Monitoring sismique de l’infiltration d’eau à travers une fracture naturelle déformable et non-saturée 

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La sismicité induite par les fluides

La présence des fluides est connue pour affaiblir la résistance des roches et des fractures, et participer à l’initiation de l’instabilité [Hubert et Rubey, 1959; Sibson, 1973; Scholz, 2002]. Sous certaines conditions, les fluides peuvent faciliter la rupture à des niveaux de contrainte plus faibles que ceux requis en conditions sèches. La pression des fluides (Pp) va diminuer la contrainte effective (σ’ = σ – Pp ; σ représente la contrainte totale), et par conséquent la résistance (τ = c +μσn’ selon le critère de Mohr-Coulomb; τ représente la contrainte cisaillante, c la cohésion, σn’ la contrainte normale effective, et μ la friction) (Fig. 10). Cette formulation très générale permet d’apprécier le couplage fluides/séismes et comment la pression de fluide peut intervenir dans le démarrage d’instabilités. Hubert et Rubey [1959] furent parmi les premiers auteurs à donner un rôle majeur aux surpressions de fluide dans la mécanique des failles en montrant que les surpressions sont susceptibles de déstabiliser les failles. Plus tard, Nur et Booker [1972] ont montré que la diffusion des fluides induite par relaxation des fentes de tension après un séisme est susceptible d’influencer le déclenchement des répliques.
Figure 10 : (a) Contraintes normale et tangentielle sur une discontinuité (faille ou fracture); (b) Diagramme de Mohr illustrant l’activation d’une faille par l’augmentation de la pression de fluide qui induit une réduction de la contrainte effective.
De nombreux exemples de sismicité déclenchée par les pressions de fluides ont été documentés lors des dernières décennies. Deux catégories sont généralement identifiées:
(1) La sismicité induite par des forçages naturels. Plusieurs cas de manifestations et d’implications mécaniques des fluides dans la sismicité ont été identifiés durant les dernières décennies. Ces exemples concernent les répliques des grands séismes [Miller et al., 2004; Terakawa et al., 2010], les essaims sismiques [Ohtake, 1976], les précurseurs hydrauliques et asismiques des grands séismes [Roeloffs, 1988], la sismicité déclenchée par la pluie [Husen et al., 2007; Hainzl et al., 2006] (Fig. 11), les variations de pression de fluides induites par des séismes [Brodsky et al., 2003; Manga and Wang, 2007], le déclenchement par des variations de contraintes poroélastiques [Peltzer, 1998], et l’augmentation de perméabilité de la croûte par les transferts de contraintes dynamiques [Elkhoury et al., 2006].
Figure 11 : Exemple de sismicité déclenchée par la pluie [Hainzl et al., 2006]. Modèle de diffusion spatio-temporel de (b) la pression de pore et (c) du taux de sismicité estimés avec les données de pluviométrie présentées en (a). La localisation des séismes est représentée par des étoiles blanches (les étoiles de grande taille correspondent aux erreurs de localisation inférieures à 100 m). (d) Nombre de séismes journaliers enregistrés (en vert) et comparés au taux théorique de sismicité (en rouge).
Durant les 10 dernières années, les images tomographiques ont également montré que certains grands séismes, trémors et glissements lents pouvaient se produire le long de segments de failles ou de surfaces de rupture pour les glissements de terrain sur lesquels une contrainte effective très faible est attribuée à l’effet de fortes pressions de fluide [Obara, 2002, review de Beroza et Ide, 2011]. Plus récemment, le développement des réseaux sismologiques sur les glissements de terrain a permis de montrer un lien possible entre les eaux d’infiltration météorique et l’activité sismique dans la zone instable [Helmstetter et Garambois, 2010; Lacroix et Helmstetter, 2011; Walter et al., 2011]. Helmstetter et Garambois [2010] montrent notamment sur le glissement de Séchilienne près de Grenoble que les chutes de blocs apparaissent immédiatement après un événement pluvieux et que le déplacement du glissement s’accélère lors de l’infiltration des eaux. Cette accélération se poursuit pendant plusieurs jours après l’arrêt de la pluie (Fig. 12).
Figure 12: (a) Taux journalier de chutes de blocs (rouge) et de microséismes (noir), et nombre cumulé normalisé d’événements (traits fins). (b) Taux de déplacement (bleu) et déplacement (noir) à la référence 635. (c) Chutes de pluies journalières (bleu) et cumulées (noir). D’après Helmstetter et Garambois, [2010].
(2) La sismicité induite par les activités humaines. De nombreuses observations montrent que la sismicité peut être déclenchée par le remplissage des lacs, l’extraction d’hydrocarbures et les injections de fluides en forage lors des opérations de stockage de CO2 ou d’eau en géothermie [Simpson, 1986; Shapiro et al, 1999; Cappa et Rutqvist, 2012]. Un exemple marquant concerne le système géothermique de Soultz-Sous-Forêts en France où plus de 100 000 événements sismiques, avec des taux de 8 000 événements par jour, ont été détectés lors de trois phases de stimulation hydraulique du réservoir [Charléty et al., 2007; Baisch et al., 2010] (Fig. 13). Dans ce cadre, la sismicité se développe généralement sous forme de nuage dont la taille augmente avec le temps autour de la zone d’injection. Parfois, une zone sans sismicité apparaît près de l’injection lorsque le milieu est suffisamment fracturé. Dans ce cas, les fluides et la sismicité migrent hors de la zone d’injection. Les stimulations géothermiques montrent également que les événements les plus intenses se produisent souvent durant la phase de chute de pression et loin de la zone d’injection à la limite du nuage de sismicité.
Das et Zoback [2011] ont identifié des signaux sismiques basses fréquences se produisant sur de longues périodes lors d’opérations de fracturation hydraulique à faible profondeur dans des schistes. Les mesures montrent des poussées soudaines d’énergie avec des durées de 10 à 100 secondes. Cette énergie est visible dans la bande de fréquences 10 à 80 Hz, une bande de fréquences généralement peu considérée dans les analyses de micro-sismicité. Das et Zoback [2011] ont montré que ces formes d’ondes ne présentent pas d’ondes P- et S- claires et que ces signaux sont similaires aux trémors tectoniques observés sur les failles tectoniques. Das et Zoback [2011] attribuent ces signaux, généralement peu ou pas observés dans le suivi sismique des réservoirs, à des glissements lents dans le réseau de failles autour de la zone d’injection, et plus particulièrement le long de failles réactivées par la pression de fluides.
Figure 14 : Exemple d’évènements sismiques basses fréquences enregistrées lors d’une opération de fracturation hydraulique dans des schistes [Das et Zoback, 2011]. (a) Spectrogrammes associées à deux phases (7 et 8) de fracturation hydraulique. La courbe noire indique la pression de fluide dans le forage; (b) Zoom illustrant le spectrogramme des événements basses fréquences observés au dessous de 100 Hz et (c) exemples de formes d’onde pour ce même spectrogramme dans la bande de fréquence 10 à 80 Hz. (d) Pour comparaison avec les signaux enregistrés lors de la fracturation hydraulique, Das et Zoback fournissent des exemples de trémors tectoniques enregistrés sur des failles sismogéniques sur l’île de Vancouver en Colombie Britannique (5-15 Hz, haut), à Taïwan (2-8 Hz, milieu) et sur la faille de San Andreas en Californie centrale (2-8 Hz) [D’après Peng et Gomberg, 2010].

Mécanique des séismes

La sismicité peut être produite par différents processus de rupture des roches ou de glissement le long d’une discontinuité (fracture, faille) sur laquelle la déformation se localise. Les trois modes de rupture les plus souvent évoqués sont l’ouverture d’une fracture (mode I), le cisaillement dans le plan de fracture (mode II) et le cisaillement hors du plan de fracture (mode III) (Fig. 15).
II – glissement dans la direction du plan de cisaillement; Mode III – glissement dans la direction perpendiculaire à la linéation de cisaillement. [Mach et al., 2007].
Ces modes de rupture dépendent des contraintes appliquées au matériau et de ses propriétés mécaniques. La rupture est initiée lorsque la contrainte cisaillante atteint un certain seuil, ou résistance. Une fois initiée, la rupture va se propager de manière quasi-statique ou bien dynamique selon l’évolution de la résistance au cours du glissement. La propagation se fait dans une direction bien souvent déterminée par l’hétérogénéité du champ de contraintes et sur une durée et une distance définies par la quantité d’énergie de fracturation « transportée » par les ondes sismiques. La fracture finale ou le réseau de fractures qui en découle participent à l’affaiblissement des propriétés mécaniques de la roche (endommagement du milieu).
Cette vision conceptuelle de la rupture sur une discontinuité, ainsi que la notion d’endommagement mécanique du milieu résultant de la fracturation, sont généralement suffisantes pour comprendre la physique de la rupture dans un échantillon de roche, mais restent insuffisantes pour comprendre et décrire totalement la nature des processus à l’origine des divers signaux sismiques produits par les phénomènes naturels à l’échelle crustale. En effet, la mécanique à l’origine de la nucléation et de la propagation des événements sismiques s’avère souvent beaucoup plus complexe que celle de la mécanique de la rupture déduite des tests en laboratoire. Bien que l’étude de la source sismique et de la radiation des ondes associées semble avoir atteint aujourd’hui une certaine maturité, l’apport constant ces vingt dernières années de nouvelles données visant à différencier et classifier les signaux sismiques a amené de nouvelles questions quant à la mécanique de la rupture susceptible de les engendrer.
Lorsqu’un glissement sur une discontinuité produit un séisme, la friction va jouer un rôle clé. L’instabilité du glissement sur une discontinuité a fait l’objet de nombreuses études en mécanique des roches et en sismologie. En particulier, l’étude de la friction sur une fracture a été très abordée, principalement sur la base d’expériences en laboratoire afin de déterminer des lois de comportement empiriques. Amontons [1699] et Coulomb [1799] ont été les premiers à décrire la friction en s’appuyant sur des expériences synthétiques. Ils définissent des coefficients de friction statique (μs) et dynamique (μd) pour décrire le glissement d’un patin soumis à une force sur une surface horizontale. Ces lois sont encore très utilisées de nos jours pour décrire le frottement à l’échelle macroscopique.
De nouvelles lois empiriques ont été proposées pour décrire plus précisément la friction et en particulier la loi de friction « slip-weakening » [Ida, 1972; Ohnaka et al., 1986] et la loi de friction « rate-and-state » [Dieterich, 1979; Ruina, 1983 ; Marone, 1998] (Fig. 16). Ces travaux expérimentaux et théoriques ont montré l’importance du comportement d’affaiblissement en glissement (slip-weakening) et de l’hétérogénéité des propriétés (en particulier la rugosité) le long des failles et des fractures. Outre ces aspects, d’autres travaux ont montré l’importance d’autres paramètres cinématiques et de la vitesse de glissement décrit notamment à travers la formulation « rate-and-state ». Elle définit la dépendance de la friction aux conditions instantanées du glissement comme la vitesse (rate-effect) et la dépendance à l’histoire du glissement (state-effect). Elle permet ainsi de décrire les différents régimes de glissements possibles sur une interface. La friction peut avoir : (1) un comportement d’affaiblissement dans lequel la résistance diminue plus rapidement que la contrainte. Il s’agit d’un comportement instable, aussi appelé « stick-slip », considéré comme responsable de la rupture sismique sur les failles tectoniques ; (2) un comportement de renforcement (encore appelé durcissement) dans lequel la résistance chute moins vite que la contrainte. Ce comportement est asismique et le glissement sur l’interface est stable.
Figure 16 : Gauche : Loi de friction « slip-weakening » dans laquelle la friction décroit linéairement d’une valeur statique (μs) à une valeur dynamique (μk) sur une distance de glissement (Sk). Droite : Loi de friction « rate-and-state » dans laquelle la friction statique et dynamique, et la cicatrisation sont représentées. La friction varie avec la vitesse de glissement (V), le temps et l’histoire du glissement. Les paramètres L et do sont la distance de friction critique et la distance d’affaiblissement du glissement dynamique. a et b sont des constantes sans dimension. D’après Marone et al. [2009].

Enjeux de cette étude pour la compréhension des relations entre les fluides, la déformation, et la sismicité

L’existence de différentes manifestations de la sismicité et les liens possibles avec les fluides pose des questions majeures sur les processus de déformation, d’accumulation et de libération des contraintes dans les roches de la croûte. La première de ces questions concerne l’influence des fluides dans les déformations responsables de cette sismicité. Les fluides sont connus pour perturber localement les contraintes et participer à l’initiation de la rupture dans les roches ou le glissement le long de fractures existantes. Certaines études montrent une variation du taux de sismicité lorsque la pression des fluides augmente. Du point de vue général, ces observations posent la question de l’identification et la classification des différentes signatures sismiques du rôle des fluides lors de la déformation et la rupture dans les milieux fracturés. D’autres questions se posent sur l’origine de ces signatures, plus généralement sur la manière de relier ces différentes signatures à des processus hydrauliques et mécaniques.
Ces questions sont importantes pour contribuer à améliorer les connaissances des aléas sismiques et gravitaires dans lesquels les fluides sont connus pour participer à l’initiation et à la propagation de la rupture. La compréhension des liens entre les fluides, la déformation et la sismicité est donc un enjeu majeur afin d’obtenir une vision plus complète du comportement hydromécanique et sismique des roches de la croûte.
Cette thèse s’inscrit dans la volonté de mieux comprendre ces phénomènes, dans le cadre des failles et des versants instables. Dans ce travail, j’ai participé au développement d’expériences in-situ à petite échelle dédiées à la mesure synchrone de la pression de fluide, de la déformation et des ondes sismiques dans des conditions de chargement hydraulique contrôlées. J’ai ensuite analysé ces mesures pour identifier les signaux sismiques associés aux fluides et mieux comprendre leur nature et leurs interactions. J’ai ensuite comparé les observations à petite échelle à des observations du même type sur le grand glissement de terrain de Séchilienne en France. J’ai ainsi orienté mon travail selon trois axes principaux:
1. l’acquisition et l’analyse de nouvelles données de pression de fluides, de déformation et de sismicité pour mieux caractériser ces phénomènes.
2. l’identification et le classement des signaux sismiques enregistrés dans les expériences et la comparaison avec les données à grande échelle de Séchilienne
3. l’analyse par des modèles numériques et des solutions analytiques des liens entre la sismicité et l’hydromécanique du milieu.

Approche expérimentale in-situ des couplages sismiques et hydromécaniques

Nous avons réalisé nos expériences d’injection de fluides au sein d’une zone naturellement fracturée à 250 mètres de profondeur dans des roches carbonatées appartenant aux séries sédimentaires du Bassin du Sud-Est de la France. Les expériences ont été installées sur le site instrumenté du laboratoire souterrain à bas bruit (lsbb.oca.eu), dont une des galeries souterraine permet d’accéder à des roches fracturées et faillées non altérées à 270m de profondeur. Ce chapitre présente le contexte géologique et structural de la zone étudiée, le laboratoire souterrain à bas bruit, ainsi que les dispositifs expérimentaux et les différentes expériences réalisées au sein du LSBB.

Contexte expérimental et instrumentation

Contexte géologique du Bassin du Sud Est

Le site d’expériences se trouve au sein d’un milieu géologique naturellement poreux et fracturé situé au sud-est de la France, dans le département du Vaucluse (Fig. 17). Cette zone correspond à un bassin sédimentaire qui fut une partie de la marge Nord-Européenne de la Téthys durant le Mésozoïque [Lemoine, 1985 ; Dercourt et al., 1993]. Lors de l’ouverture de cet océan, cette marge fut soumise à une extension Est-Ouest du Trias au Crétacé inférieur [Dubois et al., 1989] guidée par un réseau de failles normales et de blocs basculés [Guyonnet-Benaize et al. 2010]. La sédimentation y est caractérisée par des dépôts évaporitiques durant le Trias, des marnes et des calcaires marneux durant le Jurassique, et des calcaires durant le Crétacé inférieur. Une phase de transpression senestre orientée Nord-Sud, liée à l’orogénèse pyrénéenne, s’est ensuite produite durant le Crétacé, engendrant l’émersion d’une partie de la Provence actuelle [Bombement Durancien, Masse et al., 1976]. Cette phase d’émersion s’est traduite par une intense érosion/altération des formations d’âge Jurassique et Crétacé et par des dépôts de bauxites. A l’Eocène supérieur et à l’Oligocène l’installation d’un régime extensif orienté Est-Ouest [Rift Ouest-Européen, Bergerat, 1985] se traduit par la création de petits grabens et de bassins en pull-apart, successivement comblés de dépôts évaporitiques, argileux, et pour finir de calcaires lacustres. Enfin, du Miocène au Pliocène, la phase de compression Alpine Nord-Sud a réactivé les anciennes structures pyrénéennes [Molliex et al., 2011].

Contexte structural de la zone d’expériences

Le site souterrain du LSBB se trouve au centre du Bassin Sud-Est, au Nord du synclinal de Cavaillon à cœur d’âge Oligo-Miocène. Le laboratoire est installé dans le flanc Nord du pli qui est constitué de calcaires du Crétacé inférieur. Les couches carbonatées forment une série monoclinale N105°-20°S, et sont affectées par deux familles principales de fractures: N030-85E et N120-75N. Les carbonates présentent des faciès très contrastés et traduisent une sédimentation progressive depuis des environnements de bassins jusqu’à des environnements de plateformes à faciès Urgonien. Les séries calcaires au droit des expériences sont principalement de faciès à Rudistes et de faciès de type grainstones urgoniens. (Fig. 17). Deux types de failles affectent localement les séries : (i) des failles normales d’extension kilométrique orientées N120 avec un pendage à 75°N, fortement scellées par des ciments calcitiques, et (ii) des failles décrochantes déca- à hectométriques orientées N030° avec un pendage à 85°E. Ces failles décrochantes sont caractérisées par la présence de gouges de cimentation variable et sont espacées d’en moyenne 100 mètres. Les expériences ont été installées à proximité de l’une de ces failles dans la galerie anti-souffle (galerie GAS) à 250 mètres de profondeur au cœur du LSBB (Fig. 18).

Le LSBB : un site instrumenté labellisé par l’INSU

Le LSBB, ancienne plateforme opérationnelle de lancement des missiles nucléaires français, a été depuis 1997 militairement désarmé et réhabilité pour l’utilisation civile dans le but d’en faire une plateforme d’expérimentations scientifiques visant à accueillir des projets d’envergure internationale. Situées au sein de la Grande Montagne, un relief géologique calcaire non-saturé en eau, les galeries qui constituent ce laboratoire ont été forées à l’horizontale dans la montagne, de sorte qu’au niveau du poste de commandement de tir (capsule de tir, Fig. 19a), une épaisseur de 519 mètres de roches recouvre le laboratoire (Fig. 19b).
En plus de la praticité que représente l’accès à un milieu naturel dans les conditions de sécurité et de technologie d’un laboratoire (Fig. 20), le réseau de galeries souterraines du laboratoire constitue un environnement à très bas bruit anthropique et électromagnétique (< 2 fT/√Hz) mais aussi parmi les environnements à plus bas bruit sismique du monde (Fig. 21).
Cet isolement vis-à-vis des « pollutions » électromagnétiques et sismiques extérieures favorise le montage d’expériences en physique, métrologie ou hydrogéologie ayant pour objectif de capter des signaux de très basse énergie avec une extrême finesse et précision.
La galerie anti-souffle (GAS) du laboratoire, initialement creusée pour absorber le souffle d’une explosion nucléaire à l’entrée du site (Fig. 20), est l’unique galerie n’ayant pas été consolidée avec des parois de bétons de 70 cm d’épaisseur (Fig. 21). Sous une fine couche de béton projeté, la roche est accessible à l’observation. C’est donc dans ce contexte expérimental exceptionnel, caractérisé par l’accès à la géologie en profondeur d’un versant rocheux fracturé, la présence d’une équipe d’ingénieurs en permanence sur le site, et le très faible niveau de bruit, que les expériences étudiées dans le cadre de ce travail ont été réalisées.

Contexte et protocoles expérimentaux

Ce travail s’inscrit dans le cadre de deux projets financés par l’Agence Nationale de la Recherche, le projet HPPP-CO2 dans le cadre de l’ANR Transport et Stockage du CO2 et le projet SLAMS dans le cadre de l’ANR Risques Naturels.
Le projet HPPP-CO2, pour High frequency Pulse Poroelasticity Protocol, consistait à développer une approche innovante de mesures in-situ des propriétés hydrauliques et mécaniques d’un réservoir naturel à l’échelle intermédiaire entre le laboratoire et le réservoir [Guglielmi et al., 2008a et 2008b ; Cappa et al., 2008]. Un des enjeux du projet consistait à réaliser la démonstration d’un nouvel instrument de mesure (Fig. 22), correspondant à une sonde d’injection de fluides permettant de stimuler hydrauliquement une zone en forage tout en mesurant à très haute fréquence la pression d’eau et la déformation tridimensionnelle des parois rocheuses du forage. Un autre enjeu du projet était de réaliser différentes expériences de stimulation hydraulique du massif rocheux avec différents prototypes de sonde pour explorer les liens fondamentaux entre fluides, déformations mécaniques asismiques et sismicité induite dans les roches fracturées et les failles. L’ANR SLAMS s’intéresse au comportement hydromécanique et sismique des grands versants rocheux instables, avec pour cas d’étude principal le versant de Séchilienne en Isère (Fig. 23). Il s’agit d’étudier les mécanismes de forçage faible liés à la circulation saisonnière des eaux souterraines dans les grands versants instables non saturés en eau. Bien que soumis à de très faibles pressions de fluides, l’éboulement de Séchilienne montre paradoxalement une dynamique étroitement corrélée aux infiltrations de précipitations dans le versant. Celle-ci se caractérise par une accélération des vitesses de déplacement de la surface du versant en période humide associée à une sismicité induite. L’étude de ce paradoxe, c’est-à-dire comment l’absence de pression peut générer une déformation d’origine hydromécanique du versant constitue un enjeu majeur de la recherche sur les grands éboulements rocheux. Un autre enjeu est de comprendre le lien avec la sismicité mesurée pour produire des modèles permettant d’appréhender les conditions de stabilité d’un tel versant.
Ainsi, les expériences menées au LSBB correspondent à la mise en pression artificielle locale de la zone non saturée à environ 250m de profondeur dans le versant Sud de la Grande Montagne. En terme d’état de contraintes, de position de l’aquifère en profondeur et de géologie de fracture ou de faille, elles constituent un analogue pour reproduire le forçage hydromécanique dans un grand versant rocheux comme Séchilienne. Ce travail consiste principalement à identifier la signature sismique des différents processus hydromécaniques de déstabilisation d’un versant. Il repose sur l’analyse des expériences menées au LSBB et la discussion des résultats vis-à-vis des différentes observations réalisées sur le versant de Séchilienne.
Trois expériences ont été menées dans la galerie anti-souffle. Les détails instrumentaux les concernant, sont décrits dans la planche-figure ci-contre (Fig. 24) ainsi que dans le tableau récapitulatif instrumental (Tableau 1) :
• Expérience 1 : elle a consisté à forer horizontalement à 2 – 4 mètres de profondeur dans le mur Ouest de la galerie un certain nombre de forages à travers une zone de fractures naturelles d’échelle pluri-métrique. Cette expérience est située dans la zone du massif dont l’état de contraintes est fortement dévié par l’effet de vide créé par la galerie. Cela se traduit par une contrainte tangentielle importante sur les fractures et une contrainte normale faible, ce qui représente un analogue aux conditions de contraintes proches de la surface d’un versant. Des chargements en pressions suffisamment importants pour provoquer des réactivations inélastiques des fractures ont été effectués tout en surveillant les déformations et la sismicité en surface de la galerie ainsi que les déformations.
• Expérience 2 : la réponse hydro-acoustique d’une fracture in-situ est comparée à la réponse hydro-acoustique d’un tube pour des conditions géométriques (diamètre et longueur de chambre d’injection) et hydrauliques analogues (Fig. 24). Au droit de la chambre d’injection le tube est pourvu d’un robinet qui permet d’ajuster un débit de fuite. Dans la chambre d’injection, il y a un hydrophone et un capteur de pression. Sur le tube et sur la paroi de la galerie à son intersection avec la fracture sont placés des capteurs acoustiques. Cette expérience s’intéresse à caractériser la signature acoustique ou sismique d’écoulements dans des fractures non saturées en eau et déformables caractéristiques des fractures actives situées dans les versants rocheux instables.
• Expérience 3 : une injection sous pression d’eau a été réalisée avec la sonde HPPP dans des forages verticaux à 20 m de profondeur sous la galerie. Comparé à la première expérience, l’état de contraintes sur les fractures n’est pas influencé par la galerie. Il correspond typiquement à celui rencontré dans un versant à une profondeur d’environ 270 m. Cette expérience se rapproche énormément des ordres de grandeur du versant de Séchilienne. Elle a consisté à injecter une pression et un volume d’eau suffisant pour provoquer la réactivation inélastique d’une petite zone de faille intersectée par le forage d’injection. La sismicité a été suivie pendant la montée en pression, lors de la rupture et après la chute de pression pour identifier les types d’évènements susceptibles de se produire lors d’un forçage hydraulique transitoire analogue d’une infiltration d’eaux météoriques dans un versant rocheux initialement non saturé.pressions d’eau en profondeur dans les fractures injectées.
Les détails expérimentaux des dispositifs mis en place lors de ces expériences sont présentés dans la partie suivante.

Expérience II : Monitoring sismique de l’écoulement d’eau à travers une fracture naturelle déformable non-saturée.

La seconde expérience exposée dans cette thèse concerne l’étude des signaux acoustiques émis par l’écoulement de l’eau dans une fracture naturelle non saturée. Les ondes mesurées correspondent à des ondes de pression longitudinales radiées de manière sphérique autour de la source d’émission qui ne correspond pas à une rupture dynamique mais à la vibration des épontes de la fracture sous l’effet du passage de l’eau, et donc à un processus général de friction visqueuse. Les capteurs accélérométriques que nous utilisons sont suffisamment précis pour être sensibles aux variations de pression micrométriques engendrées par la propagation de cette onde. Le but de l’expérience 2 était d’utiliser le dispositif de monitoring mis en place pour l’expérience 1. La chambre d’injection a été placée dans le même forage sur une fracture située à 1.5 m de la paroi de la galerie dont la trace sur la paroi a pu être repérée avec précision. Les capteurs sismiques ont été placés dans les niches à quelques centimètres de cette trace. Les signaux induits par l’injection de pulses dans cette fracture naturelle ont été comparés avec ceux induits par l’injection avec le même dispositif dans un tube en acier pourvu d’un robinet pour simuler les fuites de la chambre. Les variations acoustiques engendrées par l’écoulement de l’eau au sein de la fracture jusqu’à son émergence au droit du mur de la galerie ont été mesurées avec les accéléromètres Wilcoxon 3 composantes (3 x 1 composante) (Fig. 28 et 29).
Le tube en acier a été usiné de manière à ce que la chambre d’injection de la sonde coïncide avec l’emplacement d’une vanne soudée au tube. Ce dispositif constitue un analogue de laboratoire à une fracture idéale au sein d’un milieu géologique. Le contrôle offert par la présence d’une vanne à ouverture variable permet de simuler différentes perméabilités (ouvertures hydrauliques) de fracture (Fig. 29). Six capteurs Wilcoxon ont été installés, disposés en deux points collés à l’extérieur du tube. En chaque point, 3 capteurs sont installés selon les trois directions de l’espace. Le couplage mécanique avec le tube a été assuré par une colle spécifique aux couplages acoustiques. Le premier point a été positionné au bord de la vanne de sortie, et le second au niveau des packers gonflables de la sonde d’injection, de manière à dissocier lors des post-traitements la réponse en résonnance du tube de la réponse purement hydro-acoustique en sortie de vanne.
Plusieurs pulses de pression d’eau identiques ont été appliqués dans la fracture naturelle et dans le tube, en attendant entre chacun de ces pulses que la réponse élastique du système se dissipe. Dans le cas du tube, les variations de perméabilité du système tube + vanne sont contrôlées par le degré d’ouverture de la vanne hydraulique. Dans le cas du milieu naturel, les variations de perméabilité sont engendrées par la réponse élasto-plastique du milieu à la stimulation. Les pressions appliquées sont suffisamment élevées pour endommager la fracture, ce qui se traduit ici par une augmentation de l’ouverture hydraulique de la fracture correspondant à une augmentation de sa perméabilité. Le protocole suivi a donc consisté en la répétition de séries de pulses identiques pour trois amplitudes de pression croissantes, espacées de plusieurs heures, tout en écoutant avec les capteurs sismiques les variations sismo-acoustiques induites par les variations de la géométrie de la fracture liées à son endommagement. Le même principe a été appliqué au tube en acier, en faisant varier l’ouverture de la valve. Les résultats de cette expérience sont exposés et discutés aux chapitres 4 et 6 de ce manuscrit.

Expérience III : Observation de la sismicité induite par l’activation du glissement sur une faille par des injections d’eau..

L’expérience III utilise le même protocole de mesure que l’expérience 1 pour stimuler une faille soumise à un état de contrainte régional (correspondant à une profondeur d’environ 270 m dans un versant rocheux). Des forages verticaux de 20 mètres de profondeur espacés de 2 à 4 mètres ont été réalisés dans le radier de la galerie à une dizaine de mètres de distance horizontale du cœur de la faille principale (Fig. 24). Le forage principal traverse, à 17 mètres de profondeur, une petite zone de faille d’extension décamétrique (Fig. 30a et b).
La sonde hydraulique utilisée est la sonde HPPP (Fig. 22), dont la chambre d’injection est équipée d’un capteur de déformations 3D à fibres optiques et à très haute sensibilité. Cet instrument permet de mesurer les déformations 3D de la fracture étudiée. Les trois autres forages verticaux (Fig. 30a et b) ont été équipés respectivement d’un vélocimètre Géospace basses fréquences (GS-11D, 4.5-100Hz), d’un vélocimètre Géospace hautes fréquence et large bande (GS-20DH, 10-1000Hz), et d’un accéléromètre Métra basses fréquences KB12VD (0.15-260Hz, Tableau 1). L’ensemble de ces capteurs ont été descendus et couplés à la roche à 17 mètres de profondeur dans les forages de manière à mesurer les signaux dans un plan horizontal situé à la même profondeur que la chambre d’injection.
Le protocole de stimulation hydraulique est le même que pour l’expérience 1. Une première étape d’injection par pulses de pression de fluide pour mesurer la perméabilité initiale de la zone de faille, suivi de l’injection par paliers de pression jusqu’à atteindre une valeur suffisamment forte pour réactiver la faille, et enfin, plusieurs heures après l’expérience, répétition des pulse de pression pour mesurer les variations irréversibles de la perméabilité de la faille liées à l’endommagement de ses propriétés hydromécaniques. Les résultats de cette expérience sont présentés et discutés dans les chapitres 5 et 6 de ce manuscrit.

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Table des matières

Introduction
Introduction générale
Cadre collaboratif
I Fluides et sismicité dans les roches de la croûte supérieure 
1.1 Notions de couplages hydromécaniques dans les roches
1.2 Réponse hydromécanique des roches fracturées
1.3 Différents types de sismicité induits par les fluides
1.3.1 Différents types de sismicité: forme, durée et contenu fréquentiel
1.3.2 La sismicité liée au déclenchement des glissements de terrain
1.3.3 La sismicité induite par les fluides
1.3.4 Mécanique des séismes
1.4 Enjeux de cette étude pour la compréhension des relations entre les fluides, la déformation, et la sismicité
II Approche expérimentale in-situ des couplages sismiques et hydromécaniques 
2.1 Contexte expérimental et instrumentation
2.1.1 Contexte géologique du Bassin du Sud-Est
2.1.2 Contexte structural de la zone d’expériences
2.1.3 Le LSBB : un site instrumenté labellisé par l’INSU
2.2 Contexte et protocoles expérimentaux
2.3 Détails des expériences
2.3.1 Expérience I : Injection près du mur de la galerie
2.3.2 Expérience II : Monitoring sismique de l’écoulement d’eau à travers une fracture naturelle déformable non-saturée
2.3.3 Expérience III : Observation de la sismicité induite par l’activation du glissement sur une faille par des injections d’eau
III Article I : Mesures in-situ de la réponse hydromécanique et sismique d’une fracture stimulée hydrauliquement 
3.1 Résumé en française de l’article
3.2 Abstract
3.3 Introduction
3.4 Geological and experimental settings
3.5 Experimental results
3.5.1 Hydromechanical results
3.5.2 Permeability variations
3.5.3 Induced seismicity
3.5.4 Synthesis of experimental results
3.6 Numerical analysis of the conditions for hydromechanical activation of the injected fracture
3.6.1 Modelling set-up
3.6.2 Modelling results: Parameters controlling the injected
Fracture hydromechanical activation
3.6.3 Synthesis: Process based-model
3.7 Discussion
3.8 Conclusion
3.9 Acknowledgement
3.10 References
IV Article II : Monitoring sismique de l’infiltration d’eau à travers une fracture naturelle déformable et non-saturée 
4.1 Résumé en français de l’article
4.2 Abstract
4.3 Introduction
4.4 Theory
4.5 Experimental set-up and procedure
4.6 Experimental results
4.6.1 Fracture permeability variations
4.6.2 Acoustic Emissions (AE)
Time distribution of events
Single acoustic event description
Testing some AEs attributes sensitivity to the permeability variations
4.7 Discussion
4.8 Conclusion
4.9 Acknowledgement
4.10 References
V Article III : Observation de la sismicité induite par le glissement sur une faille activée par des injections d’eau 
5.1 Résumé en français de l’article
5.2 Abstract
5.3 Introduction
5.4 Experimental set-up
5.5 Seismic events type and sequence generated by the injection
5.6 Discussion: seismicity and slope rupture
5.7 Conclusion
5.8 Acknowledgement
5.9 Additional material: Methods
5.10 References
VI Discussion: Hydromécanique et sismicité liées à l’infiltration des pluies dans les versants rocheux fracturés 
6.1 Signatures sismiques de l’endommagement mécanique et des variations de perméabilité induits par les circulations de fluides dans les milieux rocheux fracturés
6.2 Analyse hydromécanique du versant instable de Séchilienne
6.2.1 Sismicité et hydrogéologie du versant de Séchilienne
6.2.2 Evaluation des effets des couplages hydromécaniques sur la stabilité du versant
6.3 Perspectives sur le monitoring hydro-sismique des versants instables
6.3.1 Monitoring des versants instables: Etat de l’art
6.3.2 Pistes pour améliorer le monitoring hydro-sismique des versants instables
Conclusions 
Perspectives 
Bibliographie 

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