Modélisation thermomécanique unifiée des comportements des matériaux à mémoire de forme

Depuis la découverte de l’effet mémoire de forme dans les années 50, l’intérêt porté à l’étude des matériaux pouvant manifester cet effet ne cesse de croître. D’abord considérés comme des « curiosités de laboratoire », les matériaux à mémoire de forme, ou MMF, ont revêtu un intérêt pratique avec la découverte par Buehler, en 1961, de l’effet mémoire au sein d’un alliage en Nickel–Titane qu’il a baptisé «Nitinol». Le Nitinol, supérieur aux alliages classiques de par ses propriétés mécaniques, a attiré l’attention de la compagnie « Raychem » qui l’a utilisé pour la fabrication d’éléments de raccordement pour les tuyauteries des avions F–14 de la marine américaine. L’usage du Nitinol s’est ensuite étendu à d’autres secteurs de l’industrie militaire, mais aussi à des applications civiles technologiquement avancées, notamment dans le domaine aérospatial. Les qualités du Nitinol ne se limitent cependant pas à ses remarquables propriétés mécaniques. Cet alliage possède, en effet, une bonne biocompatibilité qui permet son utilisation pour des applications biomédicales, en particulier pour la fabrication de stents. Utilisés d’abord en tant qu’endoprothèses vasculaires, les stents ont ensuite été adaptés à l’usage de la chirurgie des voies respiratoires. En même temps, d’autres applications biomédicales ont vu le jour, on en cite notamment des implants variés et des agrafes ainsi que nombreux outils chirurgicaux : cathéters, fils orthodontiques, aiguilles de suture, etc .

La particularité du Nitinol, et des MMF en général, est due en grande partie à un changement de phase à l’état solide appelé « transformation martensitique », caractérisé à l’échelle microscopique par une transition de la structure cristallographique du matériau d’une configuration symétrique dite « austénitique » vers une autre moins symétrique dite « martensitique ». Cette transition permet l’accommodation de larges déformations recouvrables par simple chauffage. La transformation martensitique, pouvant être induite sous diverses conditions de chargement thermomécanique, est largement influencée par des facteurs tels que la composition du matériau et les conditions de sa mise en oeuvre : autant d’éléments qui compliquent la compréhension des mécanismes inhérents à cette transformation, aussi bien sur le plan expérimental que sur le plan théorique, mais qui motivent en contrepartie des travaux de recherche toujours plus nombreux. Parmi ces travaux, certains concernent l’élaboration de MMF moins coûteux, plus faciles à mettre en oeuvre et plus performants, d’autres, comme c’est le cas dans ce mémoire, portent sur la modélisation du comportement de ces matériaux et la prédiction de leur tenue pour diverses conditions d’utilisation.

Transformation martensitique 

La transformation martensitique désigne un changement de phase particulier à l’état solide. Elle possède les propriétés suivantes (Otsuka, 2001 ; Ahluwalia et coll., 2004; Van Humbeeck, 1993) :
– elle est « displacive », ce qui veut dire que les atomes de la configuration cristallographique initiale  se déplacent solidairement lors de la transformation. Le déplacement des groupes d’atomes se fait selon des plans cristallographiques bien définis de telle sorte que le déplacement relatif des atomes reste inférieur aux distances inter-atomiques ;
– elle s’effectue sans diffusion d’atomes, affectant le degré de symétrie du réseau cristallographique sans modifier la concentration des atomes au sein du cristal ;
– c’est une transformation de premier ordre. C’est-à-dire que lors de la transition d’une phase à l’autre, l’énergie de Gibbs est identique pour les deux phases à la température de transition mais ses dérivées par rapport à la température et à la pression sont discontinues (International Union of Pure and Applied Chemistry, 1997);
– le changement de phase est associé, comme en plasticité classique, à un cisaillement des plans atomiques. Le changement de volume résultant est souvent considéré négligeable (Lexcellent et coll., 2000).

La transformation martensitique conduit à une transition d’une configuration cristallographique symétrique d’une phase mère, stable à haute température, dite «austénite », vers une phase produit, moins symétrique, appelée « martensite » (McNaney et coll., 2003 ; Müller et Seelecke, 2001 ; Shaw et Kyriakides, 1995). La perte de symétrie permet la formation de plusieurs variantes martensitiques à partir d’une même phase mère (Wayman et Otsuka, 1999).

Le mécanisme de la transformation martensitique ressemble à celui de la déformation plastique dans les aciers. La différence principale est l’absence du changement de phase dans le cas de la plasticité classique (Guillet et Poupeau, 1973). Les plans séparant les variantes martensitiques de l’austénite sont dits «plans limites » ou « d’habitat » et sont généralement considérés comme invariants lors du changement de phase (Wechsler et coll., 1953 ; Bowles et Mackenzie, 1954 ; Ball et James, 1987). Les variantes martensitiques, au nombre de 24 (Lim et McDowell, 2002), peuvent être définies par leurs orientations relatives par rapport à un plan limite. L’identification de ces orientations n’est cependant pas facile, surtout dans le cas des polycristaux (Guillet et Poupeau, 1973).

Éducation et effet mémoire double sens

À partir d’un certain niveau de contrainte (Wayman et Otsuka, 1999), la transformation martensitique est accompagnée d’une génération de défauts irréversibles par glissement au niveau des plans limites (Abeyaratne et Joo Kim, 1997). Un chargement thermomécanique cyclique peut entraîner la stabilisation des défauts et la création au sein du matériau d’un champ de contraintes résiduelles associé, provoquant une orientation de la martensite lors d’une transformation directe . Suite à cette « éducation », une structure en MMF peut transiter entre deux formes, austénitique et martensitique, sous l’effet d’un chargement purement thermique. L’effet mémoire double sens désigne cette aptitude d’un MMF éduqué à se souvenir, simultanément, d’une forme à haute température et d’une autre forme à basse température.

Effet caoutchoutique

Le mouvement relatif des interfaces inter-variantes au sein de la martensite empêche un comportement parfaitement élastique, même quand le niveau de contrainte au sein du matériau n’est pas suffisant pour orienter les variantes martensitiques . Ce mouvement produit, en effet, une dissipation par frottement interne dans le MMF (Van Humbeeck et Stalmans, 1999 ; Berveiller et Patoor, 1993), donc un comportement inélastique à l’origine de l’effet caoutchoutique .

Synthèse bibliographique

Outre sa complexité sur le plan théorique, la modélisation des MMF se heurte à certaines difficultés d’ordre physique et expérimental :
– certains phénomènes physiques inhérents aux MMF ne sont toujours pas bien expliqués (Van Humbeeck et Stalmans, 1999) ;
– les résultats expérimentaux ne sont pas suffisamment nombreux (Liu et coll., 1999), et peuvent parfois être contradictoires (Tanaka et coll., 1995). Les lois de comportement existant aujourd’hui ne permettent pas une prise en compte de tous les phénomènes associés aux MMF. La validité de la plupart de ces lois se limite d’ailleurs à des conditions de chargements mécaniques unidimensionnels ou bien tridimensionnels proportionnels (Lim et McDowell, 2002 ; Govindjee et Kasper, 1999 ; Helm et Haupt, 2003 ; Brinson et coll., 2004 ; Abeyaratne et Joo Kim, 1997). D’une manière générale, on peut classer les modèles de comportement des MMF en trois grandes catégories : les modèles à l’échelle microscopique, les modèles phénoménologiques à l’échelle macro et les modèles micro–macro.
– dans le cadre de la micromécanique, Falk (Falk, 1980) a proposé un modèle phénoménologique unidimensionnel anisotherme basé sur une énergie libre à plusieurs puits. L’énergie du cristal est développée en série de puissances de la température et de la déformation. La stabilité des minima de cette série dépend donc de la température. Plusieurs autres travaux ont été proposés depuis, dans le contexte des théories de Landau et de Landau–Ginzburg, dont quelques-uns ont été généralisés pour des calculs 2D et 3D (Barsch et Krumhansl, 1984 ; Saxena et coll., 1998 ; Ahluwalia et coll., 2004). Ces modèles s’intéressent surtout aux phénomènes se manifestant à une échelle microscopique au sein d’un MMF, tels que la nucléation et de la propagation des plaquettes martensitiques. Les paramètres de ces modèles sont généralement difficiles à déterminer expérimentalement. Abeyaratne et Vedantam ont, eux aussi, étudié l’évolution des frontières inter-variantes à l’intérieur d’un cristal en MMF (Abeyaratne et Vedantam, 2003 ; Vedantam et Abeyaratne, 2005). L’étude de l’orientation des plans limites et de la structure des variantes martensitiques au sein d’un cristal en MMF a aussi fait l’objet de plusieurs théories, telles que la théorie phénoménologique de la cristallographie martensitique de Wechsler, Lieberman et Read (Wechsler et coll., 1953) et de Bowles et Mackenzie (Bowles et Mackenzie, 1954) et la théorie cristallographique de la martensite de Ball et James (Ball et James, 1987). Ces théories font l’hypothèse du plan limite invariant au cours du changement de phase. Récemment, l’invariance du plan limite a été contestée (Xiangyang et coll., 2000) suite à des observations expérimentales (Sun et coll., 1997, 1999). Les modèles précédents permettent de décrire la microstructure du MMF, mais ne conviennent pas au calcul de structures.
– les modèles microscopiques avec passage micro–macro partent d’une étude du comportement matériel à l’échelle des grains austénitiques et martensitiques. La transition micro–macro s’effectue ensuite en deux étapes, d’abord pour modéliser un monocristal et ensuite pour modéliser le matériau polycristallin (Huang et coll., 2000). Comme exemple des modèles de cette catégorie, on peut citer le travail de Patoor (Patoor et coll., 1988). Ce modèle est multivariant, l’interaction entre les variantes est quantifiée à l’aide d’une matrice constante H telle que l’expression de l’énergie d’interaction au niveau d’un volume élémentaire représentatif est proportionnelle à ziHij zj . zi est la fraction de la phase i. La matrice H est déterminée expérimentalement. Un autre exemple des modèles micro–macro est proposé par Tanaka (Tanaka et coll., 2002). Le MMF est traité comme un composite ou un système matrice– inclusions où les inclusions représentent la martensite. Ces inclusions, réparties en agrégats distribués au sein de la matrice, sont cachées à l’état austénitique. Le chargement thermomécanique nécessaire à l’orientation d’une inclusion est fonction notamment de son orientation et la déformation macroscopique de transformation est obtenue par moyennation, selon la théorie d’Eshelby, des déformations individuelles des inclusions sur un volume représentatif. Les modèles obtenus par passage micro–macro font généralement intervenir des paramètres difficiles à identifier expérimentalement. D’ailleurs, l’utilisation de ces modèles pour le calcul de structures nécessite souvent des moyens de calcul considérables, à cause d’un nombre important de degrés de liberté.
– les modèles à l’échelle macroscopique ont l’avantage de la simplicité comparés aux modèles utilisant l’approche micro–macro. Ils sont généralement plus faciles à identifier et à utiliser pour le calcul de structures en MMF. Le modèle unidimensionnel de Tanaka (Tanaka et Nagaki, 1982 ; Tanaka, 1986) décrit l’état cristallographique du MMF à l’aide d’une variable interne représentant la fraction volumique de la martensite, les autres variables d’état étant la déformation et la température. Ce modèle propose une évolution exponentielle de la fraction martensitique avec la contrainte et la température. Il est simple à identifier, mais son domaine d’application est restreint à cause de sa nature unidimensionnelle et sa limitation à une description qualitative de la pseudoélasticité des MMF. Brinson et Huang (Brinson et Huang, 1996) montrent que la loi de comportement de Tanaka peut être dérivée à partir d’un modèle phénoménologique où l’austénite et la martensite sont disposées en parallèle. Le modèle est modifié par Liang et Rogers pour permettre une meilleure description quantitative de la pseudoélasticité unidimensionnelle (Liang et Rogers, 1990). Tanaka et coll. (Tanaka et coll., 1995) ont proposé une extension du même modèle permettant de simuler la réponse d’un MMF à un chargement thermomécanique cyclique en 1D. Pour cela deux variables d’état supplémentaires ont été introduites, représentant la déformation et la contrainte résiduelle résultant du processus d’éducation.

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Table des matières

Introduction générale
1 À propos des matériaux à mémoire de forme
1.1 Introduction
1.2 Transformation martensitique
1.3 Diagramme d’état
1.4 Propriétés des matériaux à mémoire de forme
1.4.1 Autoaccommodation de la martensite
1.4.2 Orientation de la martensite
1.4.3 Effet mémoire simple sens
1.4.4 Effet superthermique
1.4.5 Pseudoélasticité
1.4.6 Éducation et effet mémoire double sens
1.4.7 Effet caoutchoutique
1.5 Synthèse bibliographique
1.6 Applications
1.6.1 Applications biomédicales
1.6.2 Applications aérospatiales et militaires
1.6.3 Applications en génie civil
1.6.4 Diverses autres applications
2 Cadre théorique de la modélisation
2.1 Introduction
2.2 Méthode des deux potentiels
2.2.1 Cas des variables d’état indépendantes
2.2.2 Cas des variables d’état dépendantes
2.2.3 Exemple d’application : modèle Moumni–Nguyen
2.3 Conclusion
3 Un premier modèle unidimensionnel unifié
3.1 Introduction
3.2 Modèle de comportement des MMF
3.2.1 Variables d’état et énergie libre
3.2.2 Liaisons internes et lagrangien
3.2.3 Lois d’état
3.2.4 Pseudo-potentiel de dissipation
3.2.5 Fonctions critères et lois complémentaires
3.2.6 Procédure d’identification des paramètres
3.3 Modélisation des différents phénomènes
3.3.1 Pseudoélasticité
3.3.2 Autoaccommodation de la martensite
3.3.3 Orientation de la martensite autoaccommodante
3.3.4 Effet mémoire simple sens (EMSS)
3.3.5 Effet superthermique
3.3.6 Réponse à un chargement thermomécanique quelconque
3.4 Simulation numérique et validation du modèle
3.4.1 Identification des paramètres du modèle
3.4.2 Validation expérimentale
3.4.3 Simulation de l’autoaccommodation
3.4.4 Simulation de l’effet mémoire simple sens
3.4.5 Simulation de l’effet superthermique
3.4.6 Simulation de la pseudoélasticité anisotherme
3.5 Conclusion
4 Généralisation 3D : cas des chargements proportionnels
4.1 Introduction
4.2 Variables d’état et énergie libre
4.3 Loi de comportement et fonctions critères
4.4 Lois complémentaires
4.4.1 Pseudoélasticité
4.4.2 Autoaccommodation de la martensite
4.4.3 Orientation de la martensite autoaccommodante
4.4.4 Effet mémoire simple sens
4.4.5 Effet superthermique
4.4.6 Réponse à un chargement thermomécanique quelconque
4.5 Simulation numérique
4.5.1 Exemple 1 : calcul d’une barre en MMF
4.5.2 Exemple 2 : calcul d’un cylindre creux
4.6 Conclusion
Conclusion générale

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