Modélisation hybride du frottement local à l’interface outil-copeau

Morphologie des copeaux

   La morphologie du copeau est fortement influencée par les interactions thermomécaniques qui interviennent durant le processus de coupe. L’analyse des modifications structurales dans le copeau permet une estimation des niveaux de température, des contraintes et des déformations atteintes dans les bandes de cisaillement primaire et secondaire. La morphologie du copeau renseigne également sur la stabilité de la coupe et fournit une information capitale sur la nature du contact outil-copeau (contact collant, transitoire, glissant). Selon différents auteurs [2-5], le processus de formation de copeau dépend fortement de :
• la rhéologie du matériau usiné,
• les propriétés thermomécaniques du matériau usiné et de l’outil de coupe,
• la géométrie de l’outil de coupe (brise copeau, rayon d’arête, etc…),
• la nature du contact à l’interface outil-copeau (collant ou glissant)
• la nature de l’opération effectuée (fraisage, tournage, brochage, etc..) et sa stabilité,
• et enfin du type de lubrification utilisé (micro-lubrification [MQL (minimum quantity of lubrification)], lubrification cryogénique, lubrification solide, à sec, etc..).
Généralement, la classification des copeaux peut se faire selon deux échelles différentes : macroscopique (voir Tableau I) et microscopique. Dans le milieu industriel, la morphologie d’un copeau fragmenté est souvent recherchée pour faciliter son évacuation et son traitement. La fragmentation du copeau est aussi synonyme de diminution des efforts et de la puissance de coupe. Contrairement aux copeaux fragmentés, les copeaux continus peuvent compromettre le processus de coupe. L’enroulement d’un copeau sur lui-même ou sur la face de coupe peut accentuer l’usure des outils de coupe en créant un point chaud néfaste à sa tenue et à la qualité de la pièce finie. Ceci se produit souvent dans les opérations de perçage. À l’échelle microscopique les phénomènes thermomécaniques gouvernant la morphologie conduisent à différentes formes de copeaux. Les auteurs M’Saoubi [6], Poulachon [7], Trent et Wright [8], ont tous eu recours à des essais de coupe interrompue afin d’étudier les mécanismes régissant la formation du copeau.

Généralités sur le contact outil-copeau

  À l’interface outil-copeau, on assiste à un chargement thermomécanique extrême et à des mécanismes physico-chimiques très complexes générant l’usure des outils de coupe (diffusion, dissolution, oxydation, adhésion, etc..). L’usure et le frottement ne sont pas des propriétés intrinsèques des matériaux mais plutôt des propriétés d’un système tribologique complet. Plusieurs méthodes expérimentales visant à mesurer, entre autres grandeurs, la température de coupe ont été développées ces dernières années. La complexité des phénomènes thermomécaniques mis en jeu lors de la coupe, les forts gradients thermiques et la faible dimension de la zone de sollicitations rendent ces mesures très difficiles d’accès. Dans les années 1960, les chercheurs se sont attachés à développer des lois empiriques [11] et analytiques pour déterminer avec plus ou moins de précision les différentes grandeurs caractéristiques du contact : pressions, température moyenne, longueur de contact, etc. Plus tard, la modélisation numérique, basée sur la méthode des éléments finis (EF), a permis l’obtention d’un certain nombre de grandeurs peu accessibles actuellement par l’expérience seule, telle que la distribution de la température et des contraintes à l’interface outil-copeau. L’approche numérique a surtout favorisé l’introduction du comportement dynamique du matériau usiné dans la modélisation du processus de coupe. Néanmoins, il reste beaucoup de développement à faire, notamment pour répondre à la problématique du frottement et de la nature du contact. Les lois de frottement souvent utilisées sont (i) la loi de Coulomb (contact glissant), (ii) la loi de Tresca (contact collant) et (iii) les lois de frottement avec limitation de la contrainte de cisaillement. Cette dernière est associée à la description d’un contact collant-glissant à l’interface. Il existe aussi des lois de frottement plus complexes pour décrire un contact avec une succession de contacts collants et glissants (stick-slip).

Problématique du contact collant et glissant à l’interface outil-copeau

   Plusieurs modèles mécaniques ont montré leur efficacité en terme de prédiction des efforts de coupe et d’avance. Cependant, du point de vue de l’usure, ces modèles restent limités car ils ne fournissent aucune description locale du contact et ne permettent pas de couplage entre l’effet de la température et le comportement du matériau. Oxley [13], parmi tant d’autres auteurs, a cherché à obtenir une bonne prédiction de l’angle de cisaillement primaire φ tout en considérant un contact parfaitement collant à l’interface outil-copeau. Les résultats de ces travaux ont permis de déterminer de façon satisfaisante une corrélation en terme d’efforts de coupe et de caractéristiques géométriques du copeau. D’autres auteurs ont considéré un contact glissant et ont, eux aussi, obtenu des résultats cohérents [14-16]. Néanmoins, les dispersions sont plus prononcées quand il s’agit d’identifier des grandeurs régissant le contact à l’interface outil-copeau et, par conséquent, la distribution des contraintes et de la température sur la face de coupe, le niveau du coefficient de frottement local et la nature du contact (collant,glissant ou une combinaison des deux types de contact). En réalité, plusieurs types de contacts peuvent exister simultanément à l’interface outil-copeau. Iqbal et al [17] montrent à la fois expérimentalement et numériquement que le contact outil-copeau est essentiellement décomposé en une partie collante et une autre glissante pour des gammes de vitesse assez élevées. Dans leur démarche, pour des vitesses de coupe de l’ordre de 198 m/min, le contact est parfaitement glissant sans couche de transfert ou d’adhésion à l’interface outil-copeau. Pour des vitesses de coupe de l’ordre de 399 m/min, les contacts collant et glissant sont à parts égales sur la longueur totale de contact, avec la présence d’une couche de transfert significative. Finalement, pour des vitesses de coupe comprises entre 628 879 ≤V ≤ m/min, le contact est à 80% collant et 20% glissant. Il est clair, à partir de cette étude, que la nature du contact varie selon les conditions de coupe utilisées. Cependant, dans une autre étude numérique complémentaire, l’auteur montre l’influence de plusieurs lois de frottement sur la prédiction des efforts de coupe et sur l’angle de cisaillement primaire φ en coupe d’acier pour une large gamme de vitesse de coupe. L’auteur explique que les modèles de frottement qui tiennent compte de la rhéologie du matériau et du type de contact collant et glissant concordent avec les résultats expérimentaux [18].

Intérêts de la modélisation de la coupe oblique 

   Depuis les travaux de Merchant [3], plusieurs modélisations de la formation du copeau en coupe orthogonale ont été développées dans le but de cerner les phénomènes physiques mis en jeu et de déterminer les grandeurs mécaniques, thermiques et géométriques associées aux différentes zones de coupe. Peu de temps après, grâce aux travaux de Colwell [4], la modélisation de la coupe a pu être étendue au cas de la coupe oblique, représentative d’une opération de tournage, en développant l’hypothèse de l’arête équivalente. Cette dernière suppose que la partie active de l’outil de coupe (composée de deux arêtes principales raccordées par un rayon de bec) soit remplacée par une arête équivalente reliant les deux points délimitant l’engagement de l’outil dans la matière. Plus tard, Oxley [5] adapte cette hypothèse et intègre l’effet de la température et de la sensibilité à la déformation et à la vitesse de déformation sur le comportement du matériau usiné pour prédire les efforts de coupe en coupe oblique. La même approche a été également utilisée par Wang et Mathew [6] et Arsecularatne et al. [7] pour prédire les températures de coupe et prévenir le phénomène de l’arête rapportée. Dans la modélisation de la coupe oblique, la prédiction de la direction d’écoulement du copeau sur la face de coupe a été la pierre angulaire de plusieurs études. Cette donnée est primordiale dans la détermination des efforts de coupe. Stabler [8] a considéré que l’angle d’écoulement de la matière ηc est égal à l’angle d’inclinaison de l’arête de coupe λs . Brown et Armarego [9], puis Russel et Brown [10] ont montré l’effet de l’angle de coupe α sur la direction de l’écoulement de la matière (copeau) sur la face de coupe. Luk [11] et Shaw [12] ont, de plus, montré la dépendance de la direction d’écoulement, du comportement du matériau usiné et du coefficient de frottement apparent ou moyenμ Dans ce qui suit, nous présenterons dans un premier temps l’approche analytique de la coupe oblique, puis dans un second temps, une modélisation thermomécanique du contact basée sur une approche hybride (analytique et numérique) en tenant compte de l’aspect collant glissant à l’interface outilcopeau. Cela permettra d’accéder aux différents paramètres tribologiques (températures, contraintes, vitesses, déformations et vitesses de déformations) considérés comme les précurseurs des phénomènes d’usure des outils de coupe.

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE I : ETAT DE L’ART ET PROBLEMATIQUE DU CONTACT OUTILCOPEAU EN USINAGE
INTRODUCTION
I. GENERALITES SUR LE PROCESSUS DE FORMATION DU COPEAU EN USINAGE 
I.1. DESCRIPTION DE LA FORMATION DU COPEAU ET DU CHARGEMENT THERMOMECANIQUE
I.2. MORPHOLOGIE DES COPEAUX
II. PHENOMENES PHYSIQUES REGISSANT LE CONTACT OUTIL-COPEAU
II.1. GENERALITES SUR LE CONTACT OUTIL-COPEAU
II.2. PROBLEMATIQUE DU CONTACT COLLANT ET GLISSANT A L’INTERFACE OUTIL-COPEAU
II.3. CONCLUSION INTERMEDIAIRE
III. MODELISATION DU FROTTEMENT
III.1. LOIS DE FROTTEMENT GENERALES
III.2. LOIS DE FROTTEMENT DEVELOPPEES POUR L’USINAGE
III.3. ANALYSE LOCALE DE L’INTERFACE OUTIL-COPEAU
IV. CARACTERISATION EXPERIMENTALE DU CONTACT OUTIL-COPEAU EN USINAGE
IV.1. IDENTIFICATION DU CONTACT A PARTIR DES MESURES EXPERIMENTALES DES NIVEAUX DE CONTRAINTE A L’INTERFACE : OUTILS COUPES, OUTILS A DIFFERENTES LONGUEURS DE CONTACT IMPOSEES, OUTILS PHOTOELASTIQUES
IV.2. CARACTERISATION DU CONTACT A PARTIR DE L’OBSERVATION DE LA ZONE DE CONTACT : MICROSCOPIE OPTIQUE, MICROSCOPE ELECTRONIQUE A BALAYAGE (MEB), PROFILOMETRE OPTIQUE, ANALYSE CHIMIQUE PAR SPECTROSCOPIE, CAMERA VIDEO, ETC
CONCLUSION
REFERENCES DU CHAPITRE I
CHAPITRE II : APPROCHE THERMOMECANIQUE DE L’USINAGE ET MODELISATION HYBRIDE DE L’INTERFACE OUTIL-COPEAU
INTRODUCTION
I. INTERETS DE LA MODELISATION DE LA COUPE OBLIQUE
II. APPROCHE ANALYTIQUE DU MODELE DE LA COUPE OBLIQUE
II.1. MODELISATION DE L’ECOULEMENT THERMOMECANIQUE DANS LA BANDE PRIMAIRE DE CISAILLEMENT (BPC) : APPROCHE UNIDIMENSIONNELLE
II.2. EQUILIBRE DU COPEAU ISOLE A PARTIR DE LA SORTIE DE LA BPC ET CALCUL DES EFFORTS DE COUPE
III. MODELISATION THERMOMECANIQUE DE L’INTERFACE OUTIL-COPEAU ET PRISE EN COMPTE DE L’ASPECT COLLANT GLISSANT DU CONTACT
CONCLUSION
REFERENCES DU CHAPITRE II
CHAPITRE III : ETUDE EXPERIMENTALE ET VALIDATION DU MODELE HYBRIDE
INTRODUCTION
I. ETUDE EXPERIMENTALE : USINAGE A SEC DE L’ALLIAGE DE TITANE AERONAUTIQUE TI6AL4V 
I.1. PRESENTATION DU DISPOSITIF D’ESSAI EN COUPE ORTHOGONALE
I.2. PRESENTATION DES DIFFERENTS MOYENS DE MESURE UTILISES
I.3. ANALYSE METALLURGIQUE DE L’ALLIAGE DE TITANE AERONAUTIQUE TI6AL4V
II. PRESENTATION DES RESULTATS EXPERIMENTAUX
II.1. ANALYSE DE LA MORPHOLOGIE DES COPEAUX OBTENUS
II.2. ANALYSE METALLURGIQUE DES COPEAUX OBTENUS
II.3. ANALYSE DE LA SURFACE DE CONTACT OUTIL-COPEAU
III. VALIDATION EXPERIMENTALE DU MODELE HYBRIDE
III.1. IDENTIFICATION DE LA LOI DE COMPORTEMENT POUR L’ALLIAGE TI6AL4V POUR L’APPLICATION DU MODELE HYBRIDE
III.2. APPLICATION DU MODELE A L’USINAGE DE L’ALLIAGE DE TITANE
III.3. EVOLUTION DES PARAMETRES TRIBOLOGIQUES A L’INTERFACE OUTIL-COPEAU : PRESSIONS, CONTRAINTES MECANIQUES ET TEMPERATURE A L’INTERFACE
III.4. APPLICATION A L’ACIER AISI 1050
CONCLUSION
REFERENCES DU CHAPITRE III
CHAPITRE IV : ETUDE PARAMETRIQUE DU MODELE HYBRIDE
INTRODUCTION
I. PRESENTATION DU MATERIAU UTILISE DANS L’ETUDE PARAMETRIQUE
II. ETUDE PARAMETRIQUE DU MODELE HYBRIDE DE LA COUPE
II.1. INFLUENCE DE LA ZONE DE CONTACT COLLANT SUR LA DISTRIBUTION DE LA TEMPERATURE A L’INTERFACE ET SUR LE COEFFICIENT DE FROTTEMENT LOCAL Tint f μ
II.2. EFFET DU FROTTEMENT APPARENT μ ET DE L’AVANCE f SUR LA NATURE DU CONTACT OUTIL-COPEAU ET SUR LA REPARTITION DES PARAMETRES TRIBOLOGIQUES A L’INTERFACE
II.3. EFFET DE LA VITESSE DE COUPE V ET DE L’ANGLE DE COUPE SUR LA REPARTITION DES PARAMETRES TRIBOLOGIQUES DANS LE CONTACT
II.4. UTILISATION DE LA LOI DE ZVORYKIN ET ETUDE DE L’EFFET DE L’ANGLE DE CISAILLEMENT PRIMAIRE φ SUR LA REPARTITION DES PARAMETRES TRIBOLOGIQUES DANS LE CONTACT
II.5. EFFET DE LA DISTRIBUTION DE LA CONTRAINTE NORMALE A TRAVERS LE COEFFICIENT ξ
II.6. EFFET DE L’EPAISSEUR DE LA ZONE DE CISAILLEMENT SECONDAIRE
III. ASPECT MATERIAU ET DISTRIBUTION DES PARAMETRES TRIBOLOGIQUES DANS LE CONTACT OUTIL-COPEAU
III.1. ETUDE DE L’EFFET DU COEFFICIENT D’ADOUCISSEMENT THERMIQUE υ
III.2. ETUDE DE L’EFFET DU COEFFICIENT DE SENSIBILITE A LA VITESSE DE DEFORMATION
III.3. ETUDE DE L’EFFET DU COEFFICIENT DE SENSIBILITE A LA DEFORMATION
III.4. ETUDE DE L’EFFET DE LA CONDUCTIVITE THERMIQUE DU MATERIAU SUR LA NATURE DU CONTACT
CONCLUSION
REFERENCES DU CHAPITRE IV
CONCLUSION GENERALE ET PERSPECTIVES
ANNEXE I

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