Morphologie et minéralogie de mars

MArs est la quatrième planète de notre système solaire. Elle est visible à l’oeil nu depuis la Terre, et est connue depuis l’Antiquité. Sa couleur rouge lui valut le rapprochement avec le dieu de la guerre chez les Grecs (Arès) et plus tard avec Mars, chez les Romains. L’observation en 1877 par Schiapparelli de présumés « canaux » à sa surface et interprétés par M. Lowell comme des canaux d’irrigation, a laissé dans l’imaginaire collectif l’image d’une planète source d’eau et de vie. Les premières observations de la surface grâce aux sondes spatiales (e.g., Mariner 9) ont révélé, au contraire, une surface aride, cratérisée comme celle de la Lune, et hostile à toute forme de vie. Cependant, les images obtenues par les sondes Viking, puis par les nombreuses missions réussies sur la période 2000-2010 (Mars Global Surveyor, Mars Odyssey, Mars Express, Mars Reconnaissance Orbiter) ont peu à peu révélé une riche et longue histoire géologique et une surface façonnée par des cratères d’impact mais aussi par des processus magmatiques, volcaniques, tectoniques, fluviatiles, sédimentaires et éoliens. Les âges des objets géologiques observés (e.g., volcans, rivières), des roches analysées in-situ ou encore des météorites SNC, s’étalent sur 4 milliards d’années. La chimie des roches magmatiques et la morphologie des structures volcaniques, vielles de 3.8 milliards d’années, peuvent être ainsi comparées avec celles des coulées de lave de seulement quelques millions d’années. Au passage, notons que ces âges récents suggèrent une activité interne se prolongeant jusqu’à aujourd’hui. Cette fenêtre chronologique, très large dans l’histoire d’une planète, est généralisable à l’ensemble des processus géologiques et fait figure d’exception pour tous les corps solides du système solaire. Cet atout fait de Mars un objet de choix pour comprendre l’évolution interne d’une planète (thermique et dynamique), le magmatisme, le volcanisme et les échanges entre les roches ignées et les éléments volatils. A ce titre, l’étude de Mars revêt un intérêt majeur pour comprendre l’évolution des planètes depuis leur accrétion jusqu’à nos jours, et porter ainsi un regard neuf sur l’histoire de notre propre planète.

Les réseaux de vallées, qui jalonnent les périodes anciennes Noachienne et Hespérienne (Fig. 1), témoignent de conditions physico-chimiques à la surface de Mars différentes des conditions actuelles, au moins localement. Les réseaux dendritiques forment en effet des vallées fluviatiles étendues et matures, comme sur Terre, principalement au Noachien. Ces réseaux sont réactivés durant l’Hespérien. Cette seconde période est marquée par la formation de chenaux de largeurs pluri-kilométriques appelés chenaux de débâcle. Ces chenaux contrastent avec les réseaux de vallées et impliquent la libération d’énormes quantités d’eau sur des périodes de temps relativement courtes. Ces études, essentiellement morphologiques, suggèrent une évolution climatique globale vers un climat froid et sec de type périglaciaire (Mangold 2007).

Nous savons grâce aux observations télescopiques de Mars, depuis la Terre, qu’une grande partie de sa surface est recouverte de poussière riche en oxydes de fer (e.g., Bell et Morris 1990). Cependant les études depuis l’orbite martienne, dans le visible, le proche infrarouge et dans l’infrarouge thermique, ont révélé une diversité minéralogique insoupçonnée, en particulier pour les minéraux hydratés avec la présence de phyllosilicates de fer et magnésium (e.g., smectite), de phyllosilicates d’aluminium (kaolinite) et de sulfates (e.g., Bibring et al. 2006). Ces découvertes précisent la nature des évolutions physico-chimiques de la surface de la planète. En effet, la formation des sulfates est liée à une acidification de la surface, associée à un climat plus sec. Ces conditions particulières peuvent refléter une évolution globale, ou des événements régionaux. L’étude de la distribution dans le temps et dans l’espace de ces formations tente de reconstruire, à l’échelle globale et régionale, une évolution cohérente des conditions physicochimiques de l’atmosphère en relation avec les autres phénomènes (magmatisme, cratérisation) (e.g., Bibring et al. 2006, Carr et Head 2010)

Ces résultats, obtenus lors de la dernière décennie, montrent la richesse des interactions physiques et chimiques entre les éléments volatils de la planète, sous la forme de fluides présents dans l’atmosphère et le sous-sol, et les roches ignées. Comme pour le magmatisme cité plus haut, Mars se retrouve à nouveau être la seule planète du système solaire où ces phénomènes d’altérations physicochimiques peuvent être étudiés. Cette thèse représente une contribution à la compréhension des échanges air-sol actuels et passés entre les roches de la surface, l’atmosphère et ce que nous appellerons la paléo-hydrosphère. Elle permet également de comprendre les processus de compaction et d’écoulement hydraulique durant la transition Noachien-Hespérien.

MORPHOLOGIE ET MINÉRALOGIE DE MARS : PREUVES DES VARIATIONS DU CLIMAT AU COURS DU TEMPS

Les observations portant sur les terrains anciens de Mars apportent des preuves formelles que la planète n’a pas toujours été aride. La découverte dans les terrains d’âge Noachien de réseaux fluviatiles plus ou moins matures ou de structures s’apparentant à des chenaux de débâcle datant de l’Hespérien, suggère l’existence d’eau liquide à ces époques. Des observations géomorphologiques, sur les flancs ouest des volcans, évoquent quant à elles des figures d’érosion spécifiques à des glaciers (e.g., Head et al. 2003). Toutes ces preuves montrent que, durant le Noachien et l’Hespérien, les conditions étaient adéquates à la présence et à la pérennité d’eau à la surface. La présence d’eau liquide a conduit à la formation des vallées fluviatiles et à des lacs associés à des dépôts sédimentaires, comme ceux formés par les deltas et les cônes de déjection. Ces deux périodes sont également marquées par la présence de phénomènes d’altération à très grande échelle comme l’atteste la présence de vaste dépôts clairs stratifiés tout autour de l’équateur, composés d’argiles et de sulfates, peu déformés (e.g., Malin et Edgett 2000, Loizeau et al. 2007, Gendrin et al. 2005). L’Amazonien est quant à lui caractérisé par la formation des calottes polaires telles que nous les observons aujourd’hui, des coulées récentes (ou « gullies ») et par la présence de glace en proche subsurface aux hautes latitudes. Il est également marqué par la formation de glaciers tropicaux entre 30 ◦N et 5 ◦S de latitude lors de périodes de haute obliquité, suggérant ainsi que la glace d’eau pouvait s’accumuler à l’équateur (e.g., Forget et al. 2006b).

L’ATMOSPHÈRE DE MARS 

L’atmosphère primitive et son évolution

Il est difficile de connaître la composition de l’atmosphère primitive des planètes, du fait des différentes interactions entre le rayonnement solaire, les océans liquides primitifs, les impacts météoritiques et les processus physico-chimiques agissant sur les différents gaz composant l’atmosphère (e.g., Forget et al. 2006a). L’atmosphère martienne n’échappe pas à cette règle et sa composition primitive est peu connue. On peut supposer néanmoins qu’après le bombardement primitif (ou LHB pour Late Heavy Bonbardement) de comètes et de météorites très hydratées, la teneur en eau de son atmosphère devait être beaucoup plus importante que celle observée actuellement (Forget et al. 2006a). De même, les éléments volatils relâchés par le volcanisme de Tharsis ont du entretenir une atmosphère plus dense que celle d’aujourd’hui.

De ce fait, la faible pression atmosphérique et le climat actuel de Mars devraient résulter :
– de l’échappement de gaz due aux impacts météoritiques,
– des interactions physico-chimiques avec la surface,
– de la faible gravité martienne,
– et de l’arrêt du champ magnétique, qui ne protégeait plus les particules de gaz de l’érosion par le vent solaire.

Les conditions actuelles de pression (∼ 6 mbar) et de température (∼ 240 K) de l’atmosphère à la surface, ne permettent pas la présence d’eau liquide (e.g., Carr et Head 2010). Les observations attestant de la présence d’eau liquide dans le passé implique donc que le climat était « doux et humide » (Jakosky et Phillips 2001, Barlow 2008). Mars est cependant situé à une certaine distance du Soleil, qui rayonnait moins autrefois qu’actuellement. Ainsi, pour expliquer la présence d’un tel climat, il fallait un effet de serre suffisant pour permettre l’écoulement d’eau et la présence de nuages de glace carbonique pourrait être à l’origine de cet effet de serre (Forget et al. 2006b). Les mesures isotopiques de l’atmosphère martienne montrent un enrichissement en isotopes les plus lourds de l’argon (36Ar et 38Ar), de l’azote (14N et 15N) et du carbone (12C et 13C) (e.g., Jakosky et Phillips 2001). En effet, les isotopes légers de ces éléments vont migrer vers la partie haute de l’atmosphère et seront préférentiellement érodés vers l’espace. Les valeurs obtenues suggèrent qu’entre 50 et 90 % des isotopes légers composant l’atmosphère se sont échappés. La valeur élevée du rapport deutérium/hydrogène prouve que de l’eau était présente dans l’atmosphère primitive, augmentant ainsi la pression de surface. Ces mesures montrent égalemment que la perte de l’hydrogène dans l’espace équivaudrait aux 2/3 de la quantité totale d’eau présente initialement dans l’atmosphère (Jakosky et Phillips 2001).

Composition et structure de l’atmosphère actuelle 

La pression actuelle moyenne de l’atmosphère est de 6 mbar et est majoritairement composée de dioxide de carbone (Tab. 1.1). L’atmosphère martienne est subdivisée en trois couches principales (Fig. 1.1). La première couche, correspondant à la troposhère, s’étend de la surface à une altitude d’environ 40 km. Dans cette couche, le transport d’énergie est essentiellement dominé par la convection (Leovy 2001). La température diminue de 4,3 K par km jusqu’à une altitude de 40 km. La couche atmosphérique intermédiaire s’étend entre 40 km et environ 100 km d’altitude. A ces altitudes, la température se stabilise par l’absorption du rayonnement solaire par le CO2 et la température est proche du point de condensation du CO2 (130-150 K) . La haute atmosphère (également appelée thermosphère) qui s’étend de 110 à 130 km d’altitude environ, est chauffée par les rayons ultraviolets du Soleil. De ce fait, les températures de cette région varient fortement avec le cycle journalier et saisonnier (Schofield et al. 1997, Forget et al. 2006a). Une zone de l’atmosphère ionisée par les radiations solaires, que l’on appelle ionosphère, se trouve au-delà de la thermosphère (Barlow 2008).

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Table des matières

INTRODUCTION GÉNÉRALE
1 MORPHOLOGIE ET MINÉRALOGIE DE MARS : PREUVES DES VARIATIONS DU CLIMAT AU COURS DU TEMPS
1.1 INTRODUCTION
1.2 L’ATMOSPHÈRE DE MARS
1.2.1 L’atmosphère primitive et son évolution
1.2.2 Composition et structure de l’atmosphère actuelle
1.3 VARIATIONS CLIMATIQUES RÉCENTES
1.3.1 Les paramètres astronomiques de Mars
1.3.2 Traces géologiques indicatrices des variations d’obliquité passées
1.3.3 Impact de la précession sur la géologie de surface
1.4 VARIATIONS CLIMATIQUES SUR LE LONG TERME
1.4.1 Les traces d’une présence d’eau liquide à la surface de Mars
1.4.2 Les grands dépôts d’altération
1.5 DISCUSSION ET CONCLUSION
2 IMAGERIE ET PROPRIÉTÉS THERMIQUES DES SURFACES PLANÉTAIRES
2.1 INTRODUCTION
2.2 LES PROPRIÉTÉS THERMIQUES
2.2.1 La température et les transferts de chaleur
2.2.2 La loi du corps noir
2.3 PROCESSUS THERMIQUES DES SURFACES PLANÉTAIRES
2.3.1 Variations liées aux propriétés intrinsèques de la surface
2.3.2 Variations liées aux autres propriétés de surface
2.3.3 Variations liées aux processus externes
2.4 UTILISATION DES DONNÉES THERMIQUES
2.5 PRÉSENTATION DE LA MISSION ET DU CAPTEUR THEMIS
2.6 CONCLUSION
3 L’INFLUENCE DES FACTEURS EXTERNES SUR LES ANOMALIES THERMIQUES DE CERBERUS FOSSAE
3.1 INTRODUCTION
3.2 CONTEXTE GÉOLOGIQUE DE LA PROVINCE D’ELYSIUM
3.2.1 Les structures géologiques de la région
3.3 OBSERVATIONS THERMIQUES DE CERBERUS FOSSAE
3.3.1 Le champ thermique de surface de la région de Cerberus et des Cerberus Fossae
3.3.2 Evolution au cours du temps des températures de la fracture
3.3.3 Influences possibles de la topographie et de l’albédo
3.4 LITHOLOGIE DE CERBERUS FOSSAE
3.4.1 Lithologie des flancs et du fond de la fracture
3.4.2 Profils thermiques à travers les fractures
3.4.3 Influence de la lithologie
3.5 CONCLUSION
4 ÉTUDE THERMIQUE D’ARSIA MONS. EVIDENCES D’UNE CIRCULATION D’AIR
4.1 INTRODUCTION
4.2 ORIGIN OF THE PIT CRATERS
4.2.1 Volcanic pit craters : background
4.2.2 Geomorphological mapping of Arsia Mons
4.2.3 Origin of pit craters
4.3 PIT CRATERS GEOMETRY
4.3.1 Geometry determination and depths : results
4.4 THERMAL BEHAVIOUR OF THE PIT CRATERS
4.4.1 Persistence of the thermal anomaly
4.4.2 Correlations between geometry and thermal anomaly of the pit craters
4.4.3 Influence of the lithology
4.4.4 Extension of the thermal anomaly
4.4.5 Relation between amplitudes of thermal anomalies with regional stress
4.5 THERMAL OBSERVATION ON SINUOUS RILLES
4.6 EXPLORING THE OCCURRENCE AND CONSEQUENCES OF AIR CONVECTION
4.6.1 Numerical modelling of air convection in an inclined box applied to Arsia Mons
4.6.2 Results of the numerical simulation
4.6.3 Surface temperature at the exit of the convective cell
4.7 CONCLUSION
5 LA CONVECTION D’ARGILES À L’ORIGINE DES TERRAINS CHAOTIQUES ET DES CHENAUX DE DÉBÂCLE ?
5.1 INTRODUCTION
5.2 STRUCTURES ET MINÉRALOGIE LIÉES À LA CONVECTION D’ARGILES
5.2.1 Les terrains chaotiques, les chenaux de débâcle et la minéralogie associée
5.2.2 Les terrains chaotiques
5.3 DYNAMIQUE DES COUVERTURES DE SURFACE DES CRATÈRES ET DES DÉPRESSIONS
5.3.1 Paramètres généraux de la convection à l’état solide et de la compaction
5.3.2 Conséquences sur la compaction
5.3.3 Conséquences sur la convection
5.3.4 Localisation des régions possible de convection
5.4 DISCUSSION
5.5 CONCLUSION
CONCLUSION GÉNÉRALE

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