Modélisation multi-échelles de nappes fibrées en compression

Nappes fibrées dans une structure 3D : cadre général

   Les matériaux composés de couches de fibres sont très présents dans l’industie. Ils sont notamment utilisés dans les sports automobiles et dans l’aéronautique, secteurs de pointe dans lesquels le compromis rigidité/poids est très important. Ces composites sont constitués de deux parties : la matrice et des renforts fibrés. Les fibres assurent la solidité et la rigidité du matériau. La matrice, quant à elle, sert uniquement à maintenir les fibres solidaires les unes des autres. Elle est donc souvent choisie peu résistante et assez légère. Un matériau composite est généralement stratifié, c’est à dire que plusieurs couches de fibres (appelées « plis ») sont empilées. Ces plis peuvent être constitués soit de fibres placées toutes dans le même sens (plis unidirectionnels, cf (Grandidier and Potier-Ferry, 1990)), soit d’un tissage de fibres . On considèrera surtout dans cette étude des nappes fibrées qui sont entourées de matrice homogène. Cela peut correspondre à des structures possédant une seule couche de fibres, ou bien à des composites stratifiés dans lesquels les plis sont éloignés les uns des autres. Le travail rapporté dans ce mémoire porte sur la modélisation d’une nappe fibrée noyée dans une structure 3D, dans le cas particulier où :
– le comportement des matériaux est hyperélastique ;
– la structure peut subir de grandes déformations ;
– la matrice est incompressible ;
– l’écartement entre les fibres est constant.

Phénomènes physiques macroscopiques

     Les phénomènes physiques macroscopiques qui ont un rôle important sont mis en valeur par des résultats expérimentaux.
Rigidité dans le sens des fibres Les nappes fibrées présentent un effet orthotrope : les fibres assurant la rigidité du matériau, la nappe sera beaucoup plus résistante en traction et en flexion dans leur direction. Notre modélisation devra prendre en compte cette résistance des fibres en traction et en flexion, alors que la nappe se comportera essentiellement comme une membrane dans la direction normale aux fibres.
Instabilités en compression axiale La résistance des câbles en compression étant très élevée par rapport à celle en flexion, on peut s’attendre en pratique à ce qu’une fibre mise en forte compression présente une instabilité de flambement. Les deux couples purs opposés produisent un moment constant sur la longueur de l’éprouvette. Les matériaux étant supposés élastiques, la courbure est alors elle aussi constante dans l’éprouvette. Cela signifie que la déformée forme un arc de cercle . La lame métallique située sur la surface supérieure est prise très résistante en extension. Ainsi, la fibre neutre de l’éprouvette se situe près de la surface supérieure, et la nappe fibrée située en dessous est alors compressée. Lorsque la courbure augmente, cette compression va finir par provoquer un flambage collectif des câbles dans le plan de la nappe .Ce type d’instabilités est dû au comportement non linéaire de la nappe fibrée, et il est important que notre modèle soit capable de les simuler. Il est en particulier contrôlé par la présence de gomme entre les fibres qui impose un comportement collectif des fibres, modifie le seuil d’instabilité, et pilote le comportement post-flambement.

Flambement numérique

   Pour éviter un verrouillage numérique dû à la faible épaisseur de la nappe renforcée, une solution consiste à supposer que la gomme va subir la totalité du cisaillement, et donc que les fibres vont résister uniquement en extension/compression.  Mais le comportement des fibres en compression est difficile à modéliser. Par exemple, avec des éléments finis classiques, une mise en compresssion axiale peut provoquer un phénomène indésirable , appelé « Flambement numérique ». Le modèle numérique devient instable, avec l’apparition de plis à l’échelle du maillage. Cela engendre deux problèmes :
– les résultats numériques ne sont ni fiables ni exploitables dans la zone de flambage, car la solution numérique calculée y oscille de façon parasite à l’échelle du maillage ;
– l’énergie n’a pas de véritable minimum dans l’espace des déplacements autorisés par la discrétisation par éléments finis. Plusieurs solutions d’énergie voisine coexistent, ce qui conduit à des problèmes de convergence numérique, le code ne sachant pas vers quelle solution bifurquer.

Modélisation en grandes déformations

   La gomme qui compose les nappes étudiées est un matériau élastomère, élaboré en grande partie à base de caoutchouc, mais auquel on peut ajouter 10 à 20 composants différents. Certains sont nécessaires pour la vulcanisation (soufre, oxyde de zinc, …), d’autres permettent d’en accélérer le processus. Certains autres protègent (antioxygènes, …), ramollissent (huiles, graisses, acides gras, …), ou encore colorent le vulcanisat (oxyde de zinc, lithopone, …). Pour faciliter le mélange de ces ingrédients au caoutchouc brut, on peut ajouter une huile de mise en oeuvre. La majorité des caoutchoucs utilisés pour les applications mécaniques contiennent en plus une charge : les charges peuvent améliorer l’élasticité du produit final sans augmenter sa résistance (ce sont alors des produits à base de carbonate de calcium ou de sulface de baryum) ou améliorer la résistance du produit final (noir de carbone, oxyde de zinc, carbonate de magnésium ou différentes argiles). Le noir de carbone, qui reste la principale charge renforçante du caoutchouc, se présente sous la forme de petites particules de carbones mélangées à la gomme naturelle avant vulcanisation. Le caoutchouc est alors un matériau diphasique composé de constituants avec des propriétés mécaniques complètement différentes. Une propriété mécanique particulièrement prisée de ces matériaux est leur remarquable élasticité, due à la structure moléculaire des élastomères. Le caoutchouc peut subir des grandes déformations (éventuellement de plusieurs centaines de pour cent) et revenir ensuite à sa configuration initiale. Il faut également évoquer la quasi incompressibilité de ces matériaux : le module de compressiblité du caoutchouc varie entre 1000 et 2000 MPa, alors que l’ordre de grandeur du module de cisaillement est d’environ 1 MPa. Cette différence signifie que le caoutchouc ne varie guère de volume, même sous de fortes contraintes. Son comportement est ainsi quasi incompressible. (Le lecteur intéressé pourra regarder (Saad, 2003) pour plus de détails sur le comportement des caoutchoucs) La nature complexe de la gomme lui confère des comportements hautement non linéaires. L’objectif de cette sous section est de faire quelques rappels de mécanique des milieux continu, et d’introduire les outils permettant de modéliser ce type de comportement en grandes déformations (cf (Holzapfel,2000)).

Propriétés d’une loi de comportement en grandes déformations

   Maintenant que nous avons décrit les déformations d’un milieu continu, l’autre point capital en mécanique est la notion de contraintes. Elles sont modélisées par un tenseur du second ordre symétrique, noté σ, appelé tenseur des contraintes de Cauchy. Le matériau est élastique si le tenseur des contraintes de Cauchy à l’instant t dépend uniquement de l’état de déformation à ce même instant, ainsi la contrainte ne dépend pas du chemin suivi par la déformation. Par contre, le travail fourni par cette contrainte dépend généralement du chemin suivi. Par contre, un matériau élastique est dit hyperélastique si le tenseur des contraintes dérive d’une fonction d’énergie du matériau. Ceci implique que le travail mis en jeu pour aller d’un état de déformation à un autre ne dépend pas du chemin suivi.

Géométrie d’une cellule élémentaire 2D

   Une cellule élémentaire de gomme (appelée aussi VER), notée Ωeg après adimensionnement par ǫ, correspond à un petit échantillon de gomme à l’échelle d’une fibre autour d’un point macroscopique X2D de la surface de la nappe. Cette cellule est décrite en se plaçant dans le repère orthonormé local(d1,d2,d3) associé à une section de câble, en supposant que :
– d1 (X2D) est la normale à la section du câble ;
– d2 (X2D indique la direction perpendiculaire à la fibre dans le plan de la nappe ;
– d3 (X2D correspond à la normale au plan de la nappe ;
– r (X2D) correspond à la position du centre du câble.
La géométrie du VER sont caractérisées par :
– une largeur e selon d02, qui correspond à l’écartement entre deux fibres après division par le paramètre d’adimensionnement ǫ ;
– une hauteur t selon d03, qui correspond à l’épaisseur dans laquelle les déformations de la gomme sont supposées varier rapidement, après division de cette épaisseur par le paramètre d’adimensionnement ǫ ;
– un trou circulaire de rayon r , qui correspond au rayon d’une fibre après division par le paramètre d’adimensionnement ǫ.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela rapport-gratuit.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

1 Introduction générale 
1.1 Présentation du problème 
1.1.1 Nappes fibrées dans une structure 3D : cadre général
1.1.2 Exemple représentatif : compression sous flexion circulaire
1.2 Mise en évidence des phénomènes importants 
1.2.1 Phénomènes physiques macroscopiques
1.2.2 Phénomènes physiques mésoscopiques
1.2.3 Contraintes numériques
1.3 Enjeux de la modélisation et travaux existants
1.4 Plan de la thèse
I Modélisation macroscopique d’une nappe renforcée 
2 Cinématique et modèle macroscopique 
2.1 Hypothèses et notations utilisées
2.1.1 Géométrie de la nappe fibrée au repos
2.1.2 Modélisation en grandes déformations
2.2 Problématique et modèles existants 
2.3 Modélisation d’une fibre
2.3.1 Cinématique
2.3.2 Mesure des déformations
2.3.3 Modèle énergétique
2.4 Modélisation d’une nappe fibrée
2.4.1 Cinématique
2.4.2 Mesure des déformations des câbles
2.4.3 Modèle énergétique
2.4.4 Formulation variationnelle du problème de nappe isolée
2.5 Méthode de résolution formelle 
2.5.1 Equations d’Euler-Lagrange linéarisées
2.5.2 Projection sur l’espace des directeurs orthonormés
2.5.3 Calcul des multiplicateurs de Lagrange
3 Ecriture formelle et analyse du modèle 
3.1 Verrouillage numérique des structures minces 
3.2 Formulation non linéaire continue 
3.2.1 Problème 2D sous forme asymptotique
3.2.2 Problèmes non linéaires limites
3.3 Résolution par la méthode des éléments finis classique
3.3.1 Problème non linéaire discrétisé
3.3.2 Problème discret linéarisé
3.3.3 Problème linéarisé autour d’une configuration de référence plane
3.3.4 Convergence sur un problème de nappe non inhibée
3.4 Formulation mixte non linéaire
3.4.1 Problème mixte continu
3.4.2 Eléments finis mixtes : cas général
3.4.3 Problème linéarisé
3.4.4 Analyse du problème linéarisé
3.4.5 Convergence uniforme : condition inf-sup
3.4.6 Démonstration de la condition inf-sup pour une nappe plane
3.4.7 Les pistes pour une convergence uniforme plus générale
3.5 Technique de sous-intégration partielle sélective
4 Méthode de résolution et applications numériques 
4.1 Discrétisation par éléments finis
4.1.1 Discrétisation par éléments finis
4.1.2 Restriction cinématique
4.1.3 Problème discret à résoudre
4.2 Méthode de résolution
4.2.1 Equations d’Euler-Lagrange linéarisées
4.2.2 Projection sur l’espace des directeurs orthonormés
4.2.3 Calcul des multiplicateurs de Lagrange
4.2.4 Gestion des conditions aux limites
4.2.5 Algorithme complet
4.3 Comportement asymptotique : tests numériques
4.3.1 Problème en flexion non inhibée : flexion Cantilever
4.3.2 Problème en flexion pure inhibée : nappe bisupportée sous poids propre
4.4 Validation du modèle sur des tests analytiques
4.4.1 Flexion sous effort tranchant
4.4.2 Flambement sous compression axiale
4.5 Compression d’une nappe sour flexion circulaire 
II Modélisation multi-échelles d’une nappe renforcée 
5 Modélisation multi-échelles des composites fibrés – Etat de l’art 
5.1 Principe des méthodes d’homogénéisation
5.2 Approches analytiques
5.2.1 Résultats d’homogénéisation en élasticité linéaire
5.2.2 Homogénéisation analytique en élasticité non linéaire
5.3 Approches numériques
5.3.1 Homogénéisation numérique du premier ordre
5.3.2 Homogénéisation numérique du second ordre
5.4 Conclusions et application sur notre problème de nappe 
6 Modèle multi-échelles par analyse asymptotique 
6.1 Formulation du problème 
6.1.1 Problème mécanique – Décomposition de domaine
6.1.2 Forme des déformations
6.1.3 Modèle énergétique
6.1.4 Equations d’équilibre
6.2 Analyse asymptotique du problème
6.2.1 Développements asymptotiques
6.2.2 Etude de l’ordre 0
6.2.3 Etude de l’ordre 1
6.2.4 Etude de l’ordre 2
6.3 Choix de la stratégie multi-échelles 
6.3.1 Déformations microscopiques dans la gomme
6.3.2 Description macroscopique des câbles
6.3.3 Problème complet à l’échelle globale
6.3.4 Coercivité du modèle
7 Description du problème local 
7.1 Formulation du problème local continu 2D 
7.1.1 Géométrie d’une cellule élémentaire 2D
7.1.2 Contraintes cinématiques
7.1.3 Formulation variationnelle
7.2 Résolution par la méthode des éléments finis 
7.2.1 Discrétisation du problème 3D
7.2.2 Méthode de résolution de Newton
7.3 Calcul des dérivées globales 
7.3.1 Calcul de la dérivée première
7.3.2 Calcul de la dérivée seconde
8 Méthode multi-échelles et applications numériques 
8.1 Méthode multi-échelles pour une matrice incompressible 
8.1.1 Problématique
8.1.2 Gestion de l’incompressibilité
8.1.3 Traitement modifié de la condition d’incompressibilité
8.1.4 Coercivité de l’énergie globale
8.1.5 Problème discret – Diminution du coût des calculs
8.2 Analyse numérique du problème multi-échelles linéarisé
8.2.1 Problème local incompressible
8.2.2 Problème global continu
8.2.3 Problème global discret
8.2.4 Convergence de la méthode
8.3 Applications numériques
8.3.1 Tests sur une nappe cylindrique
8.3.2 Test de flexion circulaire d’une nappe plane
III Analyse de stabilité multi-échelles 
9 Introduction à la stabilité des solides élastiques 
9.1 Motivation : Stabilité de structures industrielles 
9.2 Stabilité d’un équilibre
9.2.1 Equilibre d’un solide hyperélastique
9.2.2 Définition de la stabilité
9.2.3 Analyse de stabilité d’un équilibre
9.3 Courbes d’équilibre et points de bifurcation 
9.3.1 Point de bifurcation
9.3.2 Point limite
9.3.3 Influence des imperfections sur la bifurcation
9.4 Calculs numériques en présence d’instabilités
9.4.1 Méthodes incrémentales
9.4.2 Méthode asymptotique
9.4.3 Contrôle de longueur d’arc
9.5 Analyse de stabilité multi-échelles
10 Etude de flambement d’une nappe en flexion circulaire 
10.1 Présentation du problème 
10.2 Formulation du problème continu 
10.2.1 Calcul de la solution principale
10.2.2 Analyse de stabilité de l’équilibre
10.3 Méthode de résolution à l’échelle locale
10.3.1 Calcul de la solution principale
10.3.2 Calcul numérique des modes propres
10.3.3 Estimation du chargement critique
10.3.4 Description du flambement
10.4 Méthode de résolution à l’échelle globale 
10.4.1 Calcul de la solution principale périodique
10.4.2 Détection de l’apparition du flambement
10.5 Applications numériques 
10.5.1 Description des modèles
10.5.2 Solution principale
10.5.3 Calcul de la première branche de bifurcation
Conclusion générale
Annexes

Rapport PFE, mémoire et thèse PDFTélécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *