Modélisation qualitative des agro-écosystèmes et aide à leur gestion par utilisation d’outils de model-checking

Les problématiques environnementales deviennent de plus en plus importantes de nos jours. Elles portent souvent sur des systèmes complexes qui possèdent la particularité de comporter de nombreuses entités interagissant. Par exemple un écosystème halieutique composé de plusieurs espèces de poissons, certaines étant des proies, d’autres étant des prédateurs, et dont l’évolution est “perturbée” par l’activité (contrôlable) de la pêche, essentielle pour la survie économique des acteurs concernés, mais aussi par l’occurrence (non contrôlable) de phénomènes climatiques tels que des forts vents ou l’augmentation de la température de l’eau. Un autre exemple d’agro-écosystème est celui de la gestion du pâturage dans une exploitation agricole centrée sur l’élevage laitier, où les besoins en nourriture des troupeaux doivent être satisfaits au mieux (par broutage de l’herbe ou consommation de fourrage), tout en tenant compte de l’impact environnemental de la fertilisation des prairies, en particulier en terme de transfert de nitrates.

Il est nécessaire de pouvoir analyser ces situations complexes afin de prendre les décisions les plus pertinentes, par exemple en terme de protection des espèces menacées dans le cas de l’halieutique, et de protection de la qualité des eaux dans le cas de la gestion de pâturage. Les analyses de ces situations complexes ont motivé le développement de modèles de simulation, qui sont souvent numériques, et de plus en plus complexes. Malheureusement les données pour construire de tels modèles sont difficiles à acquérir. Les connaissances sur le domaine étudié sont souvent incomplètes. Ces constatations ont amené à développer des modèles qualitatifs avec leurs avantages vis à vis d’un utilisateur. La simulation qualitative a été utilisée de manière satisfaisante dans de nombreux domaines liés à l’environnement tels que la physiologie végétale [RP97, VTZ+10], l’écologie terrestre [SBA06] et aquatique [TN06, GD01].

État de l’art : Aide à la décision dans les agro-écosystèmes

Un certain nombre de travaux ont porté sur l’aide à la décision pour la gestion de systèmes complexes, et en particulier la gestion des agro-écosystèmes qui est celle qui nous intéresse dans cette thèse. Un certain nombre de ceux-ci s’appuient directement sur la connaissance du domaine (expertise) comme les systèmes experts qui cherchent à optimiser les décisions dans un contexte de conduite d’exploitations ou de planification d’itinéraires techniques. Nous nous focalisons ici sur ceux qui s’appuient sur un modèle, que ces modèles soient à base d’équations comme c’est le cas de TNT [BDR+02], ou des modèles qualitatifs comme par exemple le modèle Sacadeau [CGG+05], ou des systèmes à événements discrets, DEVS, réseaux de Petri [AMBD98], automates temporisés [AD94], etc. Nous privilégions en particulier les travaux ayant utilisé ces modèles pour aider à la décision et donnons un aperçu des méthodes utilisées. Ceux-ci en général combinent des techniques de stockage de données, d’apprentissage de connaissances, de fouille de données, de visualisation et de recommandation d’actions.

Simulation pour l’aide à la décision

La simulation est couramment utilisée dans le domaine de l’agronomie pour aider les chercheurs et les gestionnaires à mieux comprendre les liens complexes entre les actions humaines, le contexte environnemental et les réponses de l’agro écosystème. Les simulations peuvent être utilisées dans un contexte d’aide à la décision, par exemple pour prédire ce qui va résulter d’actions envisagées ou pour suggérer les actions qui pourraient améliorer la situation. Nous présentons ci dessous quelques exemples en insistant sur les techniques utilisées pour transformer un modèle de simulation en un outil d’aide à la décision. Les deux premières approches sont générales au domaine agro-environnemental. Les trois dernières concernent plus particulièrement l’élevage et le pâturage qui est le thème de ma thèse.

Projet Sacadeau

Le projet Sacadeau (Système d’Acquisition de Connaissances pour l’Aide à la Décision sur la qualité de l’EAU) [CGG+05], initié en 2002 lors d’une collabaration entre l’équipe DREAM d’IRISA et l’unité SAS de l’INRA de Rennes, a pour le but de fournir un outil d’aide à la décision pour améliorer la qualité de l’eau contaminée par les pesticides appliqués pour la culture de maïs dans le bassin versant de la région de Frémeur. Sacadeau regroupe trois fonctionnalités principales : la simulation, l’apprentissage et la recommandation d’actions. Un logiciel Sacadeau-Software [TMC+12] a été développé regroupant ces trois fonctionnalités et propose une interface graphique qui facilite l’utilisation des trois modules et la visualisation des résultats .

Simulation
À partir d’un modèle numérique d’altitude du bassin versant du Frémeur et d’une carte d’occupation du sol, des arbres de drainage sont construits, qui modélisent le ruissellement. On construit ensuite un ensemble d’arbre d’exutoires de parcelles à partir des arbres de drainage et de la connectivité entre les parcelles [AGOS+09]. On obtient une représentation du bassin versant à l’aide de structures d’arbres où les nœuds sont des exutoires et les arcs représentent la relation “se déverse dans” entre deux exutoires. Un modèle biophysique [GOAC+09] calcule, à l’aide de cette structure, le transfert et la concentration de pesticides dans le flux d’eau et donc la qualité de l’eau arrivant à l’exutoire. Un modèle décisionnel [SMGOG+11] représente les processus de décisions des agriculteurs concernant la culture du maïs et simule l’application des stratégies de gestion phytosanitaire pour chacune des parcelles cultivées en maïs. Ces stratégies sont décrites sous forme d’itk (itinéraire technique) qui est une séquence d’actes techniques effectués par l’agriculteur. L’utilisateur peut lancer une simulation après avoir spécifié le climat et choisi l’ensemble d’itks sur une interface graphique. À la fin de la simulation, le taux de transfert de pesticide pour chaque arbre d’exutoires est affiché sur une carte géographique. L’utilisateur peut agrandir la carte pour voir les informations détaillées pour chaque exutoire et la partie de parcelle drainée par cet exutoire [TMC+12].

Apprentissage
L’apprentissage sert à mieux comprendre l’impact des différentes stratégies sur le transfert des pesticides. Le but est de caractériser les arbres d’exutoires favorables ou défavorables au transfert des pesticides [Tré08]. La base d’apprentissage contient les exemples provenant des simulations pour le bassin versant du Frémeur. Onze attributs agrégats ont été choisis pour décrire un arbre d’exutoires. Ces attributs concernent les caractéristiques topographiques de l’arbre d’exutoires et les pratiques agricoles sur cet arbre d’exutoires. Par exemple, le pourcentage de matière active utilisée à risque fort, le pourcentage de surface cultivée en maïs etc. Finalement, une étiquette nominative décrivant le taux de transfert (transfert important, transfert faible) sert d’identifiant à la classe. Comme une simulation concerne un ensemble d’arbre d’exutoires, seuls les arbres dont au moins un des exutoires est dans une parcelle cultivée en maïs sont retenus. L’algorithme d’apprentissage supervisé de règles CN2 [CB91] a été utilisé dans Sacadeau-Software. Une fois l’apprentissage terminé, l’utilisateur peut visualiser les règles apprises et les exemples que chaque règle couvre [TMC+12].

Recommandation d’actions
Étant donné une situation proposée par l’utilisateur, comme étant une situation où le taux de transfert de pesticide est important, des actions sont proposées, à partir des règles issues de l’apprentissage, pour améliorer la situation de pollution [TSAC+13]. Les actions proposées s’expriment sous forme de modifications des valeurs d’attributs agrégats utilisés dans la partie apprentissage. Par exemple, une action proposée peut être : mettre un dispositif tampon (bande enherbée ou dispositif équivalent) dont la largeur est comprise entre 16,5 mètres et 67 mètres. Deux algorithmes de recommandation ont été proposés : Dakar1 et Dakar2. Dakar1 demande d’abord à l’utilisateur de spécifier l’ensemble des attributs que l’utilisateur pourra réellement modifier. Dakar1 cherche ensuite des valeurs pour les attributs modifiables pour que la situation après les changements soit évaluée non polluante. Il est possible qu’aucune solution n’existe pour un ensemble d’attributs modifiables donné. Dakar2 demande à l’utilisateur d’associer un poids à chaque attribut et de saisir un seuil δ. Dakar2 cherche ensuite des valeurs pour un ensemble d’attributs telle que la situation avec les nouvelles valeurs est évaluée non polluante et la somme des poids des attributs modifiés ne dépasse pas δ. Dans certains cas, plusieurs solutions peuvent être proposées s’il en existe. Sacadeau-Software permet aux utilisateurs de choisir l’algorithme de recommandation, saisir les paramètres de recherche de recommandation et affiche, à la fin de recherche, l’ensemble d’attributs à modifier et leurs nouvelles valeurs.

Le projet Sacadeau s’appuie sur un modèle couplant un modèle biophysique et un modèle décisionnel et permettant de simuler le transfert de pesticides dans un bassin versant breton. Il propose des outils d’aide à la décision, l’apprentissage de règles à partir des résultats de simulations et la recommandation d’actions pour améliorer une situation défavorable.

Moderato

Moderato est un travail issu d’une collaboration entre plusieurs unités de recherche : INRA de Toulouse, ITCF et AGPM de Baziège, INRA ESR de Grignon [BDD+01]. Ce travail s’attaque au problème de la gestion d’irrigation sur les champs de maïs dans la région du sud-ouest de la France où l’apport de pluie est très limité durant les cinq mois d’été (entre mai et septembre). Ce système prend également en compte une large variabilité de climat d’une année à l’autre. Moderato simule la croissance de culture et les changements d’état du sol sous différentes stratégies de gestion d’irrigation. Le système est composé de cinq composants :
– le contexte hydraulique est une description de l’équipement et de la ressource en eau ;
– le modèle d’action est un modèle décisionnel décrivant les règles de gestion d’irrigation ;
– les modèles biophysiques décrivent les principaux processus liés à l’irrigation et coucernant le sol et les cultures ;
– l’horloge modélise l’avancement du temps ;
– les fonctions d’évaluation permettent d’analyser les résultats de la simulation du côté économique et également du côté environnemental. Les utilisateurs décrivent leurs stratégies d’irrigation par cinq règles élémentaires d’irrigation : (1) la règle d’irrigation pour faciliter la semaille, (2) la règle de commencement d’une période d’irrigation, (3) la règle de commencement d’une nouvelle période d’irrigation, (4) la règle d’arrêt d’une période d’irrigation, (5) la règle de délai d’irrigation en fonction du climat. Voici un exemple de règle (1) : – Cond1 : Le nombre de jours depuis la semaille = 15
– Cond2 : L’apport de la pluie depuis la semaille < 20mm
– Action : Irrigation de 20mm
Ces cinq règles sont composées de la même façon : une condition (Cond1 ) temporelle et une condition (Cond2 ) sur l’état du système concernant la ressource d’eau et une action associée. Moderato évalue les conditions Cond1 et Cond2 avant d’appliquer l’action associée. Moderato propose une interface graphique qui permet aux utilisateurs de saisir les informations de culture et de composer les règles d’irrigation. Moderato produit deux sortes de résultats. D’une part, la chronologie de la dynamique de l’état du sol et de la culture. D’autre part les actions de gestion d’irrigation. Un outil supplémentaire a été développé pour calculer les indicateurs de simulation et les afficher sous forme de graphique. Les utilisateurs peuvent modifier les règles et relancer la simulation.

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Table des matières

I Introduction
1 Introduction générale
2 État de l’art : Aide à la décision dans les agro-écosystèmes
2.1 Introduction
2.2 Simulation pour l’aide à la décision
2.2.1 Projet Sacadeau
2.2.2 Moderato
2.2.3 Sediver
2.2.4 Sepatou
2.2.5 Patur’IN
2.3 Model-checking et synthèse de contrôleur pour l’aide à la décision
2.3.1 Model-checking pour l’analyse de modèle
2.3.1.1 Model-checking dans réseaux d’interaction cellulaire
2.3.1.2 Model-checking pour la simulation de flux de matériel
2.3.2 Synthèse de contrôleur
2.3.2.1 Synthèse de contrôleur pour l’aide au contrôle de climatisation
2.3.2.2 Synthèse de contrôleur pour un système embarqué
2.4 Conclusion
II Modélisation d’un écosystème marin pour gérer la pression de pêche
3 EcoMata – Modélisation d’un écosystème marin en automates temporisés 35
3.1 Introduction
3.2 Théorie de l’automate temporisé et du model-checking
3.2.1 Automate temporisé
3.2.2 Réseau d’automates temporisés
3.2.3 Model-checking sur TCTL
3.2.4 Automate temporisé dans UPPAAL
3.3 Modélisation d’un écosystème marin en automates temporisés
3.3.1 Réseau trophique de l’écosystème
3.3.2 Modélisation de l’écosystème
3.4 Patrons de requêtes en TCTL
3.5 Génération automatique d’un réseau d’automates
3.5.1 Modèle numérique Lotka-Voltera
3.5.2 Algorithme
3.5.2.1 Construction de l’automate espèce par espèce
3.5.2.2 Simplification des automates
3.6 Logiciel EcoMata
3.6.1 Éditeur d’écosystème
3.6.2 Générateur d’automates
3.6.3 Lanceur de requête
3.7 Benchmarks (limites d’utilisation)
3.8 Conclusion
4 Recherche de stratégies de gestion de pêche
4.1 Introduction
4.2 Synthèse de contrôleur
4.2.1 Automate temporisé de jeux
4.2.2 Algorithme de synthèse de contrôleur
4.2.3 Uppaal-Tiga
4.3 Modélisation et méta-modèle
4.3.1 Automates temporisés de jeux pour modéliser l’écosystème
4.3.2 Méta-modèle de l’automate de pêche
4.4 Expérimentations et résultats
4.4.1 Résultats expérimentaux
4.5 Synthèse par une approche “Générer et tester”
4.5.1 Motivations
4.5.2 Génération et test des politiques
4.5.3 Expérimentations et résultats
4.6 Conclusion
III Modélisation et recherche de stratégies optimales de gestion du pâturage
5 PaturMata – Modélisation de gestion de pâturage en automates temporisés
5.1 Introduction
5.2 Modèle hybride hiérarchique de pâturage
5.2.1 Modèle hybride
5.2.2 Modèle hiérarchique
5.3 PaturMata – Instanciation du modèle
5.3.1 Couche prairie
5.3.2 Couche exécution
5.3.2.1 Modèle de mise au pâturage
5.3.2.2 Modèle de fauchage
5.3.2.3 Modèle de fertilisation
5.3.3 Couche contrôleur
5.3.3.1 Modèle contrôleur de mise au pâturage
5.3.3.2 Modèle contrôleur de fauchage
5.3.3.3 Modèle contrôleur de fertilisation
5.3.4 Horloge centrale
5.3.5 Modèle d’exploitation
5.4 Exécution du modèle
5.5 Logiciel prototype PaturMata
5.6 Validation du modèle
5.7 Application aux données du bassin versant du Yar
5.8 Conclusion
IV Conclusion

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