Modélisation et validation d’indices biomécaniques de capacité de génération de force du membre supérieur

Le système neuro-musculosquelettique du membre supérieur est un ensemble complexe comportant de nombreux éléments : os, tendons, ligaments, muscles, nerfs … Les articulations reliant les segments ont de nombreuses mobilités et divers capteurs permettent un rétrocontrôle sur les actions décidées par le système nerveux central. Tous ces éléments sont coordonnés lors de la réalisation de mouvements (Bernstein, 1967). De plus, une tâche motrice implique l’application d’une force fonctionnelle sur l’environnement qui va varier en amplitude et en direction en fonction de la posture adoptée par l’individu, de ses caractéristiques musculosquelettiques et de la direction d’application (Jan Nijhof et Gabriel, 2006). Évaluer l’aptitude à générer un effort est nécessaire pour améliorer la compréhension des choix réalisés par le système nerveux et caractériser les mécanismes de la performance et de la formation des troubles musculosquelettiques.

La force comme indicateur de capacité

L’application d’une force sur l’environnement commence par le recrutement des unités musculo-tendineuses (UMT). Les composantes contractiles vont générer une force transmise au segment via par le tendon du muscle. L’ensemble des forces musculaires et leur bras de levier par rapport au centre d’une articulation sera à l’origine des couples articulaires. Transmis via la chaine cinématique, ces derniers permettront à leur tour de générer une force à l’extrémité de la chaîne et ainsi agir sur l’environnement.

In vivo, il est très difficile de mesurer directement les forces développées par les UMT, (Komi, 1990; Komi et al., 1987), car il est nécessaire de placer un transducteur entre le tendon et l’os au moyen d’une intervention chirurgicale, ce qui est inenvisageable dans la plupart des études. La connaissance des forces générées est pourtant importante pour comprendre comment un individu coordonne ses segments corporels afin de réaliser une tâche. Une solution consiste alors à mesurer la résultante des forces produites par les UMT à l’extrémité d’une chaine de segments corporels comme la main ou le pied au moyen de capteurs. En biomécanique, ils sont généralement inclus dans des plateformes posées sur le sol ou intégrés dans des tapis de marche (Ghoussayni et al., 2004; Hreljac et Marshall, 2000; Kiss, 2010), intégrés à une poignée pour la mesure des forces du membre supérieur au niveau de la main (Jan Nijhof et Gabriel, 2006; Sasaki et al., 2010) ou embarqués dans des roues instrumentées équipant les vélos à bras et les fauteuils roulants (Jacquier-Bret et al., 2013; Sasaki et al., 2010; van der Woude et al., 2009). Les mesures ainsi réalisées permettent d’obtenir des informations sur les efforts dans une seule direction à la fois.

L’amplitude de la force produite par un individu varie en fonction de la posture adoptée et de la direction d’application (Jan Nijhof et Gabriel, 2006; Oshima et al., 2000). De ce fait, la construction d’une représentation globale des CGF, c’est-à-dire pour un ensemble de directions, nécessite alors la multiplication des mesures ce qui s’avère être complexe et chronophage.

Différentes études considérant le membre supérieur ont montré que le pattern des forces qu’il est possible d’exercer en condition isométrique au niveau de la main présente une distribution anisotropique. Dans l’étude de Rohmert (1966), des mesures de force au niveau de la main ont été effectuées en faisant varier l’angle d’élévation du bras par rapport à l’horizontale (30, 0, -30 et -60°), la distance ainsi que la direction d’application de la force . Les résultats montrent des variations importantes en fonction des paramètres considérés.

Les forces générées au niveau de la main sont également influencées par la position du tronc ainsi que des membres inférieurs. En effet, il a été observé que, lorsque le point d’application de la force au niveau de la main est situé au-dessus du pied, l’effort le plus important est orienté vers le haut et vers l’arrière. Par contre, dans le cas où le pied est placé plus en arrière, la force la plus importante est orientée vers l’avant et vers le bas (Pheasant et Grieve, 1981; Pheasant et al., 1982). Les muscles du tronc et des membres inférieurs influencent donc la production de force générée au niveau du membre supérieur. Ces données sont similaires à celles obtenues dans une étude de Abel et Frank (1991) portant sur l’activité de poussée d’un fauteuil roulant avec différentes hauteurs de poignée. La direction de la force mesurée présente un angle avec l’horizontal vers le bas, approximativement alignée avec une ligne passant entre la main et l’épaule. Dans ce même cadre, l’étude de de Looze et al. (2000) a montré que la hauteur du point d’application des efforts sur un chariot affectait la direction de la force appliquée et les couples articulaires générés à l’épaule et au bas du dos.

De la nécessité d’une modélisation

Comme nous l’avons vu précédemment, il est difficile de généraliser la prédiction des forces produites par le membre supérieur à partir de mesures. La nécessité d’une modélisation biomécanique pour caractériser une tâche et les capacités de l’individu est pourtant pertinente et importante (Jacquier-Bret et al., 2013; Sasaki et al., 2010; Tanaka et al., 2006; Tanaka et al., 2005). Par ce moyen, on peut envisager d’identifier les compromis réalisés par le système musculosquelettique et aider à fournir des explications sur le comportement moteur d’un individu.

Au travers d’outils de modélisation, estimer à priori les CGF est important pour aider, par exemple, à la conception d’un poste de travail notamment dans le cas de tâches intensives et/ou répétitives. Cette estimation doit être considérée afin de réduire l’inconfort, la fatigue et les risques d’apparition des TMS du membre supérieur. On peut également envisager des applications relatives à l’évaluation d’un patient en milieu clinique avant, pendant et après sa phase de rééducation.

Afin d’éviter les inconvénients d’une approche liée uniquement à des mesures, le développement d’outils de modélisation des CGF permettra de généraliser les prédictions à des situations non observées directement. Ces outils devront permettre d’estimer les efforts qui peuvent être appliqués sur l’environnement en respectant les caractéristiques mises en évidence à l’issue de la revue de littérature du chapitre précédent, c’est-à-dire l’anisotropie et la dépendance vis-à-vis de la posture. Les outils proposés devront permettre de représenter visuellement les CGF sous une forme graphique 3D facilement interprétable pour des nonspécialistes (Komura et al., 1999).

Plusieurs propriétés de la distribution des forces sont pertinentes afin de caractériser une tâche. L’axe principal indique la direction dans laquelle les forces maximales les plus importantes peuvent être exercées. De plus, les couples articulaires nécessaires seront minimisés si une force sous-maximale d’amplitude donnée est exercée selon la direction de l’axe principal de la représentation 3D des CGF. La force maximale isométrique, toutes directions confondues, est aussi un indicateur pertinent des capacités musculaires du sujet. Enfin, des informations sur la forme de la représentation graphique des CGF caractérisent la capacité de l’opérateur à exercer des efforts maximaux plus ou moins équivalents selon les directions.

Dans le cadre d’applications en ergonomie ou en rééducation pour lesquelles la caractérisation des forces appliquées et/ou subies par l’environnement revêt une importance fondamentale, les outils de prédiction des CGF sont ainsi pleinement justifiés. Le nombre important de domaines d’applications potentiels que nous détaillons dans la suite de ce paragraphe en est la preuve.

Dans l’industrie, de nombreuses tâches sont physiquement intenses et/ou répétitives et présentent un risque important de développement de TMS (Ambrosio et al., 2005; Cooper, 1998; Koontz et al., 2004). Certaines normes ergonomiques existent et proposent des recommandations dans le but de les réduire. Ces dernières portent notamment sur la posture et la nécessité d’éviter des configurations angulaires extrêmes (Hignett et McAtamney, 2000; McAtamney et Nigel Corlett, 1993), la répétitivité des tâches (Armstrong et al., 1986) ou encore les vibrations (WSDLI). L’intégration de données portant sur les CGF pourrait encore améliorer ces consignes de prévention en prenant en compte les forces exercées. Par exemple, lors de la conception d’un poste de travail, déterminer a priori le placement optimal de l’opérateur en lien avec ses capacités (de Looze et al., 2000; Tanaka et al., 2005). En effet, un poste de travail mal conçu et contraignant peut alors engendrer des coûts importants par une réduction de la productivité ou des arrêts de travail. Cette constatation est d’autant plus vraie si on considère des sujets atteints d’une déficience. Alors, évaluer la différence entre les capacités de l’opérateur et l’effort à fournir pourrait aider à la conception d’un poste de travail adapté. En ergonomie, on retrouve le développement du modèle 3DSSPP (Michigan Threedimensional Static Strength Prediction Program) développé par Chaffin (1997). Cet outil est conceptualisé sur l’utilisation des limites de production de couple articulaires comme une contrainte sur la capacité à générer un effort en fonction de la posture. Ce modèle détermine si pour une posture et un effort donné, la tâche est réalisable ou non en fonction des limites. Bien qu’intéressants, les informations obtenues ne permettent pas une vue d’ensemble des CGF et sont rarement spécifiques au sujet, car basé sur des données de population (Chaffin et al., 2006).

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Table des matières

Remerciements
Sommaire
Liste des figures
Liste des tableaux
Introduction générale
Chapitre I : État de l’art
I. Introduction
II. La force comme indicateur de capacité
III. De la nécessité d’une modélisation
IV. Modèles de capacité de génération de force
IV.1. Modèles articulaires
IV.1.A. Manipulabilité
IV.1.B. Ellipsoïdes et polytopes de force
IV.1.C. Modèle normalisé
IV.1.D. Modèles basés sur des mesures de couples articulaires
IV.1.E. Utilisation des modèles articulaires
IV.1.F. Limites identifiées des modèles articulaires
IV.2. Modèles musculosquelettiques
IV.2.A. Du recrutement des UMT au CGF
IV.2.A. Utilisation des modèles musculosquelettiques
IV.3. De la déficience musculaire aux CGF
IV.4. Synthèse
V. Application des CGF à la propulsion en fauteuil roulant manuel
V.1. Cycle de propulsion
V.2. Caractéristiques des efforts appliqués lors de la propulsion
V.3. Synthèse
VI. Conclusion
Chapitre II : Modélisation des indices de CGF de type articulaire
I. Introduction
II. Rappel d’anatomie du membre supérieur
III. Mesure de la posture du membre supérieur
IV. Calcul des angles articulaires dans le cas de postures statiques
V. Détermination des centres articulaires
V.1. Méthodes prédictives
V.2. Méthodes fonctionnelles
VI. Modèle biomécanique retenu
VI.1. Positionnement des marqueurs
VI.2. Définition des repères
VI.3. Paramètres de Denavit-Hartenberg
VI.4. Matrice Jacobienne d’une chaine cinématique
VII. Mesure des couples articulaires
VII.1. Principe de mesures d’un dynamomètre
VII.2. Erreurs de mesures
VII.2.A. Couple articulaire dû aux forces gravitationnelles
VII.2.B. Couple articulaire dû aux effets inertiels
VII.2.C. Couple articulaire dû aux décalages des axes
VII.3. Compensation des erreurs de mesure dues au décalage des axes
VIII. Modèles articulaires de prédiction des CGF
VIII.1. Ellipsoïdes de forces
VIII.2. Polytope de force
VIII.2.A. Méthode géométrique de Sasaki et al, 2011
VIII.2.B. Méthode de Chiacchio et al, 1997
VIII.3. Indices de caractérisation des ellipsoïdes
VIII.4. Indices de représentation des polytopes
IX. Conclusion
Chapitre III : Évaluation des CGF à partir des modèles articulaires
I. Introduction
II. Matériels et méthodes
II.1. Sujets
II.2. Matériels
II.2.A. Présentation du BIODEX
II.2.B. Présentation du système AMTI
II.2.C. Présentation du système optoélectronique
II.3. Protocole expérimental
II.3.A. Mesure de forces
II.3.B. Mesure des couples articulaires
II.3.C. Détermination des centres articulaires
II.4. Traitement des données
II.4.A. Cinématique
II.4.B. Estimation et correction des couples articulaires
II.4.C. Mesures de forces
II.5. Modélisation des ellipsoïdes et polytopes
II.6. Analyses statistiques
III. Résultats
III.1. Couples articulaires maximaux
III.2. Angles articulaires
III.3. Isotropie
III.4. Volumes
III.5. Force maximale
III.6. Angles entre les axes préférentiels
III.7. Erreurs globales entre le PFM et les modèles de CGF
IV. Discussion
IV.1. Couples articulaires maximaux isométriques
IV.2. Ellipsoïdes et polytopes
IV.3. Limites et perspective
V. Conclusion
Chapitre IV : Évaluation des CGF à l’aide d’un modèle musculosquelettique
I. Introduction
II. Matériels et méthodes
II.1. Sujets
II.2. Calcul du PFMS
II.2.A. Cinématique inverse
II.2.B. Unité musculo-tendineuse
II.2.C. Mise à l’échelle de la force maximale isométrique
II.2.D. Bras de levier des UMT
II.2.E. Couples articulaires produits par les UMT
II.2.F. Calcul du PFMS
II.3. Protocole expérimental
II.4. Analyses statistiques
III. Résultats
III.1. Angles
III.2. Validation de la méthode de calcul
III.3. Paramètres des polytopes
IV. Discussion
V. Conclusion
Conclusion générale

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