Monstration de la violence : accueil et réactions du spectateur

DÉFINITION ET CONTEXTUALISATION

Panorama du cinéma français social d’aujourd’hui

Le cinéma français d’aujourd’hui : entre malaise et revendication de liberté

Pour beaucoup, le cinéma français est, comme en a témoigné la Nouvelle Vague à la fin des années cinquante, le reflet d’une société dépeinte sous ses travers et facettes de charme, avec pour ambition de construire des histoires qui divertissent, instruisent, font réfléchir, et se laissent appréhender par la subjectivité et les interprétations personnelles du spectateur. Chaque génération de spectateurs voit le cinéma se parer de nouveaux atours : cinéma balbutiant qui fait ses premiers pas en tant que divertissement à la fin du XIXe siècle, cinéma de la prestidigitation avec Georges Méliès au début du siècle suivant, puis petit à petit un cinéma de l’anticonformisme avec la Nouvelle Vague jusqu’en 1965 environ. S’en suit alors une explosion du blockbuster, film à gros budget nourri d’effets spéciaux, de cascades et d’acteurs vedettes, et qui ouvre la voie à une nouvelle quête d’identité, de démarcation, dans l’univers du Septième art.
Ensuite, depuis 1990, selon David Vasse, le cinéma se tourne vers une nouvelle identité suite à une prise de conscience de nouveaux besoins à représenter, d’une nouvelle image à construire par le Septième art et de nouveaux idéaux qui se bâtissent au fil des changements de la société : « quelque chose […] changea […], une sorte de sursaut équivalent au besoin déjà évoqué de comprendre un peu mieux sa place dans un monde où le refrain politique concerne en partie la revalorisation du travail et en particulier celle du regard sur le travail en tant qu’agent structurant de l’identité ». À cette époque, c’est un regard neuf qui est progressivement posé sur la conception du travail et la fracture sociale qu’impliquent de grandissantes inégalités. C’est aussi une implication plus prégnante de la vie dans la cité qui se manifeste en tant qu’ « autre malaise contemporain, celui d’une jeunesse métissée et désorientée », attestée par toute une kyrielle de films sur la vie de banlieue réalisés à partir de 1990 : État des lieux (Jean-François Richet, 1995), La Haine (Mathieu Kassovitz, 1995), Raï (Thomas Gilou, 1995), le Plus Beau métier du monde (Gérard Lauzier, 1996), Petits Frères (Jacques Doillon, 1999), Beur blanc rouge (Mahmoud Zemmouri, 2006) etc. Vasse justifie cette accumulation de films sur la vie de banlieue par une « réponse à [la] fallacieuse instrumentalisation politique » de cette existence ingrate, qui serait montrée par la télévision comme « symptôme majeur de la crise sociale et politique en France ». Le cinéma portant sur cette thématique se diviserait alors selon lui en deux « registres de fiction » :
La première caricature [la banlieue] en insistant sur la peur dont se repaissent les médias (violence, délinquance, trafics de drogue, luttes entre bandes rivales, etc.), justifiant par la même occasion les emprunts fétichistes au cinéma d’action américain. La seconde, plus humble, plus proche de la tranche de vie, propose le contre-champ à cette vulgate idéologique en montrant qu’en banlieue il  se passe autre chose, circulent d’autres relations, d’autres comportements, d’autres aspirations. Entre les deux, certains en profitent pour exhumer la fibre militante en assimilant révolte et révolution.
Or, nous pouvons étendre ces deux registres aux films sociaux qui constituent le corpus et la filmographie annexe de ce mémoire : il nous sera donc plus aisé de nous attarder sur le caractère informatif de ces films qui tendent à faire réfléchir le spectateur sur les thèmes de société mis en scène. Il faut cependant nuancer le terme de « caricature » en ce que ce n’est pas tant une caricature qu’une pure et simple exagération, souvent sensationnaliste, qui est employée pour des besoins de photogénie et/ou de dramaturgie du film. En effet, un film qui ne se permettrait aucun écart avec la réalité serait en fait un reportage ou un documentaire. De surcroît, le film social et le film de critique sociale tendent non pas à la caricature mais bien à appuyer les aspects les moins glorieux de la société en y insistant largement. Ils mettent en évidence la fracture sociale évoquée précédemment ; ce sont les inégalités, les injustices et la violence du quotidien qui sont mises en scène avec l’ambition tant de divertir que de les montrer du doigt, voire de les dénoncer dans le cas du film de critique sociale. Le film social ambitionne également de montrer qu’il y a une vie derrière les clichés véhiculés par les médias et l’opinion publique fomentée. Il a donc également pour but de prendre le contrepied de l’opinion générale en démontrant que cette vie au cœur de la fracture sociale recèle elle aussi des ambitions, des aspirations à une vie meilleure et un combat valeureux au nom de la liberté et de l’égalité, ce que les médias ne laissent pas toujours deviner.
Le cinéma français met donc en lumière les aspects les plus dérangeants d’une société qui a connu un tournant majeur à partir de 1990 dans sa représentation de la fracture sociale ainsi que par la muabilité de son identité. Le film social n’aspire pourtant pas forcément à critiquer ce qui mériterait de l’être parce qu’attestant d’un malaise social. Le cinéma français social d’aujourd’hui semble être aussi enclin à témoigner d’une époque, comme pour photographier ce qu’est la société à un instant précis, et pouvoir ensuite y jeter un regard rétrospectif pour se souvenir de ce que jadis incarnaient nos valeurs et nos idéaux. Prenons l’exemple de 120 Battements par Minute, sorti en 2017. Ce film montre comment les malades atteint du SIDA dans les années 1990 se retrouvent confrontés, d’une part, à l’incurie des pouvoirs publics quant à cette pathologie, et d’autre part à l’homophobie qui découle de cette maladie inconnue et incurable. Cette situation conflictuelle a été véritablement vécue par les personnes atteintes à la fin du siècle dernier, et c’est ce que le film veut montrer ; comment tournaient les rouages de la société à un instant précis, en se concentrant sur un problème d’envergure majeure puisqu’ayant, à cette époque, effrayé, concerné et posé problème à des milliers de citoyens. C’est l’une de fonctions du cinéma social. Il dépeint ainsi une société d’un point de vue presque sociologique en ce que ses productions réalistes et la réception de chacun des films sociaux permettent de se rendre compte du contexte de réalisation et d’accueil des films ainsi que de la demande du public ; le film social qui connaît un franc succès est un film qui a su toucher une corde sensible. Il a su faire parler de manière efficace et constructive autour d’une problématique spécifique qui trouve écho à une époque précise de la société, sans pour autant forcément ni la critiquer, ni même proposer de solution.
Le cinéma français d’aujourd’hui met également en évidence un truisme qui n’est pourtant pas communément admis comme tel : c’est que « le peuple ne demande pas toujours quelque chose ». C’est-à-dire qu’au-delà de l’ambition de véhiculer un message ou de l’appât du gain, le cinéma peut aussi faire des films pour faire des films, pour la beauté du geste, pour la création artistique, pour la catharsis que l’art peut impliquer, pour divertir le public, et donc, bien souvent, sans revendiquer quoi que ce soit. La tendance serait aujourd’hui, selon Laurent Jullier, de voir de la revendication là où il n’y en a pas forcément : « Les voitures de Vaulx-en-Velin brûlaient encore que la classe politique française avait déjà reçu cinq sur cinq le message de ses habitants. […]. Et s’il n’y avait là pourtant aucune demande ? Et si les actes commis ne voulaient rien dire, et surtout pas quelque chose à la classe politique ?».
Donc comme le remarque Jullier, le cinéma français représente également cet aspect de la société qui ne veut pas transmettre de quelconque message, ne veut pas charger le Septième art de revendications et ne veut pas que les actes de violence qu’elle commet soient corrélés à la moindre doléance. Il faut alors se demander si ce cinéma existe pour mettre en scène la société en en montrant les travers, ou s’il n’existe que pour en offrir une image sans engagement, une image fidèle de notre existence, avec le simple dessein de se divertir à travers le filtre déformant du cinéma.

Ambivalence entre fiction et réalisme

Que l’on soit choqué, dégoûté ou interpellé par les similitudes d’un film avec la réalité, toute réaction peut entraîner une réflexion sinon sur la société, du moins sur soi : pourquoi est-on choqué, dégoûté ou interpellé ? Le spectateur, à défaut de rejoindre les critiques sociales du cinéaste, peut tendre à s’interroger sur lui-même et sur ce qu’il ressent. Les preuves en sont les différentes réflexions que nous nous sommes déjà tous faites : « cela me met mal à l’aise, je ne comprends pas pourquoi », ou « cette violence me dégoûte » ou bien même le simple fait que nous nous souvenons encore d’un film longtemps après l’avoir vu, alors qu’il n’a pas semblé nous marquer sur le coup.
Le cinéma social qui caractérise la nature de notre corpus s’octroie donc une fonction autre que celle du divertissement par un effet de mimesis de notre société :
La critique profonde de notre société passe par l’art et les images autant que par la science et les mots écrits. Le cinéma, toute catégorie confondue, est un fait social dont il est le reflet, ou une réflexion sur la réalité sociale, ou les deux à la fois. Il est donc essentiel pour les sciences humaines d’observer la comédie humaine dans ses représentations les plus contemporaines, soient-elles engagées ou enragées.
Mais en arborant cette fonction critique qui ne convoque pas forcément une dimension distrayante, le cinéma prend le risque de faire fuir une partie du public qui voudrait voir dans le Septième art une échappatoire dépaysant, distrayant de la réalité, et non son reflet montrant cette dernière sous ses plus mauvais aspects. Ces publics refusant de jouer le jeu de la remise en question par la violence et le malaise peuvent ainsi déplorer le rôle de « moyen de communication » que s’octroie le cinéma. La prétention du cinéma à s’approprier des fonctions d’autres médias pour faire subir à nos sens et à notre capacité de jugement une contemplation active d’images crues et dérangeantes peut favoriser, comme nous le disions, un climat de non- coopération du spectateur rejetant cette finalité du Septième art. Mais, comme le souligne Marie- José Mondzain dans L’image peut-elle tuer ? , l’image cinématographique jouit d’un caractère performatif –que nous approfondirons par la suite-, et d’un pouvoir de réactivité également capable d’engendrer une réflexion voire une action concrète chez le spectateur, provoquée par une contemplation de l’image qui n’est pas passive mais bien réflexive et active.
Pour finir, c’est l’empiètement du cinéma sur la réalité par son imitation du quotidien que le cinéma peut susciter une certaine sensation de malaise. Ce malaise peut être celui de constater des faits dont on n’avait pas connaissance, par exemple des faits historiques d’une violence extrême. Il peut également être provoqué par le fait d’être spectateur d’événements pour lesquels le spectateur se sentira concerné ou touché. Enfin, le malaise peut être ressenti face à la mise en scène d’incidents tout aussi violents, mais dont le spectateur ne sait s’ils sont inspirés de faits réels, détournés, fidèles à la réalité ou inventés de toutes pièces, ce qui conduit au sentiment freudien d’« inquiétante étrangeté ». Dans Le Corps sensible , Steven Bernas explicite que « Freud faisait découler l’inquiétante étrangeté de l’impossibilité de catégoriser un corps ou un fait, dans le registre de l’animé ou de l’inanimé, dans celui du réel ou du fantastique ». Il est donc question ici du malaise du spectateur face à son incapacité à déterminer la prégnance de la réalité dans la mise en scène qu’il découvre. Justement, combien de spectateurs ont ressenti, à la fin de Polisse (Maïwenn, 2011), l’impression d’avoir littéralement pris une claque ? Le film de Maïwenn, tourné à la manière d’un documentaire et traitant du quotidien difficile de la Brigade de Protection des Mineurs à Paris, propose une plongée au cœur d’une réalité concrète pour laquelle la réalisatrice s’accorde peu d’infidélités. Son but est justement de montrer ce que vivent ces travailleurs et de, sinon dévoiler, du moins rappeler l’existence de crimes particulièrement violents perpétrés contre et par des mineurs. Pour cela, elle met en scène une sélection de délits avérés communiqués par la réelle « BPM » dans laquelle elle a effectué un stage avant le tournage . Au générique de fin, le spectateur doit normalement se demander si ce qu’il a vu est authentique, ou simplement mis en scène avec exagération pour les besoins du film, que ce soit la nécessité de nommer un bébé mort- né avant de le placer dans un sac plastique, l’audace de jeunes de banlieues d’insulter farouchement des policiers alors qu’ils viennent de se faire embarquer, ou encore la détermination de jeunes filles à délivrer des faveurs sexuelles avec indifférence pour récupérer un téléphone volé.
Le malaise est donc alors fréquemment généré chez le spectateur, qui ne sait pas s’il a affaire à un film de pur divertissement, à un film de critique sociale ou à un film de l’entre-deux qui se pare de tous les atours du loisir audiovisuel mais qui propose un véritable réquisitoire contre la société.
Ainsi, bien souvent, comme dans Polisse, cette violence que nous voyons apparaît comme le reflet de la réalité que nous vivons, même si cette violence est parfois théâtralisée. Ce qui est mis en scène dans le film pourrait alors tout à fait se dérouler dans la réalité, voire s’est déjà déroulé, comme dans La Journée de la jupe, qui se base sur des prises d’otage en milieu scolaire qui ont émaillé les années 1990 en France . Par ailleurs, en s’attendant à être par exemple diverti par un film, le spectateur risque de se braquer et de refuser de se prêter au jeu de la réflexion, en prônant l’absence de divertissement et une lassitude de voir un quotidien lourd et déprimant auquel il tente justement d’échapper. Le réalisme vient ici butter contre une ambition trop prononcée de reproduire un réel que l’on tente justement de fuir en invoquant les pouvoirs distrayants du Septième art. Mais finalement, il est nécessaire de se demander pourquoi le réalisme semble tant poser problème lorsque le spectateur peut s’identifier à l’histoire. Ainsi, qu’est-ce qu’un film réaliste exactement ? Dans la revue Séquence , le réalisme est défini comme « l’expression d’un artiste sensible au réel qui accepte de le capter ou de le recréer sans le dénaturer ». Or, le cadrage, les choix de mise en scène, le scénario et les acteurs sont autant de partis-pris du réalisateur qui sonnent comme une interprétation personnelle de la réalité mise en scène, et donc dénaturée. Le réalisme, dans le cadre de notre corpus, pourrait ainsi se définir comme un désir d’imiter le réel, de mettre en scène la société, le quotidien que nous vivons ou pourrions vivre, sans artifice, sans effets spéciaux, et en se focalisant sur des problèmes sociaux d’actualité. Pour le spectateur en quête d’un divertissement pur, ce parti pris cinématographique de dénoncer la réalité ou même simplement de l’imiter sans jugement de valeur peut être à ses yeux rédhibitoire. Mais un refus systématique de se confronter à la mise en scène d’une réalité montrée sous toutes ses coutures, sans artifice, met en évidence une volonté de se voiler la face devant la violence réelle. Prétexter systématiquement une recherche de distraction démontre un désir d’échapper à une existence déplaisante en se plongeant dans des films oniriques, irréalistes voire surréalistes qui permettent de se déconnecter du reste.
L’existence réelle devient un fardeau tel qu’il est plus agréable de vivre par procuration les aventures de personnages de films dans un univers inexistant. C’est précisément ce type de réaction qui permettra de déceler chez le spectateur renfermé un refus d’admettre le ou les malaises pourtant bien présents dans le monde qui l’entoure, dans la société où il vit.
De plus, le réalisme est bien présent dans tous les films du corpus. D’abord dans Polisse, alimenté par la connaissance qu’a Maïwenn du milieu de la Brigade de Protection des Mineurs permise par son immersion. Ensuite dans La Journée de la jupe via les événements semblables qui se sont déroulés plusieurs années auparavant en France. Enfin, dans La Tête haute, par la précision de l’œuvre qui met en scène diverses instances institutionnelles telles que la Justice ou l’éducation, et par le sujet d’actualité qu’est la délinquance. Notons que le simple jeu de l’acteur est en lui- même un concentré de réalisme en ce qui lui est demandé de déclamer des dialogues et de jouer des scènes « le plus naturellement possible », c’est-à-dire comme s’il les vivait pour de vrai, avec les enjeux que cela implique et les impacts que cela aurait sur sa vie s’il faisait vraiment l’expérience de ces situations. C’est ce que Maïwenn explicite précédemment lorsqu’elle déclare filmer ses acteurs avec plusieurs caméras à la fois, afin qu’ils se sentent filmés en permanence et que chacun de leurs gestes soit capté. Dans les trois films sélectionnés, nous les voyons se gratter, sourire, exploser de colère et s’impliquer dans des situations comme s’il ne s’agissait plus de fiction, ni même d’un film, mais bien comme s’ils les vivaient, tel qu’en atteste la séquence spectaculaire de la dispute entre Nadine et Iris à la fin de Polisse, ou encore les entrevues avec la Juge où Malony et sa mère sont dans tous leurs états, dans La Tête haute. Selon Jullier, le rôle de l’acteur favoriserait même largement l’immersion du spectateur dans le film : « le jeu de l’acteur participe à construire un cadre […]. S’immerger dans l’histoire, en effet, semble plus aisé si l’acteur disparait derrière le personnage, sans toutefois s’évertuer à trop cacher son jeu».
Ainsi, de nombreux facteurs qui se font le reflet de la vie réelle contribuent donc au réalisme des films : façon d’être (jeu des acteurs), environnements et contextes crédibles (comportement de Malony, fidélité de Polisse au milieu de la BPM), bande-sonore (dialogues et cacophonie dans La Journée de la Jupe), ou encore scénarios qui s’ancrent dans une réalité concrète (difficile réalité de l’enseignement en quartier difficile, problème de la justice et de la délinquance). Ces images permettent alors au spectateur de franchir ses propres limites et de remettre en question, sous une nouvelle perception proposée par la vision du cinéaste, ce qui paraissait pourtant d’abord totalement acquis, inébranlable, évident, ou inimaginable.

Les différentes natures de malaise

Pour approfondir cette notion de malaise qui sera abordée tout au long de ce travail, il est nécessaire de s’attarder plus longuement sur sa définition. Il s’agit d’une sensation difficile à définir et à expliciter par la majeure partie d’entre nous. Le malaise se pare de diverses facettes qui le rendent d’autant plus insaisissable : malaise physique, ou malaise psychologique, suscités parfois eux-mêmes par des situations mettant en scène différentes sources de malaise. Ainsi, le malaise ressenti devant une scène de violence extrême sur une femme enceinte ne sera pas le même que devant une scène de torture animale, une scène de sexe inattendue vue en famille ou un dialogue d’une vulgarité crue qui vient choquer les oreilles les plus sensibles. Il s’agit là de scènes gênantes pour certains spectateurs qui n’ont pas pour habitude de se confronter à ces images qu’ils censurent d’eux-mêmes lorsqu’ils n’ont pas envie d’être embarrassés, en changeant de film par exemple. C’est ce que nous appelons tabous. Générateurs de conflits et de mésententes par le malaise qu’ils suscitent (comment régler une situation dont personne n’ose parler ?), ils influencent également la réception d’un film en fonction des codes sociaux tacitement admis et variant selon les pays (en témoigne la censure qui n’est pas la même selon les pays). Le terme de tabou renvoie à un acte, à une parole, à un concept qui ne doit pas être évoqué en public sous peine d’être un pestiféré en entretenant ainsi l’embarras, la gêne.

Discours et rôles des protagonistes dans La Journée de la jupe

Enfin, La Journée de la Jupe joue aussi sur la binarité, les contrastes, les oppositions, mais du point de vue des personnages. C’est en effet Sonia qui est la première à dégainer l’arme permettant la prise d’otage. Durant la première moitié du film, le spectateur suit donc le cheminement de ses raisonnements et comprend petit à petit le monde dans lequel elle évolue, ce qu’elle endure, ce  qu’elle tolère et ne supporte plus. Bien que ce soit elle qui tienne l’arme, elle apparaît parfois comme la victime de cette prise d’otage au détriment des élèves sous son joug. Ses revendications sur le port de la jupe, faisant honneur au respect de la femme et à ses libertés, démontrent les revendications, l’esprit justement honorable et respectueux de l’enseignante. Ce ne sont que les conditions dans lesquelles elle parvient à se faire entendre qui lui attribuent le mauvais rôle, mais il faut noter par le fait qu’elle rallie à sa cause au moins une jeune fille dont l’insolence se dévoile être un simple moyen de défense, et qui entend, assimile et comprend ces revendications. Nous assistons par le regard de Sonia à cette mise au point violente sur ses doléances et sur les conditions d’enseignement à des jeunes de banlieue qui n’ont vraisemblablement jamais pris conscience de ces discours moralisateurs. Et c’est justement en la percevant à travers son regard qui la présente comme victime de la prise d’otage subissant les affres de la délinquance qu’elle combat, que son discours semble avoir plus d’impact sur ses interlocuteurs, mais aussi sur les spectateurs. Cette indéniable empathie construite par le regard des protagonistes par lequel l’histoire est perçue est d’ailleurs confirmée quand la jeune Nawel s’empare de l’arme. À son tour, elle menace Mouss, son camarade qui a amené l’arme dans le théâtre, et rétablit des vérités frappantes :
Mouss n’est qu’un gamin perdu, sans repères, qui violente pour se défendre et qui ne trouve pas sa place dans ce monde, comme la plupart des délinquants. Nawel évoque le meurtre de sa mère dans son village natal, commis par « des gros malades », ce que Mouss pense être avec fierté grâce à ses insultes et sa dégaine négligée. Or, Nawel raconte comment elle a assisté à la mort brutale de sa mère, et le spectateur regarde alors désormais le film du point de vue de la jeune fille. La prenant en pitié et méprisant Mouss avec encore plus de force, le spectateur est donc encore une fois du côté de celui qui est armé et menace les autres. Le pistolet semble être une sorte de bâton de parole qui permet aux langues de se délier et au détenteur de se faire écouter et d’être regardé avec empathie par les autres. Sonia réussira d’ailleurs elle-même à instaurer un semblant de dialogue avec ses élèves, et ce petit succès, malgré la fin tragique, s’avèrera une grande victoire lorsque ses élèves iront sur sa tombe dans la jupe symbolique pour laquelle elle s’est tant battue.

La bande-sonore au service de la violence

Les dialogues pour exprimer la violence

Le traitement de la bande-sonore au cinéma relève d’un travail réfléchi qui a également son propre impact sur la façon dont le spectateur va appréhender une scène, un dialogue, voire l’œuvre entière. En effet, la bande-sonore, favorisant une transmission efficace du malaise, est principalement employée au service de la violence en recourant aux discours des personnages. Des films tels que Polisse ou La Journée de la jupe qui sont fortement axés sur le dialogue et les échanges oraux violents ne le sont pas sans but. En entretenant cette prépondérance du cri et de la violence verbale, ces œuvres mettent en scène la violence et la vulgarité comme moyen de communiquer lorsque les mots ordinaires et le calme apparents ne sont plus capables d’exprimer ce qui doit l’être. Cette violence n’est plus simplement une « force déréglée qui porte atteinte à l’intégrité physique ou psychique pour mettre en cause […] l’humanité de l’individu », mais bien un moyen de communication attestant de la banalisation de cette violence. Celle-ci passe d’un rôle de destruction et d’atteinte à l’autre à celui d’un outil agressif et opérant faisant valoir le message à transmettre. Elle permet d’abord de « ponctuer le langage » tel que le remarque le personnage d’Anna dans Fracture, film d’Alain Tasma sorti en 2010 où une jeune enseignante se confronte au problème de l’éducation en banlieue, et qui constate l’imprégnation d’une violence verbale inouïe dans le langage des jeunes. La violence permet d’ailleurs également de transcender la fonction du langage habituel en le marquant d’un accent de brutalité, d’agressivité portée par les cris, les hurlements, et la colère manifeste des protagonistes. La parole se pare alors d’une nouvelle dimension communicationnelle : les conversations deviennent presque des disputes, qu’il y ait interlocuteurs, comme dans les nombreuses altercations de Polisse, ou pas, comme lors des monologues existentiels de Sonia.

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Table des matières
REMERCIEMENTS 
SOMMAIRE 
INTRODUCTION 
PARTIE 1 : DÉFINITION ET CONTEXTUALISATION
PARTIE 2 : LE MALAISE ET LA VIOLENCE COMME VECTEURS DE REFLEXIONS
PARTIE 3 : MONSTRATION DE LA VIOLENCE : ACCUEIL ET RÉACTIONS DU SPECTATEUR
CONCLUSION 
BIBLIOGRAPHIE 
SITOGRAPHIE 
TABLE DES ANNEXES 
ANNEXE 1 : LA JOURNÉE DE LA JUPE, JEAN-PAUL LILIENFELD, 2009
ANNEXE 2 : POLISSE, MAÏWENN, 2011
ANNEXE 3 : LA TÊTE HAUTE, EMMANUELLE BERCOT, 2015.
TABLE DES MATIERES
DÉCLARATION ANTI-PLAGIAT 
RÉSUMÉ 
MOTS-CLÉS

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