecte excessive de bois de feu notamment autour des villes, le surpâturage …. Cette dernière forme de déforestation apparaît surtout répandue en Amazonie. Il est connu que la principale activité responsable des défrichements en Amazonie est l’élevage bovin (Pearce et al., 1992). Myers (1981) a mis en évidence à cet égard l’existence d’une « Hamburger Connection » 11 • En Asie du Sud-Est (Malaisie, Indonésie), la déforestation vient plutôt de la surexploitation industrielle des forêts. Elle est généralement suivie des défrichements des agriculteurs qui installent leurs cultures le long des pistes forestières. Sur l’ensemble du monde tropical, soulignons que la déforestation apparaît le plus souvent liée à la conversion agricole des terres forestières 12 • Forêt et agriculture sont ainsi appréhendées en termes de concurrence ou de conflit entre utilisations forestières et non forestières des terres, et plus généralement entre secteurs d’activités, mondes paysans et forestiers. La multiplicité des fonctions remplies par les forêts tropicales rend les conséquences de leur disparition autant économiques qu’écologiques, à court terme comme à long terme, au niveau local aussi bien que global. Devant l’ampleur et la gravité de ces conséquences, on comprend qu’il est justifié de se préoccuper de la disparition des forêts et que des mesures soient prises pour lutter contre cette disparition. La gestion des forêts entend répondre à cette préoccupation et à cette nécessité d’action. Qu’à t-on fait jusqu’à présent au niveau des Etats tropicaux pour gérer les forêts tropicales ?

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela rapport-gratuit.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

CHAPITRE 1. : INTRODUCTION. MULTIPLES ENJEUX AUTOUR DES FORÊTS
TROPICALES .
Section 1.1. « Les forêts tropicales disparaissent  »
1.1.1. La déforestation tropicale : état des lieux
1.1.2. La déforestation ou la perte des fonctions assurées par les forêts
Section 1.2. Derrière les enjeux internationaux des forêts tropicales : des problèmes de
développement
1.2.1. L’ambition du développement durable: concilier environnement et développement
1.2.2. Les enjeux Nord – Sud derrière le développement durable
Section 1.3. Une première approche de la déforestation en Côte d’ivoire
1.3 .1. Les transformations de la zone forestière ivoirienne
1.3.2. Les enjeux de la concurrence agriculture – forêt en Côte d’Ivoire
1.4. Problématique et plan
1.4.1. L’analyse du rôle del ‘Etat dans les mécanismes de la déforestation
1.4.2. Plan
PREMIÈRE PARTIE. LES ENSEIGNEMENTS DE LA LITTÉRATURE ÉCONOMIQUE
POUR L’ANALYSE DE LA DÉFORESTATION
Introduction
CHAPITRE Il. LES ANALYSES THÉORIQUES ÉCONOMIQUES APPLIQUÉES A LA
DÉFORESTATION TROPICALE
Section 2.1. L’économie de l’environnement et des r essources renouvelables appliquée à la
déforestation
2.1.1. La déforestation comme résultat des effets externes
2.1.2. La déforestation à travers les défaillances du marché en termes de prix et droits de propriété
2.1.3. Les outils de la politique de gestion des forêts
Section 2.2. Les enseignements de la théorie de l’utilisation des terres pour l’analyse de la déforestation
2.2.1. La déforestation dans l’optique ricardienne de la rente foncière
2.2.2. La déforestation dans l’optique thunénienne de la rente foncière
Section 2.3. La forêt et le long terme
2.3.1. La déforestation comme le résultat de l’actualisation
2.3.2. Les limites de la déforestation grâce aux mécanismes de marché à long terme
CHAPITRE Ill. LE RÔLE DE L’ETAT DANS LA LITTÉRATURE ÉCONOMIQUE SUR LA DÉFORESTATION
Section 3.1. L’Etat dans le faisceau des causes de la déforestation
3.1.1. Des études de cas aux modèles théoriques
3 .1.2. Les politiques publiques dans le faisceau des causes de la déforestation
Section 3.2. Les défaillances des politiques publiques
3.2.1. Les défaillances des politiques forestières, agricoles et foncières
3.2.2. Les logiques politiques et économiques des Etats tropicaux
Section 3.3. Les politiques publiques « doublement gagnantes »
3.3.1. Améliorer l’ efficacité et la rigueur du contrôle étatique sur les forêts domaniales
3.3.2. Supprimer les distorsions de prix relatifs
3.3.3. Clarifier et sécuriser le foncier par la propriété privée
Conclusion
DEUXIÈME PARTIE. L’IMBRICATION DES LOGIQUES ETATIQUES ET PAYSANNES
DANS LES TRANSFORMATIONS DE LA FORÊT IVOIRIENNE
Introduction
CHAPITRE IV. UNE ANALYSE HISTORIQUE DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DES
DYNAMIQUES AGRICOLES ET FORESTIÈRES
Section 4.1. Les politiques publiques et la forêt en Côte d’lvoire
4.1.1. L’exploitation rationnelle des ressources forestières dans le cadre de la mise en valeur
coloniale. 1900-1920
4.1.2. La montée des concurrences entre mises en valeur forestière et agricole. 1920-1955
4.1.3. Continuité et accélération de la double mise en valeur. 1955-1980
4.1.4. Les années « crise ». 1980-1993
Section 4.2. La forêt et l’économie ivoirienne
4.2.1. La forêt au centre du « miracle ivoirien » des années 1960et1970
4.2.2. Une crise à la fois conjoncturelle et structurelle
CHAPITRE V. LOGIQUES PAYSANNES ET DYNAMIQUES AGRICOLES
Section 5.1. La déforestation, reflet de l’évolution du rapport des villageois à la forêt
5 .1.1. Forêt sacrée, forêt habitée et forêt utile
5 .1.2.La régulation sociale de l’accès et de l’usage des forêts
5.1.3. Logique vivrière et cultures itinérantes sur brûlis
Section 5.2. Les logiques paysannes face aux politiques publiques
5.2.1. Les effets pervers d’une politique forestière exclusive
5.2.2. Des conditions d’accès facile à la terre et au travail
5.3. Les déterminants endogènes de la dynamique agricole extensive
5.3 .1. Le système d’échange terre/ travail ou le ressort sociologique de la conversion agricole des
forêts
5.3.2. La rente forêt ou le ressort agroéconomique de la conversion agricole des forêts
CHAPITRE VI. INNOVATIONS PAYSANNES ET PERSPECTIVES DE RÉVERSIBILITÉ DE
LA DYNAMIQUE FORESTIÈRE
6.1. Innovations paysannes et concurrence agriculture – forêt
6.1.1. Innovations institutionnelles dans les modes d’accès aux facteurs de production
6.1.2. De nouvelles utilisations des terres
6.1.3. Vers une diversification des activités
6.2. Des innovations fonction de l’évolution des contraintes en facteurs de production
6.2.1. Tant qu’il reste de la forêt, profiter de la rente forêt.
6.2.2. Une anticipation conditionnée par l’accès privilégié aux facteurs de production
6.3 .3. L’importance secondaire du contexte économique lorsque nécessité fait loi
6.3.4. La régulation del ‘accès à la terre et à la forêt
Conclusion
TROISIÈME PARTIE. L’APPROCHE STANDARD DE LA DÉFORESTATION TROPICALE
EN QUESTION
Introduction CHAPITRE VII. LA DÉFORESTATION, UN PROCESSUS SOCIALEMENT ET
HISTORIQUEMENT CONSTRUIT
Section 7.1. Le » problème de la déforestation tropicale  » en question
7.1.1. L’absence de consensus scientifique à propos de la conversion agricole des forêts
7.1.2. Les controverses économiques sur la forêt et le développement durable
7.1.3. Les enjeux politiques de la gestion des forêts tropicales
Section 7.2. La déforestation, une réponse aux exclusions de la gestion forestière
• Les nuances apportées à l’impact des politiques publiques défaillantes
7 .2.1. L’exclusion sectorielle à l’origine du désintérêt des ressources ligneuses
7.2.2. L’exclusion de l’appropriation des forêts favorable à l’agriculture extensive
7.2.3. Les faiblesses de la régulation publique
CHAPITRE VIII. : POUR LA FIN DES EXCLUSIONS DANS LA GESTION PUBLIQUE DES
FORÊTS TROPICALES • La gestion publique des forêts dépasse le cadre du secteur forestier
• Des mesures différentes suivant les objectifs de gestion
• Partir des pratiques paysannes en cours
• Associer et impliquer les divers usagers des forêts dans la gestion forestière
• (Re )trouver la notion de patrimoine
• Une forte légitimité pour une forte capacité de régulation
Section 8.1. Pour des moyens incitatifs plutôt que réglementaires
8.1.1. La réglementation spatiale exclusive n’est pas plus efficace sur des espaces réduits
8.1.2. Les conditions socioéconomiques de la réglementation sp’atiale exclusive
8.1.3. Pour une réglementation en appui à la régulation villageoise
8.2. Des moyens pour mettre fin à l’exclusion de l’appropriation des forêts
8.2.1. La sécurité des droits de propriété n’est pas un moyen incitatif suffisant
8.2.2. Les blocages à la faisabilité de la propriété privée
8.2.3. Des formes de sécurisation des droits alternatives à la propriété privée
8.3. Pour un meilleur partage de la rente forestière
8.3.1. La légalisation des ventes de bois sur pied
8.3 .2. Le partage de la rente forestière
8.4. Des moyens incitatifs relatifs aux contraintes en facteurs de production
8.4.1. Le principe d’une taxation au niveau de l’accès aux terres forestières
8.4.2. Pour des prix agricoles suffisamment rémunérateurs .
Conclusion
CHAPITRE IX: CONCLUSION GÉNÉRALE
ANNEXES
BIBLIOGRAPHIE

Rapport PFE, mémoire et thèse PDFTélécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *